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Chapitre 5. Analyse d’évènements d’exploitation

4. Bilan de l’analyse des évènements d’exploitation

4.1. Sur le comportement des usagers

4.1.1. Eléments de typologie et de compréhension

4.1.1.1. Profil des usagers

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Nous donnons un aperçu général de notre population d’étude. Parmi les vingt-deux témoignages recueillis à la suite d’évènements de type incendie, trois proviennent de chauffeurs routiers dont le véhicule est à l’origine de l’évènement. Les autres usagers impliqués sont pour près de 63% d’entre eux conducteurs de PL. La quasi-totalité des interviews a été réalisée auprès des conducteurs, une seule a été menée auprès d’un passager. Elles concernent essentiellement des hommes, seules deux femmes font partie de notre panel. Environ 64% sont chauffeurs routiers, les autres usagers exercent différents métiers.

Près de 83% des interviewés sont de nationalité française [n=18]63. Les autres sont d’origine italienne, turque et écossaise. On note que le plus jeune a 26 ans et le plus âgé

70 ans [n=19]. Entre ces deux extrémités, les différentes classes d’âge sont présentes

(Figure 45). 42 53 5 0 10 20 30 40 50 60 26-45 46-65 > 66 âge % [ n = 1 9 ]

Figure 45 : Evènements d’exploitation (incendie), répartition des usagers selon l’âge (%)

La majorité des participants a une longue expérience de conduite (supérieur à 20 ans) et est en déplacement professionnel. La quasi-totalité des usagers emprunte fréquemment

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Sur l’ensemble de l’analyse, la gendarmerie est intervenue trois fois et les pompiers une fois dans les tunnels d’Aiguebelle et Hurtières. Ces délais d’intervention ne sont donc pas détaillés.

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voire très fréquemment les tunnels ainsi que celui dans lequel s’est produit l’événement, excepté un conducteur qui l’utilise peu souvent (Figure 46).

0 0 0 6 8 18 92 76 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 tunnel en général [n=12] tunnel de l'événement [n=17] fréquence d'utilisation % très fréquente fréquente peu fréquente 1° fois

Figure 46 : Evènements d’exploitation (incendie), fréquence d’utilisation des tunnels des usagers (%) On observe que les deux tiers des usagers qualifient la traversée d’un tunnel comme

« indifférente », un l’associe à l’adjectif « sécurité » et trois au terme « danger » [n=12].

4.1.1.2. Analyse des témoignages

L'analyse des témoignages et des images vidéo montre que certains usagers ont un comportement actif et de type collectif tandis que d’autres ont un comportement passif qui consiste à rester dans leur véhicule.

Lorsque l'évènement se déclare et qu'ils sont encore seuls dans le tunnel, les usagers cherchent à prévenir les autres personnes qu'il se passe quelque chose (utilisent les warnings, font des appels de phare, etc.). Les premières personnes, qui croisent ou suivent le véhicule à l'origine, ont tendance à poursuivre leur chemin car elles n'ont pas le temps de réagir face à ce qu'elles perçoivent. On constate également que certaines d'entre elles font demi-tour. Ce type de comportement est observé chez des conducteurs de véhicule léger et dans des tunnels bi-directionnels. Parmi les premiers usagers, certains doublent le véhicule en feu (y compris les chauffeurs routiers). Pour ces usagers, la meilleure stratégie semble consister à s'éloigner du danger plutôt que de s'arrêter à proximité. Par ailleurs, d'autres usagers font marche arrière avec leur véhicule pour se garer de manière à ne pas gêner la circulation ou pour s'extirper de la fumée, d’autres encore prennent de la distance pour effectuer un demi-tour.

On constate également que certains chauffeurs connaissent les consignes de sécurité et les appliquent. Lorsqu'ils voient la fumée, ils décident de s'arrêter, laissant une distance suffisante avec le véhicule précédant, et signalent le problème avec les postes d'appel d'urgence puis suivent les consignes qui leur sont données (attendre dans l'issue, rejoindre l'issue, etc.).

Au-delà des caractéristiques propres à chaque usager qui peuvent jouer un rôle dans l’évacuation, certains points apparaissent communs à l’ensemble des usagers. Tout au

long de l'évènement les usagers cherchent de l’information pour répondre à deux questions : « Que se passe t-il ? » et « Que dois-je faire ? ». Ces questions renvoient au

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connaître les consignes pour adopter le meilleur comportement en fonction de la situation perçue et des enjeux qui sont propres à chaque conducteur.

Les témoignages soulignent la difficulté qu’ont les usagers à comprendre la nécessité d’évacuer. En effet, ils ne perçoivent et ne comprennent pas forcément le basculement entre la situation normale de conduite et la situation d'évacuation à pied vers une issue de secours. Il est à noter que la connaissance des dangers et des consignes associés à un incendie en tunnel ne suffit pas toujours à inciter les usagers à rejoindre une issue de secours. Cet aspect est renforcé par ce que nous appelons le déni de la situation de danger. Ce trait est à rapprocher de l’optimisme comparatif c’est à dire la tendance des individus à croire qu’ils ont plus de chance que leurs pairs de vivre des évènements heureux et moins de chance qu’autrui de faire des expériences négatives (Kouabenan, 2006).

A noter également que les opérateurs soulignent des difficultés de communication et de compréhension avec les usagers. Le langage et l’utilisation du terme « abri » peut ne pas être compris. Les questions importantes et l’information sur la situation ne sont pas des pratiques systématiques.

4.1.2. Axes de vigilance

4.1.2.1. Pour l’auto-évacuation des usagers

Le nombre de témoignages recueillis est faible et ces derniers concernent des usagers qui se sont arrêtés. Il n’est ici pas possible de généraliser nos observations mais ceci constitue des pistes pour une analyse sur une longue période et à partir des exercices. De plus, comme précédemment constaté, plusieurs témoignages de chauffeurs confirment les résultats obtenus lors d’entretiens avec des chauffeurs routiers dans le cadre du projet ACTEURS. Ces résultats montrent que certains chauffeurs routiers connaissent les consignes de sécurité et les modalités d’arrêt en tunnel. Cependant, quel que soit le problème rencontré, les conducteurs tentent de sortir du tunnel et cela pour plusieurs raisons : peur d’être tenu responsable (effet Mont-Blanc), croyances personnelles ou ignorance des consignes à appliquer. Pour aider à dépasser ces difficultés le projet

ACTEURS propose de donner l'ordre de la nécessité de s’arrêter et la formation comme moyens d’action.

Les témoignages montrent qu'il est nécessaire de travailler sur une alarme visant à déclencher le comportement d’évacuation en cas d'évènements majeurs.

Les informations doivent être adaptées à la situation, en fonction de sa gravité et de sa dangerosité. Elles doivent être données tout au long de l’événement pour permettre aux personnes de comprendre ce qui se passe. Pour améliorer l’auto-évacuation des usagers, il

apparaît nécessaire :

de délivrer un message d’alerte gradué en fonction de la situation ;

d’informer sur les dangers encourus et de donner la consigne d’évacuer ;

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(limitation de vitesse, interdistances, etc.) ainsi que sur la manière la plus pertinente à donner en fonction du destinataire.

La question des demi-tours apparaît dans l’analyse de plusieurs évènements et mériterait d’être approfondie. Ce comportement est considéré comme source potentielle de sur-accident par les professionnels du monde des tunnels, mais pour les usagers il semble correspondre à une stratégie permettant de s’éloigner du danger en rejoignant un univers connu.

Il apparaît également utile d’envisager une étude statistique des fermetures du tunnel ainsi qu’une enquête d’opinion auprès des habitués (et/ou abonnés) du tunnel afin de poser un diagnostic objectif pour évaluer l’impact éventuel en cas d’évacuation.

4.1.2.2. Pour le retour d’expérience

Les difficultés apparues dans l’utilisation des fiches d’autorisation de contact montrent l’importance de réfléchir à l’optimisation de ce dispositif. Une simplification devrait être réalisée avec une page recto/verso comme la fiche mise en place pour le tunnel du Fréjus64. A noter aussi que les personnes, aujourd’hui chargées de faire remplir ces fiches, ne sont peut être pas toujours disponibles pour s’occuper de cette tâche lors d’un évènement car c’est une mission secondaire. Il semble que la ou les personne(s) qui amène(nt) et/ou reste(nt) avec les usagers à l’extérieur du tunnel pourrai(en)t également être chargée(s) de cette mission. L’information et la formation sur la démarche seront nécessaires pour communiquer et accompagner les futurs utilisateurs.

Il est à souligner que la technique de l’entretien téléphonique est un bon moyen pour obtenir le témoignage des usagers. Les chauffeurs routiers répondent, en général, à l’aide de leur « kit mains libres ». Cependant la réception de l’appel n’est pas forcément continue et il n’est pas toujours évident d’approfondir certains points. Pour les évènements porteurs d’apprentissage, il pourrait être proposé aux usagers de les rencontrer en face à face afin de pouvoir aller plus loin avec eux dans l’analyse de la situation.

Lorsqu’il est décidé de recueillir le témoignage d’usagers impliqués dans un événement, il est important de conserver les images vidéo pour confronter et approfondir les informations obtenues. Il est à noter que l’analyse du comportement des usagers avec les images vidéo n’est pertinente que si elle est étayée par leur témoignage.

La conservation d’images des caméras intérieures voire extérieures peut être utile à une analyse complète et précise d’un événement. Cependant, il est difficilement possible de mettre en œuvre ce type de démarche pour l’ensemble des évènements d’exploitation. Elle doit porter sur des évènements significatifs dont le potentiel d’apprentissage est grand et pour lesquels il est nécessaire de reconstituer au moins en partie, les moments forts, de ces derniers.

Le retour d’expérience met en avant l’intérêt des opérateurs pour ce type de démarche permettant de faire ressortir les points positifs, négatifs et les axes de vigilance. La

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communication et la collaboration sont des points nécessaires et importants. En particulier des points abordés qui n’ont pu l’être auparavant (difficulté à déterminer l’usager à l’origine, temps de recherche et de confirmation des informations suite détection DAI, etc.).