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Entrée en vigueur échelonnée et droit intertemporel:

quel régime appliquer?

99. Comme le lui permettait le législateur, le Conseil fédéral a décidé, on l'a vu (n° 21 ci-dessus), une mise en vigueur par étapes de la révision: une partie est déjà entrée en vigueur le 1er janvier 1996, mais le gros de la révision, pourrait-on dire, n'entrera en vigueur que le 1er janvier 1997. C'est le cas en particulier du nouveau système d'indenmi-sation, en relation avec la mise sur pied des programmes d'emploi temporaire des personnes au chômage. Cette entrée en vigueur éche-lonnée pose néanmoins quelques questions de droit transitoire. Quel régime, notamment d'indenmisation, faudra-t-il appliquer, dès le 1 er janvier 1997, aux personnes qui étaient déjà inscrites au chômage avant cette date, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du nouveau système d'indenmisation: l'ancien régime, avec un droit inconditionnel

167 Cf. FF 1994 I 340, spéc. 362.

168 Cf. art. 31 al. 3 let. c LACI, auquel renvoie l'art. 42 al. 3; voir à ce propos DIx:

(note 91), p. 899, avec des références à la jurisprudence, ainsi qu'un arrêt récent, en matière de réduction de l'horaire de travail, où le Tribunal fédéral des as-surances examine la notion de «membre d'un organe dirigeant de l'entreprise»:

ATF 120 V 521 (523 ss).

à 400 indemnités journalières, ou le nouveau régime, avec un droit pouvant s'étendre jusqu'à 520 indemnités journalières, mais subordonné en partie à la condition que la personne au chômage participe à une mesure relative au marché du travail? Qu'adviendra-t-il, par exemple, pour un assuré de moins de 50 ans qui épuiserait sa 150ème indemnité journalière au début du mois de janvier 1997? Cette question de droit intertemporel ne se pose d'aiJleurs pas seulement à propos du changement du système d'indemnisation, mais aussi en ce qui concerne le durcissement des sanctions, l'introduction du délai d'attente général et la modification des délais d'attente spéciaux, la révision des montants forfaitaires, etc.

100. Le législateur lui-même n'a pas institué de réglementation transitoire. La première question est donc de savoir si le Conseil fédé-ral pourrait en adopter une par voie d'ordonnance et, dans l'affirma-tive, laquelle il devrait établir. Le Tribunal fédéral considère parfois que la compétence de l'exécutif de mettre un acte législatif en vigueur emporte celle d'édicter une réglementation transitoirel69. La doctrine considère d'une manière générale que cette conception va trop loin et qu'elle n'est pas conforme au principe de la légalitél70. Il appartient en principe au législateur, lorsqu'il modifie un régime juridique, de régler la question du droit applicable aux faits nés sous l'ancien mais qui perdurent sous le nouveaul7l . Il ne peut déléguer cette compétence que dans d'étroites limites172.

101. Dans le silence de la loi, on doit donc admettre l'application des règles générales dégagées par la jurisprudence et la doctrine en matière de droit intertemporel. Les principes paraissent simples: le

«nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur» et l'ancien droit, abrogé, «cesse de s'appliquer aux faits qui se produisent après son abrogation ... , mais continue de régir les faits anté-rieurs»173. Leur application soulève toutefois certaines difficultés. Ces principes connaissent en effet diverses exceptions et, surtout, la notion de «faits» s'avère dans la réalité suffisamment complexe pour exiger des distinctionsl74. Enfm, il faut reconnaître que les règles générales

169 Cf. ATF I04Ib 205 (215 ss), 106 la 254 (256 ss).

170 Cf. Alfred KOU, IntertemJXlraJes Verwaln>ngsrecht, in: Revue de droit suisse 1983, II, p. lOI ss, spéc. 155; UlrichHAFEuNlGeorgMÜU.ER, Grundriss des aJl·

gemeinen Verwaltungsrechts, 2e éd., Zurich 1993, p. 61 (nO 262).

171 Cf. KOu (note précédente), p. 155; lUFEuNIMOUD. (note précédente), p. 61.

Cf. aussi Pierre MOOR, Droit administratif, volume 1: Les fondements généraux, 2e éd., Berne 1994, p. 176 ss.

172 Cf. KOu (note 170), p. 156.

173 PierreMOOR(note 171), p.170.

174 Ibidem, p. 170/171; KOLZ (note 170), p. 200 ss.

dégagées par la jurisprudence et la doctrine ne sont pas toujours exemptes de contradictions.

102. La difficulté n'est pas trop grande lorsqu'il s'agit d'examiner un fait précis, qui se focalise en un événement unique et clairement localisable dans le temps. On appliquera le droit en vigueur au moment où le fait s'est produitl7S . Tel est le cas, par exemple, en matière de sanctions administratives, sous réserve du principe de la Lex mitiar, qui veut que l'on applique le nouveau droit même à un comportement anté-rieur à son entrée en vigueur s'il est plus favorable à la personne conceméel76 . En l'occurrence, on l'a vu (nO 80 et 81 ci-dessus), la nouvelle loi durcit les sanctions à l'égard des personnes au chômage et il n'est donc pas question de Lex mitiar. Aussi, s'agissant de l'application des sanctions prévues par les articles 30 et 30a LACI, il faut admettre que le nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs au 1er janvier 1996 et aux comportements qui se sont achevés avant cette date.

Il faut noter qu'il y a ou qu'il peut y avoir une certaine contradiction entre cette première règle et un autre principe, généralement admis, du droit intertemporel, qui veut que l'autorité applique le droit en vigueur au moment où elle statuel77, et non au moment où le fait qui est à la base de la décision s'est produit. Cette règle ne saurait toutefois s'appliquer aux décisions dont l'objet est de fixer les conséquences

m MOOR (note 171), p. 171.

176 On admet donc, dans ce cas, une rétroactivité du nouveau droit même sans base légale: cf. MooR(note 171), p.171 et 178 ss, spéc. 180.

177 Autrement dit, le nouveau droit est en principe applicable aux affaires pendantes:

MooR (note 171), p. 171, ainsi que MOOR, Droit administratif, volume II: Les actes administratifs et leur contrôle, Berne 1991, p. 180, qui précise que le Tribu-nal fédéral des assurances a une jurisprudence plus nuancée que le TribuTribu-nal fédéral et qu'il «examine la légalité d'une décision selon le droit en vigueur au moment où elle a été rendue., à moins que des motifs particuliers n'imposent l'application du nouveau droit (ATF 108 V 34 [37]). De cette question du moment déterminant pour trancher la question du droit applicable, il faut distinguer celle du moment détenninant pour l'établissement des faits pertinents: l'autorité de recours doit."lle établir les faits au moment où elle-même statue ou au moment où la décision atta-quée a été prise? En d'autres termes, il s'agit de savoir si l'autorité de recours peut tenir compte de l'évolution des faits pendant la durée de la procédure ou si elle doit limiter son examen aux faits tels qu'ils ont été établis au moment où l'instance inférieure s'est prononcée (sur cette question, cf. not. JAAC 60 [1996].

8 [décision de la Commission fédérale de recours en matière de personnel fédéral du 25 avril 1995]; cf. aussi MOOR [cité cette note], p. 179/180). On rappellera à cet égard que le Tribunal fédéral des assurances a une jurisprudence qui se différencie de celle du Tribunal fédéral aussi bien pour l'établissement des faits que pour la détermination du droit applicable: les faits pertinents sont établis au jour de la décision attaquée, à moins que des motifs d'économie de procédure ne justifient la prise en compte de faits ultérieurs (ATF 96 V 141 [143/144], 99 V 98 [102], 104 V 61).

juridiques d'un comportement178, par exemple aux sanctions, sous peine de conduire à un résultat qui serait en contradiction avec le principe de la lex mi/ior.

103. S'agissant des faits nés sous l'empire de l'ancien droit mais qui perdurent au moment de l'entrée en vigueur du nouveau, on appliquera en principe - toujours dans le silence de la loi - le nouveau droit, et cela dès son entrée en vigueur, à l'ensemble du régime futur, même si la cause à l'origine de ce régime est antérieure à cette entrée en vigueur179. Cela signifie qu'il n'y a en principe pas de garantie des situations et des droits acquis et que les particuliers n'ont pas droit au maintien d'une législation 180. On parle alors de rétroactivité impro-prement dite181 . Concrètement, cela signifie par exemple, en l'occur-rence, que le nouveau régime d'indemnisation devrait s'appliquer, dès le 1 er janvier 1997, à toutes les personnes au chômage, indépendam-ment de la question de savoir à quel moment ces personnes ont été au chômage. Cette règle générale, qui est justifiée par l'intérêt public à une application immédiate et complète du nouveau droit ainsi que par l'égalité de tiaitement1B2, peut certes présenter une certaine dureté pour les personnes concernées1B3. C'est cependant au législateur qu'il appar-tenait d'y remédier, par la mise sur pied d'un régime transitoire, ce qu'il n'a en l'occurrence pas fait.

B. Le statut des personnes participant