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V ERS D ' AUTRES RÉVÉLATIONS DU MONDE INANIMÉ

Dans le document SCIENCE EXPÉRIMENTALE (Page 106-109)

de la contraction musculaire - Naissance de la notion de réflexe

4. L A MÉTHODE EXPÉRIMENTALE ET SON IMPACT SUR LA SCIENCE PHYSIQUE DU XVII e SIÈCLE

4.4. V ERS D ' AUTRES RÉVÉLATIONS DU MONDE INANIMÉ

On savait depuis l’Antiquité que lorsque de l’ambre est frotté avec de la laine il acquiert le pouvoir d’attirer certains corps légers comme les brins de paille. William GILBERT (1540-1603), médecin de la reine ELISABETHIère (1533-1603) s’inté-resse à ce phénomène et qualifie la force d’attraction de force électrique (du grec h[lektron=ambre) Ses expériences sur la "pierre d’aimant", qui attire spontanément la limaille de fer, rappellent celles d’un génie inspiré, Pierre de MARICOURT, au XIIIesiècle. Elles confirment qu’il s’agit d’un phénomène différent de la production d’électricité obtenue par frottement de l’ambre. GILBERT va plus loin. Il voit le globe terrestre comme un vaste aimant; le champ magnétique produit par cet aimant est responsable de la déviation de l'aiguille d’une boussole. La notion de magnétisme terrestre est clairement évoquée. Cependant la physique de la matière est encore dans son enfance, et le partage entre l'animé et l'inanimé est si ténu que GILBERT assimile le magnétisme terrestre à l'âme de la Terre.

La première machine électrique capable de produire de l'électricité par simple frottement voit le jour avec Otto VON GUERICKE, celui là même qui inventa la machine pneumatique (ChapitreII-4.3). La machine électrique de VONGUERICKE consistait en une sphère de soufre fixé à un axe qu'on tournait d'une main tandis que l'autre main appuyait sur la sphère et servait de frottoir. Cette première machine électrique par frottement fut suivie par d'autres nettement plus perfectionnées. Au début du XVIIIesiècle, Stephen GRAY (1670-1736) en Angleterre et Charles François

DU FAY (1698-1739) en France étudient les propriétés de l'électricité générée par frottements. DUFAY met au point un petit instrument de mesure d'électrisation d'un corps, ancêtre de l'électroscope, sorte de petit pendule fait d'une boule con-ductrice, légère, suspendue à un fil. Plus tard, on se rendra compte que des réac-tions chimiques s'accompagnent de phénomènes électriques. En 1785, Charles DECOULOMB (1736-1806) énoncera les lois des attractions et des répulsions électriques et magnétiques après des recherches d'une grande précision qui le désignent comme l'un des fondateurs de la science électrique. En 1799, la pile de VOLTA concrétisera la première utilisation de phénomènes électriques comme source d'électrisation.

En 1630, Jean REY, un médecin périgourdin qui s’intéressait à la chimie, publie un essai sur La recherche des causes pour laquelle l’étain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine. Il postule que l’air atmosphérique participe à ce phénomène, et prophétise la découverte que fera Antoine Laurent LAVOISIER (1743-1794) cent cinquante ans plus tard sur le rôle de l’oxygène dans la formation des oxydes métalliques.

Le phénomène de l’arc-en-ciel avait hanté les esprits depuis la plus haute Antiquité.

AuXIIIesiècle, Thierry DE FREIBERG(1250-1310) avait publié une théorie, reprise à partir d’une hypothèse de Roger BACON, qui parlait de réfraction de la lumière solaire sur les gouttes de pluie. Encore fallait-il donner un sens explicatif à ce phé-nomène. Dans les Philosophical Transactions (1672), NEWTONdécrit une expérience cruciale sur la décomposition et la reconstitution de la lumière blanche. Le maté-riel d’expérimentation est réduit à deux prismes de verre et une planche de bois percée d'un trou. De la lumière blanche envoyée sur le premier prisme est décom-posée en un ensemble de rayons lumineux de différentes couleurs, différemment déviés. Par rotation du prisme, ces rayons sont envoyés de façon sélective sur le trou percé dans la planche. Un rayon d'une certaine couleur, ayant subi une cer-taine réfraction, sélectionné au niveau du trou, tombe sur le second prisme. Ce rayon est réfracté avec le même angle qu'à la sortie du premier prisme; à sa sortie du second prisme, sa couleur reste la même. Les rayons lumineux qui composent la lumière blanche ont donc des caractères spécifiques de couleur et de réfrangi-bilité. Poursuivant son expérimentation, NEWTON envoie sur une lentille bicon-vexe les rayons de différentes couleurs provenant de la diffraction d'une lumière blanche par un prisme. La lumière blanche est reconstituée à la sortie de la lentille.

Cette expérience d'une grande simplicité, réalisée avec un matériel on ne peut plus sommaire, démontrait la nature complexe de la lumière blanche. Les mystérieux arcs-en-ciel des jours de pluie n’étaient plus que le banal résultat d’une décompo-sition de la lumière du soleil par les gouttelettes de pluie agissant comme autant de petits prismes.

En quelques décennies, au XVIIesiècle, la lunette astronomique de GALILÉE avait révélé l'immensité du cosmos et conforté la théorie héliocentrique de COPERNIC, le roulement d'une boule sur un plan incliné avait conduit GALILÉE à formuler les

lois du mouvement uniformément accéléré, la machine pneumatique de BOYLE avait contribué à établir la validité de la notion du vide. NEWTON avait mis en évidence l'attraction universelle, formulé des principes de mécanique fondés sur la notion d'inertie et décrit une théorie de la composition de la lumière. Ces décou-vertes s'ajoutaient à la découverte de la circulation du sang et à d'autres, tout aussi marquantes, sur la génération spontanée, la digestion… Dans tous les cas, la méthode expérimentale avait démontré son efficacité. Son essor avait contribué à inventer et à perfectionner tout un ensemble d’instruments: microscope, lunette astronomique, baromètre, machine à calculer, pompe à air, balance de précision, horloge à balancier, thermomètre. L’esprit mystique du Moyen Âge qui avait sacralisé la Nature, depuis la forêt jusqu’à l’homme, s’estompait par étapes devant une démarche qui ne manquait pas d’audace et qui cherchait à donner une expli-cation simple, de cause à effet, aux phénomènes d’une Nature manipulée. Une nouvelle ère scientifique, qui se démarquait de la scolastique médiévale, débutait.

Ce qu'il y a de remarquable dans la nouvelle façon d'interroger la Nature qu'est la méthode expérimentale au XVIIesiècle, c'est la prise de conscience de sa puissance d'investigation ainsi que son développement à la fois dans les sciences de la matière inanimée et dans celles du vivant. A cette époque, il n'existe pas de frontière entre les deux domaines; chacun d'eux est visible par l'autre. Tous deux se distinguent par la sobriété et la pertinence des protocoles expérimentaux, qui conduisent à des démonstrations irréfutables et témoignent d'une pensée inspirée. L'expérience du garrot de HARVEY ne le cède en rien par sa simplicité et son ingéniosité au plan incliné de GALILÉE. Dans les deux démarches, une pensée rigoureuse et une pra-tique expérimentale sans faille conduisent à deux découvertes majeures.

Ayant résolu les controverses nées des concepts aristotéliciens, la physique armée des principes de la méthode expérimentale et d’outils mathématiques nouveaux, tel que le calcul différentiel, allait poursuivre au XVIIIesiècle sa conquête de ter-ritoires inexplorés, tout particulièrement dans les domaines de l'électricité, du magnétisme et de la lumière. "The eighteen century was the Enlightenment, the Age of Reason", écrit Allen DUBUSdansMan and Nature in the Renaissance (1978).

"Its science was "Newtonian" in that it was experimental science characterized by quantification and the use of mathematical abstraction in the description and clarification of a science that rejected and vilified the mysticism and magic so common to the Renaissance2." L'évènement qui allait projeter la science dans le monde moderne à la fin du XVIIIesiècle fut l'effondrement d'une alchimie ésoté-rique et son remplacement par une chimie quantitative capable d’expliquer par des équations simples des réactions entre des espèces moléculaires.

2 "Sa science (celle du XVIIIe siècle) fut "Newtonienne" en ce sens qu’elle fut une science expérimentale caractérisée par la quantification et l’usage de l’abstraction mathématique dans la description et la clarification d’une science qui rejetait et vilipendait le mysti-cisme et la magie si répandus à la Renaissance."

Dans le document SCIENCE EXPÉRIMENTALE (Page 106-109)