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Ce sous-chapitre va expliquer, dans un premier temps, la façon dont nous avons mis en place les questions pour nos entretiens et, dans un deuxième temps, les dispositions employées et les difficultés rencontrées lors de la passation des entretiens.

Selon Kaufmann (2008),

L’entretien dans les sciences humaines et sociales a déjà une longue histoire. Son origine est multiple : enquêtes sociales du XIXe siècle, travail de terrain des ethnologues, entretiens cliniques de la psychologie. Et il s’inscrit aujourd’hui dans une

vaste nébuleuse de pratiques plus ou moins proches des critères scientifiques : études de motivation, interviews journalistiques, etc. Dans cette histoire très riche deux éléments peuvent être soulignés. Premièrement, une tendance à accorder davantage d’importance à l’informateur. A l’entretien administré comme un questionnaire s’est progressivement substituée une écoute de plus en plus attentive de la personne qui parle. […]

Deuxièmement, […] la variété des méthodes est très grande. Chaque enquête produit une construction particulière de l’objet scientifique et une utilisation adaptée des instruments. (p.17)

Sur ce plan, nous constatons que, si l’entretien compréhensif est une méthode basée sur des instruments souples, il demande tout autant de rigueur et de travail qu’un entretien explicatif. En effet, si les manières de mener les entretiens peuvent être très diverses, les exigences quant à la recherche restent les mêmes. Il s’agit de travailler sur la cohérence et sur l’enchaînement des différentes questions, afin que l’entretien soit le plus fluide possible : « La suite des questions doit être logique (il est utile de les ranger par thèmes) et l’ensemble cohérent » (Kaufmann, 2008, p.45). Notre recherche se base donc sur des entretiens semi-directifs. Ce type d’entretien implique que « le chercheur guide le sujet de façon subtile en demandant des clarifications » (Boutin, 1997, p.32) et que les questions posées ne soient pas des questions très précises mais plutôt des questions ouvertes qui permettent à la personne interviewée d’y répondre librement. Nous avons choisi cette démarche d’entretien, car, contrairement à un entretien non-directif, elle permet d’intervenir dans la conversation, de faire des relances et de faire réfléchir l’interlocuteur, avec nos citations par exemple (cf.

annexes, p.134), afin d’éviter les dérives de l’entretien non-directif, l’éloignement du sujet de recherche. Les questions que nous avons mises en place sont une sorte d’aide-mémoire et elles ont pu être posées de façon différente selon la personne interviewée. Boutin (1997) donne les caractéristiques suivantes à un tel type d’entretien :

a) il est centré sur le monde intérieur de l’interviewé ; b) il tente de comprendre le sens des phénomènes reliés à ce monde ; c) il est descriptif ; e) sans présupposition ; f) centré sur certains thèmes ; g) ouvert aux ambiguïtés et aux changements ; h) il tient compte de la sensibilité de l’interviewé ; i) il prend place dans une interaction interpersonnelle, et j) il peut se révéler une expérience positive pour la personne interviewée (p.46).

Nos questions pour les entretiens ont donc été réfléchies et construites minutieusement.

Elles ont été préparées grâce à une table de spécifications (cf. annexes, p.168). Nous sommes parties de notre question de recherche générale et nous l’avons décomposée en questions spécifiques que nous avons alors également décomposées en questions d’entretien. Cet outil de travail nous a permis de toujours rester focalisées sur notre question de recherche principale et de ne pas nous en éloigner. Notre entretien se déroule en six étapes. Tout d’abord, la personne interviewée se présente ainsi que son parcours professionnel. Ces informations serviront plus tard, lors de l’analyse des données, et sont répertoriées dans le tableau de la page 170 des annexes. Puis, il y a une partie sur les représentations du travail en équipe, sur les représentations de l’analyse des pratiques de manière générale et personnelle, sur les effets de l’analyse des pratiques sur le travail en équipe et, pour finir, une partie sur la provenance de ces représentations.

Question générale

Questions

spécifiques Questions pour l’entretien

Dans quelle mesure l’analyse de la pratique peut-elle être convoquée dans un établissement de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au sein d’une équipe ?

Quelles sont les

2. Représentations du travail en équipe

Comment définiriez-vous votre équipe?

Qui, quels buts ?

Forces ? atouts, apports ?

Limites et contraintes ?

En fait, dans l’absolu, selon vous, que devrait être le travail en équipe? Qu’en attendez-vous ?

Pourquoi, comment ?

Si vous deviez espérer des changements, que seraient-ils ? Pourquoi ?

3. Représentation et place de l'analyse de pratiques d'une manière générale (établissement, institution, formation)

Selon vous, de manière générale, qu'est-ce que l'analyse de pratiques ? Comment comprenez-vous cette expression ?

Avez-vous été sensibilisé(e) à l'analyse de pratiques dans votre parcours professionnel ?

Relance : En formation initiale, continue, autres?

Avez-vous déjà fait de l’analyse de pratiques ?

Relance : De quelle manière ?

Pensez-vous que l’analyse de pratiques doit avoir une place dans votre établissement ? Institution ? Formation ? Pourquoi ? Comment ? 4. Représentations et place de l'analyse de pratiques sur le plan personnel

A titre personnel, quelle est la place de l'analyse de pratiques dans votre quotidien ? et dans votre vie professionnelle ?

Quelles sont vos attentes en matière d'analyse de pratiques ?

En avez-vous été satisfait(e) ?

Selon vous, dans quel contexte, selon quelles modalités, l'analyse de pratiques peut-elle/ doit-elle prendre place?

Quand, pourquoi, sur demande de qui, où, avec qui ?

A votre avis, quels sont les sujets qui peuvent/ doivent être traités en analyse de pratiques ? (didactiques, transversaux, développement personnel, autres)

Selon vous, quels sont les rôles et les fonctions des divers acteurs de l'analyse de pratiques ? (qui fait quoi, pourquoi, comment, quelle place chacun peut/doit occuper) 5. Effets de l'analyse de pratiques sur le travail d'équipe

Selon vous, l'analyse de pratiques peut-elle/ doit-elle avoir une place dans le travail en équipe ?

De quelle nature, dans quelle mesure, pourquoi ?

Quelles sont vos attentes ?

Selon vous, l'analyse de pratiques a-t-elle des effets (conséquences) sur le travail d'équipe?

De quelle nature, dans quelle mesure, pourquoi ? 6. Origine des représentations

Vous m’avez dit votre perception à la fois du travail en équipe et de l’analyse de pratiques... D’où viennent, selon vous, vos représentations les concernant ? de l’analyse de pratiques ? du travail en équipe ?

Votre formation a-t-elle joué un rôle ?

Votre expérience ?

Avez-vous toujours pensé de la même manière ?

Etes-vous satisfait(e) ?

A la fin de notre trame d’entretien, nous avons proposé trois citations nous semblant pouvoir provoquer de nouveaux commentaires. Ce choix nous a paru opportun pour amener les participants à nous dévoiler leurs représentations de manière plus ciblée, un guidage en quelque sorte. Nous sommes conscientes d’avoir peut-être pris le risque - mesuré puisqu’en toute fin d’interview - de bloquer les participants sur des aspects théoriques. En effet, il est toujours possible qu’ils se sentent en décalage avec les citations proposées et qu’alors ils se referment, ne se sentant plus en confiance. Par ailleurs, la lecture d’un texte, même court, exige en peu de temps une concentration qui risque de déstabiliser la personne interviewée.

Nous n’avons que peu observé ces phénomènes, mais nous y avons assisté parfois. Dans ces moments, il nous a fallu être très attentives à remettre notre interlocuteur en confiance, ce que nous avons fait. Les trois citations que nous leur avons proposées sont :

L'organisation collective de l'action pédagogique et éducative favorise les élèves et les apprentissages. (Perrenoud, 2001)

« La réflexivité de chacun est un ingrédient de l'analyse collective du fonctionnement et un atout majeur dans la régulation des rapports professionnels et du travail en équipe. » (Perrenoud, 2001, p.58)

« L'expérience de l'analyse de pratique est une ressource précieuse pour développer la coopération professionnelle et les démarches de projet. » (Perrenoud, 2001, p.130)

Une fois les questions prêtes, nous sommes allées sur le terrain. La grille des questions que nous avons mise en place n’a pas été lue telle quelle lors des entretiens, mais nous a servi de guide pour ne pas oublier de traiter de certains aspects :

La grille des questions est un guide très souple dans le cadre de l’entretien compréhensif. Une fois rédigées, il est rare que l’enquêteur ait à les lire et à les poser les unes après les autres. C’est un simple guide, pour faire parler l’informateur autour du sujet, l’idéal étant de déclencher une dynamique de conversation plus riche que la simple réponse aux questions, tout en restant dans le thème. (Kaufmann, 2008, p.45)

Nous avons, par ailleurs, été attentives à la façon dont les questions étaient posées, le ton et la formulation ayant un effet direct sur les réponses données. Par exemple, si nous avions lu nos questions telles quelles, nous aurions alors eu des réponses très brèves. Nous avons donc essayé d’effectuer les entretiens sous forme de discussion, en insérant les questions dans la discussion. « Pour atteindre les informations essentielles, l’enquêteur doit en effet s’approcher du style de la conversation sans se laisser aller à une vraie conversation » (Kaufmann, 2008, p.48). Au fur et à mesure de l’entretien, il nous fallait donc retirer de la liste les questions auxquelles les interviewés avaient déjà répondues et être attentives aux questions qui manquaient encore. Cet exercice était plutôt difficile pour des chercheuses débutantes. De plus, il nous fallait relancer l’interviewé, afin qu’il nous donne des exemples ou qu’il explicite sa pensée. De cette manière, nous avons voulu lui permettre d’être « surpris, de se sentir écouté en profondeur » et de « se sentir glisser, non sans plaisir, vers un rôle central » (Kaufmann, 2008, p.48). Ce rôle central fait partie du modèle d’entretien semi-directif que nous avons choisi pour recueillir les informations. En effet, la personne interviewée est active dans la discussion plutôt que réactive (modèle d’entretien traditionnel).