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Formulations faibles et distributions

6.1.1 Notion de distributions

SoitΩun ouvert deRn. Dans les formulations faibles des équations différentielles interviennent les intégralesR f(x)φ(x)dΩoùφ(x)est dans un ensemble de fonctions “tests”. Ces intégrales ont souvent un sens physique, par exemple sif(x)est une densité de forces, et siφ(x)est un champ de déplacements, l’intégrale représente un travail. Plus précisément on peut considérer qu’une densité de force f(x) définit une forme linéaireR f(x)φ(x)dΩsur l’espace des déplacements, forme li-néaire qui est un travail. Ces intégrales représentent des grandeurs physiques globales (des énergies par exemple), mieux définies que les valeurs ponctuelles des fonctions. Lathéorie des distributions redéfinit les notions de densité de forces ou de charges par les formes linéaires qui leur sont associées, ce qui permet de définir, non seulement les densités associées à des fonctions, mais encore des densi-tés associées à des charges ponctuelles ou linéïques comme il est d’usage de le faire en physique. On associe donc à une fonction intégrablef(x)∈ L1(Ω)la forme linéaire

< Tf, φ >=

Z

f(x)φ(x)dΩ

Il reste à préciser l’espace des fonctions tests qui peut varier selon les applications. Pour définir les formulations faibles de problèmes différentiels du second ordre nous avons utilisé les fonctionsC1 ou C2 nulles sur le bord. Pour étudier des problèmes différentiels quelconques on considère des fonctionsC, pour traiter des dérivées d’ordre quelconque, età support compactpour que toutes les intégrales soient définies. Pour étudier des fonctions périodiques on considère des fonctions testsC et périodiques.

6.1.2 Distributions surR

Définitions élémentaires

On définit de façon analogue les distributions sur un ouvert deRn.

Définition 34 Soit Ω un intervalle ouvert de R. Nous utiliserons les espaces des fonctions tests

suivants

D(Ω) ={φ∈C(Ω)/∃a, b∈Ω supp(φ)⊂[a, b]} D(T) ={φ∈C(R)/ φ(x)est périodique de période 2π} On munit l’espaceD(Ω)de la notion de convergence suivante

lim

n φn=φ⇔ ∃a, b∈Ω/ supp(φn)⊂[a, b]et∀k φ(k)

n →φ(k)

où la convergence est prise au sens de la convergence uniforme etφ(nk)est la dérivée d’ordrekdeφn. On définit de même la convergence dansD(T)

φn→φ⇔ ∀k φ(k)

n →φ(k)

Définition 35 L’espace des distributionsD0(Ω)(resp.l’espace des distributions périodiquesD0(T)) est l’ensemble des formes linéaires continues surD(Ω)(resp.D(T)) .

Dans ce qui suit, pour simplifier les notations, nous nous limitons aux distributions surR, mais l’ex-tension à un intervalle quelconque est immédiate..

Exemples

Une fonction continuef(x)∈C(R)définit de manière unique1une distribution < Tf, φ >=

Z +∞ −∞

f(x)φ(x)dx

Une fonction localement intégrable (au sens de Lebesgue) définit de même une distribution mais deux fonctions qui sont égales presque partout définissent la même distribution.

On appelledistribution de Diracau pointala distribution < δa, φ >=φ(a)

Siφ représente un déplacement,< δa, φ >= φ(a) est le travail d’une force ponctuelle d’intensité 1placée au pointa; nous verrons ci-dessous qu’une distribution de Dirac donne une représentation mathématique cohérente de la notion de force ponctuelle, charge ponctuelle....

Nous ne décrirons pas les distributions générales, celles que nous considérerons par la suite seront ou bien des fonctions ou bien des distributions de Dirac. Les distributions sont des objets plus généraux que les fonctions auxquels nous allons étendre quelques notions usuelles pour les fonctions.

1

Car∀φ∈ D(R), R+∞

Valeur en un point

Soit ψn une suite2 de fonctions C, positives, d’intégrale 1, nulles en dehors de l’intervalle [a− 1

n, a+n1].

Pour les lecteurs que la perte des valeurs (des fonctions) angoissent, notons que sif(x)∈C(R)on a f(a) = lim

n

Z +∞ −∞

f(x)ψn(x)dx

On peut donc définir par extension la valeur enad’une distribution par la formule T(a) = lim

n < T, ψn>

S’il existe une fonction associée à la distribution, on retrouve ses valeurs par cette formule. On peut vérifier que cette expression donne la valeur0à la distribution de Dirac en tous points différents dea. Le problème est que :

1) cette limite n’existe pas toujours.

2) ces valeurs ne caractérisent pas toujours la distribution comme on le voit pour la distribution de Dirac, car une fonction nulle sauf en un point définit des intégrales nulles.

Dérivée d’une distribution

On vérifie par intégration par partie que sif ∈C1(R) < Tf0, φ >=−< Tf, φ0>

On définit donc par extension la dérivée d’une distributionT par la formule < T0, φ >=−< T, φ0(x)>

Que sont les distributions dérivées de fonctions non dérivables ? Il y a des cas compliqués, mais − Sif(x)est continue etC1par morceaux on aura(Tf)0 =Tf0où nous notonsf0une fonction égale à la dérivée quand elle est définie et quelconque ailleurs, l’indétermination n’ayant pas d’effet sur la distribution associée (le vérifier par intégration par parties).

− Si H est la fonction d’Heaviside (H(x) = 0 si x < 0 et H(x) = 1 si x ≥ 0) on vérifie immédiatement

(TH)00

On vérifie plus généralement que si f(x) est une fonctionC1 sauf aux points xi où la fonction admet une limite à gauche et à droite, on a

(Tf)0 =Tf0 +X i

(f(x+i )−f(xi ))δxi (le vérifier par intégration par parties).

2Pour construire une telle suite, on définit d’abordΨ(x)parΨ(x) = exp 1/(1−x2)2 sur[−1,1]et0ailleurs (on montre queΨ(x)∈C+∞

([R])), puisφ(x) = Ψ(x)/R

Convergence des distributions

Définition 36 SoitTn, T ∈ D0(R), on dit que

Tn→T ⇔ ∀φ∈ D(R) < Tn, φ >→< T, φ >

Une conséquence immédiate de cette définition est que la dérivée est une opération continue :

Proposition 50 La dérivation des distributions est continue par rapport à la convergence au sens des distributions

SiTn→T alors (Tn)0→T0

La distribution de Dirac est la limite (au sens des distributions) d’une densité de charge de résultante 1qui se concentre au pointa.

Proposition 51 Siψnest une suite de fonctions positives, d’intégrale1, nulles en dehors de l’inter-valle[a− 1 n, a+n1]on a ∀φ∈ D(R) lim n Z +∞ −∞ ψn(x)φ(x)dx=φ(a)

c’est à dire queTψn →δa

La convergence, prise au sens des distributions, d’une suite de fonctions est une convergence “en moyenne” .

Extension

Il est possible de définir sur les distributions, par extension, diverses notions usuelles pour une fonction comme “être positive” (∀φ≥0∈ D(R) < T, φ >≥0), ou bien la translatéeθh(T)d’une distribution (∀φ≥0∈ D(R) < θh(T), φ >=< T, θ−h(φ) >)... Le principe général est de traduire une notion usuelle pour les fonctions en termes de propriétés de la forme linéaireR−∞+f(x)φ(x)dx puis d’étendre la définition.

Noter que nous n’avons pas défini le produit de deux distributions : on montre qu’il n’y a pas de définition cohérente d’une multiplication continue qui prolongerait la notion de produit de deux fonc-tions.

Applications élémentaires

it Équations différentielles avec des charges concentrées

La position d’équilibreu(x)d’une corde tendue de longueur Lsous l’effet d’une densité de force f(x)est solution du problème aux limites

−u00(x) =f(x)

Si on applique une force concentréeF au point d’abscissea, la position d’équilibreua(x)a la forme d’une corde pincée. Par passage à la limite en considérant une densitéf(x)de résultanteF qui tend vers une charge concentréeF on voit queuadoit vérifieru(a) =u(L) = 0et

−(Tua)00=F δa

On vérifie facilement qu’une solution de l’équation (en fait la seule) est la distributionTuaassociée à

la fonction     ua(x) = F L(La)x xa ua(x) = F La(Lx) xa (6.2)

L’usage est de dire queuaestsolution au sens des distributionsde l’équation −ua00=F δa

it Convergence des séries de Fourier

Rappelons que siu(x)est une fonctionC1de période2πsa série de Fourier converge uniformément versu(x), en particulier siφ∈ D(T)la série de Fourier deφconverge uniformément versφ, et que cela est faux en général pour une fonction moins régulière.

Mais dans le cadre des distributions on a le résultat général :

Proposition 52 Soitf(x)une fonction localement intégrable2π-périodique. La série de Fourier de f converge versf au sens des distributions

Preuve

On noteSn(f)la somme desnpremiers termes de la série de Fourier def. Vérifier que

Z 0 Sn(f)(x)φ(x)dx= Z 0 f(x)Sn(φ)(x)dx On en déduit, puisqueSn(φ)(x)converge uniformément versφ, que

lim n Z 0 Sn(f)(x)φ(x)dx= lim n Z 0 f(x)Sn(φ)(x)dx= Z 0 f(x)φ(x)dx c’est à direTSn(f)→Tf au sens des distributions.♦

Série de Fourier d’une distribution périodique Remarquer que an(f) = 1 π Z 0 f(x) cosnx dx= 1 π < Tf,cos(nx)>

Ce qui permet d’étendre la définition des coefficients de Fourier aux distributions deD0(T) an(T) = 1

π < T,cos(nx)> On montre, comme nous l’avons fait ci-dessus pour les fonctions,

Proposition 53 La série de Fourier d’une distribution périodique T ∈ D0(T) converge vers T au sens des distributions

Vérifier directement la formule

δ0 = 1 π( 1 2+ X k=1 cos(kx))

où la convergence est prise au sens des distributions (noter que la série ci-dessus ne converge en aucun point au sens ordinaire).