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Fluidité des trames du travail rémunéré et non-rémunéré tout au long du parcours

Année Salaire de domestique résidente

3.3 Fluidité des trames du travail rémunéré et non-rémunéré tout au long du parcours

Les récits de vie recueillis au cours de cette recherche montrent bien que le travail domestique n’est pas une réalité que l’on peut réifier. Comme le rappellent Eichler et Albanese257, le travail domestique, qualitativement et quantitativement,

varie considérablement au cours de l’existence d’une personne ou d’une famille. D’autre part, l’organisation du travail domestique déborde largement la dyade conjugale, et fait l’objet d’une distribution le plus souvent entre femmes, lesquelles sont rémunérées ou non pour ce faire. La jeunesse et la « maternité intensive » sont deux moments biographiques où, nous l’avons vu, s’entrecroisent, se chevauchent, se nourrissent mutuellement les charges domestiques rémunérées ou non. Ce sont des périodes où l’escalade des responsabilités prend appui sur des normes sociales qui placent les femmes dans des situations de « captivité » familiale. Ce sont aussi des périodes où les réseaux féminins qui organisent la distribution du travail domestique ressortent le plus clairement des récits.

Mais les nécessités de l’entraide familiale, sous ses formes domestiques, sont comme un fil tendu tout au long de l’existence des femmes : la tension est relâchée par moments, mais jamais complètement rompue. Les temporalités en jeu dans ce rapport d’obligation et d’entraide familiales se déclinent sur un temps long : «les

257 Margrit Eichler et Patrizia Albanese, « What is Household Work? A Critique of Assumptions

Underlying Empirical Studies of Housework and an Alternative Approach », Canadian Journal of

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récits du care258 au quotidien sont des histoires longues, des histoires de cycles de

vie, de relations qui ne s’arrêtent pas ni ne se laissent aisément interrompre pour suivre des plans de vie «rationnels» »259.

3.3.1 Entraide domestique, obligation familiale et réciprocité

Bien que considérés comme relevant de l’entraide, les échanges dans le cadre familial de services domestiques n’en demeurent pas moins normés et contraints. Il importe de considérer la dimension oblative sans idéaliser ce type d’échanges familiaux, car réciprocité ne signifie ni égalité, ni justice. La contribution attendue de chacun est profondément déterminée par des normes sociales que les hommes et les femmes reproduisent au quotidien, et que celles-ci ne transgressent qu’au prix de représailles sociales et familiales. La conscience de ces représailles pousse des femmes à se conformer aux normes, mais l’intériorisation de ces normes n’en est pas pour autant totale ni mécanique.

La position centrale des femmes dans l’espace des solidarités familiales a été abondamment démontrée dans la production scientifique.260 Elles s’y investissent

de différentes façons, et particulièrement via les échanges domestiques, en raison de leur socialisation (leur rôle tel qu’elles le conçoivent) et des normes sociales (ce qu’on attend d’elles). L’aide apportée prend la forme d’une « solidarité pratique, qui n’est pas tendue vers un objectif de transmission (comme le sont la filiation et la lignée) mais bien plutôt vers la vie quotidienne au présent »261. Selon Déchaux, il

faut aussi voir dans cet investissement des femmes une manœuvre « stratégique » : étant donné le désavantage économique des femmes et la charge des enfants qui

258 La notion de care sera discutée au chapitre 5.

259 Aurélie Damamme et Patricia Paperman, «Care domestique : des histoires sans début, sans milieu

et sans fin», Multitudes, no.37-38 (2009/2), p.99.

260 Fortin, Histoires de famille; Dandurant et Ouellette, Entre autonomie et solidarité; Marianne

Kempeneers et Isabelle Van Pevenage, « Les espaces de la solidarité familiale », Recherches

sociographiques, 52, 1 (2011), p.105-119.

261 Agnès Gramain et Florence Weber, « Modéliser l’économie domestique », Weber, Gojard et

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leur revient généralement, la parentèle représente pour elles une sorte de « garantie » en cas de coup dur, d’où l’importance d’entretenir les liens familiaux262.

Travailler pour des proches, bénévolement ou non, n’est donc pas toujours vécu comme un rapport de réciprocité. Le sentiment du devoir envers sa famille d’origine agit comme une injonction sur les femmes non mariées de la génération d’avant 1940 et même les plus jeunes. Elle passe au second plan après le mariage pour céder la place à de nouveaux devoirs, et revient sous d’autres formes lorsque les enfants sont grands. Des femmes qui ont beaucoup donné à leurs proches, considèrent parfois, avec le recul, cette mise au service dans la famille comme une exploitation. Mme Lacasse, célibataire jusqu’à l’âge de 33 ans, a travaillé successivement sur l’exploitation agricole de ses deux frères qui avaient été pourvus par leurs parents263. Elle évoque cette période avec amertume :

Quand [mon frère Georges] s’est en allé sur la ferme, là, je me suis en allée là. J’ai été quatre ans, là. […] Avant qu’il se marie... […] Mais c’était rien que l’été lui aussi. L’hiver je m’en allais... lui il s’en allait dans le bois, moi j’m’en allais... j’allais [travailler] en ville. […]

CC : [Quand il s’est marié, c’est sa femme qui a pris la relève...]

Ah, j'étais bien contente!

CC : Oui, vous étiez tannée?

Ben écoute! Qu'est-ce que ça me donnait, ça, moi? Ça me donnait pas aucun salaire! Je donnais mon temps, là!

CC: Mais vous rappelez-vous si, à cette époque-là, quand vous travailliez chez [votre frère], puis que vous aviez pas de salaire, qu'est-ce que ça vous faisait à ce moment-là?

Dans le moment, non, ça me faisait rien. Je le faisais... Ça m'a fait de quoi plus... après ça. […] Puis [avant que mon autre frère se marie] j’ai été

262 Jean-Hughes Déchaux, « Les femmes dans les parentèles contemporaines : Atouts et contraintes

d’une position centrale », Politiques sociales et familiales, 95 (2009), p.7-17.

263 Dans les années 1940, à l’œuvre Notre-Dame-du-Bon-Conseil, tout comme à la JOCF, on observe

que les jeunes filles «se plaignent souvent […] d’être sacrifiées à leurs frères qui héritent presque invariablement des terres et de la maison paternelle. Les nouveaux propriétaires s’emparent alors des lieux avec leur femme sans se soucier de leurs sœurs qui se sentent bientôt dans la gêne» (Reid,

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quatre ans avec [lui] aussi, là c’était à l’année! Quatre ans, l’été, l’hiver...[…]

CC : Pis quand Armand s’est marié, vous, vous êtes repartie travailler.

J’suis repartie travailler. (Mme Lacasse, 1917)

De même, Mme Rochette se rappelle douloureusement le rapport d’obligation qui l’a attachée à la maison à une époque où elle considère avoir été privée de la possibilité de s’en émanciper :

CC : Donc, vous est-ce que vous avez eu, quand vous étiez adolescente, des emplois d'adolescente, comme garder des enfants… emplois d'été, tout ça…

Non. Non, pour la simple raison que… ma mère travaillait, pis c'est moi qui restait à la maison pour garder les enfants. […] Moi j'travaillais jamais… C'est des choses qui me sont revenues après tsé… Ma mère me disait toujours… « Ah… j'ai payé tes études! ». Pis après ça j'me suis dit « oui, t'as payé mes études, mais maudit j'ai jamais pu les gagner! ». [rire] Tsé… non non non. J'ai jamais… Ma mère travaillait d'soir, pis… (Mme Rochette, 1944)

Les femmes rencontrées ont presque toutes travaillé dans leur jeunesse, comme aide familiale ou gardienne, pour des membres de la famille, comme nous l’avons vu un peu plus haut. Dans les relations féminines familiales, l’entraide domestique est le mode dominant des échanges de services tout au long de l’existence. Mais l’entraide joue aussi un rôle dans la survie économique des femmes. La famille, particulièrement les sœurs, demeurent des figures centrales dans les trajectoires professionnelle et biographique des femmes rencontrées, particulièrement dans les moments de transition ou de crise. Quand Mme Giguère a ouvert sa résidence pour personnes âgées, elle a pu compter sur l’aide de ses sœurs, à une période où elle n’aurait pas eu les moyens d’embaucher une employée :

J'en ai quatre [sœurs] [au village]. On est quatre [ici]! [rire] Ça fait que… pis y'en a deux qui ont travaillé ici. Tu vois là y'a Danièle qui travaille encore ici. Pis Louise elle a travaillé ici elle quand s’est séparée. Quand j'ai acheté ici c'est Louise qui m'a aidée, parce qu'elle se séparait… elle avait besoin de se changer les idées un peu… Pis là un moment donné elle, elle a eu une greffe cœur-poumon pis les médecins ils voulaient pus qu'elle vienne… Plus de risque d'attraper… Ça fait que là elle pouvait pus

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pis là Danièle est déménagée ça fait que c'est Danièle qui a pris la relève pis… Mais Danièle elle me ressemble faque… c'est ça que les madames elles me disent… « c'est toi ou Danièle là… » (Mme Giguère, 1949)

Les rapports entre sœurs dans la jeunesse, que l’on a vus très présents dans les premières expériences de travail, continuent donc de l’être dans la vie des femmes rencontrées. Ces échanges de services prennent souvent la forme d’un hébergement temporaire contre un coup de main dans la maison ou avec les enfants : au moins un tiers des femmes rencontrées en ont vécu des épisodes de façon plus ou moins récurrente. Ces échanges s’appuient sur une relation de réciprocité et une théorique interchangeabilité des rôles, mais ils demeurent un échange symboliquement inégal entre celle qui est « mal prise » et celle qui « rend service ». Le cas de Mme Côté (1954) est fort éloquent à cet égard : par deux fois, elle est hébergée chez ses soeurs mariées lorsqu’elle éprouve des difficultés à se trouver de l’emploi. Mme Boucher (1951), de la même façon, peut compter sur un réseau familial fort pour la recueillir dans les moments de crise. Sans emploi, elle déménage à Montréal chez sa sœur, récemment devenue veuve, et elle garde sa nièce. Mme Pilote (1945), quand elle décide de quitter son mari, s’installe chez sa sœur avec son fils et s’inscrit à des cours du soir. Quelque temps plus tard, installée avec son nouveau conjoint à une cinquantaine de kilomètres de Québec mais ayant déniché un emploi de vendeuse à temps partiel en ville, elle est hébergée une partie de la semaine chez cette même sœur.

Mme Rochette raconte les circonstances qui l’ont menée à déménager chez ses grands-parents pour une période de quelques années : après avoir subi un traumatisme dans son milieu de travail, se sentant incapable de continuer à travailler, à 19 ans, elle s’installe chez ses grands-parents, de qui elle a toujours été très proche. Contre un petit salaire, elle s’occupe de la maison et prend soin de sa grand-mère dont la santé décline. Alors en conflit avec ses parents, elle perçoit cette relation comme un refuge.

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Une fois grands-mères, plusieurs femmes rencontrées se sont occupées de leurs petits-enfants, parfois à temps plein264. Le gardiennage, voire la prise en

charge régulière des petits-enfants s’inscrit dans le continuum de l’entraide domestique, qui comprend d’autres formes de travail, comme le travail ménager. Mais le gardiennage est en quelque sorte classé à part dans l’esprit des grands- mères : Mme Brunet (1958) recevait une compensation financière lorsqu’elle faisait le ménage chez son fils ; en revanche, elle a gardé son petit-fils gratuitement à temps plein pendant cinq ans:

Quand qu'il a eu le petit, bon un moment donné… à l'époque bon, y'ont commencé à travailler et puis, bon… le bordel dans la maison. Pis le petit, ben, ils voulaient pas l'envoyer en garderie, donc, ça a été moi la gardienne. Faque j'ai gardé le petit, pis, entre temps, ben là… […] fais le ménage, hein!

CC : Ça vous faisiez ça bénévolement, pour votre fils…?

Pour le petit, moi c'est le rôle de la grand-mère, mais pour le ménage, je… non, je me suis fait payer. Il m'a donné tant par… comme qu'il pouvait. Quand il pouvait. (Mme Brunet, 1958)

3.3.2 Bénévolat et travail salarié

Ce sont parfois d’autres réseaux que familiaux qui apportent le soutien en temps de crise. Et de la même façon que l’entraide familiale illustre une modalité particulière de la fluidité entre travail domestique gratuit et rémunéré, les expériences de travail bénévole mènent assez souvent à des formes rémunérées de travail, et s’établissent des zones floues entre l’entraide, l’implication sociale et l’emploi, comme l’a d’ailleurs montré A. Charles pour les femmes qui œuvrent en milieu hospitalier265. Plusieurs femmes rencontrées se sont impliquées

bénévolement dans des organismes communautaires ou charitables après avoir

264 Marianne Kempeneers et Nicolas Thibault notent que l’implication des grands-parents dans la

garde occasionnelle des enfants s’est accrue significativement entre la génération née entre 1934 et 1954 et celle de leurs enfants, nés dans les décennies 1960, 1970 et 1980 (Kempeneers et Thibault, « Strategies of Childcare », p.51).

265 Aline Charles, Quand devient-on vieille? Femmes, âge et travail au Québec, 1940-1980, Québec,

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bénéficié de leurs services, des implications leur permettant en général d’œuvrer directement auprès de personnes âgées, malades ou marginalisées. C’est le cas de Mme Brunet, qui exprime bien le sentiment de dette qui l’a amenée à donner de son temps :

Pis j'ai toujours travaillé bénévolement avec eux-autres, parce que les religieuses m'ont aidée, justement dans le logement… quand j't'arrivée en logement j'avais pas de frigidaire. Les religieuses sont venues m'apporter un… un feuillet, ou un pamphlet, [elles] sont rentrées chez moi pour quelque chose… j'tais pas catholique plus qu'un autre, mais tsé on a toujours c'tes visites là…Pis là… là elle a vu les états, elle est allée aux toilettes elle a vu les couches dans le bain, elle a vu que j'avais pas de [frigidaire]… […] Elle m'a acheté une laveuse-sécheuse, pis un frigidaire, pis j'ai eu à payer tant par mois. Parce que je voulais pas que ça me soit donné. J'tais… Faque… c'est eux-autres qui m'ont beaucoup aidée puis, à travers ça, comme que… ben… ils savent que… j'aime les gens pis tout ça, ben j'ai aidé d'autres personnes.

CC : Ok, c'est de fil en aiguille comme ça…

Ah c'est incroyable! Oui ça ça se monte… comme un tricot. Comme un tricot, j'ai toujours aidé les gens… (Mme Brunet, 1958)

Comme Mme Brunet l’explique dans l’extrait précédent, c’est pour des raisons personnelles qu’elle a choisi de s’impliquer auprès d’un organisme qui, par la suite et via des programmes d’aide sociale, lui a offert des contrats de travail. Mais les périodes d’emploi et les périodes de bénévolat sont inextricablement liées dans le récit, cette confusion étant renforcée par le fait que le programme d’aide sociale ne prévoyait pas que les heures travaillées soient rémunérées comme telles, mais que le montant d’aide sociale accordé mensuellement soit bonifié d’une centaine de dollars :

J'en ai presque tout le temps eu [de l’aide sociale], du moment où j'ai eu mon fils, j'avais des contrats de 6 mois. 6 mois de travail, comme l’organisme X était un centre… c'était un organisme à but non lucratif d'après moi…

CC : Ok, alors c'était une mesure d'employabilité, quelque chose comme ça…

Oui, de 6 mois en 6 mois, pis ils pouvaient pas me reprendre des fois à cause… bon y'on tant de contrats à prendre… Donc, l'autre 6 mois je faisais quasiment du bénévolat, hein, bénévolat là Simone me « recallait »

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pour certaines choses pis… bon. Le curé me cherchait… heille je te jure qu'il y en a qui étaient heureux que j'aye pas d'autre contrat financier, d'après moi parce que bénévolement… [rires]

Pour Mme Gosselin, l’heure de la retraite a signifié une intensification de son implication comme aidante et accompagnatrice :

J'viens d'lâcher juste… j'ai travaillé pour quelqu'un… j'viens de placer une dame… 57 ans… Alzheimer… j'vais la visiter. J'pas payée pour ça, là. Parce que j'ai travaillé beaucoup avec les personnes Alzheimer, pis j'suis allée… à [l’organisme X], mon nom est faite là. Alors eux me recommandent des gens. Où j'peux… Travailler dans l'privé.

CC : Ok. Alors… vous êtes encore active pour ça là… C'est pas du bénévolat ça…

Oui, Y'a des bouttes c'est du bénévolat, y'a des bouttes c'est payé. Oui. Mais toujours en dessous d'la table.

CC : Mais ça, c'est comment que ça fonctionne?

C'est… bon mettons [nom de l’organisme]… quelqu'un a un conjoint, pis y'en peut pus, pis l'CLSC peut pas fournir plus d'heures… […] Bon, [nom de l’organisme] dit « on va vous envoyer quelqu'un qui est compétent, qui va prendre soin de votre dame... ou de votre monsieur, pour que vous puissiez ventiler… ». […] C'est la personne qui m'appelle. Comme là, c'est un contrat là que j'avais pris à Cap Rouge, c'était de mars à… au début d'octobre… (Mme Gosselin, 1948)

Plusieurs femmes de notre échantillon ont été liées de près à des organisations catholiques d’entraide ou de services à domicile. Mme Garneau (1931) a été impliquée activement dans sa paroisse dès son installation à Québec après son mariage. Elle commence en visitant des personnes âgées et en leur distribuant la communion, puis elle contribue à la fondation d’une fraternité dédiée à la visite des malades. Plus tard, elle devient marguillère, et entretient l’église bénévolement. Elle cessera ses activités bénévoles à la paroisse à la suite d’un conflit avec le curé, et elle se consacre par la suite à plein temps à la garde de sa petite-fille. Mme Larouche (1946) a aussi très largement travaillé bénévolement dans la paroisse et dans des services offerts par des communautés religieuses, après avoir elle-même connu une période de vie religieuse. Sa carrière s’est en partie inscrite dans le domaine de la pastorale, ce qui s’est dessiné autant sur le plan vocationnel que

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professionnel, et qui a donné lieu dans sa trajectoire à de nombreux allers-retours entre le bénévolat et le travail salarié.

C'est pour ça que la deuxième fois que je suis allée en [mission]… avec les communautés [missionnaires masculines], on n’a pas besoin de trouver un travail. Ce qu'on fait est notre travail. Mettons comme moi j'étais en pastorale, ben j'ai fait de la pastorale. Avec la communauté [X], c'est une communauté religieuse féminine, plus pauvre, donc… pas misérable là, mais plus pauvre […], donc faut travailler pour vivre. Et c'est pour ça que j'ai été dans l'enseignement. Là j'ai enseigné la catéchèse, et j'ai enseigné le français dans une école privée et une université privée. Mais la catéchèse… ça c'était aussi la catéchèse à l'école, mais aussi beaucoup beaucoup beaucoup de bénévolat, là. Tous les soirs, les fins de semaine, ça c'était tout le temps du bénévolat. Mais quand c'est quelque chose qu'on aime, on dirait que c'est moins pesant. (Mme Larouche, 1946)

Bénévoles et militantes dans diverses organisations, les femmes rencontrées ont aussi multiplié les implications individuelles informelles (coup de main) qui sont muées dans plusieurs cas en activité rémunérée. Dans les récits, il est parfois très difficile de démêler les activités bénévoles et rémunérées tant la proximité est grande : Mme Thivierge (1952) par exemple, commence à parler de ses « clients » lors d’un échange sur des services bénévoles qu’elle rend à différentes personnes dans le besoin :

J'ai donné. J'ai fait beaucoup de bénévolat. Je le faisais par amour. Oui. Pour aider quelqu'un, un handicapé, oui j'ai fait ça. […] Oui, j'ai pas mal toujours été aidante avec… c'est comme je t'ai dit tantôt, c'est inné chez moi, faque veux veux pas… j'ai un peu de misère à me retenir. Par contre, je suis un petit peu plus… un peu plus prudente.

CC : Vous posez plus vos limites.

Oui.

CC : Est-ce que ces demandes-là vous venaient via [l’organisme X] aussi, ou comment ça fonctionnait? Des demandes… comment vous receviez ces demandes-là? De où ça venait?

Comme ça. Des amis… J'ai travaillé en santé mentale… Je connais beaucoup de gens. […] Ça fait que veux veux pas… ça arrivait comme ça que… « serais-tu bonne pour me faire ça? » « oui oui, avec plaisir ».