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LE CHAMP DE LA GERONTOLOGIE

1. Intentions de recherche :

1.2. La gérontologie : un pont entre le sanitaire et le social :

1.2.1. Une filiation médicale :

En France, la capacité de médecine gériatrique est un diplôme réservé aux docteurs en médecine (généralistes ou spécialistes), qui s’obtient en deux ans par la forme de formation continue. Les capacités ne confèrent pas la nomination de spécialiste auprès de l’Ordre des Médecins, dans un titre qui fait valoir des compétences supplémentaires auprès de leurs patients.

Cette réalité professionnelle est le résultat d’une histoire où la question de l’intervention se répartissait en communautés.

1.2.1.1. Les maisons-Dieu :

L’histoire des institutions hospitalières s’inscrit dans celle de l’ordre des

maisons-Dieu. Ces hôpitaux-monastères étaient essentiellement tenus par les religieux,

et proposaient des espaces d’accueil et de soin pour les pèlerins et les malades.

Les médecins exerçaient au domicile et leurs recherches restaient clandestines, et ce n’est que par la suite que ces espaces sont devenus des lieux d’explorations médicales. À la révolution, les hospices se libèrent de l’emprise de l’église et renforcent leur légitimité dans leur rôle social de solidarité nationale. L’accueil pour autant ne change pas, les infirmes, les pauvres et les indigents trouvent dans les hospices des lieux d’attente de la mort, loin des regards des bien-portants et entre les mains d’un personnel religieux. L’esprit d’hospitalité s’enracine dans celle des soins aux souffrants dispensés par le monde ecclésiastique.

Les découvertes psychiatriques entrainent des typographies médicales et participent à spécialiser les espaces d’accueil que nous décrypte Michel Foucault dans une analyse sociale et historique (Foucault, 2007). C’est dans un climat de déviance sociale et de folle maladie que les institutions de soin se multiplient et se diversifient pour pouvoir contenir un désordre. La question de la thérapeutique apparait dans un second temps, lors de la découverte du 4560 RP (Rhône-Poulenc) l’ancêtre du Largactil. Ce premier neuroleptique, réduisant les comportements violents, ouvre toute la conception thérapeutique de l’accueil institutionnel. Les comportements déviants réduits, le fou intègre une place de malade mental.

Jusque-là, le pouvoir guérisseur restait dans le cercle familial. Le médecin s’adjoint à la famille, à une communauté, à un village pour le maintien de la santé. Tant que les affections étaient gérées dans le cadre familial, recouvrant à une responsabilité collective, il n’y avait aucun besoin de remédier à l’hospice, une autorité spécifique. L’hospitalisation, comme enfermement irrémédiable, répondait à la fatalité d’une maladie qui s’abattait comme une malchance et sortait l’individu du contexte social.

1.2.1.2. Les soins infirmiers :

Les soins infirmiers sont étroitement liés à l’histoire de la fonction d’infirmière tirant ses qualités dans la féminité, la dévotion, la soumission aux transferts charitables. Le premier ordre religieux exclusivement soignant semble les Augustines. L’ordre des hospitaliers ouvre dès le XII° siècle des établissements pour les pèlerins sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. L’histoire donne des indications sur ce terme infirmière : « enfermière ou infirmière apparaît dans les statuts des maisons féminines

des ordres des croisades, pour désigner la moniale chargée de soigner ses consœurs malades. L’appellation est devenue courante dès la fin du XV et le début du XVI pour désigner la sœur infirmière, le moine infirmier. » (Magnon, Déchanoz et Lepesqueux,

2000, p. 140).

Les soins infirmiers apparaissent au sein d’une communauté pour le bien de ses membres.

Saint Vincent de Paul aidé de Louise de Marillac ouvre le premier hôpital de la Charité et fonde en 1633 la première congrégation des « filles de la Charité », qui recrute et forme aux soins des infirmes. Le métier d’infirmière est en état d’embryon

structurel. La Révolution française fait naitre l’hôpital laïc et sort le soin des murs communautaires. Ces établissements mobilisent des personnes à bas salaire, logées et nourries, elles n’ont aucune vie personnelle et se donnent entièrement à l’ordre de la charité. Précurseurs des soins infirmiers, Saint Vincent de Paul prépare des professionnels compétents et soumis par l’obéissance.

C’est avec l’ouverture des écoles des hôpitaux de la Salpetrière et de Bicêtre à Paris, que le Docteur Désiré Magloire Bourneville met en place son enseignement entre théorie et pratique qui se finalise par un diplôme en 1883. En parallèle, la Croix-Rouge française met en place des formations de bénévoles. Les écoles rapidement se multiplient. Et c’est la circulaire du 28 octobre 19021 relative à l’application de la loi du 15 juillet 1892 sur l’Assistance Médicale Gratuite (AMG)2 et la création d’écoles d’infirmières, qui va donner au XX° siècle les clés du déploiement de la fonction infirmière. Le statut des congrégations religieuses faisant office de formations des soins, ne sera remis en cause qu’après la séparation de l’Église et de l’État en 1905.

Après la Première Guerre Mondiale, les trois concepts des soins infirmiers, à savoir : la protection de la mère et de l’enfant, le développement du logement social et la lutte contre les fléaux tels que la tuberculose et la syphilis ; fondent l’enseignement. La dimension holistique de l’infirmière est décrite dans la définition de son action en 1920 : le « rôle de l’infirmière hospitalière est de servir le malade en veillant

constamment sur lui et tout ce qui l’entoure, et principalement en secondant assidûment et docilement le médecin … . Son rôle auprès du malade est celui d’une mère ou d’une sœur … » (Magnon, Déchanoz et Lepesqueux, 2000, p. 140).

Cette définition trace le contour de la relation médecin-infirmière dans la hiérarchisation et dans l’obéissance et le lien soignant-soigné comme relevant d’une fraternité qui materne. À un savoir scientifique qui s’énonce de type patriarcal, la sphère quotidienne des malades se place dans l’affectif métaphorique du cocon familial et maternel.

Les grandes figures de l’histoire des soins infirmiers sont dès la moitié du XIX° siècle : Florence Nightingale, anglaise qui va mettre l’accent sur les connaissances nécessaires à acquérir en démontrant que les soins ne relèvent pas de l’idéologie de la charité, ni de la philanthropie. À l’université de Columbia, dans les années 60, Virginia Henderson expose la nature des soins à travers la théorie des quatorze besoins

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http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-76034&I=174&M=tdm 2 AMG devient en 2000, l’Aide Médicale de l’État, AME.

fondamentaux. Elle détermine différents niveaux d’intervention, le curatif, le préventif, la promotion de la santé et de l’accompagnement.

En France, Hildegarde Peplau crée en 1952 l’école des interactions : relation infirmière-patient. Les soins sont éducatifs, ils aident à la maturité de la personne en favorisant son développement1. Cette structuration didactique par les infirmières, rejoint des théories du développement psychosocial et de la personnalité de l’école analytique de Zurich (Jung, 1990). Les soins s’inscrivent alors dans les étapes de la vie (Houde, 1999).

Sur le continent américain, Dorothée Orem inscrit le rôle de l’infirmière dans une suppléance au malade dans la satisfaction de ses besoins. Callista Roy apporte une vision psychologique du soin en y intégrant l’adaptabilité du malade dans le modèle du nursing.

Éminente théoricienne, docteur en psychologie de l’éducation et titulaire d’une chair en science du caring à l’université du Colorado pour avoir développer la théorie du Caring Humain (Human Caring), Jean Watson définit ce prendre soin comme l’Art et la Science Infirmiers dès 1975.

Ainsi au sein d’un cadre conceptuel et professionnel des soins infirmiers, se théorisent les actions d’influences humanistes et holistiques autour de figures féminines, en relation avec le concept de non-directivité de Carl Rogers (1962). Le soin s’axe sur une écoute active et une relation centrée sur la personne.

Les infirmières acquièrent un rôle propre à mesure des progrès médicaux et obtiennent en 1993 la reconnaissance à un diagnostic infirmier venant en support à celui du médecin.

Son rôle propre se définit en trois domaines de contribution :

‐ « aux méthodes de diagnostic, à l’application et à la surveillance des

thérapeutiques et des soins de réparation

‐ protéger et maintenir, restaurer et promouvoir la santé ou

l’autonomie des fonctions vitales des personnes

‐ à soulager la souffrance et à assister les personnes dans les derniers

instants de la vie » (Duboys Fresney et Perrin, 2010, p. 46)

1

Cette idée est reprise aujourd’hui dans l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP), programme de formation des malades à leur propre suivi de soin.

1.2.1.3. La formation des professionnels :

L’évolution des formations influence directement l’organisation institutionnelle. Les infirmières dites les cheftaines, ou les surveillantes en chef sont remplacées par les

cadres de santé. Une infirmière pouvait devenir surveillante après huit années de bons et loyaux services hospitaliers, sans justifier d’une formation complémentaire sanctionnée par un diplôme ou un certificat. Elle était généralement choisie par le médecin chef du service dans lequel elle exerçait, à partir de critères centrés le plus souvent sur la disponibilité, la loyauté, l’efficacité dans la mise en œuvre et le suivi des projets de son supérieur hiérarchique. Elle continuait d’exercer les fonctions d’infirmière au lit du patient, mais pouvait se retrouver dans les écoles d’infirmières de façon permanente ou comme intervenante dans l’enseignement essentiellement pratique. Tant dans les établissements de soins que dans les structures de formation, c’est la pédagogie du modèle qui dominait. Les bons gestes étaient transmis par les mères ou des sœurs expérimentées comme des références et des garanties.

Les Instituts de Formation des Cadres de Santé (IFCS) préparent à partir de 1995 au diplôme de cadre de santé. Aujourd’hui, leur formation dans l’organisation de l’établissement les met au centre des vécus des institutions, ce sont elles qui « tiennent

la maison », elles deviennent les piliers du quotidien, détrônant les « anciennes ».

La création de la catégorie d'Aide-Soignante (AS), est une conséquence du processus de professionnalisation des infirmières, et est une invention de l'administration hospitalière en 1946. Le Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Aide-Soignant (e) (CAFAS) de 1956 sera remplacé en 1996 par le Diplôme Professionnel d’Aide-Soignant(e) (DPAS). Le temps d’étude à la préparation de diplôme AS est moitié moins qu’IDE (Infirmier(e) Diplômé(e) d’État).

Dans un contexte d’après-guerre, les besoins économiques accélèrent le développement des technologies médicales, et modifient les priorités dans les actes infirmiers. Aujourd’hui, l’informatisation des dossiers de soin poursuit ce changement, induisant un nouveau contact avec le patient et un nouveau choix dans les éléments recueillis pour le pronostic. Le soin technique et les démarches administratives modifient les configurations relationnelles, en même temps que les dispositions des professionnels.

En 1938, le ministère de la santé publique, administré d’un office national de l’hygiène sociale, réunit le corps d’infirmiers et celui d’assistants du service social. Ce lien entre le sanitaire et le social se construit autour des deux formations complémentaires et leur adjoint un caractère féminin dans un contexte de développement de l’instruction et du travail des femmes. En 1961, les deux programmes pédagogiques d’infirmière et assistante sociale se séparent en deux cursus indépendants. Cette dissociation spécifie les rôles du médical et du social sous fond d’émancipation féminine dans des intitulés : diplôme d’état aux Soins Infirmiers et diplôme d’état d’Assistant du Service Social.