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Analyse de la pratiques et travail en équipe: un mariage heureux ?

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Analyse de la pratiques et travail en équipe: un mariage heureux ?

LAMBRIGGER, Corinne, AEBERSOLD AGUZZI, Denise

Abstract

Dans notre mémoire, nous avons essayé de voir dans quelle mesure l'analyse de pratiques pouvait être convoquée dans un établissement de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au sein d'une équipe. Nous avons interrogé quinze enseignants et cinq directeurs appartenant à cinq établissements différents afin de récolter leurs représentations en ce qui concerne le travail en équipe, l'analyse de pratiques et la réflexivité. Nous avons tenté de comprendre les effets possibles de l'analyse de pratiques sur la cohésion d'équipe ainsi que ses modalités de mise en place dans les écoles genevoises. Cette recherche se situe dans une perspective qualitative (entretiens semidirectifs) et en partie quantitative (questionnaires pré-entretiens). Cette méthode de recherche nous a permis de mettre en lumière les représentations des enseignants et directeurs, de saisir les effets que pouvait apporter l'analyse de pratiques sur le travail en équipe et de mieux comprendre l'alternance au sein de la formation initiale d'enseignant.

LAMBRIGGER, Corinne, AEBERSOLD AGUZZI, Denise. Analyse de la pratiques et travail en équipe: un mariage heureux ?. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12513

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ANALYSE DE LA PRATIQUES ET TRAVAIL EN EQUIPE: UN MARIAGE HEUREUX?

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA licence MENTION ENSEIGNEMENT

Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titresfigurant dans le guide des étudiants

PAR

Corinne Lambrigger Denise Aebersold Aguzzi

DIRECTEUR DU MEMOIRE Anne Perréard-Vité

JURY

(Prénom - Nom) Sabine Vanhulle

Sylvie Cèbe Laurent Vité

Paolo Cattani

LIEU, MOIS ET ANNEE GENEVE Juin 2010

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

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RESUME

(maximum 150 mots)

Dans notre mémoire, nous avons essayé de voir dans quelle mesure l'analyse de pratiques pouvait être convoquée dans un établissement de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au sein d'une équipe. Nous avons interrogé quinze enseignants et cinq

directeurs appartenant à cinq établissements différents afin de récolter leurs représentations en ce qui concerne le travail en équipe, l'analyse de pratiques et la réflexivité. Nous avons tenté de comprendre les effets possibles de l'analyse de pratiques sur la cohésion d'équipe ainsi que ses modalités de mise en place dans les écoles genevoises.

Cette recherche se situe dans une perspective qualitative (entretiens semi-

directifs) et en partie quantitative (questionnaires pré-entretiens). Cette méthode de recherche nous a permis de mettre en lumière les représentations des enseignants et directeurs, de saisir les effets que pouvait apporter l'analyse de pratiques sur le travail en équipe et de mieux comprendre l'alternance au sein de la formation initiale d'enseignant.

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M EMOIRE DE L ICENCE

Directrice de mémoire : Anne Perréard Vité

Jury : Cèbe Sylvie, Vanhulle Sabine, Cattani Paolo, Vité Laurent Auteurs : Corinne Lambrigger, Aebersold Aguzzi Denise

A NALYSE DE PRATIQUES ET TRAVAIL EN EQUIPE :

UN MARIAGE HEUREUX ?

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education

Année académique 2009-2010

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Raconte-moi, et j'oublierai, Montre-moi et je me souviendrai, Implique-moi et je comprendrai.

Confucius, 551-479 av. J.-C.

Ce travail, nous l’avons conjointement imaginé, organisé, mené, rédigé mais il est évident que sans l’aide de nombreuses personnes, nous n’aurions pu le faire dans de si bonnes conditions. Le soutien et la confiance que ces personnes nous ont apportés nous ont permis de parvenir au bout de ce projet. Nous aimerions ici témoigner de notre profonde reconnaissance aux enseignants et directeurs qui nous ont généreusement apporté leurs témoignages, aux professeurs de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l’Université de Genève, en particulier Mme Perréard Vité qui nous a soutenues avec intelligence et bienveillance, à notre jury de soutenance, Mme Vanhulle, MM. Cattani et Vité qui nous ont motivées à être intéressantes dans la formulation et l'explication de nos idées et aux formateurs de l’OSTEPE qui ont partagés avec nous leurs questionnements et leurs connaissances du milieu scolaire genevois. Pour terminer, nous aimerions remercier aussi chaleureusement nos compagnons sans qui de nombreuses choses n'auraient tout simplement pas été possibles, nos familles et nos amis qui ont du nous partager pendant plus d’un an avec un projet passionnant et omniprésent, à Mme Paola Grisoni qui nous a ouvert de nombreuses portes, et à toutes les personnes qui ont, de près ou de loin, suscité nos questions, provoqué notre réflexion et soutenu notre démarche.

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T ABLE DES MATIERES

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________________

I) Introduction p.5

II) Cadrage contextuel p.10

a. Etat des lieux sur les établissements scolaires genevois p.11

b. La formation initiale des enseignants p.15

III) Cadrage théorique p.18

a. Le travail en équipe p.18

b. L’analyse de pratiques p.27

c. La réflexivité p.36

IV) Problématisation et questions de recherche p.43

a. Problématisation p.43 b. Questions de recherche p.49

V) Méthodologie et critères d’analyse p.52

a. La recherche compréhensive p.52 b. La notion de représentations internes p.54 c. Les questionnaires "pré – entretien" p.56 d. Les entretiens p.59 e. L’échantillon ou les informateurs p.64 f. Présentation du profil de nos interlocuteurs p.66 g. L’analyse des données p.71

VI) Analyse des données recueillies p.73

a. Origine des représentations p.73 b. Le travail en équipe p.77 c. L’analyse de pratiques p.86

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d. Les effets de l’analyse de pratiques sur le travail en équipe p.99

VII) Conclusion p.106

a. Quelles sont les représentations du travail en équipe et de l’analyse de pratiques des enseignants et des directeurs ? D’où proviennent-elles ? p.106 b. Dans quelle mesure l'analyse de pratiques favorise-t-elle le travail en équipe? p.112 c. Dans quelle mesure l'analyse de pratiques peut-elle être convoquée dans un

établissement scolaire de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au sein d’une équipe? p.113 d. De quelles manières l'analyse de pratiques peut-elle être convoquée dans un

établissement scolaire de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au sein d’une équipe? Quelques pistes de réflexion p.115 e. Conclusion personnelle p.122

VIII) Bibliographie p.129

IX) Annexes p.133

a. Questions d’entretien p.133 b. Retranscription d’entretien I p.135 c. Retranscription d’entretien II p.140 d. Retranscription d’entretien III p.148 e. Retranscription d’entretien IV p.161 f. Typologie de l’analyse des entretiens p.168 g. Tableau analyse des données I p.170 h. Tableau analyse des données II p.196 i. Questionnaire p.208 j. Tableau récapitulatif des réponses au questionnaire - A p.212 k. Tableau d’analyse des réponses au questionnaire - B p.214 l. Tableau d’analyse des réponses au questionnaire - C p.216 m. Tableau d’analyse des concepts ressortis dans les questionnaires - D p.218

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I) I

NTRODUCTION

Un des nombreux avantages de la formation en enseignement de l’Université de Genève (LME) est le nomadisme. En effet, au cours des quatre années qu’un étudiant met à acquérir les bases nécessaires pour exercer sa future profession, il a la possibilité de fréquenter une dizaine d’écoles différentes à l’occasion de ses stages. C’est une immersion rapide, intense et de courte durée (de deux à cinq semaines) qui occasionne de nombreux apprentissages bien entendu, mais aussi des rencontres et des surprises. Chaque école est différente : son rythme de vie, sa population, son climat, son architecture, son environnement…..tout cela contribue à y forger une identité qui lui est propre. Pour peu que l’on soit un peu curieux, un peu attentif, un peu innocent aussi, les personnes qui y travaillent vous y accueillent souvent avec respect et bienveillance. On vous parle, on vous raconte, on vous explique; tout le monde sait à quel point les enseignants aiment utiliser le verbe ! Pour peu que vous ne relâchiez pas vos efforts, vous aurez certainement l’occasion de vous y faire une petite place et devenir un observateur privilégié. Et nul rôle n’est aussi intéressant sur le plan de l’observation que celui de stagiaire.

Novice, il peut se permettre toutes les questions, même les plus incongrues. Apprenant, toute personne a à cœur de répondre à ses questions dans un but pédagogique. Innocent, il sait rebondir et pointer de manière inattendue des fonctionnements qui l’interrogent. Sa curiosité piquée au vif, il peut confronter ses interrogations aux théories conçues dans son autre milieu naturel, l’Université. A la recherche d’une identité professionnelle, il mêle toutes ces petites observations, ces questionnements, ces ébauches de réponse dans son cerveau et ainsi, sûrement, peut-il parvenir à une, parfois plusieurs, questions qui ne cesseront de tourner dans son esprit. Probablement est-ce ainsi que naissent les projets de mémoire.

Dans notre cheminement personnel de stagiaire, nous avons eu la chance de parcourir un certain nombre de couloirs d’école, de fréquenter un certain nombre de salles des maîtres, de participer à un certain nombre de temps de travail en commun (les fameux TTC). Ainsi, nous avons pu observer que dans chaque lieu, les enseignants impriment par leurs paroles, leurs actes et leurs personnalités une certaine culture (Gather Thurler, 1994), un climat de travail à l’établissement. Parfois, nous avons eu beaucoup de plaisir et nous sommes très vite senties à l’aise car le climat y était accueillant, chaleureux, détendu. D’autre fois, nous nous sommes senties gênées, mal à l’aise, percevant des difficultés sans pouvoir toujours les expliquer. Enfin, il nous est arrivé de nous demander comment les enseignants arrivaient à

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survivre dans un climat que nous considérions comme invivable, étouffant de non-dits ou de malentendus anciens et installés. Sans aucun doute, cette perception nous a menées au questionnement qui sous-tend aujourd’hui ce mémoire : comment allons-nous faire si nous sommes amenées à travailler dans un établissement qui a de telles difficultés ? Quelles ressources pourrons-nous mobiliser si l’équipe dans laquelle nous allons nous inscrire ne peut travailler ensemble tant les dissensions sont fortes, durables, omniprésentes ?

Dans notre cheminement d’étudiantes, nous avons tenté de trouver des réponses. En recueillant bout à bout des parcelles de savoir à l’Université, lors des cours que nous avons suivis, lors des séminaires où nous avons agi, lors des analyses de situations que nous avons vécues sur le terrain, lors des recherches documentaires que nous avons faites pour les divers travaux, lors des conversations formelles ou informelles que nous avons pu échanger avec nos professeurs, nous avons continuellement tenté de mettre en lien ce questionnement avec le fruit de notre travail. Parfois, le hasard nous a aidées, notamment en mettant entre nos mains un article qui a provoqué un rebondissement dans nos représentations. Ce fut le cas de celui de Charrat (2006) « L’analyse de pratiques au service d’une formation entre pairs» qui entrouvrit notre esprit à une réflexion singulière. En effet, cet article décrit un dispositif d'apprentissage, l'analyse de pratiques, que l'auteur décrit comme capable de fédérer positivement des personnes d’horizons divers et produisant des résultats qui nous ont surpris:

solidarité, estime de soi, sentiment de compétence, relations de groupe confiantes ou reconnaissance des compétences et des forces de chacun par exemple. La lecture de cet article nous a interpellées: serait-il possible que d'autres équipes qui ont de la difficulté à collaborer puissent bénéficier des effets positifs produits par ce dispositif d'apprentissage, l'analyse de pratiques? C'est ainsi que nous nous sommes posées la première question qui nous mène à ce travail.

A d’autres occasions, nous avons fait des expériences surprenantes. Ainsi, nous avons toutes deux suivi un séminaire clinique d’accompagnement1 intitulé : Analyse de la pratique et de l’expérience. En effet, notre parcours de formation propose aux étudiants ces séminaires dans une perspective d'approfondissement et sont menés par différents professeurs. Prévus pour permettre une recherche de prise de distance vis-à-vis du terrain par « la suspension de

1 7426AA, CA, DA, EA: Séminaires cliniques d'accompagnement: Analyse de la pratique et de l'expérience.

Domaine: Intégration des savoirs, savoir-faire et développement de la personne. Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation: Formation LME. Université de Genève.

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l’action au profit d’une analyse outillée et référencée » (Perréard Vité & Leutenegger, 2007, p.126), ces séminaires proposent d’analyser la pratique d’enseignants expérimentés selon différentes approches. Nous avons été intégrées chacune dans un séminaire différent. L’une de nous a suivi un des séminaires qui propose un travail par une entrée didactique alors que l’autre s’est jointe à celui qui travaille avec une entrée par la pratique réflexive :

Sur la question de l’alternance, on peut penser que les séminaires (avec d’autres UF) ouvrent sur les pratiques professionnelles en mettant les étudiants en situation d’anticiper leurs propres gestes d’enseignement. Dans le cas du dispositif didactique, ils sont confrontés à l’élaboration d’une fiction didactique (canevas de leçon(s)), prémisse à une future pratique de projet d’enseignement. Dans le dispositif de pratique réflexive, on constate qu’il est possible de travailler parallèlement deux niveaux de formations : un objet de développement professionnel (autorité et gestion de classe/école) et une démarche d’analyse, la pratique réflexive. Dans ce sens, les deux séminaires sont à la charnière entre les dispositifs de formation universitaire et la pratique de terrain.

Leutenegger & Perréard Vité, 2007, p.137-138

C’est suite à ce séminaire dont le dispositif est basé sur une entrée par la pratique réflexive que s’est construit le projet de ce mémoire. Ainsi, l’une d’entre nous a pu découvrir, au travers de deux études de cas, des moyens pour observer, explorer, analyser, réfléchir ou synthétiser une situation complexe. D’autre part, les étudiants sont invités à lister au fil des séances les moyens cognitifs qu’ils ont mis en œuvre pour ce travail ce qui leur permet d’identifier les composantes d’une pratique réflexive. Cette démarche spécifique d’analyse de la pratique en groupe, soutenue par des apports théoriques, est arrivée au moment où nous étions en quête d’un sujet pour notre mémoire de licence. Elle a tout naturellement produit des discussions intéressantes du fait même que nous n’avions pas vécu la même expérience. En effet, ces deux approches différentes ont suscité des débats intéressants entre nous.

Clairement, nous avons alors ressenti que la différence de perception que nous avions des apprentissages réalisés lors de ce séminaire résidait totalement dans cette entrée par la pratique réflexive et dans la démarche spécifique prévue par ce dispositif permettant d'acquérir des moyens pour analyser sa pratique.

De plus, celle qui a suivi le séminaire qui propose un dispositif par l’entrée réflexive a été frappée de constater les effets que ce type de travail peut avoir sur les participants :

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participation active, échanges nombreux et intenses ou débats animés. Elle explique avoir rarement eu l’occasion de vivre ce type d’expériences au sein de son parcours universitaire.

Un groupe d’étudiants qui se connaissent très peu et à qui on demande de partager ses conceptions sur l’enseignement peut certainement produire des résultats explosifs sur le plan relationnel tant la fougue de la passion des débuts peut laisser la place à des attitudes défensives ou combatives. Ce n’est pas ce qu’elle a observé. Bien sûr, les discussions ont été animées, vives et passionnées mais les étudiants sont arrivés à des résultats qui ont été profitables à chacun. Les avis ont été divergents, les positions parfois irréconciliables mais il semble aussi que chacun a beaucoup appris sur soi, sur ce qui était négociable ou pas pour chacun. Le sentiment de groupe s’est renforcé, le respect s’est installé et l’écoute a pu petit à petit s’installer. Celle d’entre nous qui a vécu cette expérience a eu envie de la partager tant elle lui a paru constitutive de changements dans sa perception du travail de groupe.

Sans naïveté de notre part, nous imaginons bien que toute expérience humaine n’est pas entièrement reproductible mais cela nous a amenées à nous intéresser à ce qui a permis de rendre cette expérience si passionnante pour l’une de nous. Dès lors, nous nous sommes plus longuement attardées sur l’analyse de pratiques et ce qu’elle propose. Ce que nous avons découvert, associé à la lecture de l’article dont nous avons parlé plus haut, nous a plongées dans un intense questionnement. En effet, comme nous l’avons décrit au début de ce chapitre, nous sommes désireuses de trouver des ressources à mobiliser dans le cas où nous nous trouvions au sein d’une équipe qui a de la difficulté à collaborer. Au vu de l’expérience vécue par l’un de nous dans le séminaire clinique d’accompagnement : Analyse de la pratique et de l’expérience et des effets que nous avons décrits plus haut, nous nous sommes alors demandé s’il était possible que la pratique réflexive soit en mesure d’apporter des bénéfices au travail en équipe. Est-il possible que les apports de cette pratique réflexive servent à améliorer la collaboration entre acteurs d’un même établissement ? C’est donc suite à ce questionnement que nous avons été amenées à nous engager dans ce travail de recherche.

Pour découvrir le cheminement de cette recherche, il vous faudra vous plonger dans la lecture de ce texte. Ainsi, nous présenterons tout d'abord le contexte dans lequel nous avons inscrit cette enquête et les principales notions théoriques qui nous ont permis de la cadrer.

Puis, nous dévoilerons sa problématisation qui nous a permis d'aboutir à une question générale de recherche ainsi qu'à quelques questions spécifiques. Ensuite, nous expliciterons la méthodologie de recherche que nous avons décidée d’utiliser et les critères d’analyse que

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nous avons considérés comme pertinents. Enfin, nous soumettrons nos analyses des données recueillies que nous ferons discuter dans un deuxième temps. Pour clore cet ouvrage, nous proposerons une conclusion qui comprendra d’une part, les réponses à nos questions de recherche et, d’autre part, quelques pistes de recherches complémentaires ainsi que les constats que nous pouvons faire suite à ce travail sur le plan personnel.

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II) C

ADRAGE CONTEXTUEL

Ce chapitre va nous permettre de situer le contexte dans lequel s’inscrit ce travail. De nombreux changements sont survenus ces deux dernières années et il est important de les signaler afin de mieux comprendre dans quelle situation s’inscrit notre recherche. En effet, depuis deux ans maintenant, des directions d'établissement ont été mises en place dans les écoles genevoises, des directeurs nommés. L’organisation des écoles a changé et la formation initiale des enseignants est remise en question. Dans ce contexte d'évolution assez importante, nous devons prendre en compte le fait que ces changements peuvent provoquer des sentiments et des réactions de diverses natures (méfiance, repli ou enthousiasme, par exemple) chez les acteurs que nous allons rencontrer et interroger. Il nous paraît dès lors important de tenir compte de ces éléments dans notre mémoire.

La mise en place du contexte de notre mémoire a été réalisée sur la base d’entretiens exploratoires auprès de deux formateurs de l’OSTEPE (Organisation Scolaire, Travail en Equipe et Projet d’Ecole) et à propos des changements survenus dans les écoles. Ces formateurs travaillent dans le cadre du Centre de Formation de l’Enseignement Primaire (CEFEP), dont l’OSTEPE2 est une section. Le CEFEP propose diverses formations et accompagnements aux équipes et enseignants engagés par le Département de l’Instruction Publique (DIP). Ce soutien englobe des domaines variés, comme les différentes didactiques des disciplines enseignées à l’école genevoise par exemple, mais aussi un soutien aux enseignants en période probatoire (entrée dans la profession) ou dans les domaines de la différenciation, de l’évaluation ou de l’enseignement spécialisé. Nous avons estimé que les informations de ces formateurs pourraient nous être précieuses dans la définition du contexte de notre recherche, car leur travail peut leur offrir une vision plus globale de la situation actuelle de l’enseignement genevois. Par ailleurs, nous nous sommes inspirées de l’ouvrage de France Merhan, Christophe Ronveaux et Sabine Vanhulle, Alternances en formation (2007), ainsi que de l’article paru dans l’éducateur n°13 sur l’alternance en formation (2007), en ce qui concerne la formation initiale des enseignants. Le chapitre se découpe donc en deux parties ; l’une sur la situation actuelle des établissements scolaires genevois et l’autre sur la formation initiale des enseignants de ce même canton.

2 Précisons que le CEFEP, et par conséquent l’OSTEPE, est dissous et cesse ses activités en juin 2010.

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II) a. Etat des lieux des établissements scolaires genevois

Avant de commencer notre recherche, nous avons donc mené des entretiens exploratoires auprès de deux formateurs de l’OSTEPE. Ces entretiens ne font pas partie directement de notre recherche, mais nous permettent de répondre à des questions pour lesquelles nous n’avons trouvé de réponses ni dans les ouvrages, ni dans les recherches. Ces deux rencontres nous ont permis de nous éloigner de nos représentations préconçues et de construire une vision qui se rapproche mieux de la réalité du terrain.

Les deux formateurs que nous avons interviewés s’occupent principalement d’encadrer et d’accompagner les équipes d'enseignants dans leurs projets d’établissement, et chacun intervient dans plusieurs établissements. Il nous a semblé judicieux de faire appel à eux pour mettre en place notre contexte, car ils ont, à notre avis, un regard à la fois distancé et multiple en ce qui concerne les changements survenus ces deux dernières années. En effet, ils ont été impliqués dans des projets d’établissement, car certaines écoles ont fait appel à eux pour gérer et coordonner leur projet tout en gardant de la distance, car ils ne font pas directement partie de l’établissement en question. Le but de ces deux entretiens a été de connaître les demandes qui existent au sujet de l’analyse de pratiques au sein des établissements, de nous rendre compte du type d’interventions attendues dans les écoles et d’essayer de définir avec leur aide dans quel contexte notre recherche est menée. Ne sachant pas quelle était la place de l'analyse de pratiques dans les écoles genevoises, nous désirions être mieux informées sur ce plan avant de nous lancer dans des entretiens qui auraient ainsi pris le risque d'être inappropriés. Nous les avons donc questionnés sur la présence de l'analyse de pratiques dans les écoles, s’il y avait des demandes en la matière, de quels types et de quelles natures étaient ces demandes, et comment y répondaient les formateurs du CEFEP (Centre de Formation de l'Enseignement Primaire).

Ces entretiens nous ont donc permis de mieux comprendre le contexte, le climat dans lequel s’insère notre mémoire et de nous rendre compte de la manière dont les formateurs soutiennent et accompagnent les équipes. Afin d’être le plus clair possible, nous avons

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découpé ce sous-chapitre en trois moments : les établissements et leur projet, la mise en place des directeurs3 et l’analyse de pratiques dans les écoles.

Les établissements et leur projet

Nous allons expliquer ici les changements instaurés par le Département de l’Instruction Publique (DIP) quant aux regroupements des écoles primaires du canton de Genève, ainsi que le projet d’établissement que les enseignants ont dû mettre en place.

Depuis deux ans, les 164 écoles du canton sont regroupées en 91 établissements. Les grandes écoles, celles accueillant plus de dix-huit classes, ont été constituées en établissement à elles seules. Les écoles géographiquement rapprochées ou trop petites pour constituer un établissement unique ont fusionné en un établissement. Les établissements peuvent donc regrouper entre une et quatre écoles, selon le nombre de classes. Un directeur a été nommé à la tête de chaque établissement et a reçu comme mission de monter un projet commun, le cas échéant, à toutes les écoles de l’établissement. Ce projet doit faciliter la mise en œuvre des objectifs généraux de l’instruction publique sur le plan local. Les enseignants et le directeur de l’établissement réfléchissent donc ensemble sur un projet à instaurer dans leur établissement. Celui-ci prend en compte les particularités du contexte socio-économique de l’établissement, ainsi que toutes les spécificités de celui-ci, afin d’améliorer par des mesures appropriées l’enseignement et les apprentissages des élèves. Les projets sont différents d’un établissement à l’autre, puisque définis par les équipes elles-mêmes selon l'analyse qu'elles ont faite de leur situation et de leurs besoins propres.

Lors de la définition de ce projet, les enseignants ont dû travailler tout d’abord en collaboration avec les collègues de leur école, mais également avec ceux des écoles faisant partie du même établissement. La définition du projet d’école part d’un échange de pratiques.

Il incite les enseignants à se réunir autour d’une même table pour réfléchir ensemble, apprendre à se connaître et ne plus se regarder uniquement d’un œil critique ou méfiant. Le projet d’établissement a donc aussi une visée collaborative. Dans certains établissements, où les équipes n’ont jamais travaillé ensemble, ce projet est un réel challenge. Nous avons compris que l’implantation de ces projets semblait bousculer certaines équipes et qu’un

3Pour faciliter la lecture du mémoire, le masculin est utilisé dans un sens générique. Il renvoie sans distinction aux deux sexes.

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travail de présentation de celui-ci comme un outil de travail et pas simplement comme une contrainte supplémentaire de l’institution a été nécessaire. En effet, dans un premier temps, il permet de faire une auto-évaluation de la situation et de poser un diagnostic sur les pratiques de l’établissement.

Pour ce faire, les formateurs interviewés réalisent donc des analyses de pratiques avec les enseignants. Puis, à partir de ces observations, l’équipe est amenée à faire le constat de ce qui pourrait être amélioré ou renforcé dans une optique de soutien aux élèves en matière d’apprentissage. Le projet d’établissement est donc le fruit de cette remise en question générale et des choix opérés par toute une équipe dans une perspective d’amélioration du fonctionnement de l’établissement dans sa globalité. Une fois validé par la direction et mis en action, il sera poursuivi sur plusieurs années.

La mise en place des directeurs

En novembre 2006, un protocole d'accords sur l'évolution de l'enseignement primaire, décidant de mettre en place un directeur à la tête de chacun des 91 établissements scolaires genevois, est signé par plusieurs partenaires, dont le DIP. Ce nouveau poste de directeur vise à améliorer la gestion des écoles et à développer leur autonomie. Selon le cahier des charges des directeurs (DIP, 2007) :

La mission générale d'un directeur d'établissement consiste prioritairement à mettre en œuvre les conditions d'une formation des élèves efficace et équitable. A ce titre, le directeur est responsable du bon fonctionnement et de l'évolution de son établissement dans le domaine de l’enseignement, du suivi collégial des élèves, de la gestion des ressources humaines, de la gestion administrative, des relations, collaborations et communication, en fonction des objectifs pédagogiques du projet d'établissement.

Contrairement aux inspecteurs qui avaient auparavant le même type de mission mais auprès de plusieurs écoles réunies en circonscription, les directeurs accomplissent leur travail au sein de l’établissement. Ils sont donc plus proches de leurs partenaires et peuvent agir directement au sein de leur établissement. Il semble pourtant que l’accueil fait à ces nouveaux arrivants peut varier suivant les équipes. Si, dans certaines écoles, il s’avère qu’ils sont bien accueillis et reconnus comme une ressource supplémentaire pour faire face à la complexité

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des situations de l’enseignement actuel, il en est autrement dans les établissements où ils se heurtent aux équipes qui rencontrent des difficultés à s’adapter à ces nouvelles conditions de travail.

Les directeurs sont de réels partenaires pour les enseignants dans la perspective d’une amélioration de la qualité de l’enseignement et de la vie au sein de l’établissement :

Ce nouveau fonctionnement renforce aussi la direction de proximité des établissements en les dotant d'une autorité locale aux champs de compétences décisionnaires étendus en matière de suivi et d’encadrement des élèves, de gestion des ressources humaines et financières, de collaboration avec les partenaires : parents, autorités communales, services de santé, services sociaux et culturels (DIP, 2007).

En effet, les directeurs sont responsables du bon fonctionnement du projet d’établissement et président les séances qui réunissent ces différents partenaires. Leur mission de soutien et d’accompagnement dans la collaboration de leurs équipes est donc assez importante.

L’analyse de pratiques dans les écoles

Les formateurs que nous avons interviewés utilisent assez régulièrement l’analyse de pratiques comme outil de travail dans les écoles où ils interviennent. Que ce soit dans les formations à caractère didactique ou transversal, elle permet en particulier de soutenir les apprenants dans leurs réflexions et de les aider à transformer leurs pratiques. Il semble que l’analyse de pratiques n’est que rarement travaillée pour elle-même. L’étude de cas est le plus souvent proposée par ces formateurs comme support d’analyse. La mise en place d’un cadre, d’un code de conduite afin d’instaurer le respect, la confiance et la réflexion chez les participants est décrite comme faisant partie des conditions optimales pour mener une analyse de pratiques. D’autre part, un espace de paroles sécurisant afin de pouvoir s’exprimer sans crainte de jugement, ainsi que la présence d’une personne extérieure à l’établissement pour mener ces séances semblent être des modalités relativement importantes.

Les formateurs consultés relèvent plusieurs avantages à utiliser l’analyse de pratiques comme méthode de travail dans les équipes. Selon eux, elle sert tout d'abord à renforcer la

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collaboration et la cohésion d’équipe. L’analyse de pratiques permet, en outre, de mettre en avant les compétences de chacun. Ils observent que cet outil permet de faire prendre conscience aux enseignants qu’ils sont les détenteurs des réponses à leurs problèmes. De cette façon, il serait possible, par exemple, d'éviter les burn-out en valorisant les compétences et les pratiques de chacun. Finalement, les formateurs interviewés soulignent le fait que l’apport d’éléments théoriques durant l’analyse de pratiques permet d’amener des ressources supplémentaires aux problématiques des enseignants et peut leur donner des pistes de résolution.

II) b. La formation initiale des enseignants

Ce sous-chapitre va nous permettre de définir et d’expliciter la formation initiale des enseignants genevois. Il permettra ainsi de mieux comprendre les entretiens effectués dans les écoles en connaissant au préalable les caractéristiques et le fonctionnement général de cette formation.

Actuellement, la formation des enseignants genevois se fait au sein de l’Université de Genève. Cette formation est constituée d’une année universitaire en tronc commun, qui débouche sur un concours d'entrée en formation Licence Mention Enseignement (LME). Si les étudiants réussissent ce concours, les trois années de formation qui suivent se caractérisent par une alternance entre les moments de stage et les cours universitaires. Il y a donc une articulation qui est faite entre la pratique et la théorie (Brochure LME, p.6) :

« l’universitarisation récente de la formation des enseignants du primaire s’inscrit dans la logique d’une "professionnalisation" accrue, dénommée comme telle, caractérisée par l’accès à des savoirs théoriques articulés à une pratique » (Merhan, Ronveaux & Vanhulle, 2007, p.22). Ainsi, « les connaissances du sujet [l’étudiant], faites de références académiques et pragmatiques, enrichissent l’interprétation des événements et la sélection des solutions pertinentes » (Périsset Bagnoud, 2007a, p.28). En effet, les étudiants doivent tout au long de leur parcours rendre des dossiers qui analysent les situations vécues sur le terrain en se référant aux éléments théoriques étudiés lors des cours universitaires. Il s’agit pour les étudiants d'observer et d'analyser différents cas, afin d’être capables d’en déduire une réflexion productrice de savoirs et de nouvelles compétences professionnelles. Les formateurs universitaires et les formateurs de terrain travaillent de concert à la formation des futurs

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enseignants, tout en sachant que ce sont les étudiants qui doivent effectuer les liens entre la pratique et la théorie : « en dépit de ce type de partenariat qui peut exister entre le terrain et l’Université pour articuler la formation académique et professionnalisante, c’est avant tout aux étudiants qu’il incombe d’effectuer ce travail d’intégration entre les différents savoirs » (Deum, Mottier Lopez & Vanhulle, 2007, p.243).

Il nous paraît également important de mentionner que la pratique et la théorie ne doivent pas se distinguer de manière dichotomique, mais qu’il faut les considérer comme complémentaires l’une de l’autre : « la formation en alternance ne consiste pas à passer, sans plus, d’un espace de formation à l’autre (les cours et les stages) », mais prend « forme et sens dans un questionnement qui provient autant du contact avec des modèles, des théories, des savoirs de la recherche, que de la pratique dans les classes de stage » (Perréard Vité &

Vanhulle, 2007, p.36). Merhan, Ronveaux & Vanhulle (2007) évoquent également cette précaution à prendre lorsque l’on parle d’ « alternance » :

Quelles que soient ses finalités, l’alternance renvoie à la problématique de l’apprentissage orienté vers l’agir vs l’analyse de l’agir. La partition des apprentissages qu’elle suggère entre la logique formative et la logique praxéologique est loin de se réduire à une dichotomie « théorie-pratique ». Cette partition implique des allers et retours de nature différente de l’une à l’autre (p.8).

Les étudiants sont donc amenés à créer des liens entre les connaissances construites sur le terrain et celles apprises à l’Université. Par ailleurs, parmi les cours proposés par cette formation, les étudiants ont la possibilité de suivre un séminaire clinique d’accompagnement intitulé : Analyse de la pratique et de l’expérience. Ce séminaire est mené par différents professeurs qui ont recours à des types d’analyse de pratiques différents.

Cependant, Perrenoud (2001) observe que ce n’est pas parce que l’analyse réflexive est proposée à l’Université que les étudiants vont forcément devenir des praticiens réflexifs un jour dans leur classe. En effet, il nous rend attentif au fait que tout apprentissage n’implique pas nécessairement la capacité de transfert de ces nouveaux savoirs. C’est pour cette raison que Cattani et Perréard Vité (2007) soulèvent l’importance de mener cette réflexion tout au long de la formation et de manière répétitive :

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En formation, […] l’étudiant est invité à expliciter ses démarches et à faire preuve d’analyses pertinentes qui rendent visible sa pratique réflexive. Ainsi, par une répétition d’analyses, progressives et ciblées sur des objets multiples, le futur enseignant se munit d’une compétence nouvelle qu’il doit pouvoir transférer dans sa propre classe (p.39).

Nous pouvons constater ici le défi qui est lancé aux enseignants de l’Université : former des étudiants capables de réfléchir sur leurs actions, même une fois sortis de l’Université, afin de les munir d’un outil leur permettant de résoudre les problématiques du terrain : « la formation académique propose des démarches de pensée critique avant de viser des compétences techniques et instrumentales adaptatives » (Deum, Mottier Lopez &

Vanhulle, 2007, p.244).

(21)

III) C

ADRAGE THEORIQUE

Dans ce chapitre, nous allons présenter la plupart des concepts qui nous ont accompagnés dans notre recherche exploratoire et dont nous avons eu besoin pour analyser les données que nous avons recueillies. Bien que tout au long de notre travail ils ne soient pas apparus dans un ordre logique, pour le confort de la lecture nous allons les présenter selon la logique de notre grille d’interview. En effet, nous présenterons d’abord les concepts de travail en équipe, de collaboration, de coopération et de culture d’établissement. Dans un deuxième temps, nous aborderons les auteurs qui nous ont permis de travailler sur l’analyse de pratiques et qui nous ont aidés à cadrer notre recherche mais aussi à approfondir notre questionnement.

Pour terminer, nous aborderons la notion de réflexivité.

III) a. Le travail en équipe

Qui n’a pas eu l’occasion une fois dans sa vie de se retrouver au sein d’une équipe et de vivre cette houle qui décuple les forces de chacun, de ressentir ces émotions ambivalentes, multiples, intenses parfois, qui agitent chacun de ses membres, de se laisser porter par les compétences des autres, de se frotter au leadership et d’être déçu d’un échec retentissant ou tellement fier d’un but atteint ? La vie nous offre de multiples occasions de vivre cette expérience. Que ce soit au sein d’une équipe sportive, d’un peloton de scouts ou de louveteaux, d’un comité associatif ou d’une association d’étudiants, les opportunités sont fréquentes et les configurations variées. Mais nous interrogeons-nous souvent sur ce qu’est réellement une équipe ? Tout au long de notre formation, nous avons rencontré de très nombreuses situations de collaboration et nous avons pu construire quelques compétences sur le plan relationnel ou organisationnel. Très rarement avons-nous eu cependant l’occasion de nous pencher réellement sur les tenants et les aboutissants de cet aspect de notre travail.

Pourtant, et nous allons le détailler sous le chapitre IV, « Problématisation et questions de recherche », la collaboration est une donnée essentielle du travail enseignant d’aujourd’hui et probablement plus encore de demain. Alors,

Qu’est-ce qu’une équipe pédagogique ? Peut-on parler d’équipe dès que quelques enseignants s’associent pour partager des tâches ou des ressources ? Ou faut-il réserver

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ce statut à un groupe de professionnels qui coordonnent leurs pratiques, voire collaborent de façon intensive dans l’action pédagogique quotidienne ? (Perrenoud, 1996, p.109)

Cette première partie de notre cadrage théorique reprend ces questions et tente de les approfondir en quatre temps. Premièrement, nous allons apporter une définition de ce qu'est le travail en équipe. Pour cela, nous avons choisi de nous appuyer sur les travaux de Mucchielli (2002). Dans un deuxième temps, Perrenoud (1996, 1999) nous aidera à définir le travail en équipe dans l'enseignement plus particulièrement. Collaborer, coordonner, coopérer, sont quelques termes que nous trouvons dans le vocabulaire courant du travail en équipe. Bien que parfois utilisés comme synonymes, ils dissimulent des petits détails qui leur sont propres à chacun. Nous allons ainsi clarifier la définition de ces notions que nous allons utiliser tout au long de notre travail dans une troisième partie. Pour cela, nous convoquerons les auteurs Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud (2007b).

Enfin, Gather Thurler (2000) a démontré par ses travaux l'importance de la culture d'établissement. En effet, elle démontre que les effets de cette culture sur les acteurs d'un établissement sont non seulement inconscients mais aussi importants sur le plan de l'implantation d'innovations. Selon nous, l'analyse de pratiques est une innovation. Comme nous l'avons compris lors de nos entretiens exploratoires avec des membres de l'OSTEPE (cf.

cadre contextuel), l'analyse de pratiques semble être en général utilisé comme outil pour la formation des enseignants mais rarement, voire jamais, en tant qu'objet formalisé. Selon les informations que nous avons recueillies auprès des membres de l'OSTEPE, il n'y a d'ailleurs pas d'offre de formation continue axée uniquement sur l'analyse de pratiques comme il existe à l'Université les séminaires cliniques d'accompagnement sur l'analyse de la pratique et de l'expérience. Ainsi, en nous aidant des travaux de Gather Thurler sur la culture d'établissement, nous pourrons observer ses effets et les conditions qu'elle impose aux acteurs des établissements dans leurs représentations sur le travail en équipe et sur l'analyse de pratiques. Nous proposerons donc, dans la dernière partie de ce chapitre de définir la notion de culture d'établissement.

(23)

Lorsque Mucchielli (2002) nous guide dans notre définition du travail en équipe

Selon Mucchielli (2002) il est possible de définir sept conditions du travail en équipe (p.13, 14):

 Le petit nombre

 La qualité du lien interpersonnel

 L’engagement personnel

 Une unité particulière qui en découle

 Une intentionnalité commune vers un but collectif accepté et voulu

 Des contraintes en découlent pour les membres

 Une organisation existe donc

On voit apparaître ici les grandes lignes d'un portrait que l'on peut faire du travail en équipe. Ainsi, il s'agit d'une équipe restreinte dont les échanges sont agréables, la communication est régulée par chacun afin d'être en mesure de s'entendre. Cette équipe travaille à un but commun, choisi et défini ensemble, qui les contraint à accepter certaines tâches, à endosser certains rôles dans lesquels ils investissent leurs efforts au bénéfice de tous.

Ce partage et ce cheminement commun dans un climat positif crée une unité d'équipe, source de force et de motivation. Voici le portrait sommaire. Nous allons maintenant approcher plus en profondeur chacune de ces conditions.

Mucchielli (2002) différencie le groupe primaire, qui est principalement défini par la qualité des relations et la communauté de but, du groupe secondaire, vaste et dont les membres n’ont pas de contacts suivis. Ainsi, il définit l’équipe comme « un groupe primaire typique, où dominent l’unité d’esprit, la cohésion, les liens interhumains, l’engagement personnel et l’adhésion totale des membres au groupe restreint, avec lequel ils s’identifient » (p.15). Par ailleurs, pour qu’il y ait action d’équipe il faut qu’il y ait « convergence des efforts et travaux personnels pour la réalisation d’une tâche commune unique » (p.16), différenciant ainsi une équipe d’un groupe d’amis ou d’une famille par l’ « œuvre à réaliser ensemble »,

« un travail à faire » qui « impose sa loi, ses exigences, son programme, ses moyens » (p.15).

Ainsi, Mucchielli (2002) spécifie qu’un groupe est une équipe de travail lorsqu’il se centre sur

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le groupe autant que sur la tâche, ceci conjointement. Cependant, selon son perfectionnement, le groupe peut être temporairement plus concentré sur l’un ou l’autre de ces axes.

Les relations interpersonnelles prennent donc une réelle importance lorsqu’une équipe doit se centrer sur le groupe pour avancer dans sa tâche. « Une équipe n’existe et ne se donne à son travail que dans la mesure où elle présente une certaine cohésion » (Mucchielli (2002) p.39). Cette cohésion se cimente par des relations de confiance entre les partenaires. Celle-ci se bâtit sur la connaissance et les rencontres entre les membres d’une équipe, les expériences de coopération réussies et l’image que chacun se fait de la loyauté et de l’engagement des autres participants. Les succès communs sont un facteur de ralliement général et produisent des satisfactions qui stimulent le groupe. Cependant, dans une situation de groupe en rivalité interpersonnelle, ces succès peuvent aussi provoquer un effet de compétition lorsque la mise en valeur de l’un ou l’autre des membres est la conséquence de la réussite. Ainsi, une certaine compétition peut s’insinuer dans un groupe. Pourtant, celle-ci peut avoir des effets positifs, devenir stimulante, si « chaque coéquipier cherche le coup personnel prestigieux qui assure à la fois son succès et celui de l’équipe » (p. 43).

Pour que l’unité de l’équipe soit possible, Mucchielli (2002) précise qu’une équipe ne doit pas comporter trop de membres, entre trois et douze, afin « de maintenir une liberté des communications et des initiatives individuelles » (p.43), que sa composition ne doit pas être trop hétérogène sur le plan de leur capacité de coopération et que la cooptation puisse s’installer après un temps de rodage. Par ailleurs, le sentiment d’appartenance au groupe est vécu comme valorisant et l’ajustement des comportements au fil des expériences acquises sont des facteurs de satisfaction des participants et donc de motivation. Selon cet auteur, l’indispensable liberté des communications dans une équipe ne doit pas verser dans un extrême incontrôlable, le respect de chacun doit primer face à la liberté de parole. En effet, la place de la parole est une donnée complexe qui demande un équilibre constant entre la franchise et l'estime de soi des participants, entre la liberté d'expression et l'éthique. Comme Mucchielli (2002) le précise « il s’agit seulement de signifier que toute barrière à la communication, intra personnelle par inhibition ou interpersonnelle par valorisation de la structure et des statuts, affecte l’appartenance, et à travers elle, l’unité d’esprit et d’action d’équipe » (p. 50). En effet, il nous montre que deux positions extrêmes dans les attitudes, comme la timidité ou l'imposition d'un point de vue sous couvert de droits par exemple, peuvent affecter l'unité d'équipe. En rappelant que « sans travail il n’y a pas d’équipe » (p.55), il précise toutefois que « les relations interpersonnelles sont bien souvent engendrées par le

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travail et les buts » (p. 55). Ainsi, il met en exergue l’importance de la motivation pour la tâche, bien qu’elle puisse être de nature et de qualité différentes pour chacun: « plus les coéquipiers sont motivés pour le travail, plus l’équipe est cohésive et plus le désir de réussite collective est grand » (p.60). La tâche et la composition du groupe ont des effets sur l’organisation interne de l’équipe. En effet, « la nature de la tâche induit un type d’organisation de l’équipe » (p.72) et les processus d’influence qui se déploient dans les groupes peuvent avoir des effets sur l'organisation et la prise de responsabilité de chacun.

Selon les exigences de sa nature, une structure centralisée ou non (avec ou sans leader) apparaîtra. « Ainsi toutes les fois qu’il y a nécessité de coordonner et de réguler des efforts simultanés convergents, selon une méthode et un plan, un centralisateur-coordinateur- régulateur est nécessaire » (p.73). L’efficacité d’une équipe dépend aussi de la stabilité de ses membres, de la cooptation du leader ou du chef et du consensus sur les rôles de chacun (climat de groupe). Par ailleurs, la forme de leadership adoptée par l’autorité influence les modes de participation-coopération. En effet, le leader symbolise le groupe et « la relation normale au chef signifie et résume les liens de l’individu avec son groupe » (p.77). Enfin, pour terminer ce portrait, retenons encore que selon, Mucchielli (2002), trois ensembles de conditions sont nécessaires dans la mise sur pied d’équipes autonomes de travail : la restructuration et la décentralisation par la dévolution d’une marge de décision et d’initiative concernant l’organisation du travail, la définition des tâches et la composition des équipes et enfin, la formation personnelle et groupale des futurs membres du travail en équipe.

De l’arrangement à la coresponsabilité : diversité des pratiques dans le travail en équipe d’enseignants

Nous appuyant sur la description que fait Mucchielli (2002) du travail en équipe, il est possible néanmoins de définir divers types de travail en équipe. En effet, dans l'enseignement en particulier, toutes les équipes ne remplissent pas nécessairement les conditions du travail en équipe de Micchielli. Quelles sont donc les diverses formes de travail en équipe dans l'enseignement? Les travaux de Perrenoud (1999) peuvent nous offrir quelques repères.

Ainsi, il définit trois types d’équipes dans une perspective additionnelle et selon les niveaux d’interdépendance. Cette perspective nous paraît intéressante en ce qu'elle propose une progression dans la notion de travail en équipe selon les conditions remplies par les équipes.

En effet, passant d'une équipe qui collabore selon le strict minimum Perrenoud propose un

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ensemble de conditions qui s'ajoutent les unes aux autres pour parvenir à une équipe qui fonctionne avec une cohésion maximale.

Tableau 1 : Niveaux d’interdépendance selon Perrenoud (1999, p.78)

Partage des

ressources

Partage d’idées

Partage des pratiques

Partage d’élèves Pseudo équipe = arrangement

matériel 

Équipe lato sensu = groupe

d’échanges  

Équipe stricto sensu =

coordination des pratiques   

Équipe stricto sensu =

coresponsabilité d’élèves    

Ainsi que nous pouvons le constater dans ce tableau, Perrenoud (1999) définit tout d’abord une pseudo-équipe par un arrangement purement matériel des ressources bien que nécessitant un certain type de négociations afin de les répartir équitablement. Dans un deuxième palier, son équipe lato sensu doit manifester de fortes compétences de communication pour durer. En effet, elle est une équipe qui « discute de ses idées et de ses pratiques respectives » (p.79) puisqu'elle va au-delà du partage équitable et approprié de matériel et des ressources. La situation est plus complexe et plus risquée pour l'équipe car elle demande de trouver des formes de consensus. Ainsi, il est nécessaire de s'entendre et donc d'être en mesure d'utiliser la communication comme moyen d'ouverture et de partage (Mucchielli 2002).

La notion de collectif, et plus précisément de « système d’action collective » (Perrenoud, 1996, p.113), s’inscrit dans son troisième groupe, l’équipe stricto sensu « au profit de laquelle chacun aliène, volontairement, une partie de sa liberté professionnelle » (Perrenoud, 1999, p.79). Selon le degré de cohérence visé, une coordination des pratiques peut se diversifier lorsque les membres d’une équipe se mettent d’accord sur divers aspects de leurs pratiques tout en laissant à chacun une certaine autonomie dans l’interprétation et la réalisation des décisions de l’équipe (Perrenoud, 1996). Il distingue cependant deux types différents d'équipe stricto sensu. Elles sont définies selon que les acteurs partagent un but de

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coordination des pratiques uniquement ou s’ils s’engagent dans une coordination des pratiques couplées à une coresponsabilité d’élèves. Selon Perrenoud (1996), en partageant la responsabilité d’élèves, on devient alors face à eux, leurs parents ou n’importe quel public, un « acteur collectif » (p.113). En suivant le découpage de cet auteur, on comprend bien que ces quatre niveaux de travail en équipe n’interpellent pas les acteurs de la même manière.

L’implication de chacun n’est pas égale suivant les modes de collaboration et les effets attendus n’auront pas les mêmes impacts. Bien que dans la réalité, les frontières entre les différents types de collaboration soient sûrement moins aisées à identifier, nous pensons que cette perspective peut soutenir l'analyse des données suite aux entretiens menés sur le terrain.

En effet, ce cadre nous permettra de définir avec le plus d'éléments de précision possible de quel type et de quel niveau de collaboration nos interlocuteurs vont nous parler.

Question de vocabulaire : vraiment ?

Maintenant que nous avons un cadre théorique pour définir le travail en équipe et les divers degrés de celui-ci, nous avons besoin de définir un vocabulaire qui soit approprié pour notre travail. En effet, le champ sémantique est abondant lorsqu’on tente de déterminer les actions concertées d’un groupe de travail : associer, organiser, concerter, participer, contribuer,…. la liste que le vocabulaire de la langue française peut nous proposer est étendue. Pourtant, en chacun de ces termes existe une petite subtilité qui le distingue des autres et qui lui donne une valeur bien spécifique. A la recherche d’un langage approprié, il nous a paru intéressant de se focaliser sur celui que nous proposent Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud (2007b) : coordonner, collaborer et coopérer. Dans le langage courant, si le premier a bien une valeur de rangement, d’agencement, les deux derniers sont souvent utilisés en synonymie en tant que travail conjoint ou commun. Attardons-nous pourtant sur les subtilités que nous proposent ces auteurs. En effet, ils distinguent « trois modalités de travail partagé selon le degré d’intensité de ce partage, allant croissant à partir des pratiques de coordination, en passant par celles de collaboration pour aller jusqu’à celles de coopération » (ibid., p.9).

Coordonner : Selon Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud (2007b, p.10), la coordination du travail, bien qu’essentiellement de nature administrative, repose sur « une action de chaque enseignant articulée à celles des autres et surtout aux décisions de l’autorité » mais aussi « fait appel à l’implication partenariale des enseignants dans la

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conception et la construction de projets communs ». Nous voyons ici que nous pouvons retrouver en partie ce que nomme Perrenoud (1999) une pseudo équipe.

Collaborer : Cette forme de coordination plus élaborée repose sur « la communication entre les enseignants et sur un travail concerté » (Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud, 2007b, p.11) dans un « environnement structuré (selon des modalités diverses) par des formes de coordinations administrative et pédagogique qui appellent à dépasser la simple cohabitation entre enseignants » (p.10). Cette communication est de nature fonctionnelle et s’attache « en particulier à la circulation de l’information au sein du collectif, à l’ajustement mutuel entre les enseignants, à la socialisation des processus interprétatifs, à l’articulation des actions projetées, à leur planification, voire à l’élaboration d’un référentiel opératif commun » (p.10).

Ici, nous pouvons donc retrouver ce que nomme Perrenoud (1999) une équipe lato sensu.

Coopérer : Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud (2007b) ajoutent à la collaboration, dans la définition de ce terme, « l’ajustement des activités en situation en vue d’une action commune efficace » (p.11). Le team teaching, l’action conjointe de deux enseignants qui assument ensemble des activités avec les mêmes élèves, la responsabilité partagée d’un groupe d’élèves lors d’un soutien pédagogique sont des exemples de coopération. « La coopération entre enseignants est donc effective dans toute situation où les enseignants agissent ensemble, opèrent ensemble et ajustent en situation leur activité professionnelle afin de répondre aux caractéristiques de la situation et à leurs objectifs » (p.11). Perrenoud (1999) définit lui cette action commune en deux sous-groupes (coordination des pratiques et/ou coresponsabilité d’élèves) sous la même dénomination : l’équipe stricto sensu.

La culture d'établissement: définition contextuelle du travail en équipe

Enfin, maintenant que nous avons construit des définitions du travail en équipe, de ses degrés et de son vocabulaire, il nous faut encore définir dans quel environnement il peut se situer. Dans un système éducatif genevois où la tendance vise « à la fois à donner aux établissements davantage d’autonomie [instauration des directions et des écoles en établissements] et à leur demander, en contrepartie, de résoudre localement [au travers d’un projet d’établissement] des problèmes trop spécifiques ou complexes, pour être justiciables d’une solution générale » (Perrenoud, 1996, p.118), le travail en équipe pédagogique devient une nécessité et s’intègre à « une notion plus large, celle de culture de coopération ». Selon

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Gather Thurler (2000), « utilisées avec une certaine prudence, certaines typologies élaborées sur la base de recherches qualitatives sérieuses peuvent représenter des outils intéressants pour identifier le fonctionnement des établissements qui s’engagent dans un processus de changement et pour déterminer les modalités d’intervention les plus adéquates » (pp. 108, 109). Bien que notre recherche exploratoire ne soit pas l’objet de ce type d’identification en particulier, Gather Thurler (2000) affirme que, néanmoins, « la culture d’un établissement est activement construite par les acteurs » (p.99) et, qu’à ce titre, elle est un facteur à prendre en considération dans toute tentative de définition du travail d'une équipe. En effet, dans notre tentative de comprendre si l’analyse de pratiques peut avoir des effets sur le travail en équipe et de quels natures ils peuvent être, la culture des établissements dans lesquels travaillent les enseignants et les directeurs que nous allons interviewer peut nous amener à mieux cerner les différents systèmes de collaboration. Selon Gather Thurler (2000),

La culture se stabilise comme ensemble de règles du jeu organisant la coopération, la communication, les rapports de pouvoir, la division du travail, les modes de décision, les manières d’agir et d’interagir, les rapports au temps, l’ouverture sur l’extérieur, le statut de la différence et de la divergence, la solidarité. (p.99)

Nous comprenons ainsi que chaque acteur d’un établissement s’inscrit donc dans un système dont il n’est pas forcément conscient. Cependant, il subit inévitablement une certaine influence de cette culture et celle-ci exerce un certain ascendant sur « la façon dont le changement est reçu ou voulu, favorisé ou empêché par l’établissement scolaire lui-même ou par ses subdivisions et ses membres » (Gather Thurler, 2000, p.100). Pour comprendre le poids de cette culture d'établissement sur les acteurs, citons encore Gather Thurler, 2000: « En fin de compte, la culture locale déterminera les besoins ressentis, la manière dont les enseignants jugeront de la valeur du changement, interagiront, tâtonneront, confronteront leurs expériences » (p.103). Nous voyons ici que la nécessité ressentie par les acteurs des équipes de travailler ou non avec l'analyse de pratiques dépendra fortement de la culture locale.

(30)

III) b. L’analyse de pratiques

L’analyse de pratiques « a connu un essor important cette dernière décennie » (Altet, 200b, p.26) et elle englobe « des conceptions théoriques, des modalités de mise en œuvre très différentes et des dispositifs variés » (p.26). Cette variété commence déjà par le choix du terme. En effet, suivant les auteurs, on parle plutôt d’analyse des pratiques (Perrenoud, 2001), d’analyse de pratiques (Altet, 2000a, 2000b) ou bien encore d’analyse de pratique au singulier (Donnay & Charlier, 2008). Lors de notre visite à l’OSTEPE, nous avons également entendu parlé d’échange de pratiques. Ce terme n’est pas un concept théorisé par les auteurs, cependant, on le retrouve dans certains de nos entretiens. Il signifie un échange tout simplement des savoir-faire entre enseignants, de leurs pratiques, sans analyse évidente et cadrée de la situation. Nous avons choisi dans notre mémoire d’utiliser le terme d’analyse de pratiques car nous défendons que la pratique est propre à une personne en particulier ; singulière et contextualisée (Altet, 2000b), contrairement à l’analyse des pratiques qui est un terme correspondant à une pratique générale.

Malgré une diversité des points de vue, nous allons tenter de définir ici l’analyse de pratiques à travers nos différentes lectures et nos expériences. Ce sous-chapitre est découpé de telle façon à tenir compte des différentes caractéristiques de l’analyse de pratiques.

Autrement dit, nous allons définir l’analyse de pratiques à travers les différentes particularités qui la composent. La première partie (un dispositif professionnalisant) va définir l’analyse de pratiques en se focalisant sur le développement professionnel et personnel des praticiens. La deuxième partie (un dispositif instrumenté) décrit les différentes formes et natures que peut prendre l’analyse de pratiques ainsi que l’importance de la mise en place d’un cadre de référence. La troisième partie (un dispositif de groupe) met en avant les avantages d’une collaboration de la part des praticiens. La partie suivante (un dispositif accompagné) se penche sur la question d’un intervenant lors des séances d’analyse de pratiques. La cinquième partie (un dispositif articulé entre la pratique et la théorie) aborde la place que prend la théorie au sein de l’analyse de pratiques et l’articulation qui est faite entre la pratique et la théorie. Finalement, la dernière partie (un dispositif en harmonie avec son contexte), explique en quoi l’analyse de pratiques permet de faire face aux changements qui surviennent dans l’enseignement.

(31)

Un dispositif professionnalisant

L’analyse de pratiques se définit comme une :

Démarche de formation qui ne cherche pas à donner des recettes, à faire acquérir des routines d’exécution, des tours de main, des savoir-faire pratiques mais qui analyse les actes, les activités de l’enseignant et des élèves, le processus enseigner – apprendre et son mode de fonctionnement dans une situation donnée. (Altet, 2000a, p.22)

Autrement dit, l’analyse de pratiques est un outil de travail, un dispositif qui permet aux praticiens de réfléchir sur leurs actions afin de les comprendre et d’agir en conséquence. D’un côté, elle permet aux enseignants débutants de mettre en place des savoirs pratiques efficaces et, d’un autre côté, elle permet aux enseignants plus expérimentés, de « résoudre les problèmes que leur posent leurs pratiques, à sortir de certaines visions stéréotypées des situations et à dépasser les routines et les réponses rigides à des situations inédites » (Mosconi, 2001, p.31). En ce sens, elle vise le développement de l’identité professionnelle du praticien. En effet, l’analyse de pratiques permet de « renforcer les compétences requises dans les activités professionnelles exercées, accroître le degré d’expertise, faciliter l’élucidation des contraintes et enjeux spécifiques de leurs univers socioprofessionnels, développer des capacités de compréhension et d’ajustement d’autrui… » (Fablet, 2001, p.151). Mosconi (2001) constate qu’en plus de réguler l’enseignement des praticiens, elle augmente également la créativité de ceux qui écoutent les récits de leurs collègues. Cette « comparaison des pratiques permet d’accroître la diversité des stratégies pédagogiques et le lot de routines » (Charrat, 2006, p.87), ainsi que de prendre de la distance par rapport à son enseignement. Donnay et Charlier (2008), l’ont également constaté : « se confronter à l’altérité, c’est apprendre sur soi de l’Autre » (p.16).

Nous pouvons constater ici un double développement : personnel et professionnel.

L’analyse de pratiques « vise le développement professionnel et personnel par une réflexion sur la pratique, par la découverte et l’acquisition de nouvelles compétences, par l’amélioration d’aptitudes professionnelles, par l’intégration de la théorie dans la pratique » (Kretschmer, 2000, p.188). Il y a là un réel but de transformation, de développement des enseignants.

(32)

L’analyse de pratiques est donc professionnalisante dans le sens où elle constitue un modèle de formation à finalité pratique qui aide à mettre en place une certaine réflexivité.

D’une part elle vise un développement professionnel, c’est-à-dire la construction de concepts à partir de situations et de pratiques concrètes et, d’autre part, elle favorise le développement personnel en valorisant les compétences des enseignants. Donnay et Charlier (2008) le soulèvent également : « l’analyse de pratique favorise l’estime de soi : on se rend compte de nos compétences en analysant ses pratiques » (p.56). En effet, lorsque les praticiens explicitent leur pratique, ils se rendent alors compte des compétences qu’ils possèdent.

L’explicitation de ses actes, de sa pratique renforce son image et favorise le développement personnel et Donnay et Charlier nous rejoignent sur ce point : « mieux saisir les spécificités de son rôle, de sa mission, expliciter ses compétences, ses valeurs, les attentes de l’institution et des collègues vis-à-vis de soi-même, son projet professionnel constitue un support de son développement professionnel et de son image identitaire » (2008, p.23).

Cependant, l’analyse de pratiques peut aussi avoir des conséquences négatives. D’abord,

« réfléchir sur ses pratiques en présence de l’Autre, c’est se fragiliser en se montrant à lui » (Donnay & Charlier, 2008, p. 124). En effet, en se dévoilant, les praticiens se mettent à nu, exposent leurs défauts et leurs difficultés aux autres. Nous constatons qu’il n’est pas du tout évident de se dévoiler devant les collègues de travail et encore moins lorsqu’il s’agit d’analyser des situations qui posent problème.

Une autre conséquence négative qui est à soulever est celle du malentendu que les praticiens pourraient avoir en ce qui concerne le but de l’analyse de pratiques. En effet, cette analyse ne propose pas des solutions toutes faites et directement applicables sur le terrain, mais amène à réfléchir sur des pistes, sur des éléments de réponse en dévoilant sa pratique.

Perrenoud (2001) fait également ce constat et complète en disant que cet égarement pourrait provoquer des retraits de la part des praticiens des séances d’analyse de pratiques dus à une exposition trop personnelle de leur pratique :

Le malentendu reste cependant possible : certains enseignants cherchent un "marché" où échanger des "recettes" et les moyens d’enseignement qui leur sont associés. Egarés dans un groupe d’analyse de pratiques, ils fuient lorsqu’ils comprennent que l’échange passe par une explicitation de leurs gestes professionnels et donc une forme de dévoilement de leurs valeurs et de leurs raisonnements. (p.120)

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