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Chapitre 4. Retour d’expérience et méthode de recherche

4. Point d’étape

Au cours de ce quatrième chapitre nous avons abordé le retour d’expérience, pour commencer d’un point de vue conceptuel puis appliqué à notre terrain d’étude. Ce chapitre termine la partie théorique. Il conduit à orienter la recherche autour de trois axes principaux pour lesquels nous avons donné nos hypothèses et expliqué la méthode de travail.

Le retour d’expérience est tantôt défini tel un outil tantôt telle une démarche de management intégré(e) à la gestion de la sécurité des systèmes complexes à risques. Le terme est polysémique. Dans les différentes définitions proposées, il apparaît qu’il évolue en miroir avec des approches données pour la gestion de la sécurité. Afin de gagner en matière de sécurité (réduire le nombre d’évènements) dans les systèmes complexes à risque, les aspects technologiques font l’objet d’études et de retour d’expérience. Par la suite lorsque le niveau de sécurité atteint un optimum (niveau de sécurité élevé), l’intérêt est porté sur les facteurs humains et organisationnels qui permettent de progresser en sécurité (Lecoze & Lim, 2002).

Parmi les conceptions, nous retenons en particulier les Etudes Détaillées d’Accidents développées au sein de l’INRETS (Ferrandez, 1999 ; Van Elslande, 2001 ; Van Elslande & Fleury, 2005) car elles se rapprochent de notre objet d’étude. Un psychologue recueille les témoignages à « chaud » sur les lieux de l’accident, les approfondis lors d’un second

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Si le retour d’expérience est différent par les besoins propres à chaque organisation, certains principes fondamentaux existent et en particulier lorsqu’il s’agit de prendre en compte les aspects humains et organisationnels dans la démarche. Lorsqu’un événement survient, ces principes reposent sur le traitement des informations selon la progression suivante : détection et collecte, analyse, stockage, exploitation et partage des expériences. Dans les différents domaines où il est institué, l’évolution du retour d’expérience passe par l’intégration du point de vue des acteurs, de leur comportement, de leurs interactions et organisation. Elle est confrontée à un certain nombre de freins (peur de la sanction, etc.) repérés par de nombreux auteurs. Des leviers d’action visant à dépasser les difficultés sont proposés. Ils concernent en particulier le management et l’organisation du retour d’expérience (Gilbert, 1999 ; Amalberti & Barriquault, 1999 ; Gaillard, 2005 ; Wassenhove & Garbolino, 2008).

Nous avons choisi un autre exemple, la méthode REXAO car elle prend en compte le point de vue des différents acteurs de la gestion d’un événement et les réunis autour d’une table pour que tout à chacun soit acteur de la sécurité par des questionnements (Wybo & al., 2001 ; Wybo, 2004a). Notre intervention repose sur cette méthode car elle est centrée sur la mise en valeur des capacités de rattrapage des acteurs et de l’organisation d’une situation qui n’aurait pas été suffisamment couverte par les procédures. En effet, selon Mortureux (2004), « Le retour d’expérience est indispensable pour connaître le

comportement des systèmes dans leurs milieux, dans les conditions réelles d’utilisation. »

(p. 2.).

Ce chapitre a également été l’occasion de faire un état des lieux du cadre

réglementaire entourant le retour d’expérience et des pratiques existantes dans le

domaine des tunnels routiers. Comme le soulignent Tesson et Lavedrine (2004), au niveau local, le retour d'expérience a pour objectif de permettre à chaque exploitant d'avoir une connaissance précise des incidents et accidents significatifs se produisant dans son tunnel, de la façon dont ces derniers sont traités par le personnel et le cas échéant de remédier aux éventuels dysfonctionnements rencontrés. Au niveau national, les données du retour d'expérience vise à avoir une approche statistique sur un nombre significatif d'évènements et d’appréhender les mécanismes des dysfonctionnements à partir d'une analyse détaillée du déroulement des évènements. Cependant le diagnostic montre les limites de ce système et fait émerger certaines attentes des exploitants.

Par rapport à l’approche présentée qui entoure les systèmes industriels ou l’aviation, en tunnel routier le retour d’expérience diffère par la prise en compte de l’acteur extérieur (l’usager dans le tunnel), des niveaux d’évolution et de formalisation du retour d’expérience. A l’image des autres domaines dans lequel il est mis en place, l’évolution du retour d’expérience en tunnel routier est similaire. Pour progresser en matière de sécurité, les aspects techniques, humains et organisationnels sont essentiels pour le retour d’expérience.

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 Au départ, l’intérêt est porté sur les aspects techniques (infrastructure,

équipements, exploitation, véhicule) et les dysfonctionnements sont l’objet du retour d’expérience afin de travailler et d’améliorer les barrières du système.

 Dans un deuxième temps, le comportement des personnels « exploitant » est pris

en compte dans les analyses et permettent de travailler sur l’appropriation par les acteurs de la technique, des procédures, du système. Dans le domaine des tunnels routiers, ces aspects ont été principalement abordés à partir de la formation.

 Ensuite le retour d’expérience a pris en compte les aspects organisationnels en

interne à l’exploitant et avec les personnels externes (sapeurs-pompiers, gendarmes, etc.). Les points touchant à la gestion des situations (maintenance, interventions sur incidents et accidents, réglementation, etc.) sont travaillés et contribue à la résilience du système.

 Enfin, le retour d’expérience est orienté sur le comportement des usagers. Il a

d’abord porté sur la communication des consignes de sécurité ou l’application des règles par le contrôle-sanction afin que les usagers s’approprient le système. En France dès 2003, s’est mis en place le projet ACTEURS qui a notamment réuni plusieurs sociétés d’exploitation de tunnel. Le CETU a également mis en place un thème de recherche prioritaire sur ce sujet. Il s’agit désormais de prendre en compte le concept d’affordance c’est à dire la capacité de l'être humain à comprendre son environnement de manière spontanée. Plus précisément, d’après Morineau (2001), ce concept est issu de la psychologie écologique « Pour rendre compte de l’adaptation immédiate d’un individu à

son environnement » (p.83). Il s’est infiltré par la suite en psychologie ergonomique dans

l’analyse de l’activité et à travers la définition d’interfaces dites « écologiques ».

La Figure 17 illustre nos propos et fait apparaître qu’à chaque phase de progrès le gain apporté en termes de sécurité atteint à un moment donné un certain palier (diminution restreinte du nombre d’accidents). Ce palier est dépassé lorsque l’intérêt se déplace sur d’autres aspects. Les gains sont importants et rapides sur les aspects techniques mais plus on se rapproche du comportement des usagers plus il devient difficile de gagner beaucoup et rapidement. En effet, par rapport à d’autres domaines, en tunnel routier il est nécessaire de trouver les moyens d’avoir accès aux témoignages des usagers.

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La quatrième phase de progrès de la sécurité en tunnel routier constitue l’objet principal de notre recherche et le cœur de notre problématique. La première partie de notre travail a consisté à apporter des précisions sur notre problématique à partir des travaux existant dans la littérature. Ce quatrième chapitre complète cet objectif et nous a conduit à formuler nos hypothèses de recherche puis à présenter l’ensemble de notre méthode expérimentale. Le retour d’expérience est, pour nous, objet principal du travail de recherche et pour lequel nous l’abordons telle une démarche. Il est aussi outil de recherche et de pratique.

La seconde partie de notre travail concerne plus précisément les travaux réalisés sur des évènements d’exploitation et des exercices de sécurité puis seront abordées les représentations mentales. Nous allons présenter les protocoles expérimentaux mis en place pour chacun de ces travaux et les principaux résultats. Cette partie vise à comprendre en particulier l’écart entre le comportement attendu et le comportement observé des usagers. Nous allons mettre en évidence les éléments qui aident à comprendre « pourquoi » les usagers attendent dans leur véhicule ou font demi-tour, par exemple, au lieu d’évacuer vers une sortie de secours.

Dans le prochain chapitre, nous allons aborder l’étude conduite sur les évènements d’exploitation puis dans les deux chapitres suivants nous traiterons des exercices de sécurité et des représentations mentales. Le dernier chapitre sera consacré aux enseignements et limites de notre travail ainsi qu’aux perspectives futures de celui-ci.

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Chapitre 5. Analyse d’évènements