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TABAC EN ALGÉRIE : TABAC OU CULTURES ALTERNATIVES

2.2 Coût d’opportunité de la culture du tabac par rapport à certains légumes

Grâce à un climat généreux et des plaines fertiles, l’Algérie était pendant de nombreuses années, le grenier qui pourvoyait l’Europe en blé dur, en fruits et en légumes frais. Au début des années vingt, pommes de terre, artichauts, haricots verts, tomates, abricots, oranges, etc. étaient déchargés quotidiennement dans les aéroports des villes européennes. À cette époque et jusqu’à aujourd’hui encore, les fruits et légumes proviennent essentiellement des plaines littorales du Nord de l’Algérie (Skikda, les plaines du Cheliff, Sidi Bel-Abbès, Mostaganem). Les productions maraichères se développent toutefois, dans le sud algérien (régions de Biskra, Ouargla, El-Oued, Adrar…).

De 1981 à 1992, la consommation de légumes frais a presque doublé, passant de 73,1 à 135,5 kg/hab./an. La pomme de terre et la tomate constituent près de 50% de la consommation des légumes frais. La part des autres légumes reste faible : 0,5 kg/hab./an pour l’ail ; 1 kg pour l’aubergine ; 4 kg pour le poivron ; 10 kg pour l’oignon. La consommation des légumes frais a stagné entre 1985 et 1988 à cause de la forte réduction des importations de pommes de terre (INESG, 1989 cité par Baci, 1995). Mais à partir des années 2000, cette consommation a beaucoup augmenté en Algérie à la suite de l’essor démographique et de la relative amélioration des niveaux de vie. Suivant ce rythme, la production a progressé et le secteur des légumes frais enregistre un taux élevé d’autosuffisance estimé à 90% pour les années 2000 et 2010, soit le plus haut niveau pour les produits agricoles et alimentaires. En 2000, la production moyenne des légumes était de 3,5 millions de tonnes. De 6 millions de tonnes en 2005, elle est passée en 2012 à 10,5 millions de tonnes, dont plus de 4 millions de tonnes de pommes de terre (la production a excédé les 5 millions de tonnes en 2013), 1,1 millions de tonnes d’oignons et près de 0,8 million de tonnes de tomates (Agroligne, 2015). Néanmoins, la production de légumes transformés en conserves ou surgelés, notamment l’industrie du concentré de tomates7 mais aussi les confitureries, les compotes, jusqu’aux

7 La tomate est le second produit maraîcher par la place qu’elle occupe dans les habitudes alimentaires en Algérie. Dans le secteur des concentrés de tomates et de la production de sauces rouges plus élaborées (Ketchup, harissa, etc.), l’Algérie dépendait beaucoup des importations et reconditionnait des concentrés importés majoritairement de Chine.

0 50000 100000 150000 200000 250000 300000 350000 400000 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Blé dur Blé tendre Orge Lentille Pois secs Maïs

La culture du tabac en Algérie : un coût d’opportunité important sur le développement durable 71

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premières salades 4ème gamme, etc. dépendent aujourd’hui exclusivement des importations (CNIS des Douanes, 2016).

En 2001, la superficie consacrée à la culture du tabac avait baissé de 2,32% par rapport à l’année précédente. Malgré ce recul, la production du tabac brut augmentait de 8,71% en raison de l’amélioration des rendements. Selon les données du Ministère de l’Agriculture en 2001, l’Algérie dispose d’opportunités de sacrifier la culture du tabac pour d’autres cultures de rapport et de meilleurs rendements, à l’exemple d’oignons (141,4 q/ha), de carottes (135,77 q/ha) ou de courgettes (109,28 q/ha). Si les terres de la culture du tabac avaient été redirigées, on aurait pu obtenir 891 000 q d’oignons, 316 000 q d’abricots, 856 000 q de carottes ou 689 000 q de courgettes.

La superficie consacrée à la culture du tabac ne cesse de baisser passant de 6 450 ha en 2000 à 5 360 ha en 2003 (-17% en trois ans). En conséquence, la production a diminué de 20,68%. Malgré cette baisse, le coût d’opportunité de la culture du tabac par rapport aux autres cultures n’est pas moins important : au lieu de la culture du tabac, l’État aurait pu produire jusqu’à 750 000 q de courgettes (une augmentation de 5,11% par rapport à 2000).

En 2004, si la superficie de la culture du tabac avait été consacrée à la pomme de terre, il en aurait été produit 1,2 millions q (pouvant assurer 300 000 kg sur les marchés chaque jour pendant une année de ce produit de base et de large consommation en Algérie), ou 400 000 q de lentilles (1,2 kg par personne et par an), ou 1,5 millions q de tomates (5 kg/hab./an). En 2005, la substitution de la culture du tabac par les oignons aurait pu assurer une production de 1 million q (pouvant assurer 250 000 kg sur les marchés chaque jour pendant une année ou 3 kg/hab./an), et épargner 3,3 millions USD d’importations.

En 2008, la superficie consacrée à la culture du tabac a augmenté de 22,27% par rapport à l’an 2007, le rendement de 3% et la production de 5,48%. Cette tabaculture a privé l’État de l’opportunité de produire 1 million q de pommes de terre. En 2009, l’État aurait évité la facture d’importation des 33 000 q d’oignons qui s’élève à 710 000 USD, ou celle des 640 q de haricots verts d’une valeur de 30 000 USD. En 2010, la substitution de la culture des tomates à celle du tabac aurait dû faire gagner à l’économie algérienne 1,4 millions q de tomates.

En 2013, à la place de la culture du tabac, l’économie nationale aurait pu produire 1,3 millions q de pommes de terre (pouvant assurer 340 000 kg sur les marchés chaque jour pendant une année), 1,1 millions q d’oignons (pouvant assurer 310 000 kg sur les marchés chaque jour pendant une année), ou encore de 1,4 millions q de concombres (dont l’exportation aurait fait rentrer 59 millions USD de réserves de change).

Le gouvernement algérien a promu un nouveau modèle de croissance de l’agriculture depuis 2015. L’objectif est de réduire de plus de 30% la facture des importations alimentaires par substitution (poudre de lait, céréales, semence de pomme de terre, viande bovine et tomate industrielle). La substitution de la culture des légumes à celle du tabac ne s’inscrit-elle pas parfaitement dans cette perspective ?

Figure 3 : Coût d’opportunité de la culture du tabac en Algérie par rapport à certains légumes frais de 2000 à 2015 (en q)

Source : calculs réalisés par nos soins. 0 500000 1000000 1500000 2000000 2500000 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Pomme de terre Tomate Oignon Concombre Carotte Piment Poivron

72 Nabila KENDI, Younes HIDRA et Nouara KAID-TLILANE

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