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CHAPITRE 1. L’ESPAGNE ET LA FRANCE SUR TOUS LES FRONTS

2. LA FRONDE, SES ENJEUX ET SES ACTEURS

2.3. Fronde des princes (1650-1653)

2.3.2. Déroulement chronologique

2.3.2.3. Fin de la Fronde (1652-1653)

À la mi-août 1652, le cardinal-ministre estime la conjoncture favorable pour quitter à nouveau le royaume; il souhaite alors faucher l’herbe sous le pied des princes qui légitiment leur révolte en grande partie par leur désir de le voir banni. Par ailleurs, en octobre, le retour de la cour et donc du souverain à Paris offre la démonstration de l’échec de la révolte parisienne du Grand Condé et de ses alliés. Le 26 octobre 1652, le monarque rappelle Mazarin au sein du royaume et ce dernier fait officiellement son retour à Paris le 3 février suivant, ce qui ajoute au poids de la défaite des princes. Condé, ancien héros déchu refusant de se soumettre aux diverses propositions d’amnistie du roi et de sa mère mises de l’avant au courant des mois d’août, septembre et octobre 1652, s’exile dans les Flandres espagnoles d’où il continue de diriger la révolte bordelaise. De surcroît, il acquiert très vite le statut de généralissime des armées de Philippe IV196. Avec son départ et la

décomposition du parti des princes, la révolte parisienne prend fin. Cependant, la Fronde se poursuit à Bordeaux jusqu’en juillet 1653; malgré le soutien reçu des Espagnols, la ville doit se rendre face aux troupes royales197. Les grands nobles

ayant pris part à la révolte, soit imitent leur chef en s’expatriant et en s’engageant aux côtés des Espagnols, soit reprennent leur place dans le rang des serviteurs du roi. Si la plupart de ces derniers sont amnistiés par le souverain, quelques-uns sont proscrits de la capitale198. Ce n’est réellement qu’en 1661, une fois la guerre avec

l’Espagne achevée ainsi que survenue la mort du cardinal-ministre italien, que Louis

196 Simone Bertière, op. cit., p. 505; Nina Brière, La douceur du roi. Le gouvernement de Louis XIV

et la fin des Frondes (1648-1661), op. cit., p. 147-148, Michel Pernot, op. cit., p. 429-432.

197 Plus précisément sur la Fronde bordelaise ainsi que sur l’Ormée, voir Helmut Kötting, « L’Ormée

(1651-1653) : dynamique sociale dans la Fronde bordelaise », XVIIe siècle, 145 (1984), p. 377-

379; Salomon Alexander Westrich, L’Ormée de Bordeaux. Une révolution pendant la Fronde, Bordeaux, Cahiers de l’Institut aquitain d’études sociales, 3 (1974), 280 p.; William Beik, Urban

Protest in Seventeenth-Century France. The Culture of Retribution, Cambridge, Cambridge

University Press, 1997, p. 219-249.

198Édit du roi portant amnistie générale de tout ce qui s’est fait à l’occasion des mouvements passés

jusques à présent, vérifié en Parlement, toutes les chambres assemblées au château du Louvre, publié, le roi y séant, le 22 octobre 1652, Paris, par les imprimeurs et libraires du roi, 1652, 8 p.

Même le cardinal de Retz reçoit l’amnistie, mais Mazarin et Anne d’Autriche ne veulent pas le voir à Paris puisqu’ils se méfient grandement de ses capacités à fomenter de nouveaux troubles et souhaitent qu’il renonce à la succession de son oncle Jean-François de Gondi, archevêque de Paris. Ainsi, Retz est condamné à l’incarcération à Vincennes. Voir Michel Pernot, op. cit., p. 322, 326, 378.

XIV parvient à rétablir de façon plus sûre l’ordre au sein du royaume et à recouvrer la fidélité de ses sujets issus de la haute noblesse199.

Cette période de troubles qu’est la Fronde, où les revendications des grands finissent par prendre le dessus sur celles des parlementaires200, s’avère être, en tout

dernier lieu, un échec pour les révoltés. L’union qui fait leur force initialement s’effrite et finit par les isoler et les affaiblir face à un État en phase de modernisation. Les magistrats se voient interdire de se mêler des affaires politiques et retrouvent donc leurs attributions judiciaires, alors que la noblesse se fait museler au profit du roi qui efface graduellement toutes les options politiques susceptibles de faire ombrage à son autorité. La brèche que les frondeurs réussissent très brièvement à percer au travers de la sphère institutionnelle se fait alors colmater par les paramètres émanant d’une nouvelle souveraineté monarchique201.

L’étude des événements impliquant les deux puissances en guerre que sont la France et l’Espagne dans ce premier XVIIe siècle, tant à l’échelle européenne qu’à

l’échelle française avec la Fronde, permet d’apporter certaines nuances dans la compréhension des relations entre ces deux États. Certes, très nombreuses sont les zones de choc et de combat où l’Autre est réellement perçu comme l’ennemi ou la menace. Toutefois, nombreux aussi sont les points de contact moins hostiles où des alliances sont formées, des traités négociés, des échanges engagés, où cet Autre n’est pas synonyme de rival mais plutôt de secours, d’allié. D’une part, pour Anne d’Autriche et Mazarin, le choix de poursuivre la guerre avec l’Espagne implique de devoir gérer l’adversaire à l’extérieur mais aussi à l’intérieur des frontières du

199 Concernant cette période allant de 1653 à 1661, plusieurs auteurs emploient les expressions

« queues de Fronde », « Fronde en miniature », « petite-Fronde » ou « après-Fronde ». Voir Michel Pernot, op. cit., p. 368-383; Nina Brière, op. cit., p. 19.

200 À ce sujet, Christian Jouhaud et Robert Descimon parlent d’un « processus d’englobement

hiérarchique [où] la voix des anciens révoltés [les officiers des parlements de France] est couverte par les nouveaux dont le statut social est supérieur. [Il s’agit donc d’un] processus de délégation involontaire qui est le reflet politique de la structure sociale ». Voir Christian Jouhaud et Robert Descimon, loc. cit., p. 320.

201 Jean-Frédéric Schaub, loc. cit., p. 645, 653; Françoise Hildescheimer, op. cit., p. 43. Sur la fin de

royaume, puisque les révoltes à l’égard du gouvernement royal fournissent amplement d’opportunités aux Espagnols pour s’immiscer dans les troubles français et soutenir les frondeurs. D’autre part, Condé et son entourage ne peuvent poursuivre leur révolte sans le recours au roi Philippe IV. Par conséquent, dépendamment du parti auquel les protagonistes de la Fronde adhèrent, leurs perceptions face aux Espagnols diffèrent. Sur le terrain mouvant de la propagande, les joutes pamphlétaires qui ont alors lieu véhiculent donc simultanément des représentations variées qui servent l’intérêt de tout un chacun.