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Année Salaire de domestique résidente

4. Du travail domestique rémunéré au travail salarié non domestique et vice-versa : des parcours

4.1 Quels emplois non domestiques?

Outre les emplois de type domestique, les femmes rencontrées, surtout celles nées après 1945, ont expérimenté de nombreux emplois, surtout dans des secteurs très féminisés, mais sous des formes extrêmement variées. Un simple aperçu de l’éventail et du type d’emplois occupés permet de mettre en relief le contraste entre les femmes les plus âgées et les plus jeunes de notre échantillon. Ce découpage recouvre, bien sûr, celui de la scolarité.

Tableau 8 : Nombre de femmes ayant expérimenté différents types d'emplois non domestiques

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Quelques grands secteurs d’emplois circonscrivent la majorité des expériences professionnelles autres que domestiques des femmes ayant participé à notre étude : le travail de bureau, la vente, et la restauration. Outre ces grands domaines, qui recouvrent des formes de travail et d’emploi extrêmement diversifiées, certaines femmes rencontrées ont été, souvent pour des périodes assez courtes : techniciennes, professionnelles, enseignantes, ouvrières, entrepreneures, animatrices ou intervenantes sociales. Mme Giguère (1958) a été durant une période travailleuse de rue auprès de jeunes en difficulté; Mme Boucher (1951) a été intervenante dans un centre jeunesse; Mme Gosselin (1948) a œuvré plusieurs années auprès des déficients mentaux; Mme Martel (1952) a été travailleuse sociale.

Si les ruptures de trajectoires à l’origine de l’abandon de ce qui pourrait être perçu comme une potentielle « carrière » de professionnelle ou d’enseignante peuvent paraître plus difficiles à comprendre, il faut d’abord prendre en compte le fait que la plupart des femmes rencontrées n’ont jamais envisagé leur parcours comme une carrière. Il est inadéquat de voir ces transitions comme des ruptures

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dans un itinéraire prévisible270, même pour les femmes qui ont été en emploi de

façon continue. Mme Lauzier (1938) a laissé tomber un poste d’enseignante dans sa région natale pour venir s’installer en ville et changer de vie. Pour Mme Larouche (1946), l’enseignement a été à la fois une façon de gagner sa vie et une forme d’implication bénévole fortement inscrite dans un parcours vocationnel, mais jamais une « carrière » en soi. Mme Martel (1952) est sans contredit une exception à cet égard, et on peut dans son cas davantage parler d’une rupture professionnelle lorsque ce qu’elle décrit comme sa progression de carrière a été interrompue par une faillite et des problèmes de santé. Pour Mme Gauthier comme pour d’autres femmes de sa génération, l’abandon de son poste dans la fonction publique est certainement un point tournant dans son parcours, quoique fortement prévisible en regard des normes de genre. Le récit des femmes dont l’ensemble de la trajectoire professionnelle est composée d’emplois précaires, n’expose pas comme tel de carrefour biographique, ou du moins de moment où elles ont perçu qu’un ensemble de possibles s’offraient à elles.

4.1.1 Une prédominance d’emplois dans des secteurs féminisés et non- professionnalisés

Les emplois dans le secteur de la vente sont très présents dans les parcours des femmes rencontrées, et les expériences répertoriées vont bien au-delà de l’emploi dans une boutique ou un magasin : Mme Giguère (1949) produit et distribue des produits décoratifs, après avoir appris la technique dans un cours de soir; Mme Côté (1954) vend des marchandises de toutes sortes dans des marchés aux puces; Mme Martel (1952) fait de la vente par Internet; Mme Lauzier (1938) tient un kiosque de produits importés avec son beau-frère et son conjoint. Mme Robitaille (1955), Mme Garneau (1931) et Mme Lacasse (1917) ont fait de la vente porte à porte durant une certaine période. Mme Dagenais (1941) a été propriétaire d’un dépanneur et d’une franchise de restauration rapide. Mme Bussières (1958) a fait du télémarketing. Ces emplois sont souvent le fruit d’opportunités qui surgissent, et sont

270 Grossetti, « L’imprévisibilité ».

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saisies par des femmes dont le rapport au marché du travail s’apparente à un état de « qui-vive ».

[Une] fois, on est allés faire un tour au salon… au salon de la femme?.. puis il y a une femme qui m'a abordée comme ça, elle m'a dit « viens ici toi » puis elle m'a demandé pour travailler. J'ai dit « c'est correct! ».

CC : Ah bon?

Oui ça m'arrive souvent [rires]. […] C'était… ils vendent, justement, des produits… [...] Des produits pour la peau.[…] On était dans des centres d'achat. […] Eux autres payaient un emplacement, ils appelaient ça une concession, faque on se trouvait à travailler dans un magasin La Baie. (Mme Côté, 1954)

Emplois de jeunesse dans certains cas, les emplois dans le secteur de la vente ne sont pas concentrés dans un segment du parcours, quoique peu présents dans les dernières années de la vie « active ». Ils font partie de l’éventail de boulots assez facilement accessibles, mais extrêmement précaires, et pour lesquels le temps partiel est la règle.

Dans le domaine de la « restauration », la diversité des emplois occupés n’est pas moins grande. Les femmes rencontrées ont travaillé dans des institutions ou des résidences privées de différentes tailles, en milieu hospitalier, ou dans la restauration. Elles y ont été serveuses, employées de cafétéria, ou de service de traiteur, cuisinières, caissières. Quant aux emplois de bureau (secrétaires, réceptionnistes, sténo-dactylos), ils ont été massivement occupés par les femmes les plus jeunes de notre échantillon, et très peu par les femmes plus âgées. Le niveau de scolarité exigé par ce type d’emplois explique cet écart, de même que le développement important de ce secteur (notamment dans la fonction publique) dans les années 1960 et 1970, au moment où les baby-boomers entrent sur le marché du travail271.

271 Québec, La tertiarisation de l’économie au Québec, Ministère de l’Industrie, du Commerce, de la

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4.1.2 Conditions des « emplois féminins » et des marchés du travail féminisé La recherche féministe a démontré que les emplois de bureau impliquent, comme l’ensemble des emplois fortement féminisés, une bonne dose de travail invisible : travail relationnel (avec la clientèle272 ou avec les patrons273), sexuel,

ménager. Comme Pinto l’expose : «Les métiers dits féminins sont des métiers qui érigent la féminité en qualité professionnelle. Leur étude présente, de ce fait, un double intérêt : d’une part, elle permet de révéler des formes spécifiques de domination dissimulées et légitimées par l’opposition masculin/féminin; d’autre part, elle conduit à élargir la représentation traditionnelle de l’activité professionnelle en révélant une forme de compétence non réductible à un savoir transmissible à travers un apprentissage formel. […]»274. À cet égard, les emplois domestiques représentent

sans doute la forme la plus aboutie du « métier féminin » (nous y reviendrons dans le cinquième chapitre). Mais l’invisibilité des qualifications et du travail n’est pas exclusive aux emplois « typiquement féminins », elle est partout où les femmes travaillent, comment l’a montré D. Kergoat dès le début des années 1980275.

Incidemment, un aspect surprenant qui ressort des témoignages recueillis au cours de cette enquête est la présence de travail d’entretien ménager dans l’ensemble des secteurs d’activités fortement féminisés : restauration, commerce, et même emplois de bureau :

[Je] faisais de tout. [rire] J'faisais assistante dentaire, j'faisais du bureau, pis quand y'était [parti], lui [le patron], ben là, en plus, ben là je faisais mes appels pour les gens quand ils… pour les rappels de contrôle, des choses comme ça.[…] Pis après ça, pis je faisais du ménage. […]J'faisais de tout! Ben j'tais la seule employée. (Mme Gilbert, 1946)

272 Lire notamment Angelo Soares, « Les qualifications invisibles dans le secteur des services : le cas

des caissières de supermarchés », Lien social et politique – RIAC, 40 (1998), p. 105-116.

273 Lire à ce sujet Josiane Pinto, « La secrétaire et son patron : une relation enchantée », Actes de la recherche en sciences sociales, 84 (1990), p.32-48.

274 Pinto, « La secrétaire et son patron », p.32.

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[D]ans les magasins… faut quand même passer l'aspirateur avant l'ouverture.

CC : Ah bon? C'est les employées du magasin qui font ça, les caissières?

Oui, nous autres… ben en tout cas, moi… Pas [à la boutique X], mais à [l’autre boutique]. Parce qu'on n’était pas beaucoup d'employées quand même. Faque avant l'ouverture… pas tous les jours, mais y'avait une journée qu'y fallait passer l'aspirateur. Pis… c'est sûr qu'on faisait un peu d'époussetage, des fois…[…] Pis aussi… ben des fois c'tait tranquille le soir… ben comme on avait pas d'marchandise à placer, ben fallait tout l'temps faire de quoi… améliorer des affaires… (Mme Gauthier, 1951)

Peu reconnus et valorisés, les emplois de service occupés par les femmes les ont mises aussi fortement sous pression et surveillance, et elles ont généralement connu peu d’autonomie au travail. Leur salaire a frisé le minimum légal tout au long de leur trajectoire, sauf dans le secteur public où les femmes que nous avons rencontrées ont somme toute peu travaillé. En outre, l’insécurité économique que les femmes rencontrées dans cette enquête ont vécue est due au moins autant à l’instabilité d’emploi qu’aux salaires peu élevés, mais aussi aux horaires changeants et imprévisibles. Surtout, leurs parcours se caractérisent par des durées d’emploi très brèves. Notre recherche révèle des trajectoires rythmées par une succession de petits boulots à temps partiel, des chevauchements et des cumuls d’emplois, une coexistence de différents régimes de travail et statuts d’emplois, autant de micro-événements passant largement sous le radar des études quantitatives mêmes longitudinales. Après avoir abandonné un poste dans la fonction publique, Mme Gauthier (1951) multiplie les emplois de courte et même de très courte durée dans les années 1980 :

C'est un courtier pour les ventes de maisons. Et puis… y disaient secrétaire-réceptionniste… faut l'dire vite… Mais là y'avait un ordinateur…!

CC : Ok, alors ça a été votre initiation à l'informatique…

Non, j'en ai même pas… j'ai même pas eu l'temps d'en faire. Heille y voulaient toute m'initier ça en 3 semaines. Mais moi, j'avais jamais travaillé là-dessus… une console. Ça rentre des appels… Pis là fallait que j'transmette des messages… quand ça répondait pas… sur leur paget, en plus… pis là ça continuait à sonner ça.. pis là avant d'connaître les agents

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là… … y'en avait 36. Faque imaginez les appels qui pouvaient rentrer. […] j'ai eu ben d'la misère. Ça j'dormais pas, j'tais fatiguée… en tout cas 3 semaines, […] y m'aurait manqué une semaine [pour avoir de l’assurance-chômage]! [rire] […] c'est des heures coupées en plus.. c'tait de 2 heures à 4 heures, ensuite j'y retournais à 5 heures à 9 heures. (Mme Gauthier, 1951)

Mme Gauthier, comme il a été mentionné plus haut, a occupé pendant plusieurs années un emploi stable, avant de l’abandonner à la naissance de son premier enfant. Dans la plupart des cas, cependant, la sécurité d’emploi est complètement absente des parcours. La liste des durées d’emploi supérieures ou égales à dix ans n’est pas longue à dresser : Mme Gauthier (1951) et Mme Martel (1952) ont respectivement occupé dix et douze ans le même emploi dans la fonction publique. Mme Giguère (1949) aussi, mais à statut précaire et sur une base saisonnière. Mme Gilbert (1946) a travaillé 10 ans pour le même employeur, dont 5 à temps partiel, sans pour autant bénéficier d’une quelconque sécurité d’emploi. Il y a dans notre échantillon deux exceptions de « carrières domestiques » sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

À l’échelle d’un parcours sur le marché du travail qui s’étend sur trois ou quatre décennies, ce sont donc des alternances entre boulots de courte ou moyenne durée qui prédominent. Peu de femmes ont démissionné d’un emploi : la plupart du temps, elles l’ont perdu pour des raisons sur lesquelles elles n’avaient aucun contrôle. Quel que soit le secteur : travail de bureau, commerce ou industrie, les femmes rencontrées racontent des anecdotes de mises à pieds sans préavis :

[Eux] autres [industrie alimentaire] ils disaient au monde là… tu rentres le matin là… pis ils venaient te trouver à 3 heures « c'est ta dernière journée tu finis à soir ». Tsé quand tu commences… tu peux faire ça, mais quand ça fait un bout de temps que… faque un moment donné, j't'allée voir le directeur de la production pis j'y avais demandé « c'est quoi mon avenir ici là… »[…]. Il me regarde… « étant donné votre âge… ». J'l'aurais...! […] On était le mardi ou le mercredi au début d'octobre… ben j'ai dit « c'est ça, je finis vendredi » [rires]. (Mme Giguère, 1949)

Aux États-Unis là, j'pense que j’ai fait… dans l'espace de deux ans j'ai dû faire à peu près quinze jobs différentes, tsé. J'appelle pas ça des jobs,

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j'appelle ça des jobines…Dans c'milieu là [restauration] r'garde… c'est tellement, mais tellement difficile, avec des conditions tellement difficiles que… pis moi tsé, j'avais une tête de cochon, mais écoute… moi quelqu'un dans un restaurant y m'disait « tu fais ça », pis moi j'me suis considérée exploitée, j'disais… « y 'est pas question j'fasse ça là… j'pas payée… tu m'payes pas pour faire ça.. ». Faque là j'ostinais avec les boss… ben là j'tais obligée d'partir, y m'mettaient dehors, tsé j'veux dire, c'est pas long qu'y m'mettaient dehors là… Faque là… j'trouvais d'autre chose, tsé… des fois, j'faisais… un mois une job, pis « dehors », pis après ça r'trouver d'autre chose… mais c'tait facile, à l'époque… pus maintenant, mais à l'époque, c'tait facile… (Mme Martel, 1952)

Alors j'ai travaillé [dans une compagnie d’assurances]. J'étais supposée faire 6 mois, j'ai faite 3 mois. Là… là cet endroit-là, on t'appelle 15 minutes avant qu'le travail se termine… Pis là j'pensais moi que j'm'en allais à la pendaison… On m'dit… « vous êtes congédiée ». [elle fait le bruit de

quelqu'un qui reçoit un coup dans le ventre]. […] Pis là… c'est drôle…

bizarre… parce que cette semaine-là… j'étais contente de moi parce que j'avais augmenté, ça allait bien, j'ai dit « ma filière est presque vide… ». Mais... c'est sûr qu'y'avait des directives… d'en haut comme on dit… des supérieurs hein…

CC : Pour quelle… quelle raison y vous ont donnée? À c'moment là..? Que vous étiez pas assez rapide…?

Ouin. C'est ça. Que j'avais pas l'nombre de dossiers suffisant par jour… faque là… […] Là toute la confiance que j'avais… que j'avais acquise… y m'restait… y m'avaient toute faite descendre. (Mme Gauthier, 1951)

Emblématiques de la précarisation de l’emploi depuis environ une dizaine d’années, les agences de placement temporaire auxquelles plusieurs femmes de notre échantillon ont eu recours pour se trouver du travail ne leur ont fourni en général que des emplois de courte durée, très souvent sur appel, à des conditions de travail rabaissées276. Très présentes depuis quelques années dans le domaine

276 Dans l’état actuel du droit du travail, basé sur un rapport bilatéral entre employé-e et employeur-

e, l’industrie du placement temporaire se situe dans un flou réglementaire (relation tripartite), qui place les travailleuses et les travailleurs dans une situation particulière de vulnérabilité (Jean Bernier, Guylaine Vallée, Carol Jobin, Les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail

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de la santé et des services à domicile277, les agences de placement temporaire sont

au cœur de la stratégie de flexibilisation de la production des employeurs en butte aux « rigidités » du modèle fordiste de gestion de la main-d’œuvre. Contournant les règles imposées par les lois du travail ainsi que les conventions les liant à leurs propres employés, des institutions publiques passent par la sous-traitance pour avoir accès à un bassin de travailleuses et de travailleurs utilisables et jetables au besoin. Ces travailleuses, peu qualifiées, n’ont en outre aucun pouvoir de marchandage pour rehausser leurs conditions d’emploi :

Oui parce que je me souviens y'a une agence qui m'avait obligée de m'acheter un… un [téléavertisseur] qui m'a coûté 72 piastres, pis dans ma journée, j'ai fait 74 [dollars]…pis ils m'ont pas réengagée après parce qu'ils ont plus eu de besoin. Faque ça veut dire j'ai fait 2 piastres… J'ai travaillé toute la nuit à Jefffrey Hale à surveiller une madame qui venait d'être opérée pour le sein… (Mme Larouche, 1946)

Les hôpitaux ils engagent [via une agence], puis ils disent «bon, on a besoin de 5-6 agents pour un temps indéterminé ». Tu sais jamais quand. Ça peut être 6 mois, ça peut être un an. Tu l'sais pas. Après ça, quand le programme est fini, quand le projet est fini, tu t'en vas ailleurs. Puis là, le dernier emploi là, c'était retourner sur les shifts. Là j'ai dit non, là c'est assez. […] Sur les «calls». Là là c'est… Il peut t'appeler à 5 heures et demi 6 heures… «Madame Thivierge, à 8 heures faut que vous soyez là- bas». Là, moi j'ai dit non. (Mme Thivierge, 1952)

Dans le secteur du commerce de détail, les vendeuses et les caissières précaires alternent les épisodes de sous-emploi et de suremploi, selon les périodes d’achalandage. Le récit de Mme Gauthier (1951), qu’elle étaye par de nombreuses dates précises qu’elle vérifie à mesure sur son cv, donne une idée du rythme des transitions d’emploi dans son parcours :

Y m'avaient pris mais y pouvaient pas… pour toute l'année, seulement pour le temps des Fêtes… j'ai dit « ah… pas d'problème ». Faque là j'ai travaillé du […] 21 octobre au 31 octobre [pour l’halloween], pis du 26 novembre au 26 décembre […] Mais aux Fêtes… on était fatiguées… oh yoyoye….. à terre complètement, ça m'prenait toute pour souhaiter…

277 Hélène David, Esther Cloutier et Sara Latour, « Le recours aux agences privées d’aide à domicile

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Joyeux Noël.. [rire] […] Après j’ai travaillé] dans une résidence de personnes âgées pour l'entretien ménager [du 23 février au 31 août 2001]… puis… je venais de perdre mon emploi… encore une fois… pis entre temps… mais chus chanceuse dans mes malchances… […] Là je reçois un téléphone le soir… le gars qu'y'avait été à l'entrepôt à [la boutique où j’avais déjà travaillé]… est devenu gérant […] Pis, y'avait besoin d'quelqu'un. Y dit « viendrais-tu travailler pour moi? ». […] J'ai travaillé du 17 septembre 2001… jusqu'au 31 décembre… 2001… ensuite j'y suis retournée le 10 janvier, et le 12 janvier…. […] et après ça y m'a redemandée du 11 février jusqu'au 19 juin 2002. (Mme Gauthier, 1951)

Entre temps, elle commence à travailler au début du mois de février 2002 pour une compagnie d’entretien ménager, et elle cumule les emplois de caissière et de femme de ménage pendant quelques mois à partir du 11 février. En juillet, elle se déniche un emploi à temps partiel pour l’entretien ménager d’un grand magasin, qu’elle combine avec le ménage chez des particuliers.

Dans ces conditions, le cumul d’emplois est monnaie courante, dans des marchés du travail où la règle est l’insécurité d’emploi et le salaire minimum. Les unes disent qu’elles se sentaient rassurées par le fait d’avoir une diversité de sources de revenus. La plupart du temps, le cumul d’emplois est nécessaire en raison des temps très partiels qui sont offerts dans les domaines accessibles aux femmes peu scolarisées ou peu expérimentées :

CC :Faque là vous faites combien d'heures par semaine pour la [coopérative]…

Dix heures… maintenant là. Par semaine. [Et je travaille sur appel] là quand y'a des remplacements. C'est juste quand y'a des remplacements que j'suis sur appel. Oui. […] Pis j'travaille aussi de soir… un soir semaine, au restaurant ici… [dans le voisinage] […] c'est une cafétéria, j'fais juste… […] J'les sers dans l'assiette. J'leur donne leur café… pis j'fais la caisse. Pis à travers, la vaisselle, naturellement. Y'a toujours d'la vaisselle à faire. C'est ça, c'est pour 3 heures. 3 heures semaine, le jeudi. C'qui est quand même mieux que rien. (Mme Larrivée, 1957)

Souvent moi après mon divorce ça a été ça. J'travaillais à 2 places… ça me sécurisait, j'me disais « si à un endroit ça va plus… ben là j'tomberai pas à zéro comme ça m'a déjà arrivé ». Hein? (Mme Gauthier, 1951)

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[J]’ai jamais occupé des emplois qui m’ont donné des salaires à tout casser moi. […] C’est pour ça quand ils m’avaient mis sur le chômage, […] je me cassais la tête, parce qu’à 8 piastres de l’heure, tu peux pas mettre de l’argent de côté là… […] Si j’avais juste travaillé à une job que j’avais… j’aurais pas arrivé… à payer la maison… (Mme Giguère, 1949)

Pour d’autres, particulièrement celles qui ont été à la maison pendant de nombreuses années, le retour sur le marché de l’emploi se fait sous le signe de