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Chapitre 3 : Programme québécois de dépistage de la trisomie 21

4. La formation sur plate-forme internet

Comme nous avons accès à la formation sur l’intervention des professionnels dans le contexte du dépistage prénatal de la T2199, nous en présenterons quelques éléments que

nous jugeons importants. La formation est somme toute assez complète. Cependant, elle est laissée à la bonne volonté des professionnels puisque qu’aucune évaluation de l’acquisition des connaissances n’est faite.

Le processus du consentement libre et éclairé prend beaucoup d’importance en ce que la légitimité de tout le programme s’appuie dessus. Les principes qui sont inhérent sont les suivants :

 Que toutes les informations pertinentes sur le Programme de dépistage (participation volontaire, explication des résultats possibles du test de dépistage et de ses limites, option du test diagnostique et risques associés, informations sur la vie avec la trisomie 21, informations sur l'interruption de grossesse et sur le deuil qui l'accompagne) soient transmises aux femmes enceintes ou aux couples.

 Que l'on prenne le temps de discuter avec les femmes enceintes ou les couples à propos du Programme et de ses implications et d'explorer avec eux les facteurs qui jouent un rôle dans la décision d'y participer ou non.

 Que l'information soit transmise d'une manière non directive, c'est-à-dire sans orienter les femmes enceintes ou les couples vers une option particulière, mais plutôt en les aidant à prendre la meilleure décision pour eux-mêmes et leur famille, d'après leur propre point de vue et leurs valeurs.

 Que l'on s'assure que les femmes enceintes ou les couples ont reçu le dépliant qui résume le Programme et ses implications.

 Que les femmes enceintes ou les couples qui veulent en savoir plus sur la vie avec un enfant qui a la trisomie 21 aient accès à des ressources (associations de parents, services de génétique, etc.).

 Que les femmes enceintes ou les couples aient la possibilité d'y réfléchir et qu'ils soient soutenus dans leur décision.

98 Ibid.

99http://www.msss.gouv.qc.ca/sujets/santepub/depistage-prenatal/professionnels/index.php?Formation

103 La formation précise en outre que les tests de dépistage ne présentent pas de risques pour la santé du fœtus, ce qui peut être discutable vu les choix proposés suite à un diagnostic positif.

La formation présente ensuite les tableaux de performance des tests. Le tableau 1 est en ce sens explicatif du tableau 2 qui lui, indique les données statistiques recueillies par le gouvernement.

La performance des tests

Tableau 1 – Tableau explicatif du tableau 2

Résultats du test de dépistage

Fœtus ayant la trisomie 21

Fœtus n’ayant pas la trisomie 21

Total

Risque élevé a b a+b

Risque faible c d c+d

Total a+c b+d a+b+c+d

 a = résultat vrai positif : indique un risque élevé et le fœtus a la trisomie 21

 b = résultat faux positif : indique un risque élevé, mais le fœtus n’a pas la trisomie 21  c = résultat faux négatif : indique un risque faible, mais le fœtus a la trisomie 21  d = résultat vrai négatif : indique un risque faible et le fœtus n’a pas la trisomie 21

Exemple de calcul des valeurs de performance d’un test de dépistage : test de dépistage biochimique intégré

Avec un risque de trisomie 21 approximatif de 1/800 dans la population générale, on trouve, parmi 100 000 femmes enceintes qui ont passé le test de dépistage biochimique intégré, 125 femmes qui ont un fœtus ayant la trisomie 21 et 99 875 femmes qui ont un fœtus n’ayant pas la trisomie 21.

Tableau 2 – Tableau des résultats obtenus après le test de dépistage biochimique intégré

Résultats du test de

dépistage Fœtus ayant la trisomie 21 Fœtus n’ayant pas la trisomie 21 Total

Risque élevé 106 2 996 3 102

Risque faible 19 96 879 96 898

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Par le test de dépistage, on trouve que :

 Des 125 cas de trisomie 21 parmi les femmes dépistées, 106 cas de trisomie 21 ont été détectés par le test.

o Taux de détection = 106/125 = 85 %

 Des 99 875 cas n’ayant pas la trisomie 21 parmi les femmes dépistées, 2 996 femmes ont reçu un résultat indiquant un risque élevé mais, en réalité, le fœtus ne présente pas la trisomie 21.

o Taux de faux positifs = 2 996/99 875 = 3 %

 Parmi les 3 102 femmes qui ont un résultat de risque élevé, 106 femmes ont un fœtus qui a la trisomie 21.

o Valeur prédictive positive = 106/3 102 = 1/29 ou 3,4 %

 Parmi les 96 898 femmes qui ont un résultat de risque faible, 96 879 femmes ont un fœtus qui n’a pas la trisomie 21.

o Valeur prédictive négative = 96 879/96 898 = 99,98 %

Il s’avère que sur une population de 100 000, 19/125 fœtus ayant la trisomie 21 présentaient un risque faible lors du dépistage, ce qui veut dire que 1/6.578 (15%) fœtus ayant la T21 n’est pas dépisté et se classent dans les faux-négatifs. De l’autre côté, 1/1.03538 (97%) des fœtus présentant un risque élevé n’a pas la T21. Étrangement, nous n’avons trouvé cette information nulle part dans la documentation mais surtout, cette interprétation n’a pas été faite dans l’exemple présenté. Ce n’est certes pas la plus flatteuse pour ces tests, comme quoi même l’interprétation statistique peut être orientée.

L’estimation du taux de faux-positifs est calculée seulement par rapport au nombre total de fœtus ne présentant pas de T21 alors qu’à notre sens, ce taux est beaucoup plus significatif par rapport au nombre total de fœtus présentant un risque élevé puisque 97% des couples qui se feront probablement offrir de poursuivre le processus avec des tests diagnostics plus invasifs n’étaient pas à risque réellement - évidemment si l’on tient compte que le seuil de risque est à 1/300. S’il est vrai que certains autres facteurs vont augmenter ou diminuer ce risque, les tests demeurent logiquement le marqueur dominant étant donné le caractère nécessaire de leur utilisation… Cela dit, 97% qui sont faussement à risque, c’est extrêmement élevé malgré que ce test de dépistage biochimique intégré soit le plus efficient (rapport coût/qualité) statistiquement. Le seuil de risque est établit à 1/300 et comprend l’ensemble des facteurs notamment l’âge de la mère. Pourquoi ce seuil? Il représente lui aussi un « optimal statistique » comprenant un rapport inversement proportionnel entre le taux de détection et le taux de faux-positifs. Il implique le risque relié

105 à l’âge de la mère (ex : 1/909 pour une femme de 30 ans) multiplié par le ratio de vraisemblance du dosage des marqueurs. Ce qui implique qu’à un certain âge, ce deuxième élément doit être pratiquement nul pour que le risque ne soit pas considéré comme étant élevé. Si l’interprétation normalisée des résultats peut apparaître comme un gage d’objectivité scientifique, elle n’en demeure pas moins qu’elle est une interprétation statistique. Que le 97% n’apparaisse nulle part est d’ailleurs inquiétant pour la transparence de l’information transmise.

Dans l’offre de dépistage de la formation, on dit que « le risque est jugé suffisamment faible » ou « suffisamment élevé » pour que soit offert ou non le test diagnostic. Cela indique que l’interprétation implique clairement un jugement de valeur.

Si le risque est <1/300 (risque faible) :

 Signification : le risque est jugé suffisamment faible pour ne pas offrir le test diagnostique.  Limites : même si la plupart des femmes qui ont une valeur de risque <1/300 ont un bébé qui n’a pas la trisomie 21, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de risque. À cause des limites inhérentes au test (résultat faux négatif), ce dernier ne permet pas de détecter tous les bébés qui présentent la trisomie 21.

Si le risque est ≥1/300 (risque élevé) :

 Signification : le risque est jugé suffisamment élevé pour que soit offert le test diagnostique.  Limites : cela ne signifie pas nécessairement que le bébé va présenter la trisomie 21. La plupart des femmes qui ont une valeur de risque ≥1/300 ont un bébé qui n’a pas la trisomie 21 (résultat faux positif). Cependant, ce résultat peut mener une femme à opter pour une amniocentèse et à être exposée à des complications, dont un risque de perte fœtale.

Le risque, encore une fois, est établit dans une logique d’optimisation de l’efficacité et ne prend aucunement en compte la perception que les mères ou les couples peuvent en avoir. Il s’agit strictement d’un calcul statistique. Nous reviendrons sur les considérations que cela amène dans le quatrième chapitre.

Nous terminerons l’exposé de ce processus par la citation suivante venant du Ministère de la santé et du bien-être :

Le respect de la normalité implique que des environnements propices à sa reconnaissance soient mis en place afin de protéger le caractère physiologique de la grossesse, de l’accouchement, de la naissance et de l’allaitement auquel la normalité fait référence. Respecter la physiologie

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implique de la nourrir activement par des efforts concertés, cela va bien au-delà du simple rôle d’observateur. Protéger la physiologie signifie également le respect de la spécificité des femmes, du rythme et des variations individuelles de chacune, ainsi que de l’espace d’intimité indispensable100.

Conclusion

À la lumière de ce qui a été présenté, nous pouvons en conclure que le processus ne démontre en rien qu’il y ait, au sein de la société québécoise, un consensus quant à la nécessité de ce programme. L’opposition est, au contraire, très visible et il semble qu’un bon nombre de questions, pourtant qualifiées de « fondamentales », a été laissé de côté conséquemment à une urgence d’aller de l’avant qui n’est pas vraiment expliquée.

En outre, l’empressement que l’on ressent à passer rapidement à travers les différentes étapes et qui, d’ailleurs, est parfois évoquée par certains intervenants crée aussi un malaise. La méthode utilisée par le Commissaire pour mener sa consultation nous est apparue également très exclusive et expéditive. Ce malaise ne s’atténue pas lorsque nous savons qu’un débat parallèle, organisé par l’AISQ, a été réalisé en réaction au manque d’espace pour le débat prévu dans la démarche du Commissaire. En outre, l’appel de mémoires ciblé; le questionnaire sur Internet comprenant un certain nombre de questions biaisées et qui ne représente en rien un espace d’échange et de réflexion collective; les travaux du Forum, intéressants, mais qui se sont déroulés sur seulement deux jours ne représentent pas, à notre avis, un cas exemplaire de consultation publique.

100 Ministère de la santé et des services sociaux, Donner la vie : Projet de politique de périnatalité,

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Chapitre 4 : Réflexions issues de l’application du cadre