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SON ENVIRONNEMENT

Dans le document La couleur, variable d'action marketing (Page 64-68)

Plan du chapitre 1

SON ENVIRONNEMENT

A l’aube, la lumière a des tons roses, l’après-midi elle est plutôt jaune ; pour un arbre feuillu, la lumière diffusée est teintée de vert. L’intensité et le spectre de la lumière du jour ne sont donc pas les mêmes à différents moments de la journée. L’intérêt de la constance des couleurs est que « la capacité à reconnaître des objets se trouverait diminuée si les couleurs chan-geaient du seul fait d’une modification de l’éclairement » (Brou, Sciascia, Linden et Lettvin, 2000). Comment expliquer le phénomène de constance des couleurs ? Il a été longtemps con-sidéré soit comme un phénomène de jugement (Hermann von Helmholtz), soit comme un acte de mémoire et d’apprentissage (Hering E.) (Zeki, 2000a).

Pour que ce phénomène soit possible, il faut donc faire abstraction de l’éclairement lorsque nous regardons la couleur d’un objet ou une surface. Mais existe-t-il une caractéristique qui soit à la fois intrinsèque à la surface et indépendante de la lumière ambiante ? La réflectivité d’une surface, c’est-à-dire « la capacité de la surface à réfléchir les différentes longueurs d’onde de la lumière », en est une, mais l’œil ne peut pas la mesurer puisque nous ne recevons qu’une partie de cette lumière, celle que la surface réfléchit vers notre œil. Il convient dès lors de considérer la réflectivité d’une surface comparée à celles des surfaces voisines. En effet, « si deux surfaces reçoivent le même éclairement, cette comparaison est indépendante de la lumière incidente. De ce fait, comparer les lumières réfléchies revient à comparer les réflecti-vités (qu’on ne peut déterminer individuellement) » (Brou, Sciascia, Linden, Lettvin, 2000). La théorie retinex (contraction de rétine et cortex cérébral) proposée par Land62 (1959) est fondée sur ce principe : située entre la rétine et le cortex, une partie du cerveau reconnaît la couleur d’un objet non pas d’après la composition spectrale de la lumière réfléchie par cet objet qui serait captée indépendamment de tout le reste, mais d’après une comparaison des compositions spectrales réfléchies par tous les objets environnants (Brou, Sciascia, Linden et Lettvin, 2000 ; Zeki, 2000a ; Zeki, 2005).

62 Par une série d’expériences, il avait déjà mis en exergue l’importance du processus fondamental que constitue la constance de la couleur. En 1959, à l’aide d’une lumière blanche et d’une lumière rouge, Edwin Land réussit à recomposer presque toute la gamme des couleurs de la réalité (Zeki, 2000a).

D’une façon simplifiée, la sensation visuelle colorée résulte d’une comparaison des quantités de « rouge », de « bleu » et de « vert » entre tous les objets vus simultanément (Zeki, 2000a). L’apparence colorée dépend de ce qui environne le stimulus couleur (Lanthony, 2000a). Cette théorie conforte le rôle important que jouent les contrastes colorés. Cependant, la constance de la couleur a ses limites. Pour le système visuel, le phénomène de constance des couleurs n’existe pas. Si la constance de la couleur faisait partie intégrante du système visuel, il n’y aurait pas d’influence de la lumière sur l’aspect coloré d’un objet (section 2.1.), ni de métamé-risme (2.3.2.) (Trémeau, Fernandez - Maloigne et Bonton, 2004).

Notre œil prend donc une place importante dans la formation d’une sensation visuelle colorée. Néanmoins, il serait erroné de croire que la rétine transfère une représentation iconique du monde extérieur sur le cortex. L’image sur le fond de notre œil n’a rien à voir avec ce que nous voyons : « la représentation de l’environnement externe qui se forme sur la rétine est tellement pauvre que le cerveau doit tout construire, non seulement la couleur, mais aussi tous les autres attributs de ce que nous voyons, au point qu’il peut être légitime de penser que ce que nous voyons n’est jamais ce que nous croyons voir : une grande illusion » (Imbert, 2005, p. 18).

Pour que le stimulus couleur engendre une sensation visuelle colorée, il est nécessaire que ce message électrique soit interprété par notre cerveau. Mais la vision colorée précède-t-elle la compréhension du message électrique ou, au contraire, vision colorée et compréhension du message électrique sont-elles simultanées ?

1.3.4. T

HÉORIE SELON LAQUELLE VISION ET COMPRÉ

HEN-SION DE LA COULEUR SONT SÉPARÉES

Jusqu’au milieu des années 70, on supposait que l’image visuelle « s’imprimait » sur la rétine comme une plaque photographique. Dans la conception dualiste de l’organisation du système visuel, sensation et compréhension étaient alors séparées. A la fin du 19ème siècle, Flechsig, psychiatre allemand, énonce une théorie selon laquelle la zone du cerveau où la vision s’effectue (l’aire V1) serait totalement développée à la naissance mais que certaines régions entourant cette aire continueraient à se développer. L’aire V1 serait « le lieu d’entrée des ra-diations visuelles dans l’organe de l’esprit ». D’après Zeki (2000b), ses analyses étaient discu-tables.

1.3.5. T

HÉORIE SELON LAQUELLE SENSATION ET COMPR

É-HENSION DE LA COULEUR SONT SIMULTANÉES

La conception dualiste (1.3.4.) n’est pas correcte. En effet, après l’enregistrement des rayons lumineux et la première analyse effectués par l’œil, une réponse électrique est envoyée vers le corps genouillé latéral par l’intermédiaire du nerf optique. Le corps genouillé latéral, encore appelé corps géniculé latéral (Mellet, 2002), est un ensemble de cellules relais chargé d’effectuer une première analyse des données (Bonnet et Chantrier, 1999 ; Zuppiroli et Bus-sac, 2001). Il accentue et précise la répartition des signaux réalisés au niveau des cellules gan-glionnaires (1.1.2.1.) et transmet l’information à l’aire V1 (Sève, 1996 ; Bonnet et Chantrier, 1999 ; Zeki, 2000b).

Les différentes informations visuelles (couleur, forme, mouvement) sont analysées séparé-ment par différentes parties du cerveau ; la mise en évidence de ces aires spécialisées (V2 à V5) a permis d’infirmer la conception dualiste. Chacune des aires visuelles contribue à la sen-sation visuelle colorée. En effet, pour apprécier les couleurs d’un objet en mouvement, les régions du cerveau correspondant à la forme, à la couleur et au mouvement doivent être acti-vées (Zeki, 2000b ; Zuppiroli et Bussac, 2001).

Les aires V1 et V2 découpent le champ visuel, elles correspondent à des sortes de casiers dans lesquels différents signaux sont assemblés. V1 et V2 sont les moins spécialisées, elles distri-buent les signaux. Ces aires sont essentielles car elles commencent un traitement de l’information qui est ensuite affiné par les aires spécialisées qui leurs renvoient leur analyse. Livingstone et Hubel63 indiquent que l’aire V1 contient une concentration de cellules sensi-bles à la couleur (Zeki, 2000b).

Le cœur du système qui traite la couleur est l’aire V4. Cette dernière est sensible à certaines longueurs d’ondes lumineuses et également à l’orientation (Bonnet et Chantrier, 1999 ; Zeki, 2000b, 2005). Une lésion de V4 entraîne l’achromatopsie : les patients perçoivent des niveaux de gris et ne peuvent plus se souvenir des couleurs qu’ils ont vues avant la survenue de la lé-sion. Le patient distingue les longueurs d’onde (grâce à V1) mais ne connaît pas la couleur correspondante (Zeki, 2000b, 2005). Sans V4, on ne pourrait ni reconnaître, ni mémoriser, ni

63 Cités par Zeki, 2000b.

même imaginer la couleur. V4 est « le lieu où les couleurs accèdent à la conscience » (Zuppi-roli et Bussac, 2001).

Comment les aires spécialisées interagissent-elles pour fournir l’image unifiée ? Les informa-tions circulent dans les deux sens pour « arbitrer les conflits entre des cellules qui réagissent aux mêmes stimuli mais [qui] ont des capacités différentes ». Vision et compréhension du monde visuel sont simultanées car il existe des connexions réciproques entre toutes les aires spécialisées ainsi que vers V1 et V2 : « on voit et on comprend simultanément, par l’activation synchronisée de ces aires corticales » (Zeki, 2000b). Une question reste néan-moins en suspens : comment la couleur naît-elle dans notre conscience ?

Bien que cette question reste sans réponse (Sève, 1996 ; Zeki, 2000b), Moutoussis et Zeki indiquent que l’homme « voit les couleurs » environ 80 millisecondes avant qu’il ne voie le mouvement. Il faut 30 millisecondes aux signaux nerveux les plus rapides pour atteindre le cortex : une différence de 80 millisecondes est considérable. Zeki (2000b) confirme ainsi que sensation, « reflet dans la conscience d’une réalité extérieure, dû à l’activation des organes des sens » (Le petit Larousse, 1999), et perception visuelle sont séparées.

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