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Un espace décrit comme chaleureux…

CHAPITRE 7. ANALYSE GENERALE DU CORPUS

7.3 Seuils, entre présence et absence, retrait et mise en activité

7.3.2 Un espace décrit comme chaleureux…

L’espace institutionnel est décrit comme figurant la volonté d’être un lieu « confortable » (N, 63,81), « chaleureux, familial » (N, 83, 99), « libre » (D, 4 ; G, 28), « convivial » (N, 149 ; D, 70), « ouvert » (N,35), sans «aucune obligation » (N, 159) « gratuit » (N, 137 ; D, 22, P, 12), qui permet aux personnes de découvrir un «premier lieu de sociabilisation » (N, 141, 159),

«d’ancrage, où des liens, des amitiés, des couples se créent » (N, 141). Les personnes peuvent y « avoir un lieu d’ancrage (…) avoir un quotidien » (N, 141), « un moment de pause » (M,92, 94) « ne pas être perdus dans cette ville» (N, 141), « être reconnus dans ce qu’ils sont, dans leur particularité (…) au-delà de leurs symptômes, de leurs problématiques » (G, 80), il s’agit « de redonner la dignité à la personne » (C,2) et parallèlement «l’instant d’une journée, oublier un peu les tracas, les problèmes » (N, 159), « s’évader, se distraire » (D,70), bénéficier d’une « soupape » (D,50), « sortir de l’isolement » (L, 54), « être attendu, se faire du bien » (L, 118). Milène s’applique à rendre le lieu agréable, qui tend à laisser croire à un espace ordinaire

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que l’on pourrait trouver dans un domicile familial « on allume les lumières, on allume la lumière ici aussi, la mappemonde, on met la musique, les photos, on allume l’aquarium aussi (…), et voilà on crée une ambiance un peu chaleureuse c’est hyper important pour nous chaleureuse et accueillante quoi, et ensuite on ouvre la porte (M, 16). « un lieu presque familial, recréer un peu ce cocon qui est perdu ou qu’ils n’ont jamais eu quoi » (M, 174). L’espace d’accueil où travaille Milène se situe dans un appartement conventionnel, la description qu’elle en donne diffère de ce que j’ai observé sur le terrain. A contrario, l’espace du bateau est, comme je l’ai montré, aménagé de telle manière qu’il donne à penser à un espace bricolé, attaqué par les assauts du vent, de l’eau, de la rouille, une belle métaphore soit dit en passant de la débrouille de la rue. Son ouverture partielle rend néanmoins l’environnement rude supportable. Mais le contraste intéressant tient aussi dans le fait que l’appartement décrit par Milène, alors qu’il pourrait augurer un réel habitat confortable et douillet, est justement fermé durant la journée et les résidents obligés de passer ce temps à l’extérieur. En sorte qu’une fois encore, l’accueil est déterminé par ses attributs temporaires, une importance forte est donnée à son caractère transitoire et passager qui toujours sous-tend une dimension d’activation des personnes pour lesquelles il est construit.

Bien que l’image de l’institution apparaisse pour certains comme un rouage complexe (N, B, image n° 12), imprégnés alors de valeurs très distanciées de celles mobilisées par les professionnel-le-s « maintenant dans le travail social, y’a tout un côté managérial, (…) on complique beaucoup, (…) on s’perd peut-être dans des choses qu’on a pas besoin parc’que on nous l’demande au d’ssus, mais qui sont futiles par rapport au travail avec l’autre » (N, 261) et que son caractère ambigu est signifié une fois par Danièle « Si on existe c’est parce qu’il y a ces inégalités dans le monde, on est dans ce monde qui est quand-même pas très humain (…) qui est mécanisé, qui est un peu voilà sans humanité » (D, 96) ; pour cinq de mes interlocuteur-trice-s l’institution est représentée par une image émancipatrice. Pour Lucienne (n° 15) l’institution permet «la liberté, ouvrir des cages, on peut se sentir tellement emprisonné justement dans sa souffrance dans ses problèmes et essayer d’ouvrir les cages ça me parle » (160), pour Gaspard, (n°4) « le côté phare, un peu balise » (176) marque l’aspect de repère offert par l’institution, pour Cléa, (n°13) « l’image du bateau qui avance, qui brille »,(110) pour Milène (n° 13), « une soupape de sécurité comme ça avec des choses qui peuvent sortir et en même temps c’est très chaleureux c’est chaud, c’est protégé et puis, oui y’a de la lumière, c’est lumineux » (170), pour Pascal, l’image n° 16 représente « le métissage, l’espoir, il y a tout quoi, c’est joli, c’est cool » (112). Pour Nicolas, l’institution apparaît surtout dans l’image de l’accueilli « qui arrive avec un vécu », mais qui au sein de l’institution trouvera un « nouveau départ, (…) il va découvrir plein de choses » (263). Celle-ci reste donc perçue comme un passage nécessaire à de possibles chemins d’affranchissement. L’institution reste aux yeux

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des professionnel-le-s, un repère lumineux. Cette perception sera mise en discussion au terme de l’analyse.

7.3.3 …Dans lequel on progresse de manière graduelle

Si la première étape est conçue comme espace de repos et de ressourcement, se tient en parallèle une idée de progression, inscrite dans un mouvement d’autonomisation, d’ascension sociale, d’adaptation. On comprend en ce sens que les termes usagers et bénéficiaires sont discrédités par les travailleur-euse-s. Tout d’abord on accueille l’autre « tel qu’il est, ça veut dire déjà reconnaître la personne en tant que personne, en tant qu’individu, et puis ensuite lui proposer de participer à différentes activités (…) où les gens sont invités à parler, à communiquer, à échanger » (p. 8), puis la transformation au sein de l’institution est signifiée.

Par exemple pour Nicolas, apprendre le français peut « permettre de trouver autre chose, se défendre » (168), « pouvoir s’en sortir, (…) évoluer, (…) monter les échelons qui leur sont possibles de monter » (157). Pour Gaspard, la fréquentation du lieu augure un début de réflexion sur soi, « qu’il se passe un peu quelque chose que les gens repartent un peu mieux qu’ils sont arrivés » (G,84) « quand-même, on intervient dans le domaine des addictions, donc les gens qui sont envoyés chez nous, qui viennent ont quand-même en tête à un moment, si ils passent le pas c’est quand-même de réfléchir un bout à leur consommation, je pense que ça c’est quand-même sûrement un des axes un peu le plus important » (G,92). Lucienne évoque la possibilité de proposer un rythme de vie, dans notre système social, souvent modéré par le travail, « ça leur redonne un peu un rythme de vie, d’avoir un horaire d’être attendu, s’ils viennent pas au bout de 2 fois on va leur téléphoner pour savoir ce qu’il se passe » (116). La notion de compétences est citée, les mettre en évidence chez les personnes accueillies est pensé comme une tâche du travail social, il s’agit de les valoriser, de les restaurer : « j’ai envie de leur montrer qu’elles ont des compétences qu’elles arrivent à faire pleins de choses, qu’elles sont admirables, qu’elles sont sensibles j’ai envie de leur donner ça » (L, 90).

On parle surtout de restauration de compétences, on s’adresse surtout à des gens qui ont pleins de compétences et du coup ça c’est la vision qu’on a ensuite on met en place un certain nombre de valeurs, on essaie de voilà, la gratuité, la flexibilité, la solidarité, la convivence, générer les conditions pour créer un climat positif que tout le monde se sente à l’aise, la convivialité, la complémentarité, la complémentarité c’est à l’interne et aussi vers l’extérieur, et pour les objectifs c’est que les gens élargissent leur réseau, créent du lien social, et puis avancent dans leur processus (P, 14) « la dignité c’est aussi de laisser sentir la personne que même dans les situations de précarité, démunies, elles sont pleines de ressources, pleines de choses, d’expérience, de

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connaissances et de laisser sentir ça aussi (…) la personne vit des difficultés, des fois la vie est très dure, mais faut pas voir que l’aspect problème (16).

Les personnes accueillies sont ainsi regardées sous un angle double : fragilité vs ressources, on rejoint ici les perspectives évoquées plus haut par Genard, d’une anthropologie conjonctive, mais qui ne se révèle apparemment que sous l’égide d’une fréquentation institutionnelle.

La progression pensée en rapport aux trajectoires des personnes accueillies, peut également être convoquée relativement à l’immersion progressive – physique - dans l’espace d’accueil.

Si ouvrir la porte apparaît comme le symbole emblématique du processus d’accueil, (N, 125 ; D, 4) ; l’immersion se fait ensuite graduellement, marquant une empreinte de plus en plus forte dans l’appartenance institutionnelle. La porte est par ailleurs bien souvent ouverte (terrain, Milène, Gaspard) ce qui permet par exemple selon M « de passer du dehors au dedans plus facilement que de devoir sonner frapper, jeter un coup d’œil, sentir l’ambiance si ça va si je repars » (M, 20).

Mais les lieux premiers d’affiliation restent organisés hors de l’institution, souvent construits autour de regroupements de pairs, qui marquent le premier seuil de reconnaissance. Le futur usager, pénétrant ces espaces informels est alors partiellement initié par un réseau de proches auxquels on peut s’identifier, et qui permet déjà une adhésion comme préliminaire au futur franchissement du seuil formel. « Y’a toujours du monde devant parce qu’on peut pas fumer à l’intérieur, donc y’a toujours du monde qui fume dehors, (…) donc ça aussi je pense y’a un premier accueil (…) c’est vrai qu’on peut se dire que l’accueil souvent il démarre dehors » (G, 76,78). J’ai retrouvé ce contexte lors de mon arrivée pour l’entretien de Pascal, prenant place dans la file d’attente, et constatant des premières interactions entre les accueilli-e-s devant l’institution. Dans mon terrain de recherche, situation similaire. Pour entrer, il faut traverser les petits groupes de personnes, qui manifestement se connaissent. §3. (Journal de terrain)

« Plusieurs personnes forment des grappes, de petits groupes qui se connaissent le long du court chemin, initiation silencieuse, une prémisse à l’entrée réelle dans le bâtiment. Les hommes fument dans le froid de la nuit, ils discutent entre eux avant d’entrer ». Cette vie hors de l’institution, préliminaire à l’entrée, a auguré certains réajustements de la part des travailleur-euse-s, comme pour Pascal par exemple, « 15 minutes avant l’entrée, y’a des membres de l’équipe qui vont dehors un peu qui causent avec les gens, ils vérifient qu’il n’y ait pas de doublage etc. parce qu’en fait c’est un champ de tension, l’avant ouverture en fait, donc on a travaillé comme ça (P, 5).

Les figures tutélaires, médiatrices du passage institutionnel cette fois, sont également recrutées auprès de pairs, représentatifs d’usagers qui ont quittés le statut d’usagers, perçu comme une forme d’avancement personnel, mais qui de par leur utilisation passée du lieu,

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restent des marqueurs identitaires facilitants pour accueillir les nouveaux-venus. Cléa explique le recours à des pairs, appelés dans le lieu, « guides », comme des personnes qui ont permis d’atténuer les scènes conflictuelles ou les passages à l’acte violents.

On a vu il y a 5 ans on n’arrivait plus à proposer un bon accueil parce que il y avait des groupes qui posaient problèmes, il y avait toute une série de violence et tout (10), on était plutôt dans le rôle de flic, contrôler, faire respecter les règles et on a réfléchi quoi faire (…) on voulait quelque chose de non jugeant, donc on a réfléchi à d’autres moyens (…)on s’est dit ok on met en place une équipe des passagers qui sont là pour accueillir (…)des gens qui parlent leur langue, qui sont dans la même merde, mais qui sont là depuis plus longtemps, qui connaissent les lieux d’urgence, (…) on a vu que les gens se sentent mieux accueillis, les tensions baissent et les gens se montrent plus fair-play par cette association, il y a moins de dégradation, de violence (12).

Ces guides affirment leur différenciation face aux travailleur-euse-s sociaux-ales, marquant ainsi leur territoire d’expertise via leur expérience du même milieu que les personnes accueillies §21. « Nous on est là c’est important, on n’est pas des travailleurs sociaux, on est passé par la même situation que les personnes qui viennent. »

Si les professionnels soignent leur manière d’entrer en relation, nourrissant l’idéal de symétrie, leur occupation de l’espace alterne entre mouvement et statique, ils ne sont pas par exemple identifiés clairement derrière un guichet. Leur position dans l’espace reste modulée dans un jeu de présence-absence, s’accordant au mouvement perpétuel d’entrée et de sortie des accueillis, ainsi que de leur circulation libre au sein du lieu.

§8. Les travailleur-euse-s sociaux-ales passent saluer aux tables, restent en mouvement, ne s’installent pas, une présence-absence mesurée, alertée au moindre haussement de ton. (Journal de terrain)

Ils, elles occupent pourtant une place stratégique qui permet une articulation fine entre voir et être vu-e, se déplacer et se rassembler, mais de manière quelque peu oblique et souple. Ce que cite Gaspard « Y’a plusieurs espaces, mais tout le monde a une vue un peu sur tout le monde quand-même (64), j’ai pareillement pu l’observer durant mon terrain. Les « pharaons » tels que me Mohamed les avait nommés, occupent une place médiane au centre de l’espace institutionnel. Ils sont souvent agencés en rond, figure malléable, d’où certain-nes sortent ou réapparaissent au fil de la matinée, sans pour autant rompre l’alliance dessinée. L’image du cercle est symbolique d’un entre soi, mais perméable à accueillir de nouveaux-venus admissibles (je n’ai pour ma part pas eu droit à prendre part au cercle des initiés, ce qui marque bien le territoire institutionnel). §5. « Le cercle reste dense, pas la place pour prendre place dans la courbe, je reste en position de tangente. On m’indique le salon dans lequel je peux

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m’asseoir, discuter avec les passagers (…). Trouble. Ecartée ». Mais par ailleurs, le groupe reste visible car au centre de l’activité principale - la distribution du déjeuner - et donc mobilisable en fonction des besoins. Accueillir tout en restant en activité, tend à offrir une représentation de soi moins facilement identifiable au statut d’un-e professionnel-le confirmé dans son appartenance institutionnelle surplombante, (comme arrimé-e derrière un guichet, ou assis-e à son bureau), elle nourrit en ce sens l’illusion de symétrie. Mais elle permet aussi d’occuper, d’habiter une place complexe, qui reste construite autour de l’ajustement et de la disponibilité et donc très exposée à l’autre. Le mouvement opéré par le corps permet dès lors de moduler les rapprochements ou distances émotionnels nécessaires à poursuivre son travail

«travailler dans le mouvement c’est hyper important parce que se prendre des trucs comme ça sans juger, sans avoir un mouvement de rejet c’est beaucoup plus facile si t’es entrain de balayer ou de couper les pommes de terre » (M, 46). « J’essaie de faire le tour de tout le monde au début, on travaille beaucoup, quand tu dis la posture alors c’est clair je veux pas prendre moi-même un journal et lire, c’est pas accessible alors en position je sais pas dirigé vers les gens, attentive, ouverte, pas trop active non plus parce que si t’es trop dans l’action ça peut aussi montrer aux gens que t’es pas accessible » (C, 2)

L’accueil est construit selon une progression par paliers, de l’externe vers l’interne, tant du point de vue architectural que de l’engagement affectif. Une fois le seuil dépassé, divers accès graduellement construits permettent de pénétrer les territoires de plus en plus différenciés de l’institution. Si les rituels de salutations sont souvent les premiers éléments présentés, (dire bonjour, (partout) serrer la main (terrain, G, 22; M, 20) souhaiter la bienvenue (D, 4), se présenter (G, 22), demander ou prononcer les prénoms (Terrain, D, 4 ; M, 20 ; L,), présenter les lieux (M, 24) ils restent relativement impersonnels et n’engagent que superficiellement le lien aux professionnel-le-s. Peu à peu, la cuisine, la table, le salon, l’espace de jeu proposent des accès plus soutenus temporellement et impliquant un engagement corporel plus stabilisé.

On vient s’y asseoir, jouer, discuter. Les prénoms sont parfois marqués sur un tableau « nous on a déjà nos prénoms marqués, (…) puis on va marquer leur prénom en leur disant voilà, c’est pour vous souhaiter la bienvenue pour signifier que vous êtes ici. (D, 4). Ce sont aussi des lieux où de manière informelle, autour d’un café, d’en-cas partagés le, la professionnel-le débute une immersion progressive dans le monde de l’accueilli-e. Dans la salle d’accueil, on

«y fait des activités, entraîne la langue et des jeux aussi (…) et on essaye d’en connaître un peu plus sur eux » (N, 141). Lors des repas ou des petits déjeuners, certaines institutions proposent aux usagers d’offrir leur aide, de participer aux tâches. Celles-ci peuvent être simplement proposées, « on les invite à faire le café, remplir les thermos, laver la vaisselle » (N, 151) sans obligation, ou plus organisées selon un planning (cf. terrain d’observation). Les participations sont souvent décrites comme une manière de prendre part à l’institution, admise

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comme tombant à point car répondant à une volonté de la part des usagers, « les participants adorent venir, (…) ils veulent aider, (…) ils sont très très disponibles» (N, 151) , « s’ils ont envie d’aider, ok, nous on va absolument pas solliciter les gens s’ils ont pas envie, mais ça peut de temps en temps, si on sait que la personne ça lui fait plaisir » (G, 38) mais également souvent marquées par l’interprétation d’une forme de « contrepartie » (N, 151) « leur contribution à eux » (N, 179).

Les temps partagés autour de la nourriture ou d’une parole échangée sont parfois clairement énoncés en termes « d’accroche » (G, 4,144, 148). Pour Gaspard, par exemple, le lieu d’accueil est telle une possible entrée en matière vers des suivis plus individualisés, qui eux sont proposés dans des espaces confinés, sur rendez-vous et dans le registre du projet, des objectifs : « je pense que ça aide beaucoup dans le travail, justement par rapport à cette question d’accroche en fait, d’avoir des moments informels qui permettent aux gens de venir dans un premier temps, parler un petit peu » (G, 148), « je trouve que c’est souvent c’est déjà une bonne première étape, une bonne première accroche quand les gens viennent sans vouloir tout de suite essayer de régler tous les problèmes, sans s’enfoncer directement dans l’entonnoir en disant : qu’est-ce que concrètement on peut faire ? Juste être là, et puis assez vite de toute façon les demandes émergent, après ça peut être de l’aide un peu administrative, ça peut être le contact avec le réseau de soin » (G, 12). Officiant dans les deux répertoires, ceci le contraint à modifier ses postures, ajuster sa place « je suis pas la même manière dans les moments collectifs que quand on est dans des suivis individuels, je porte pas tout à fait la même casquette » (G, 144). Par la distinction des agencements concrets de l’espace le travailleur peut penser différemment son engagement en fonction du lieu où il se trouve :

« Pour le moment j’ai un peu le côté de me dire : je suis dans les canapés, même s’il y a qu’une personne pis qu’on parle 45 minutes, je compte pas ça comme un entretien, par contre si la personne me sollicite, au bout d’un moment je lui dis : mais est-ce que tu aurais besoin qu’on prenne un moment pour en parler plus en profondeur et pis qu’on va se mettre dans un bureau, là je le compte comme un entretien (G,34).

En ce sens, on remarque qu’en parallèle peuvent être mises la pénétration de plus en plus profonde dans l’espace tout autant que dans la relation entre les deux partenaires, comme le cite De la Saudière (2000) s’opère une « causalité réciproque du spatial et du social » (p.16).

Le passage au registre de face à face dans des lieux protégés du regard groupal marque l’entrée en matière vers des suivis plus formalisés ou des discussions plus soutenues « après on va prendre peut-être plus de temps pour parler avec les gens vraiment seul à seul dans un endroit plus intime qui est le bureau » (M, 28), §8 Journal de terrain : « Certains temps plus individualisés sont demandés par les passagers, mais cela semble se passer dans d’autres espaces, protégés de la foule, en sous-sol je crois, jamais ne je verrai ces duos » mais a

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également pour but de sauvegarder l’espace d’accueil public des contaminations possibles par le regard posé sur des situations qui sembleraient alors davantage prendre le pli d’un traitement administratif classique et auraient pour tendance de péjorer l’ambiance, qualifiée d’informelle, d’ouverte et d’éveiller des suspicions de la part des personnes accueillies « si une personne arrive et que ça va pas du tout alors on va peut-être lui proposer de se voir typiquement ici on a un petit coin derrière qu’on appelle le petit salon, et puis on va prendre le

également pour but de sauvegarder l’espace d’accueil public des contaminations possibles par le regard posé sur des situations qui sembleraient alors davantage prendre le pli d’un traitement administratif classique et auraient pour tendance de péjorer l’ambiance, qualifiée d’informelle, d’ouverte et d’éveiller des suspicions de la part des personnes accueillies « si une personne arrive et que ça va pas du tout alors on va peut-être lui proposer de se voir typiquement ici on a un petit coin derrière qu’on appelle le petit salon, et puis on va prendre le