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2.2 Objectifs de la politique de la concurrence, instrument de politique économique

2.3.3 Un consensus difficile face à une concurrence dont les effets ne sont

2.3.3.1 Exemple de l’Italie

Les réponses aux plans de libéralisation adoptés en Italie ces dernières années pour redynamiser l’économie fournissent également une illustration des oppositions auxquelles peuvent se heurter des mesures de relance - bien qu’elles soient en principe favorables pour la collectivité - matérialisées par un supplément de concurrence à l’origine de baisses de prix mais aussi accompagné de diminutions des salaires nominaux et de la disparition de certaines rentes. Partant de l’idée que, face à la nécessité d’assainir les finances publiques et de faire redémarrer la croissance de l’Italie, il convenait non seulement d’augmenter le taux d’emploi mais aussi la productivité horaire, le gouvernement Prodi en place entre 2006 et 2008 en Italie avait introduit un programme important de réformes structurelles ; elles reposaient notamment sur les réformes conjointes du marché du travail - pour augmenter la main d’oeuvre et l’efficacité du travail - et des marchés des biens et services - pour y rétablir la concurrence et faire baisser les prix et permettre ainsi le maintien ou l’accroissement du pouvoir d’achat malgré des hausses d’impôts.

En particulier, après l’adoption par les gouvernements précédents de mesures visant à introduire une plus grande flexibilité de l’emploi, Romano Prodi avait misé sur la réduction du taux d’imposition des sociétés pour relancer l’emploi et la croissance.32 Plus précisé-

ment, pour augmenter le nombre d’heures travaillées et ainsi redynamiser l’économie, la Loi de Finances 2007 avait commencé à alléger la fiscalité pesant sur le travail - pour en abaisser le coût - grâce à une réduction des charges sociales sur le travail financée en partie par la lutte contre la fraude fiscale et une rigueur budgétaire imposant une ponction fiscale particulièrement importante.

Parallèlement aux dispositions mises en place pour accroître le taux d’emploi, différentes mesures destinées à améliorer la productivité horaire du travail avaient été mises en oeuvre pour faire repartir à la hausse le potentiel de croissance de l’économie, notamment des augmentations de capital et des améliorations de l’efficacité du travail. Ainsi, un allègement de la fiscalité pesant sur les entreprises - permis par un élargissement des assiettes fiscales - devait permettre de favoriser l’accumulation du capital et les investissements en recherche et développement, tandis que la mise en place de "Projets d’innovation industrielle" visait à inciter les entreprises à innover. L’adoption de deux décrets-lois portant sur l’introduction de davantage de concurrence dans l’économie, notamment dans les services, était quant à elle destinée à libérer des ressources au profit d’emplois plus efficaces.

Plus précisément, dans la lignée des libéralisations antérieures, le gouvernement entré en fonction à la mi-2006 avait introduit en Juillet 2006, un décret-loi sur la compétitivité - le "premier décret Bersani" - visant à "supprimer les obstacles évidents à la concur- 32. Le Nouveau pacte pour l’emploi instauré par le premier gouvernement Prodi en 1997 avait mis en place une plus grande flexibilité de l’emploi, par le travail intérimaire et la création de "contrats de zone" ; la loi Biagi de 2002 du gouvernement Berlusconi était quant à elle destinée à accroître la flexibilisation d’un marché du travail italien jugé encore trop rigide en remédiant aux dysfonctionnements chroniques de ce marché (travail au noir, chômage, faible taux d’activité des femmes et des jeunes...).

rence" au profit des consommateurs. Face aux rigidités dont souffrait le pays, l’objectif était de déverrouiller certaines corporations et d’éliminer les rentes de position. Il com- prenait un ensemble de mesures de libéralisation - telles que la libéralisation des tarifs des ordres professionnels, l’augmentation du nombre de licences de taxi, l’autorisation de vendre des médicaments sans ordonnance dans les grandes surfaces... - dans des domaines "sur-réglementés" dont le commerce de détail, les services publics et d’utilité publique, la banque de réseau et les assurances. D’autres dispositions tendaient à stimuler la concur- rence dans les secteurs des produits ne faisant pas l’objet d’échanges internationaux. Ce décret visait également à renforcer la protection des consommateurs, à élargir le champ de compétences de l’Autorité de la concurrence, à la rendre plus indépendante et réactive et à alourdir les sanctions financières et administratives prévues par la loi.

Suite aux préconisations de l’Autorité de la concurrence, un autre décret-loi était venu compléter les mesures précédentes de libéralisation des services, en Janvier 2007. Il concer- nait les secteurs des services financiers, des transports, des communications et du commerce de détail et visait à accentuer la libéralisation par une transparence des prix accrue, des formalités administratives moins lourdes et un entreprenariat facilité.

Plus récemment et dans la trajectoire de réduction des déficits entreprise par ses prédé- cesseurs, le gouvernement Monti, arrivé au pouvoir fin 2011, avait repris et amorcé un vaste programme pour réduire en premier lieu les déficits - à travers des mesures d’austérité adop- tées en décembre 2011 - et relancer alors la croissance du pays en s’appuyant notamment sur des réformes structurelles. Parmi les mesures adoptées pour mettre l’Italie à l’abri de la crise de la dette et pour faire repartir l’économie italienne, figuraient des hausses d’impôts, des baisses des dépenses, la traque de l’évasion fiscale, et les réformes des retraites (basée sur l’allongement d’un an de la période d’activité) et du marché du travail (démantèlement des rigidités permis par exemple par un assouplissement des licenciements) ; mais surtout, c’est la libéralisation de l’économie qui était au coeur de la politique que le chef du gou- vernement italien avait mené pour tenter de relancer une croissance trop longtemps freinée par "l’insuffisance de concurrence".

Les mesures de libéralisation envisagées par Mario Monti avaient ainsi fait l’objet d’un décret - le décret Cresci Italia (Faire croître l’Italie) - adopté le 20 janvier 2012, visant à "introduire plus de concurrence, réduire les rentes et reconnaître le mérite". Il prévoyait notamment d’ouvrir à la concurrence certains secteurs et certaines professions réglementées (taxis, pharmacies, professions libérales, banques et assurances, services publics locaux de transport, énergie ...), d’abolir les honoraires minimaux et d’accroître la transparence des tarifs, d’augmenter le nombre de pharmacies et de notaires, de permettre aux propriétaires de stations services de choisir librement leurs fournisseurs, de réduire les coûts administra- tifs de création d’entreprises, d’accorder plus de souplesse dans l’ouverture de nouveaux commerces et dans leurs horaires d’activité... Ces actions ont certes à court terme per- mis d’assurer à l’Italie une nette détente de ses taux d’intérêt ; mais, en l’absence d’effets immédiats sur l’économie réelle, ces mesures, bien que menées avec pédagogie par le chef du gouvernement italien, n’en restaient pas moins impopulaires ; elles ont donné lieu à des

manifestations et des grèves, la détérioration du climat social témoignant du décalage entre les effets de mesures ressentis à court terme et à long terme.