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Chapitre 4. Retour d’expérience et méthode de recherche

1. Les conceptions du retour d’expérience

1.2. Des approches propres aux besoins de l’organisation

selon les domaines d'activité explorés. D’après Gilbert (1999), si dans l'aviation civile, le nucléaire et de nombreuses industries, les pratiques de retour d'expérience sont clairement identifiées et intégrées au fonctionnement des organisations, dans le domaine des transports routiers, les pratiques sont moins développées et moins systématiques malgré des évolutions observables.

Parmi les différentes démarches de retour d’expérience existantes nous donnons ici quelques exemples qui nous ont fourni un axe de réflexion s’intégrant à notre démarche.

1.2.1. Dans le domaine industriel : le BARPI

Le BARPI35 a été crée en 1992 au sein de la Direction de la Prévention des Risques et Pollutions Industrielles (DPPR), du ministère de l’Ecologie et du Développement Durable. Cet organisme pratique le retour d’expérience à un niveau pluriorganisationnel.

« Le BARPI a comme mission le recueil des informations et la constitution d’une base de données sur les accidents industriels (au sens large), la mise à disposition de ces données et leur analyse auprès de différents types d’utilisateurs, publics et privés, à des fins de prévention, réglementation, etc.. » (Gilbert & Bourdeaux, 1999, cité par Wybo & al., 2003,

p. 10).

Le BARPI a trois missions principales (Wybo & al., 2003) :

centraliser et analyser les données relatives aux accidents, pollutions graves et

incidents significatifs survenant dans les installations classées pour la protection de l’environnement ou liées à l’activité de ces dernières et susceptibles de porter atteinte à l’environnement, à la sécurité et à la santé publique. La base de données ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents), opérationnelle depuis 1993, a comme objectif de rassembler et de traiter les informations accumulées dans l’étude des évènements. Les informations proviennent de plusieurs sources (inspection des services de secours et de sécurité, etc.) afin d’être les plus exhaustives possibles et d’alimenter les études et réflexions des entités directement concernées ou simplement intéressées ;

constituer un pôle de compétences, susceptible de contribuer à la définition de la

politique générale en matière de prévention et de réduction des risques technologiques ;

assurer la diffusion des enseignements tirés de l’analyse des accidents survenus

en France ou à l’étranger.

L’accent est mis sur l’importance de mieux informer la société civile des réalités et des

difficultés de la prévention des risques technologiques sans attendre l’accident afin

qu’elle puisse en dehors des périodes de crise se forger une opinion et participer à la gestion de ces risques. Pour faire face à la complexité et à la diversité des accidents, notre société a besoin de repères. L’échelle européenne permet, avec des critères objectifs, de

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mettre les accidents en perspective les uns par rapport aux autres et facilite l’accès aux informations relatives aux effets et conséquences. Cette échelle comprend quatre indices qui représentent respectivement les marchandises dangereuses, les conséquences humaines et sociales, les conséquences environnementales et les conséquences économiques (BARPI, 2005).

Sécurité et transparence sont deux exigences légitimes de notre société. L’accès au

niveau de sécurité très élevé, exigé par nos concitoyens, nécessite le développement d’une culture collective de la sécurité et le partage en toute transparence du « capital du savoir », acquis à l’expérience des succès mais aussi des échecs. Cette préoccupation recouvre tant les mesures techniques que les aspects organisationnels et le management. Elle implique le recueil, l’analyse et la mise en commun des informations et des enseignements tirés des accidents et incidents antérieurs pour que les améliorations qui apparaissent nécessaires puissent être mises en œuvre (BARPI, n. d.).

1.2.2. Dans le domaine des transports

1.2.2.1. Les Etudes Détaillées d’Accidents

Dans le domaine des transports terrestres, une illustration concrète des apports du retour d'expérience sur la connaissance des facteurs humains peut être donnée à partir du dispositif des Etudes Détaillées d'Accidents (EDA) mis en place par l'unité Mécanismes d'Accidents (MA) de l'INRETS à Salon de Provence. Ce dispositif a servi de base pour construire notre méthode d’analyse des évènements en tunnel.

Les retours d’expérience en sécurité routière sont organisés par les ministères concernés tout en étant complétés par des actions réalisées par les organismes de recherche (Ferrandez, 1999). Dans ce dernier cas, l’INRETS a développé des analyses en profondeur : les EDA dont l’idée est apparue aux Etats-Unis dès les années cinquante.

La méthode des EDA se fonde sur une approche systémique qui s'intéresse tant aux facteurs humains (données subjectives) qu'aux facteurs liés aux véhicules et aux infrastructures (données objectives). Lorsqu'un accident survient, un technicien et un psychologue de l'INRETS se rendent sur les lieux afin de recueillir des données. Le psychologue réalise des entretiens auprès des personnes impliquées et des témoins. Ces entretiens sont complétés dans les jours qui suivent par un deuxième entretien. Ces données confrontées aux données objectives permettent de reconstituer le déroulement de l’accident de manière très précise. Cette méthode s'inscrit dans les objectifs de recherche de l'INRETS et vise à comprendre les facteurs et mécanismes psychologiques en jeu dans l'activité de conduite afin de proposer des solutions en matière de sécurité routière (infrastructure, prévention, etc.).

A partir de données recueillies par des équipes pluridisciplinaires, l'objectif général de ces études est l'analyse des processus de dysfonctionnement du système routier, la détermination des causes et des conséquences des accidents. Les informations utilisées

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responsabilités, mais à reconstruire, décrire et comprendre le déroulement de l'accident tout en expliquant les enchaînements de causes.

L'analyse des données recueillies est notamment basée sur le modèle (simplifié) de fonctionnement de l'être humain issu de la psychologie cognitive. Ce modèle aide à

comprendre le fonctionnement psychologique des usagers pendant le déroulement de la situation d'accident. Par exemple, un accident étudié dans le cadre des EDA, montre comment l'absence de repères directionnels, due à la présence de travaux sur la voirie, peut solliciter une grande partie des ressources attentionnelles du conducteur, n'en laissant que peu pour l'observation de son environnement. Ainsi, focalisé à trouver un repère directionnel, le conducteur ne « voit » pas ce qui se passe autour de lui et entre en collision dans un carrefour avec un deuxième usager (Girard, 2007).

Les études détaillées d'accidents sont un atout pour une meilleure maîtrise des problèmes de sécurité routière. Elles offrent la possibilité d'identifier les informations et les enseignements qui permettront des actions de prévention plus efficaces dirigées vers les conducteurs, compte tenu de leurs caractéristiques et capacités, mais aussi vers les véhicules et vers les infrastructures.

L’EDA est un outil qui doit être adapté aux objectifs poursuivis. Selon Ferrandez (1999), « L’approche est de type clinique, analytique, et nécessite un recueil de données de

qualité. Pour cela des méthodes de recueil et d’analyse appropriées sont mises en œuvre. »

(p. 37). Dans cette perspective, il peut être utilisé dans l’analyse de différents aspects de la sécurité routière (deux-roues, carrefour, etc.) et, compte tenu de ses avancées, dans l’élaboration de scénario-type d’accidents.

Pour Brenac et Fleury (1999) un scénario-type est « Un déroulement prototypique

correspondant à un groupe d’accidents présentant des similarités d’ensemble du point de vue de l’enchaînement des faits et des relations de causalités dans les différentes phases. »

(cité par Amans & al., 2005, p. 18). Leur création concourt à acquérir une connaissance complète des mécanismes accidentels. « Ce regroupement permet d’obtenir aisément une

vue d’ensemble des éléments constitutifs d’une base de données, quel que soit son échelle et, ainsi, d’établir des conclusions générales propres à ces ensembles de cas. » (Amans &

al., 2005, p. 19). Ces regroupements visent à permettre l’identification des mécanismes accidentels de base (réalisation de diagnostic). Ces caractéristiques peuvent servir de fondement à l’élaboration de mesures préventives touchant le conducteur, son véhicule ou l’environnement dans lequel il évolue et participent ainsi à l’amélioration de la sécurité routière.

Le regroupement peut se faire soit par une analyse experte, au cas par cas, soit par une méthode statistique.

 La première option repose sur des données très précises issues généralement d’études

détaillées d’accidents, le regroupement se fait en fonction des variables disponibles et des objectifs recherchés par la classification. « La complexité d’un accident est telle que cette

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(Amans & al., 2005, p. 19). Cependant, elle se caractérise par un coût financier élevé car l’examen au cas par cas est contraignant en terme de temps et d’expertise.

 La deuxième option repose le plus souvent sur une base de données conséquente,

telles des statistiques nationales.

Dans les deux cas il est nécessaire d’avoir un nombre d’informations conséquent à partir d’une méthode de recueil et d’analyse systématisée et pour laquelle, le plus souvent, un groupe de plusieurs chercheurs collaborent.

1.2.2.2. A la RATP

D’après Wybo et al. (2003), le retour d’expérience à la RATP s’organise à deux niveaux :

au plus près du terrain, dans les départements et les unités, pour réagir dans des

délais brefs à toute manifestation anormale concernant une fonction de sécurité. Chaque unité désigne un correspondant REX chargé, à partir des documents établis par la hiérarchie de proximité, d’établir, pour chaque dysfonctionnement ayant un impact sur la sécurité, une fiche d’incident ou d’accident REX, en utilisant le logiciel REX développé par l’unité Maîtrise des Risques Systèmes (MRS) ;

au sein d’une cellule transversale (Unité MRS), qui conduit une analyse

rigoureuse et objective des causes profondes de tous les incidents graves, afin d’en tirer des enseignements à moyen et à long terme. C’est à ce niveau que doit être analysé de façon approfondie l’aspect très important des « facteurs humains ». La MRS fonde principalement son action sur la mise en place de la base de données REX développée en interne. Cette base de données REX est un outil dans lequel les opérateurs sur le terrain, issus de l’encadrement, dans chaque ligne de métro et dans un certain nombre de services de maintenance, consignent des informations en cas de problèmes, d’incidents, notamment les incidents à déclaration obligatoire auprès de la Direction Régionale de l’Equipement (en cas d’incidents de plus de 10 minutes etc.). Ce logiciel associe des questions sur le matériel, l’organisationnel, les compétences et les connaissances. Il comprend une partie sur les facteurs humains. Il comporte une partie « texte libre » pour chaque question.