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Chapitre 5. Analyse d’évènements d’exploitation

2. Comportement des usagers à la suite d’incendies

2.1. Etude de cas n°1

Cette étude se rapporte à l’évènement n°11. La synthèse de celui-ci a été élaborée à partir de l’analyse des informations recueillies dans le témoignage des usagers et les observations générales de quelques images de vidéosurveillance.

2.1.1. Description de l’évènement

Il est 7h07 dans le tunnel du Fréjus, en direction de l’Italie, un pneu éclate sur un poids lourd (PL0) et produit un dégagement de fumée. Les usagers en direction de la France et ceux situés à l’aval du PL0 sortent du tunnel. Plusieurs autres usagers ont été impliqués dans l’événement qui a duré 01h09, temps nécessaire pour réparer et évacuer le PL puis remettre le tunnel sous circulation.

A partir des informations recueillies, nous avons résumé le scénario de cet événement comme il suit (Figure 18) :

Figure 18 : Etude de cas n°1, le scénario

Sept usagers ont rempli les fiches d’autorisation de contact dont six ont donné leurs

coordonnées et ont pu être appelés. Le septième usager (PL6), chauffeur routier

d’origine belge (d’après le témoignage de l’usager du VL7), a simplement fait un commentaire sur la fiche au moment de l’événement. Il souligne la distance longue pour rejoindre l’abri (350 mètres). Cinq des six usagers ont répondu facilement à la demande et ont paru satisfaits par cette démarche malgré le temps pris sur leur temps de travail. Un usager n’a répondu que brièvement et sur un ton exaspéré.

Deux des usagers interrogés conduisent un poids lourd et les quatre autres conduisent ou sont passagers de véhicules légers. D’après les témoignages, il y avait au total onze personnes à bord de ces véhicules. Les deux chauffeurs routiers et les occupants de la VL3 sont restés dans leur véhicule tandis que les sept autres ont rejoint un abri. A partir des images vidéo, il semble que quinze autres véhicules, dont treize PL, et leur(s) occupant(s) étaient présents derrière le VL7.

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2.1.2. Profil des usagers interrogés

Parmi les cinq usagers ayant répondu à cette partie du questionnaire, tous sont de

nationalité française et de sexe masculin. Ils ont entre 40 et 70 ans, la moyenne d’âge est

de 52 ans. La plupart utilise les tunnels et particulièrement le tunnel du Fréjus très fréquemment. Au moment de l’événement, seul un usager se rend en Italie pour des raisons privées et les autres l’utilisent dans le cadre de leur travail. De par leur métier et/ou de par leur nombre d’années de permis de conduire (plus de vingt ans), la plupart des usagers semblent avoir une longue expérience de la conduite de la route et particulièrement du tunnel du Fréjus. La majorité des interviewés décrivent la traversée d’un tunnel comme

« indifférente ».

2.1.3. Témoignages des usagers

Le conducteur du PL1 est le seul à avoir vu le camion et un pneu sur la chaussée. Avec le chauffeur du PL2, ils ont tous deux vu de la fumée et senti une odeur de brûlé. Ces deux usagers ainsi que celui du VL3 attendent dans leur véhicule et évaluent l’aggravation potentielle de la situation à partir de la température extérieure et de l’opacité. Ils signalent également qu’ils ont connaissance de la présence des abris (issues de secours) dans le tunnel et qu’ils ont repéré l’emplacement d’un abri en cas de besoin.

Parmi les autres signaux perçus, les usagers citent :

les appels de phare d’un autre chauffeur routier circulant dans le sens opposé de circulation ;

les véhicules arrêtés et/ou les warnings devant eux ;

les gyrophares des véhicules de sécurité qui sont associés aux pompiers et parfois aux ambulances. Notons que la présence des sapeurs-pompiers rassure les usagers. Cependant cela peut avoir une influence sur le comportement de certains qui attendent, dans leur véhicule, d’être pris en charge. Comme le souligne un usager :

« J’ai vu les pompiers et les ambulances, je ne suis donc pas sorti, j’attendais que l’on me prenne en charge. » ;

les feux rouges pour lesquels il est souligné un problème de visibilité et/ou de lisibilité dû notamment au nombre important de panneaux et à un manque d’attention (habitude). En effet, les usagers témoignent : « Par rapport à l’habitude,

il y avait les feux de signalisation rouge mais on n’y fait pas très attention. Il faut quasiment deux à trois feux avant de réagir, on se demande si c’est normal ou pas normal », « Je me suis arrêté au premier feu rouge que j’ai vu. Cependant il était peu visible car il y a beaucoup d’autres panneaux et on a tellement l’habitude de passer dans le tunnel qu’on ne les voit pas. », « Les feux sont difficiles à voir car ils sont cachés derrière l’issue. Elle clignotait juste devant le feu. » ;

le message radio qui est connu des usagers. Ceux qui n’écoutent pas la radio au début de l’évènement ont le réflexe de l’allumer afin d’avoir des informations. Le

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car l’usager est axé sur une autre activité. Les usagers témoignent : « J’ai entendu le

message de sécurité mais au début je croyais que c’était un exercice. Quand j’ai écouté le message pour la deuxième fois, j’ai commencé à comprendre qu’il se passait vraiment quelque chose. Avec les autres messages radio qui passent en boucle en temps normal on est noyé dans les informations. Le message d’alerte passe dans la routine. Il n’y a pas d’intensité dans l’alerte, il faudrait être plus explicite dans le message. », « Il n’est pas assez frappant car on est axé sur sa discussion personnelle, on est détaché de ce qui se passe. ». D’autres usagers le

trouvent alarmant et excessif par rapport à la réalité de la situation : « Un

événement ! On peut plutôt parler d’un non-événement ! L’annonce faite à la radio est alarmiste, ce n’est pas nécessaire. ». Deux des usagers restés dans leur véhicule

estiment que le message n’est pas assez répété une fois le véhicule arrêté.

Lors du fonctionnement de la ventilation, certains usagers ont ressenti qu’il y avait de l’air frais dans le tunnel. Par ailleurs, plusieurs autres difficultés sont pointées. Elles concernent la distance à parcourir à pied pour rejoindre les abris et le temps d’attente : « Dommage

de devoir marcher environ 700 mètres avant d’arriver à l’abri. […] J’ai dû marcher 500 mètres avec ma sacoche, ma veste (…). », « On mesure mal les délais pour lesquels on est dans le tunnel alors que c’est banal et si c’est important il y en a pour la journée. Les gens restent dans l’abri avec l’incertitude sur le délai, sur ce qui se passe. ». Si le temps leur a

paru relativement long au cours de l’événement, les usagers sont satisfaits par l’intervention des pompiers.

On constate que les usagers ont plutôt des comportements de type « collectif ». Certains partagent leur connaissance des dispositifs de sécurité en tunnel (abris) pour se protéger en cas d’incendie, d’autres élaborent ensemble une stratégie éventuelle d’évacuation. Un usager témoigne que dans de telles situations, il adapte son comportement en fonction de ce que font les autres usagers : « On suit ce que font les autres, on s’arrête car les autres

sont arrêtés, c’est pareil pour les demi-tours. ». A propos de ce dernier point, il remarque

que : « Au début, on a la volonté de sortir du tunnel, on se dit qu’on a une connaissance

par rapport au tunnel, on sait comment ça se passe. Le premier réflexe que l’on peut avoir, comme certains le font, c’est de faire demi-tour et de revenir d’où l’on vient. ».

Concernant les consignes de sécurité en tunnel, la majorité des usagers citent celles qui sont données au péage du tunnel du Fréjus. Ils signalent qu’ils ne les lisent pas car les informations données sont toujours les mêmes. D’après un usager : « Au péage on nous en

donne régulièrement. On ne les prend plus car ce sont toujours les mêmes. ». Il est

remarqué qu’il est difficile d’en prendre connaissance lorsqu’on est seul à bord du véhicule. Un usager propose de diffuser ces consignes aux personnes à bord d’un bus pour toucher un plus grand nombre d’usagers. Un autre souligne qu’il faudrait préciser les risques encourus en cas d’incendie pour inciter à mieux respecter les consignes : « Tout est

marqué dessus mais on réagirait différemment s’il donnait les risques encourus (augmentation de la température, …) quand le camion brûle. ».

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Par ailleurs, si les chauffeurs routiers n’ont pas vécu d’autres évènements à l’intérieur du tunnel, ils soulèvent un problème récurrent d’arrêt du trafic et d’attente avant la traversée du tunnel. Cette remarque amène à s’interroger sur d’éventuelles difficultés pour les habitués. De façon générale en situation courante, après avoir attendu plus ou moins longtemps ils doivent se remettre dans leur conduite et peuvent avoir des difficultés à se concentrer sur les informations données dans le tunnel. Dans le cas de situations de « danger » en particulier, ils peuvent également avoir des difficultés à percevoir le message d’alerte et à l’interpréter en tant que tel.

2.1.4. Conclusion

Tous les usagers interrogés ont eu connaissance de la nature de l’événement par le biais des pompiers présents dans le tunnel qui les en ont informés. Cependant, malgré le

nombre de signaux qu’ils perçoivent, ils ne comprennent pas ce qui se passe ni les dangers associés à la situation : « Je n’ai pas vu de risque car j’étais trop loin. »,

« Quand rien ne se passe, on attend. », « On s’est concentré sur les messages visuels et la radio, mais on ne sait pas ce qui se passe. ». Les images vidéo illustrent également cette

question. En effet, certains usagers restent sur le trottoir devant l’abri et font des allers- retours vers leur véhicule, situé en face de l’issue, pour semble t-il prendre des affaires personnelles.

Les témoignages montrent que pour les usagers il est important de comprendre ce qui se passe dans le tunnel afin d’être sûr que la « bonne » décision est celle d’évacuer vers un abri. Pour cela ils ont besoin d’avoir des informations sur la nature de l’événement et

du danger : « On ne sait pas si c’est tout le tunnel qui brûle, on a besoin de connaître le

niveau de gravité pour réagir. Lorsqu’on a le message, il y a toujours un delta temps de 10 minutes, on attend, on reste à côté de son véhicule, on regarde ce qui se passe et on se dirige vers un abri. ». Un usager souligne la difficulté de laisser son véhicule : « Il faut donner un minimum d’informations pour faire sortir les gens de leur véhicule. Les pompiers ont dit au chauffeur que nous aurions dû sortir. Mais on ne quitte pas son véhicule comme ça, c’est un objet qui a de la valeur pour les gens. ».

Par ailleurs, on constate que les habitués ont l’impression de subir de fréquentes

fermetures de tunnel et interruptions de circulation. Ceci entraînerait une certaine accoutumance et rendrait difficile la perception des messages (radio) d’évacuation peu

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