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Une forme poétique libérée

Chapitre 6 : Le catalogue ou la liberté

1/ Une forme poétique libérée

Disparition du verbe, nominalisation et liste

La transformation de la poésie de MacDiarmid repose sur un désir reconnu et

ostensible de représenter autrement un monde devenu « trop complexe » pour un poème

lyrique1 et trop complexe pour des poèmes bi-strophiques. Même pour un poète qui crie son

amour des poèmes courts dans « To One who Urges More Ambitious Flights » (« Wee bit

sangs are a’ I need, / Wee bit sangs for auld times’ sake! », Penny Wheep, CP, p. 57), le

changement est censé s’incarner dans une toute autre forme, dans celle du poème long. Au fur

et à mesure que les syntagmes et les mots s’ajoutent, la parole ne s’articule plus à partir de

formules binaires, de vers ou de strophes binaires mais se transforme en longues suites de

vers. Après avoir examiné la transformation de l’œuvre poétique dans A Drunk Man, il

convient à présent de s’intéresser plus précisément à ces suites dans A Drunk Man et dans les

autres poèmes longs qui lui ont succédé, et de déterminer quelle forme poétique est capable

d’exprimer une vision du monde sécularisée, une vision matérialiste de l’univers.

Le passage suivant de A Drunk Man, déjà cité, dévoile le fonctionnement du poème

long :

I felt it turn and syne I saw

John Knox and Clavers in my raw,

And Mary Queen o’ Scots ana’,

And Rabbie Burns and Weelum Wallace,

And Carlyle lookin’ unco gallus,

And Harry Lauder (to enthrall us). (CP, p. 164)

1

« The modern world is far too complex; the issues that arise today are far too pressing and complex. You can’t

express things in short lyrics as I did in my first three or four books. They become a trick. You lose integrity, you

see. » (Hugh MacDiarmid, « An Interview with Hugh MacDiarmid Conducted by Nancy Gish » in The Raucle

185

À l’intérieur de la roue, et grâce à la polysyndète, même si des siècles séparent certains

d’entre eux, chaque personnage se trouve confronté à ses compagnons dans l’histoire

écossaise. Les contraintes temporelles sont balayées et les siècles réunis. Les groupes

nominaux sont ajoutés les uns après les autres grâce à la conjonction « and », qui est refoulée

en début de vers et accolée à la marge. Aucun verbe ne relie les différentes figures historiques

et les noms s’accumulent. Ces deux strophes ressemblent exactement à une liste.

La forme de la liste se présente comme « l’inscription, à la suite les uns des autres, de

plusieurs noms de personnes ou de choses »2. Elle repose le plus souvent sur la catégorie

grammaticale du nom commun ou du nom propre et sur l’accumulation de ces derniers. Dans

le dernier extrait, les conjonctions relient les noms entre eux, mais dans d’autres listes du

poème, des virgules associent également les substantifs. Le sens commun pourrait concevoir

la liste comme l’antithèse de l’écriture poétique, cet écrin esthétique où s’associent des idées

souvent complexes, mais il existe cependant une parenté entre la pratique de la liste et la

poésie : elles reposent toutes deux sur le nom. Jakobson indique que l’expression poétique, à

l’inverse de la prose, a tendance à privilégier, comme la liste, le mode nominal, et non verbal3

.

Avant la parution de A Drunk Man, les poèmes de MacDiarmid présentent ainsi, tout

naturellement, des syntagmes purement nominaux à l’image de la première strophe de « In the

Pantry » (Sangshaw, 1925) : « Knedneuch land / And a loppert sea / A lift like a

blue-douped / Mawkin’-flee. » (CP, p. 33) Cette absence de verbe repose sur le désir de saisir un

instantané synesthésique où se fondent les odeurs, le mouvement et les couleurs. La terre sent

le pain rassis, les vagues de la mer ont comme coagulé et le bleu du ciel ressemble au

postérieur d’une mouche. La forme nominale permet à l’art du poète de s’approcher de

l’instantanéité de la photographie ou de la peinture impressionniste. Néanmoins, dans l’extrait

de A Drunk Man, l’énumération nominale est bien plus longue que celle de « In The Pantry ».

Grâce à l’accumulation, la nominalisation dépasse le simple instantané pictural et la

description imagée d’un moment unique pour se transformer en liste.

Bien avant A Drunk Man, d’autres écrits attestent déjà du besoin de recourir à des

listes4. Tirant son inspiration de la culture polymathe et de l’amour des listes propre à la

2

« Liste », Dictionnaire Littré de la langue française, Genève : Éditions Famot, 1976, p. 2401.

3

« Souvent l’absence de verbes est une tendance caractéristique du langage poétique. » (Roman Jakobson, Huit

Questions de Poétique,Paris : Seuil, 1977, p. 22)

4

La correspondance confirme l’habitude de MacDiarmid à présenter les multiples aspects de sa pensée en

recourant à des listes. Dans ses lettres à George Ogilvie, où apparaissent ses premiers efforts d’articulation d’un

programme littéraire et politique, MacDiarmid répertorie ses lectures et expose ses futurs projets en les

numérotant, de manière par ailleurs étrange : « 1/ The religion of Wallace and Bruce […] 11/ On Scottish

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tradition littéraire écossaise5, le poète tente, dans sa première séquence de sonnets, Sonnets of

the Highland Hills (1921, CP, p. 1205), de répertorier les changements que font subir les

éléments au paysage des Highlands. À la même période, la prose de son premier recueil

publié, Annals of the Five Senses (1923), avec ses catalogues de citations et ses

amoncellements d’idées décousues, annonce déjà les listes des poèmes longs. C’est pourtant à

partir de A Drunk Man, poème de la démultiplication des liens, que la pratique de la liste

prend réellement corps et commence à s’imposer dans l’écriture de MacDiarmid. Dans ces

listes, la forme nominale prend une ampleur nouvelle et menace de faire disparaître le mode

verbal de la poésie de l’auteur.

Certes, les listes de A Drunk Man se structurent encore souvent autour d’un verbe, ce

que confirme l’extrait suivant :

Nerves in stounds o’ delight,

Muscles in pride o’ power,

Bluid as wi’ roses dight,

Life’s toppin’ pinnacles owre,

The thistle yet’ll unite

Man and the Infinite! (CP, p. 98)

Les qualités du chardon sont d’abord évoquées à travers la juxtaposition de structures

nominales pures, puis d’une forme verbale « ‘ll unite » et enfin d’un couple nominal « Man

and the Infinite ». L’énonciateur autorise la liste nominale à s’étendre pour ensuite la

contraindre à s’arrêter grâce à l’action conjointe du verbe et du rythme binaire de la dernière

formule, processus sur lequel nous reviendrons dans le chapitre suivant. Proportionnellement,

le mode nominal l’emporte largement et la strophe ressemble davantage à une liste de

substantifs qu’à une phrase complexe.

Au-delà de cet effet d’optique, la forme verbale commence à subir plus directement

l’influence du nominal dans A Drunk Man. La description du chardon repose sur une forme

nominalisée du verbe : « Or a muckle bellows blawin’ / Wi’ the sperks a’ whizzin’ oot; / Or

green tides sweeshin’ / ‘Neth heich-skeigh stars, / Or centuries fleein’ doun a water chute. »

(CP, p. 96) Le poète conserve le sémantisme et la richesse onomatopoéique des verbes

« blaw », « whiz », « sweesh » et « flee », mais la forme en be –ing force la structure

strophique à imiter la verticalité de la tige du chardon, à suivre un axe paradigmatique et à se

métamorphoser en liste nominale. Les participes présents ont en effet ceci de paradoxal qu’ils

oscillent entre les domaines verbal et nominal, et ils ont même ce que Julia Kristeva nomme

Religions & Moral Influences overseas. […] 18/ Scots Catholic Soldiery 21/ Our loss of Negative Capability »

(Lettres du 13 février 1918 et du 20 août 1916, Hugh MacDiarmid, The Letters, op. cit., p. 9, 22).

5

Voir l’article de David Daiches : « Hugh MacDiarmid and the Scottish Literary Tradition » in The Age of

MacDiarmid, P. H. Scott & A. C. Davis (eds.), op. cit., p. 59-82, p. 72-78.

187

« la fonction de nominaliser la phrase, de l’extraire de l’ordre temporel et subjectif »6. La

forme en be –ing force le verbe à se nominaliser et amorce ainsi un processus de

nominalisation caractéristique de la liste. Le verbe est toujours présent mais il doit à présent

cohabiter avec le nom dans une écriture de plus en plus dominée par les substantifs.

Ce processus graduel de nominalisation de l’écriture de MacDiarmid se révèle

également à travers l’emploi d’enjambements qui poussent le vers et le sens à s’organiser

autour de noms, à l’image de ce passage du poème plus tardif « First Hymn to Lenin » :

« Your work needs men; and its worst foes are juist / The traitors wha through a’ history ha’

gi’en / The dope that’s gar’d the mass o’ folk pay heed / And bide bairns indeed. » (First

Hymn, 1931, CP, p. 298) Malgré le grand nombre de formes verbales, la strophe, adressée à

Lénine, résonne de la puissance nominale des expressions « the traitors » et « the dope » qui

sont séparées de leurs verbes respectifs. L’utilisation répétée de l’article défini et de la

coupure imposée entre les verbes et leurs objets permet à ces substantifs de devenir le cœur

sémantique et grammatical de la strophe. Au sein d’une phrase verbale, la forme nominale

s’impose ici comme le moyen privilégié de l’insulte ou de la revendication politique7

.

Ainsi, même dans des poèmes qui ne paraissent pas, à première vue, pouvoir être

apparentés à des listes nominales, la forme du substantif tend très souvent à dicter sa loi. Avec

la publication de Stony Limits (1934), cette supériorité du nominal est d’ailleurs de plus en

plus visible. Les enjambements de « Etika Preobrazhennavo Erosa » font par exemple

clairement basculer le langage poétique dans la liste nominale :

The artist […]

He must break through that aura – he must give

Intensive character-convergence, make outstand

Character-relations that do not merely spread

Like valiant steam into an ominous but compelling world,

And stop being just a bloody showman

Of guilt and innocence stuffed with straw. (CP, p. 408-409)

Pour un poème qui cherche à inciter les artistes à agir et à donner, le mouvement suggéré par

les verbes « give » et « make » se trouve écrasé par les formules nominales « intensive

character-convergence » et « character-relations ». En même temps que le produit de l’action

de l’artiste prévaut sur sa démarche, le nom se met à surpasser le verbe dans la poétique de

6

Julia Kristeva, Semiotike : Recherches pour une sémanalyse (Extraits), Paris : Seuil, 1978, p. 267.

7

MacDiarmid a d’ailleurs très souvent recours au slogan nominal pour affirmer ses convictions politiques,

culturelles ou philosophiques. L’énonciateur de Cencrastus s’exclame : « Budha, no’ India! Christ and no’ the

Kirk! » (CP, p. 184) et, dans « Scotland », la nation écossaise est célébrée dans un cri qui ne comporte aucun

verbe : « – Its peerless glories of land and water! » (CP, p. 365) La grandeur de la petite nation galloise est

également revendiquée dans un slogan nominal : « Cornwall, epic intime! // Cornwall and England, David and

Goliath! » (CP, p. 706)

188

MacDiarmid. Bien que certains poèmes contiennent encore des verbes, ils s’avèrent plutôt

rares. Les années passent et les verbes semblent disparaître.

À la fin de cette évolution, le grand œuvre macdiarmidien qu’est In Memoriam James

Joyce présente toutefois des difficultés. Publié en 1955, mais rédigé en grande partie dans les

années 1930 dans le cadre du projet Mature Art, In Memoriam constitue l’apogée de l’art de la

liste nominale, même si la forme verbale s’y trouve encore très présente : « With, ever just

beyond, the stillness of light into which / Vanish the multitudinous waves of speech » (CP,

p. 787). Le verbe « vanish » n’apparaît qu’au second vers et la strophe procède bien au

contraire du syntagme nominal « the stillness of light ». Au moment où le poète décrit la

disparition des vagues de parole dans l’immobile lumière, se joue ici, non pas la disparition

physique du verbe dans la parole poétique, mais plutôt le recul de sa fonction motrice. Il

fonctionne comme une simple charnière entre deux groupes nominaux. Dans un premier

temps, il faut donc noter que le verbe survit mais que c’est à présent bien souvent le nom qui

agit, fait naître la strophe et lui permet ensuite de se déployer.

Les parties du discours peuvent être divisées en deux types dans la taxinomie

d’Edward Sapir (Fondements du langage, 1930), l’occurrence et l’existence : « les existants,

avec leur expression linguistique, le substantif ; les occurrents exprimés par le verbe ; enfin

les modalités d’existence et d’occurrence, représentées dans la langue, respectivement, par

l’adjectif et par l’adverbe »8

. Si on l’applique au langage poétique et à la dynamique interne

du poème, cette répartition peut être contestée : les substantifs constituent encore l’expression

privilégiée de l’existence, de la définition des objets décrits, mais les verbes, s’ils continuent à

renvoyer au sémantisme d’une action, d’une occurrence, n’ont pas d’effet tangible sur le

mouvement du poème. Chaque rebond de l’écriture repose sur des groupes nominaux. Face à

des verbes à présent affaiblis, c’est le nom qui amène l’avènement du discours poétique et

reprend les modalités d’occurrence propres aux verbes.

Dans un second temps, il faut également percevoir que le mode verbal persiste souvent

à la faveur de plagiats de morceaux de prose, comme dans le passage suivant où MacDiarmid

emprunte des pans entiers à un article de Ford Madox Ford publié dans la revue que ce dernier

éditait en 1924, The Transatlantic Review :

So our business men pretend to take pride

In the quite false assertion that they have not time

For reading books…. And so we remain

A blot on the world, and our populations

Are regarded as more and more suspect.

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That is a misfortune as our writers,

Hampered as they are by political necessities,

By hypocritical and by crystallised moralities,

And by commercial pressures, have yet,

As it were between the blasts of these storms,

Produced a great body of beautiful and humane work (CP, p. 867)

Si ce n’est pour la nouvelle disposition en vers, ce passage n’a subi aucune modification par

rapport au texte original de Ford9, d’où sans doute l’articulation essentiellement verbale, et

non nominale, du raisonnement. Les passages dans lesquels la forme verbale prime

constituent des indicateurs précieux pour repérer rapidement de purs plagiats, puisqu’ils ne

correspondent pas à la pratique dominante de nominalisation.

Néanmoins, certains plagiats d’écriture en prose portent eux aussi la trace de l’autorité

du substantif. Un peu plus loin dans le poème, l’énonciateur déclare :

Let us make ourselves at home

In das Umgreifende, the super-objective,

The final reality to which human life can attain.

Short of that every man is guilty,

Living only the immediate life,

Without memory, without plan, without mastery,

The very definition of vulgarity;

Guilty of a dereliction of duty,

The ‘distraction’ of Pascal,

The ‘aesthetic stage’ of Kierkegaard,

The ‘inauthentic life’ of Heidegger,

The ‘alienation’ of Marx,

The ‘self-deception (mauvaise foi) of Sartre. (CP, p. 884)

Le passage reprend, dans le désordre, deux pages de la traduction anglaise du livre

d’Emmanuel Mourier Personnalisme,publié en 1952. La version originale est presque reprise

mot pour mot :

Man is capable of living like a thing; but since he is not a thing, he feels that to live like one is a

dereliction of duty: it is the ‘distraction’ of Pascal, the ‘aesthetic stage’ of Kierkegaard, the ‘inauthentic

life’ of Heidegger, the ‘alienation’ of Marx, the ‘self-deception (mauvaise foi) of Sartre. […] This is the

'immediate' life, without memory, without plan, without mastery; such is the very definition of

externality, or, more simply, of vulgarity

10

.

Les tournures du texte de Mourier (ou de son traducteur) avaient déjà de quoi satisfaire

l’appétit pour les noms et les listes de MacDiarmid, qui ne s’arrête pourtant pas à une reprise

pure et simple de l’original. En coupant le texte et en inversant les deux passages de l’ouvrage

d’origine, il construit des rimes entre les termes « guilty », « mastery », « vulgarity » et

« duty », et poétise ainsi la prose. Mais, chose plus intéressante, il supprime également

l’emploi répété du verbe « be » qui introduisait les énumérations. La forme verbale prévaut au

9

Ford Madox Ford, « Stocktaking: Towards a Re-Valuation of English Literature » in The Transatlantic Review,

vol. 1, 3, mars 1924, p. 51-57, p. 54-5. D’autres passages de In Memoriam proviennent aussi directement de cet

article sérialisé rédigé par Ford sous le pseudonyme Daniel Chaucer.

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début de la strophe et disparaît ensuite pour faire place à une liste de noms propres et de noms

communs. De plus, la forme en be –ing du verbe « live » remplace le verbe conjugué « be » et

amorce le déploiement de la liste de substantifs. La prose se plie ainsi, non seulement à la

disposition en vers et à l’imposition d’une nouvelle marge, mais aussi au processus de

nominalisation et à la structure de la liste.

Le catalogue agrammatical

Avant d’aborder les implications philosophiques de la forme de la liste, il est

nécessaire d’entrer plus avant dans les listes et d’observer une autre activité grammaticale,

plus complexe celle-ci. Bien que la nominalisation et la forme de la liste puissent désigner les

caractéristiques principales du style macdiarmidien à partir de A Drunk Man, la logique qui

les a fait naître, une logique d’isolation et d’accumulation de groupes principalement de

nature nominale, conduit également à leur dépassement dans la poésie tardive, et en

particulier dans In Memoriam. Le passage suivant, tiré du début, est emblématique du

fonctionnement du poème et permet d’entrevoir ce mouvement de débordement :

Vendrye’s linguistic introduction to History,

Stohr’s Algebra der Grammatik’, Brøndal’s

Logico-syntactical system; Jespersen’s analytic syntax

(Proceeding from the basis of a particular language

And thus given a particular orientation from the start,

Syntax like idiom being socially conditioned)

And Carnap’s logical syntax of language.

‘Philosophy is to be replaced by the logic of science,

For the logic of science is nothing other

Than the logical syntax of the language of science.’

And Alan Gardiner’s exposé of de Saussure’s typical ‘circuit of speech’ (CP, p. 742-743)

Condensé de diverses lectures dans le domaine de la linguistique (ou bien seulement de la

lecture d’un article sur les théories de la linguistique), cet extrait montre que le texte se

construit à la fois sur des coordinations et des juxtapositions, inclut des noms propres et des

noms communs ainsi que des formes verbales et des citations. La liste bibliographique du

début se complexifie à partir de l’introduction de la parenthèse qui contient des participes

présents et passés, puis repose sur des formes verbales conjuguées tirées de The Logical

Syntax of Language de Rudolf Carnap11. La parenthèse et les formes verbales qu’elle inclut

émanent directement de la mention nominale précédente « Jespersen’s analytic syntax »,

tandis que la citation et ses verbes (« is to be replaced » et « is ») représentent un commentaire

du syntagme « Carnap’s logical syntax of language ». Les portions où subsistent des formes

verbales constituent ainsi des excroissances logiques de la liste nominale initiale. Le mode

11

Rudolf Carnap, The Logical Syntax of Language, London : Routledge & Kegan Paul, 1937, p. xiii. Nous ne

savons toutefois pas si MacDiarmid y a eu directement accès.

191

verbal émerge du mode nominal. Cette description détaillée du débordement à l’œuvre dans le

poème permet alors une redéfinition plus large de la poésie.

Le processus de nominalisation permet à l’écriture d’aboutir parfois, non pas

uniquement à une simple liste, mais à une forme dans laquelle, à l’ombre du substantif,

peuvent aussi s’épanouir des verbes et des phrases entières. Cela signifie qu’avec la liste

nominale et à partir de la liste nominale, les morceaux construits en majorité sur des formes

verbales composent un catalogue. Le catalogue est une configuration qui dépasse la liste

puisqu’il contient « des indications et des détails »12

. Même si le catalogue peut être défini

comme la tentative totalisante d’inventaire de champs ou de lieux fermés (bibliothèques,