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Comprendre les effets néfastes de la libéralisation

3.3 Modéliser la concurrence imparfaite en équilibre général : Principaux ap-

3.3.2 Améliorer la compréhension des effets de la politique de la concurrence

3.3.2.1.1 Comprendre les effets néfastes de la libéralisation

Afin de remédier au fait que l’électricité californienne était l’une des plus chères aux Etats-Unis, l’Etat de Californie a entrepris, au milieu des années 1990, une politique de libéralisation de son industrie électrique. Alors qu’une telle mesure avait résulté en Angle- terre ou en Scandinavie en des prix plus faibles et en une meilleure efficacité productive,

elle a donné lieu en Californie à des périodes de prix élevés et à une réduction des capacités de production.

L’idée de Spear (2003) est d’utiliser une approche d’équilibre général de jeu de marché pour expliquer ces effets négatifs de la concurrence imparfaite sur les marchés de l’élec- tricité, en particulier les niveaux élevés des prix pratiqués pendant les périodes creuses et les périodes pleines sur un certain nombre de marchés de gros de l’électricité et le faible nombre de créations de nouvelles capacités de production observées entre autres en Califor- nie dans la période qui a suivi la mise en place de la déréglementation. Le recours à ce type d’approche lui permet non seulement de considérer l’électricité livrée à des dates distinctes comme des biens différents, et ainsi de tenir compte des différences de demandes à divers moments de la journée ou de l’année ; mais aussi de modéliser les interactions des demandes entre les différentes périodes par rapport aux changements des prix de l’électricité à chaque période, ou par rapport aux changements des prix relatifs des autres biens.41

Dans ce cadre, Spear montre que les conséquences négatives de la déréglementation peuvent s’expliquer par l’apparition de marchés dominés par de petits nombres de firmes exerçant un pouvoir de marché durant la phase de transition vers des marchés concurren- tiels, période pendant laquelle les autorités concurrentielles devraient être particulièrement vigilantes.42L’idée est qu’à court terme, dans les périodes creuses - c’est-à-dire les périodes

durant lesquelles les offres des producteurs sont telles que les contraintes de capacité ne sont pas serrées - compte tenu de la concurrence imparfaite, les producteurs d’électricité réalisent une marge, qui dépend de leur nombre sur le marché, mais pas du nombre de consommateurs. Quand le nombre de producteurs devient important, les prix tendent vers le coût marginal.43 Spear suggère ainsi que, bien qu’il soit peu probable que les marchés

41. Ces effets ne peuvent pas être pris en compte dans un cadre d’équilibre partiel dans lequel la demande est considérée comme exogène.

42. Spear considère deux types de biens - l’électricité et un bien numéraire - et deux types d’agents - les producteurs d’électricité et les agents standards. Dans une version simplifiée du modèle, les agents standards possèdent et offrent du bien numéraire mais ne consomment que de l’électricité ; tandis que les autres agents produisent et offrent de l’électricité mais ne consomment que du bien numéraire, à la fois pour leur consommation et sous forme d’input pour la production d’électricité. Ces producteurs d’électricité sont supposés disposer d’une technologie à rendements d’échelle constants. A court terme, un producteur d’électricité donné fait face à une capacité installée fixée qui exerce une contrainte sur son offre d’électricité. A long terme, cette capacité est variable et déterminée de façon endogène. Tous les agents ont des préférences Log-linéaires et tous les agents du même type ont la même fonction d’utilité. De plus, tous les agents standards sont dotés de la même quantité de numéraire ; tous les producteurs d’électricité ont accès à la même technologie à rendements d’échelle constants et font face aux mêmes contraintes de capacité de court terme. Les agents du même type ont donc tous les mêmes stratégies d’offre et de demande et l’équilibre est symétrique. Chaque type d’agents choisit ses stratégies d’offre et de demande de façon à maximiser sa fonction d’utilité sous sa contrainte de budget, en considérant les actions des autres agents comme données. Un équilibre de Nash est ainsi un couple de stratégies d’offre et de demande pour tous les agents, où chaque offre et demande est une meilleure réponse aux stratégies d’offres et de demandes des autres agents.

43. Dans le modèle de Spear, le prix de l’électricité est donné par le ratio de la demande totale à la quantité totale offerte.

déréglementés soient parfaitement concurrentiels, des niveaux raisonnables de concurrence, assurés par une politique de la concurrence active, auraient pu générer, pendant les périodes creuses, des améliorations d’efficacité par rapport à l’état initial.

Spear suggère, en outre, que comme lorsque la capacité installée limite l’offre d’électri- cité des producteurs, son prix dépend à la fois du nombre de consommateurs et de produc- teurs, les pics de prix observés durant les périodes pleines en Californie pourraient avoir résulté de comportements non-coopératifs, indépendants de toutes formes de collusions visant à monopoliser le marché : ils auraient été créés par un comportement d’optimisa- tion d’un petit nombre de firmes sur le marché et constitueraient donc une caractéristique du marché lui-même. Cela étant, adopter une approche d’équilibre général conduit ici à remettre en cause l’idée selon laquelle des pics de prix constituent, de prime abord, une preuve de "manipulation de marché", au sens d’un comportement collusif illégal des firmes sur le marché ; et l’approche de Spear amène à plaider en faveur d’une politique de la concurrence active dans les phases de transition vers des marchés concurrentiels, qui au- rait permis d’accroître le nombre de producteurs et de réduire les pics de prix.

Grâce à son approche, Spear se propose par ailleurs d’expliquer pourquoi, à la fin des années 1990, les capacités de production des offreurs d’électricité n’ont pas augmenté au même taux que la demande d’électricité en Californie. Il conclut en particulier que ce pour- rait être l’absence d’incitations pour l’industrie dans sa globalité à accroître ses capacités de production sur le long terme quand les marchés sont imparfaitement concurrentiels qui serait en cause. Dans la mesure où ces incitations devraient pouvoir évoluer en fonction du niveau de concurrence sur le marché de la production d’électricité, il suggère ainsi com- ment, par un contrôle strict des opérations de concentrations et pratiques collusives, la politique de la concurrence aurait pu être utilisée pour limiter les incitations des produc- teurs d’électricité à réduire leurs capacités.44

Malgré des hypothèses simplificatrices et bien que le modèle de Spear puisse être étendu à plusieurs égards - par exemple en supposant que les producteurs consomment aussi de l’électricité - Spear montre le potentiel des approches d’équilibre général pour analyser le pouvoir de marché horizontal et expliquer un certain nombre de phénomènes liés aux processus de restructuration de l’industrie électrique. En mettant en évidence le défi qu’il a représenté dans le processus d’ouverture des marchés de l’électricité et en soulignant les effets bénéfiques de la concurrence tant sur la tarification que sur la décision d’investir à 44. Pour déterminer la nature des incitations des producteurs à l’équilibre symétrique, Spear s’intéresse aux variations des niveaux de consommation des producteurs lorsque la capacité de production augmente sur au moins une période de pointe de la demande. En effet, compte tenu de la monotonicité de la fonction d’utilité, les incitations des producteurs à accroître ou à réduire leurs capacités de production dépendent de la façon dont est affectée leur consommation. L’idée est alors que, pour un nombre donné de consommateurs d’électricité, la quantité produite par chaque producteur individuel diminue quand leur nombre s’accroît. S’ils sont suffisamment nombreux - de sorte que les limites de capacités ne soient plus contraignantes - alors la consommation de chaque producteur ne devrait plus dépendre de ses incitations à changer ses capacités. Les producteurs ne devraient alors plus être incités à réduire leurs capacités, puisque l’entrée sur le marché fournit une capacité suffisante pour assurer la couverture de toutes les périodes de demande.

long terme dans une nouvelle capacité, le modèle d’équilibre général proposé rend compte de l’importance de faire de la stimulation de la concurrence une partie intégrante des processus de déréglementation.

3.3.2.1.2 Comprendre les raisons des oppositions des travailleurs à la dérégle-