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Consultation en ligne sur « le dépistage prénatal du syndrome de Down »

Chapitre 3 : Programme québécois de dépistage de la trisomie 21

2. Processus en vue du Programme québécois de dépistage prénatal de la trisomie 21

2.2 Consultation en ligne sur « le dépistage prénatal du syndrome de Down »

La consultation en ligne est probablement l’étape qui soulève le plus de questionnements sur son bien-fondé. En premier lieu, l’utilisation du terme « syndrome de Down », comme nous l’avons souligné plus tôt, n’est pas très reconnue dans la population en général. Pourtant, le terme « trisomie 21 » est utilisé ou du moins vient préciser les titres de la plupart des documents du commissaire, mais pas dans le cas précis de la consultation publique.

Cette partie de la consultation comptait trois objectifs principaux, soit « permettre aux citoyennes et citoyens concernés par la trisomie 21 et son dépistage prénatal qui n’ont pas pu s’exprimer, à l’aide des autres moyens de consultation mis en œuvre pas la Commissaire, de le faire »; « recueillir les expériences vécues de citoyens concernés par la trisomie 21 »; « sensibiliser les citoyens aux enjeux soulevés par le dépistage prénatal de la trisomie 21 ». La première question qui vient à l’esprit mais qui demeure sans réponse est « qui sont ces citoyens concernés »? Qu’est-ce que cela veut dire? Comment, dans un deuxième temps, peut-on se servir d’un questionnaire (qui ne donne aucune information) de consultation publique qui, en outre, touche des gens qui suivent déjà ce qui se passe dans ce domaine ou qui sont déjà « concernés », peut-il être un outil de sensibilisation populaire? De plus, l’utilisation de questions fermées est habituellement de mise dans les études où de nombreuses personnes seront questionnées et donc pour lesquelles il serait trop exhaustif et peu pertinent d’obtenir leur opinion réelle et détaillée. Les questions quantitatives servent, en effet, à construire des banques de données statistiques catégorisant clairement la population (ou l’échantillon) questionnée dans des groupes de réponses précises. Les

45 Association pour l’intégration sociale (région de Québec), Non à un programme public de dépistage

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avantages de ce type de questionnaire sont l’objectivité et la facilité assurées dans le traitement des données. Pour que ce type de questionnaire soit efficace, on laisse le moins de place possible au dialogue, et aucun pouvoir sur l’évolution du questionnaire n’est octroyé au répondant.

Le questionnaire46 a été mis en ligne du 2 au 24 juin 2008 en collaboration avec le

Groupe de recherche-action sur la participation et la consultation publique (GRAPAC) de l’Université Laval en versions française et anglaise. Le questionnaire comportait officiellement 43 questions47 réparties en 5 catégories48, soit les questions

sociodémographiques, la perception de la trisomie 21 dans la société québécoise, le dépistage prénatal de la trisomie 21, l’expérience de l’offre de dépistage et la vie avec la trisomie 21. Le Rapport du CSBE mentionne que 884 personnes ont répondu au questionnaire.

2.2.1 Le portrait des répondants

Selon le rapport du commissaire, le profil sommaire des répondants est le suivant :  81% de femmes pour 19% d’hommes

 Près de 50% des répondants sont âgés entre 18 et 34 ans

 76% des répondants ont terminé des études universitaires alors que seulement 4% n’ont pas de diplôme collégial

 13% des femmes étaient enceintes

 Il n’y a eu aucune participation de personnes présentant une trisomie 21et 2% présentaient une déficience

 16% étaient « des professionnels de la santé qui ont un intérêt particulier pour la question et l’organisation des services découlant d’un éventuel programme de dépistage de la trisomie 21 (rapport p.52)49

La répartition des répondants, si elle ne surprend pas, induit un biais de consultation. D’abord, un sondage sur support informatique seulement va évidemment favoriser un groupe plus jeune et possiblement plus éduqué de répondants. Selon le bilan

46 Disponible en annexe du rapport du Commissaire à la Santé et au Bien-Être (CSBE, 2008) 47 En réalité il s’agit plutôt de 42 questions puisqu’il n’existe pas de question #31.

48 La plupart des répondants ont eu beaucoup moins de questions à répondre selon leur situation.

49 Les questions du revenu familial et de l’origine ethnique qui sont pourtant des incontournables des portraits

sociodémographiques et qui, de plus, auraient été intéressant dans le contexte n’ont malheureusement pas été posées. Nous n’avons pas non plus d’indication sur la provenance des répondants au Québec selon, par exemple, la région administrative.

81 démographique du Québec – Édition 2013 de l’Institut de la statistique du Québec –, la population québécoise comprend 50,3% de femmes (et donc 49,7% d’hommes) alors que pour le questionnaire, les hommes ne représentent que 1/5 des répondants. De plus, malgré qu’il soit difficile d’établir une comparaison sur le niveau d’éducation étant donné que nous ne connaissons pas la proportion des répondants de 18 à 25 ans qui complétait au moment de l’étude un diplôme collégial ou universitaire, 76% de diplômés universitaires est bien au-delà des statistiques réelles, évaluées à un peu moins de 30% de la population de 25 à 64 en 201250. De même, on évaluait à plus de 50% la proportion de la population n’ayant pas

de diplôme collégial en 2012 (proportion qui a diminué entre 2008 et 2012)51.

Ainsi, l’ensemble des répondants n’est pas représentatif de la population. S’il est vrai que cette partie n’est pas présentée comme un « sondage » à proprement parler, le but étant de favoriser la solution la plus rapide, le fait qu’il n’ait pas atteint ses objectifs ni de sensibilisation ni de consultation publique ne lui octroie pas de valeur et de signification statistique. Il ne possède pas, d’un côté, le potentiel de développement d’un mémoire et, de l’autre côté, ne possède aucune validité scientifique en matière de méthodes quantitatives. Pourquoi avoir choisi cette voie si ce n’est que pour accélérer le processus, éviter les écueils d’un véritable débat social et minimiser l’importance de la question? De même, si un des objectifs avoué de cette procédure était de sensibiliser la population, les données donnent plutôt l’impression que les répondants étaient en majorité déjà informés.

Ensuite, le corps du questionnaire est essentiellement quantitatif (questions à choix de réponse) et aucune information n’est donnée quant au traitement des données qualitatives si ce n’est que quelques remarques citées dans le rapport.

2.2.2 La perception de la trisomie 21 dans la société québécoise

Les trois premières questions de cette partie sont les suivantes :

 Notez ci-dessous un mot (ou une courte expression) qui vous vient immédiatement à l’esprit en lisant « syndrome de Down ».

50 Institut de la Statistique du Québec 51 Idem

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 Notez ci-dessous un deuxième mot (ou courte expression) qui vous vient immédiatement à l’esprit en lisant « syndrome de Down ».

 Notez ci-dessous un troisième mot (ou courte expression) qui vous vient immédiatement à l’esprit en lisant « syndrome de Down ».

Or, les deux mots le plus mentionnés par les répondants sont « souffrance » et « amour », ce qui déjà, traduit un malaise par leur caractère stéréotypé. Dans tous les cas, leur signification demeure vaste en ce que nous ne savons pas à quoi ils réfèrent exactement. De plus, le rapport nous en dit que très peu sur la pertinence avérée de cette série de questions.

De plus, le Commissaire soulève que 61% des répondants affirment qu’il n’y a pas de différence d’ouverture au niveau social pour la trisomie que pour les autres types de déficiences. Par contre, 62% des répondants trouvent différente l’ouverture aux handicapés physique que ceux mentaux. La perception du handicap mental n’est donc pas la même que celle du handicap physique.

En outre, en ce qui a trait à la qualité de vie, seulement 70% des répondants pensent qu’elle serait influencée par l’intégration sociale, 91% pensent qu’elle le serait par le soutien et la disponibilité des proches, 78% pensent qu’elle le serait par l’accès aux services d’appui des proches et, finalement 72% pensent que leur qualité de vie serait influencée par la disponibilité de moyens favorisant leur autonomie.

Les réponses sur la qualité de vie démontrent de forts préjugés quant au syndrome de Down et à la possibilité pour ces personnes d’améliorer leur qualité de vie. L’importance du soutien et la disponibilité des services sont souvent mentionnés et sont nécessaires pour que les parents aient un choix réel suite au dépistage.

2.2.3 Le dépistage prénatal de la trisomie 21

Cette partie, qui touche bien évidemment le cœur du sujet de la consultation, ne comprends en fait que 5 questions qui valent la peine d’être citées ici :

83  Dans quelle mesure êtes-vous en accord avec le principe qu’un test de dépistage prénatal du syndrome de Down soit disponible dans le système public de santé et de services sociaux? [S’ensuit un choix de 4 réponses en gradation sur le niveau d’accord ou de désaccord]

 Si vous attendiez ou si cotre conjointe attendait un enfant, désireriez-vous avoir accès à un test de dépistage sur le syndrome de Down? [Oui /Non/ Ne sais pas et pour quelles raisons?]  Selon vous, les tests de dépistage du syndrome de Down doivent-ils être offerts gratuitement à toutes les femmes enceintes, peu importe leur âge? [Oui /Non/ Sans option et pour quelles raisons?]

 Le dépistage d’autres conditions devrait-il être offert dans notre société? [Oui /Non/ Sans option et pour quelles raisons?]

 Selon vous, quels sont les principaux enjeux éthiques associés au dépistage du syndrome de Down?

D’abord, il y a un certain biais dans la formulation des questions puisqu’il est demandé « êtes-vous en accord avec le principe qu’un test de dépistage prénatal du syndrome de Down soit disponible? » puis « êtes-vous en accord qu’ils soient offert gratuitement à toutes les femmes? ». Le principe de disponibilité n’implique pas l’offre. De plus, la consultation porte sur la systématisation de l’offre de dépistage mais aucune question n’est posée directement en ce sens. Le fait de mélanger l’offre systématique et la gratuité biaise la question en ce qu’elle peut être comprise de différentes façons par rapport à l’offre, par rapport à la gratuité et par rapport à l’universalité.

La question sur le « devoir » d’offrir des dépistages d’autres conditions dans notre société est hors sujet et nous supposons qu’elle sert d’indicateur pour des projets futurs.

La dernière question est, pour sa part, très lourde de sens et difficile à répondre. Dans un questionnaire qui, jusqu’à maintenant, était à choix multiple, cette question jure par sa complexité. Nous ne connaissons pas l’espace disponible pour y répondre mais il est clair qu’une telle question ne peut être répondue que par quelques mots. Dans ce cas, que fait-elle là et à quoi sert-elle?

Ainsi, selon le rapport du Commissaire, 81% sont en accord avec la première question alors que seulement 71% sont en encore avec la 2e question. Ironiquement, 47%

des personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou physique autre que la T21 se sont montrés en faveur d’une telle offre. Une incongruité apparaît également dans le fait que 95% des femmes enceintes sont en accord avec la première question et 88% avec la deuxième, alors que 87% de conjoints de femmes enceintes sont en accord avec la première

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question et 100% avec la deuxième. Il y a donc 13% des conjoints qui sont en désaccord avec le principe de disponibilité du test mais en accord avec l’offre gratuite du même test. Ces statistiques démontrent clairement une incompréhension au niveau des questions.

Aussi, parmi les arguments « pour », on compte l’accessibilité, l’équité, le libre choix, le droit à l’information et la lourdeur de la tâche de vivre avec une personne présentant la T21. Pour ce qui est des arguments « contre », sont énoncés : l’eugénisme, l’accroissement du nombre d’avortements, la richesse de la vie des personnes ayant la T21 et le respect de la vie humaine. Finalement, sur 17 enjeux éthiques soulevés, l’eugénisme est celui qui revient le plus souvent. Ce qui confirme, à notre sens, le niveau d’éducation sur le sujet et en général des répondants.

Nous venons de passer la 22e question du questionnaire et la suite s’adressera dans

un premier temps à ceux qui ont déjà eu une offre de dépistage et, dans un deuxième temps, aux personnes qui ont la T21 ou qui ont un proche qui a la T21. Ainsi, seulement 21 questions ont été posées à tous les répondants dont 6 sur leur profil sociodémographique.

2.2.4 L’expérience de l’offre de dépistage

Une partie du questionnaire a donc été réservée aux personnes qui se sont déjà vu offrir un test de dépistage prénatal de la T21, ce qui représente 35% des répondants. Aucune information n’est donnée quant au pourcentage qui a accepté le test, nous savons seulement que 85% passeraient le test dans l’éventualité d’une autre grossesse.

Or, parmi ces répondants, 77% ont répondu être satisfaits de l’information reçue lors de l’offre qui concernait essentiellement la nature du test et les probabilités qui y sont associées d’avoir un enfant trisomique. Aussi, près de 15% des répondants disent ne pas se rappeler d’avoir reçu l’information et comme exemple de ce manque de mémoire, deux citations sont retenues : « Je n’ai pas demandé d’information et je n’en ai pas reçu. » « Aucune, ça été automatique les 2 fois. On m’a simplement dit de prendre rendez-vous à

85 l’hôpital. » Pourquoi dire que ces personnes ne se rappellent pas plutôt que de dire qu’elles n’en ont pas reçu? Seulement 0.9% évoquent de l’information par rapport à la vie avec une personne présentant la T21.

Pour ce qui est de l’influence ressentie, 80% disent s’être sentis libres au moment de l’offre : « Pas du tout, le médecin n’a même pas parlé de dépistage prénatal, c’est nous qui lui en avons parlé. » ; alors que d’autres, particulièrement ceux qui désiraient refuser le test, ont senti une influence : « J’ai senti que la normalité était de passer un test de dépistage et qu’il fallait justifier toute décision de ne pas le faire. »

D’autres questions concernant l’offre ont également été posées et sont intéressantes mais nous ne les aborderons pas par soucis de circonscrire un peu cet état de fait, d’autant plus que nous sommes plus ici dans l’anecdotique que dans la réflexion.

2.2.5 La vie avec la trisomie 21

Étant donné qu’aucune personne présentant la T21 n’a participé au questionnaire, il n’y a que des « proches » de personnes présentant la T2, soit 94 « proches », qui ont répondu aux questions de la dernière partie. De ces personnes, 62% se sont prononcées en faveur du principe de disponibilité du test alors que 52% ont été en faveur d’une offre gratuite à toutes les femmes enceintes. Il en ressort que la vie avec une personne ayant la T21 est généralement positive alors que les services offerts quotidiennement sont déficients (ex. : ergothérapie, orthophonie, intégration au système scolaire, services de répit, etc.). Par ailleurs, comme pour les autres parties de la consultation, les principales difficultés sont de l’ordre de l’acceptation, de l’intégration, de la ressource financière et de l’organisation du temps.

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