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Exemples de propositions faites au niveau national pour défendre

2.2 Objectifs de la politique de la concurrence, instrument de politique économique

2.2.2 Exemples de propositions faites au niveau national pour défendre

défendre une concurrence efficace et stimuler la croissance

2.2.2.1 Par le Comité Rueff-Armand (1960)

Des actions proposées par le Comité Rueff-Armand dans le domaine de la politique de la concurrence illustrent en quoi elle peut participer à la croissance économique et quelles 11. Les origines et les différents domaines d’intervention des politiques de la concurrence sont présentés de façon détaillée dans Motta (2004) et dans le rapport du Conseil d’Analyse Economique sur les politiques de la concurrence (Encaoua, Guesnerie et al. (2006)).

adaptations elle peut être amenée à subir pour y contribuer.12Chargé d’identifier les diffé-

rents facteurs susceptibles de constituer des obstacles à l’expansion économique, le Comité s’était en particulier intéressé "aux situations de fait qui découlent d’un défaut ou d’une lacune de la législation ou de la règlementation, ainsi que d’une insuffisance de prévision, de coordination ou d’organisation." En d’autres termes, il avait considéré les obstacles à l’expansion que "des décisions législatives, règlementaires ou administratives" pourraient corriger. Le Comité avait ainsi caractérisé des restrictions de concurrence, susceptibles d’accroître les prix et de nuire aux consommateurs et qui rendaient souhaitables un ac- croissement des moyens et une plus ferme application de la politique de la concurrence.

Il s’agissait notamment de rigidités, qui, en restreignant ou en entravant l’exercice de la concurrence, affectaient l’économie à travers les conditions de production et de distribution de certains biens et services. Elles consistaient par exemple en des pratiques commerciales entre producteurs ou négociants - telles que la pratique de prix imposés, le refus de vente... - en des ententes qui empêchaient l’abaissement des coûts et des prix et en des prix fixés par voie d’entente qui portaient atteinte à leur véracité.

Fort de ce constat, Le Comité avait formulé des propositions destinées à renforcer l’application de la législation sur les ententes et pratiques restrictives. Il recommandait de consolider la législation en vigueur sur les pratiques restrictives, de façon à ce qu’elle soit appliquée plus largement et plus strictement ; il préconisait par ailleurs d’accroître les pouvoirs, effectifs et moyens de la Commission technique des ententes - créée par le Décret du 9 Août 1953 et chargée de rendre des avis au Ministre de l’économie sur des pratiques d’ententes - en créant une juridiction économique dotée d’une large compétence ; et il proposait de compléter l’article 59 bis de l’Ordonnance du 30 juin 1945, en instituant un régime de déclaration obligatoire des ententes.

2.2.2.2 Par la Commission Attali (2008)

Le Rapport Attali, rendu le 23 janvier 2008 par la Commission pour la libération de la croissance française, contient lui aussi des mesures qui traduisent l’importance et la nécessité d’une concurrence efficace pour stimuler la croissance économique de la France et améliorer le bien-être des Français. Cette Commission avait pour mission d’une part d’identifier les freins réglementaires et structurels dont la suppression pouvait permettre de libérer la croissance et d’autre part d’émettre des recommandations. Elle avait ainsi formulé quatre principales propositions de réformes dans le domaine de la politique de la concurrence.

La première avait pour objectif d’établir une organisation plus simple et plus perfor- mante du système français de régulation de la concurrence et qui soit plus proche de celui de la majorité des Etats membres de l’Union Européenne. Elle proposait la création d’une 12. Rapport sur les obstacles à l’expansion économique présenté par le Comité institué par le Décret n˚59-1284 du 13 novembre 1959.

Autorité de la concurrence, unique et indépendante, et aux pouvoirs accrus, qui veille à une concurrence efficace aux niveaux national et local, aux côtés de la Commission Européenne. L’idée était de transférer à cette nouvelle autorité les compétences du Conseil de la concurrence, et de lui confier quatre compétences supplémentaires.13 Cette réorganisation

des compétences visait à répondre à l’accroissement du nombre d’affaires nécessitant un contrôle approfondi, à favoriser le bilan économique des opérations et à éviter que le bilan concurrentiel ne soit biaisé par des considérations sans liens avec la concurrence. L’objectif était aussi d’améliorer la qualité, la rapidité et l’efficacité de la procédure d’investigation anti-trust - notamment en facilitant la coordination entre enquêteurs et rapporteurs et en évitant ainsi la duplication des tâches et les pertes d’informations. Cette proposition de réforme était encore destinée à permettre aux pouvoirs publics et aux opérateurs écono- miques d’être informés en amont pour éviter qu’une décision favorisant des considérations d’ordre économique ou social au dépens de la concurrence ne soit adoptée avant que l’au- torité concurrentielle n’ait pu s’exprimer.

Une seconde proposition avait trait au renforcement du pouvoir des consommateurs. Elle préconisait d’introduire dans le droit Français les actions de groupe, qui offrent à un plaignant principal la possibilité de représenter une catégorie de personnes lorsqu’il intente une action en justice à l’égard d’un prestataire qui leur aurait fait subir un préjudice en matière de consommation et de concurrence. L’idée était de permettre notamment de réduire les coûts d’accès au droit grâce aux économies d’échelle, de renforcer la protection des consommateurs et d’exercer un possible rôle préventif, en incitant les professionnels à respecter la loi.14 15

13. Tandis que les bilans concurrentiel, économique et social réalisés pour le contrôle des concentrations étaient effectués par le Ministre seul dans les cas simples et avec l’expertise du Conseil de la concurrence dans les cas plus complexes, le Comité préconisait de confier à l’Autorité de la concurrence l’intégralité du contrôle concurrentiel des opérations de concentration et leur notification, les bilans économique et social étant à la charge du Ministre de l’Economie. Alors que, dans le domaine des pratiques anti-concurrentielles, les services du Ministre conduisaient la phase d’enquête et que l’instruction et la décision relevaient du Conseil de la concurrence, le Comité recommandait de regrouper au sein de l’Autorité de la concurrence les phases d’enquête et d’instruction de la procédure d’investigation antitrust, en y intégrant les enquêteurs nationaux antitrust de la D.G.C.C.R.F. du Ministère de l’Economie. Tandis que le Conseil de la concurrence ne pouvait jusque là rendre un avis que sur demande, il proposait de doter l’Autorité de la possibilité d’émettre, de son propre chef, des avis publics sur d’éventuels problèmes de concurrence résultant d’une réforme ou d’un projet de texte. Enfin, la Commission conseillait de permettre à l’Autorité de la concurrence de ne se concentrer que sur les affaires susceptibles d’entraver de façon substantielle le fonctionnement du marché concerné.

14. En avril 2013, un projet de loi sur la consommation a été présenté en Conseil des ministres pour introduire l’"action de groupe" en France. Il visait à permettre à des associations agréées de protection des consommateurs de représenter des groupes de consommateurs devant des tribunaux spécialisés pour qu’ils obtiennent réparation de préjudices communs - subis dans le cas de la vente de biens ou de la fourniture de services, et dans le cas de pratiques anti-concurrentielles - sans avoir à se déclarer individuellement. Ce projet de loi a été voté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 3 juillet 2013 et un mois après par le Sénat.

En troisième lieu, la Commission Attali recommandait la levée de barrières réglemen- taires - notamment dans les secteurs clés de la distribution, du commerce de détail et dans l’hôtellerie. L’idée était de stimuler la concurrence en instaurant la libre entrée sur le mar- ché et ainsi de générer simultanément une baisse des prix et une progression des embauches, d’accroître le pouvoir d’achat des ménages et de stimuler la croissance de l’économie. Cette proposition résultait du fait que les réglementations en vigueur à l’époque - en particulier celles imposées par les lois Galland et Royer-Raffarin - entravaient les implantations de nouvelles entreprises de distribution, ou accroissaient leurs coûts et avaient réduit de façon significative la concurrence entre les enseignes existantes. Elles contribuaient ainsi à main- tenir des prix élevés, aux dépens de la croissance et de l’emploi et réduisaient les incitations des entreprises à investir pour innover et améliorer leur productivité. Les obstacles à l’en- trée dans le secteur du commerce de détail défavorisaient les fournisseurs indépendants - forcés d’accepter les conditions tarifaires et de services inéquitables imposées par les en- seignes existantes. Et, alors que les grands opérateurs ne subissaient que peu de pressions concurrentielles, l’ouverture d’établissements de taille restreinte représentait davantage de concurrence pour le petit commerce de proximité.16 17

Une quatrième proposition de réforme concernait l’accès aux professions réglementées présente certains des avantages et inconvénients d’une procédure d’action de groupe sur le site : http ://www.atlantico.fr/decryptage/class-action-droit-consommateurs-lutter-directement-contre-cartels- actions-groupe-emmanuel-combe-324978.html

16. Le Comité avait par exemple proposé différentes mesures pour renforcer la capacité concurrentielle des fournisseurs indépendants - en accroissant leur compétitivité et leur pouvoir de négociation vis-à-vis des distributeurs - et celle du commerce de détail - en veillant à ce que la concurrence dans ce secteur soit plus forte, de façon à stimuler la qualité des produits et services, mais équilibrée et encadrée, pour éviter de fragiliser les distributeurs et fabricants artisanaux et indépendants. Les premières consistaient entre autres à encourager la coopération entre fournisseurs indépendants, en incitant et en facilitant la création d’O.E.P. (Organisations Economiques de Producteurs). Les secondes visaient à instaurer le principe de liberté tarifaire dans la distribution et le commerce de détail, en supprimant les interdictions de "revente à perte" et de discrimination tarifaire, tout en respectant le droit commun de la concurrence. Pour favoriser l’entrée dans le secteur de la distribution et du commerce de détail et éviter que les acteurs installés n’accroissent leurs parts de marché de façon excessive, le Comité avait notamment recommandé de renforcer le contrôle des règles de concurrence dans des zones locales de chalandise, en abaissant les seuils de notification ex-ante des opérations de concentration affectant le secteur et en mettant en place un contrôle ex-post.

17. La loi Galland (loi du 1er Juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales), en fournissant une définition précise du seuil de revente à perte, avait certes contribué à dissuader ces pratiques de façon plus efficace mais elle avait aussi permis aux distributeurs de négocier des réductions de prix sur un tarif "hors facture", qui constituaient leurs "marges arrières". En concourant à réduire la concurrence entre fournisseurs et distributeurs, elles avaient conduit à accroître les prix de façon non négligeable. La loi Raffarin (loi du 5 Juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat), qui renforçait la loi Royer de 1983, réduisait le seuil de surface de vente au-delà duquel une autorisation d’implantation était requise ; elle avait également trait aux ouvertures d’hôtels ou à leurs agrandissements au-delà d’un certain nombre de chambres. Cette réglementation avait freiné le développement de grandes surfaces de type maxi-discount, facilité l’établissement de positions dominantes locales et avait eu un effet néfaste sur les ouvertures d’hôtels dont le nombre de chambres dépassait les seuils établis.

à l’époque : elle visait non pas à supprimer toutes réglementations mais à mettre en place une meilleure réglementation, qui laisse une marge de manoeuvre pour développer l’emploi et inciter à la modernisation et à l’innovation, tout en garantissant la compétence des professionnels concernés. Cette recommandation était guidée par divers principes - tels que la suppression de toutes les réglementations qui n’étaient plus justifiées du point de vue des intérêts des consommateurs, l’instauration de mécanismes incitatifs qui remplacent les barrières à l’entrée et oeuvrent en faveur des objectifs d’aménagement du territoire, l’interdiction de fixer des tarifs minima... - et avait pour objectifs de faire baisser les prix, de créer de nouvelles opportunités professionnelles, d’améliorer la productivité, de stimuler la création d’emplois et d’entreprises, d’accroître l’offre et d’encourager l’innovation et la compétitivité.

En-dehors de ces quatre principales propositions de réformes en lien direct avec la politique de la concurrence, la Commission avait souligné la nécessité d’une concurrence efficace pour permettre à la France de participer pleinement à la croissance mondiale, objectif atteignable notamment grâce au soutien apporté à l’éducation, aux aides aux T.P.E. et P.M.E. et aux investissements réalisés dans les secteurs porteurs - les gammes de produits dont les taux de croissance mondiale étaient les plus forts - tels que le numérique, la santé, les transports...

Selon le Comité, pour mettre en place une politique en faveur des T.P.E. et des P.M.E., il convenait de lever les entraves à leur création et à leur développement, notamment à travers un "environnement juridique, fiscal et social simplifié". Dans le numérique, il pré- conisait par exemple, pour renforcer le secteur du logiciel, de passer par la promotion de la concurrence entre logiciels propriétaires et logiciels "libres", qui permettent aux entreprises qui les utilisent d’abaisser leurs coûts de recherche et développement. Dans l’industrie des services mobiles, il proposait, pour faire baisser les prix, de réorganiser les conditions d’at- tribution de la quatrième licence à un nouvel entrant pour réduire les barrières à l’entrée d’un quatrième opérateur et accroître ainsi la concurrence.18 Dans le secteur de la santé,

le Comité recommandait encore, pour rendre le territoire Français plus attractif pour la recherche et la production pharmaceutiques, de faciliter les conditions de création et de développement de sociétés de biotechnologie. Il soulignait également la nécessité, pour aboutir à une maîtrise plus efficace des dépenses de santé, d’accroître la vigilance en ma- tière de concurrence et de créer les conditions d’une plus grande transparence tarifaire. Dans le domaine des transports, il était par exemple proposé - pour contribuer à libérer du pouvoir d’achat, créer de nouvelles possibilités de déplacement et prendre part au dé- veloppement local - de favoriser le déploiement du low-cost aérien, en particulier sur des liaisons où la concurrence avec le T.G.V. n’existait pas.19

18. Selon le journal Le Monde, en Février 2013, treize mois après l’arrivée du quatrième opérateur Free Mobile, ses concurrents ayant dû s’aligner sur ses offres low-cost, les services mobiles en France faisaient partie des moins chers au monde (Le Monde, Samedi 9 Février 2013, Sarah Belouezzane et Cécile Ducourtieux).

Les recommandations qui figurent dans ces rapports constituent une illustration de la façon dont la politique de la concurrence - notamment via des accroissements de la concurrence obtenus à travers divers canaux tel qu’un cadre réglementaire favorable à la concurrence - peut être utilisée pour participer à la stimulation de la croissance écono- mique : en améliorant l’allocation des ressources et l’efficacité productive, en encourageant l’adoption de nouvelles technologies et les innovations..., elle peut exercer des effets positifs sur la productivité économique globale et contribuer à accroître l’emploi.20