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Enseignement à l'étranger, éducation et réflexivité

Les enseignants sont apparus comme des interlocuteurs appropriés pour mettre en évidence les aspects concrets de l'articulation entre immigration, émigration, mémoire coloniale et enseignement dans une dialectique entre dominants et dominés. Il semble nécessaire de revenir sur certains aspects recueillis lors de cette précédente enquête effectuée à Rabat en 2010 afin d'appliquer ma propre réflexivité sur mon passage de l'action sociale à l'action de recherche en sciences sociales. Faute de temps et de moyens, seuls onze enseignants avaient été rencontrés. Le contexte d'organisation sociale locale et les parcours biographiques n'avaient pas été suffisamment approfondis. Mais déjà, leurs discours faisaient émerger certains enjeux, ainsi qu'une problématique concernant leur fonction et les différents positionnements adoptés. Ainsi l'esquisse de la mesure du changement opéré par le déplacement dans leur fonction d'enseignant et leur rapport aux élèves permettait d'entrevoir la possibilité d'approfondir et de comparer le terrain pour interroger les catégories. Sont donc rassemblés ici les extraits d'entretiens les plus significatifs qui ont servi de point de départ, dont quelques détails figurent dans mon mémoire de première année de Master (Beck, 2010b) bien que ce travail soit limité par le manque d'approfondissement alors que j'étais encore inexpérimenté en la matière.

Par exemple, Benjamin, enseignant d'histoire et géographie dans des classes de lycée à Rabat depuis trois ans au moment de l'entretien qui s'était déroulé à son domicile, avait évoqué la réflexivité nécessaire et constante pour se positionner par rapport à des élèves qui rappellent aux enseignants leur statut d'étranger : « en histoire et géographie, les questions sur l'identité sont là

tout le temps. Des gamins de quinze ans qui sont capables de dire, par exemple sur la religion : « Monsieur, dans ce que vous dites sur la religion, il y a des éléments que je prends, et des éléments que je ne prends pas », finalement c'est assez sain. En tant qu'enseignant, j'ai gagné aussi quelque chose. En fait, j'avais un schéma de départ, que j'ai du réévaluer au prisme de ce qu'on m'a dit, et ce que je pensais être une position de principe inattaquable, m'a mis face à une réalité

des termes différents, Francine, enseignante de français en collège depuis plus de trente ans et mariée à un homme marocain, avait souligné cette adaptation nécessaire, et l'évolution dans sa manière de présenter les leçons aux élèves et les mots employés, comme une obligation impérieuse dans un contexte socio-culturel étranger à la France et déterminé socio-historiquement : «Depuis

quelques années, il faut faire attention aussi à des problèmes de religion. En français, j'ai pris ces dernières semaines des textes sur la Bible. Mais je prends maintenant des précautions, en disant : « Attention, on l'étudie en tant que textes littéraires, c'est un texte fondateur ». Je leur explique bien ce que c'est un texte fondateur, pour qu'on ne me dise pas « attention, elle fait du prosélytisme ». Et je parle plutôt de culture européenne que occidentale, parce que occidentale, ça a une connotation un peu péjorative. Et j'ai mis aussi un peu des textes du Coran, à côté des textes de la Bible. Des équivalents. Qu'on retrouve maintenant dans les manuels de français. Ça permet de faire une comparaison, de dire, bah voilà, tel personnage, on le retrouve. Qu'est-ce qui change ? La façon de parler, le texte lui-même. Donc pour essayer de leur montrer qu'il y a beaucoup de choses, qu'effectivement on ne retrouve pas dans les bibles et des points communs. J'essaie donc de leur montrer que vraiment, c'est un texte fondateur, et que eux, dans leur culture, ils ont aussi des textes fondateurs comme le Coran... » (Francine, Rabat 201011). Ces extraits ont montré la prudence requise, au risque de déclencher des conflits. Francine a interrogé la posture de l'enseignant lorsqu'il est lui-même étranger. Ce dernier extrait d'un entretien avec Tiphaine, enseignante de Sciences et Vie de la Terre en lycée, a montré que l'enseignement français au Maroc pouvait être confronté à de véritables conflits avec la culture des parents d'élèves sur le plan de la rationalité et de la science, mettant les élèves en porte-à-faux entre les valeurs familiales et celles de l'institution : « J'avais une

élève en seconde, l'année dernière, dont le père faisait partie d'un organisme islamique. Il avait décidé de mettre sa gamine ici : on sait pas trop pourquoi. En fait, il a été surpris de voir qu'au lycée français, on enseignait des choses qui, forcément, pouvaient être en opposition avec ses principes religieux et ses pensées profondes. En cours nous avions évoqué la formation de la planète, l'apparition de la vie, etc. La gamine était bonne élève, mais elle m'a rendue une copie blanche au contrôle sur ce chapitre. Donc j'ai essayé d'avoir des explications : son père lui avait interdit d'apprendre ça ! Donc, moi, j'ai convoqué le père en disant que si elle était là, il fallait accepter le programme. Il l'a retirée » (Tiphaine, Rabat 2010).

L'objectif de mon premier séjour au Maroc dans le cadre d'un stage de travail social dans un quartier populaire de Salé, à côté de Rabat, était de confronter, de manière empirique, certaines représentations véhiculées en France sur la culture traditionnelle arabo-musulmane ou berbère, ainsi que les relations franco-maghrébines. L'approfondissement découlait du malaise dans 11 Les prénoms ont été modifiés. En annexe 8, se trouve une liste des personnes interviewées.

les relations franco-maghrébines, observées dans ma pratique professionnelle en tant que travailleur social en France et dans ma vie quotidienne au Maroc. Dans ces deux contextes, je me suis rendu compte de ma position a priori dominante, qui me faisait ressentir un statut de privilégié dans cette situation coloniale (ou postcoloniale) inextricable (Memmi, 1957 : 47). Mes convictions idéologiques étaient sans réserve en faveur de l'autonomie des populations autochtones, des individus et des communautés. Ma position actuelle, qui émerge de ce travail, est plus nuancée dans la mesure où les exemples de Casablanca et Londres et le néolibéralisme économique interrogent les questions de la solidarité et du vivre ensemble dont la France, malgré des dissensions politiques, reste l'un des derniers défenseurs. Nombre de professionnels de l'enseignement et de l'éducation en France stigmatisent souvent la culture étrangère comme un frein à l'intégration sociale et à la réussite scolaire des jeunes issus de l'immigration (Raveaud, 2003 ; Roussier, 2003 ; Vasquez et Xavier de Brito, 1996). De même, un ensemble de discours politiques et médiatiques la perçoivent comme une menace pour la cohésion de la nation française (Geisser, 2003). Je trouvais par là l'opportunité de confronter mes représentations à la réalité, préjugeant en parallèle que cette nouvelle expérience ferait de moi un professionnel avec une plus grande connaissance des populations d'origine maghrébine. Ce mouvement a donc été à la fois une question personnelle, subjective, mais elle avait trouvé des échos chez d'autres personnes ayant vécu cette situation, ce qui ouvrait la voie d'une possibilité de généralisation et d'objectivation en éclairant deux questions : qu'en est-il de l'enseignement français au Maroc à l'heure de la fin de la coopération et de l'aide au développement ? Comment envisager la relation éducative entre les enseignants français et leurs élèves marocains dans une perspective de migration inversée ? Après quelques précisions méthodologiques qui insistent sur mon rapport à l'objet de recherche, des extraits d'entretiens permettront de contextualiser la situation des enseignants français au Maroc pour mieux en cerner les adaptations individuelles.

De par ma double familiarité avec les enseignants français au Maroc, puisque j'étais à la fois Français et professionnel d'un métier de l'éducation, je présupposais que les perspectives des acteurs me serait plus aisées. Pourtant, je portais des préjugés négatifs sur leur position privilégiée, que j'observais d'un point de vue éloigné du fait de ma relative et courte immersion dans un quartier populaire et traditionnel de la ville. Mais l'accueil qu'ils me faisaient et la réflexivité qu'ils m'offraient pour ma première enquête induisait une certaine sympathie. Comme le souligne Bertaux (1980 : 220), la distance par rapport à l'objet de recherche dans une démarche ethnométhodologique est la garantie couramment admise du caractère scientifique de la recherche. Pour éviter un tel écueil, l'explication de mes intentions de recherche me paraît indispensable. Comment s'est déroulé mon cheminement d'éducateur apprenant le métier de sociologue ? J'ai vécu mes premières années

de formation d'éducateur comme une forme de militantisme, qui place la relation humaine et l'autonomie du sujet au coeur de son idéologie. Pourtant, à l'instar de Barrère dans l'Education Nationale en France (2005, 68), je n'adhérai ni aux discours militants, ni à la professionnalisation du métier. Je voyais alors s'accroître les contradictions entre mes convictions idéalistes et un utilitarisme menaçant. D'un point de vue éthique, la recherche a été une manière d'échapper aux ambiguïtés du travail de service à la personne écartelé que j'étais entre « servir » et « desservir » les personnes accompagnées, tant la frontière est mince entre les deux : « Peut-être faut-il rappeler que

« servir » s'oppose à « desservir », et que la frontière qui les sépare est mince, indistincte et mouvante » (Hughes, 1996a : 62). Selon moi, faire de l'action intelligente ne suffisait pas lorsque le

dilemme était inhérent aux rapports de domination exercés par la fonction professionnelle, renforcés par des exigences accrues de performance et d'efficacité incitées par les pouvoirs publics, auxquelles était confrontée mon éthique personnelle de la relation. Ma démarche de recherche correspondait à une critique sociale et politique par le choix du sujet et les méthodes d'investigations selon la tradition de Chicago (Guth, 2008 ; Chapoulie, 1984). C'est donc une action de recherche, non pas en faveur d'une action militante, mais militant pour une réflexivité collective comme moyen d'action, interrogeant le rapport de la France avec ses anciennes colonies, phénomène impensé en France, traversé par les idéologies colonialistes ou autonomistes. Ainsi cette posture s'écarte-t-elle de l'activisme politique de nombre de sociologues pour s'inscrire dans une activité politique radicale de transformation de soi (Gouldner, 1970 : 438). La recherche m'est alors apparue comme une manière d'harmoniser mon parcours de vie sinueux à travers une conception globale unifiant la complexité d'un monde social segmenté par la professionnalisation, la division du travail et la spécialisation (Guigue, 2005 : 98). Dès lors, le chapitre méthodologie ne montre pas comment travailler en tant que sociologue, mais comment j'ai vécu en tant que sociologue sur le terrain (Gouldner, 1970 : 489). La nature du savoir étant bien souvent tiraillée entre savoir appliqué et théorique, la plupart des professions établies sont implicitement divisées entre ceux qui tendent vers la théorie et ceux qui tendent vers la pratique. Entre recherche et action, il existe toute une palette de positionnements, source de conflits dans ces professions dites établies car elles dispensent des services ou des conseils selon des compétences spécifiques reconnues par une formation (Hughes, 1996b : 113).

Concrètement, ma démarche s'est apparentée à la situation de l'étrangeté comme le définit Simmel : « L’étrangeté signifie que le lointain est proche [...] un élément dont l’articulation

immanente au groupe implique à la fois une extériorité et un face-à-face » (1999 : 663). Ainsi cette

situation reconstruite a permis de favoriser le regard de l'étranger dans la mesure où il « ne signifie

d’éloignement, d’indifférence et d’engagement » (Simmel, 1999 : 664). L'ambition a été de parvenir

de la sorte à un regard le plus objectif possible, dans la mesure où « l’objectivité n’est pas une

absence de participation — car elle se tient carrément au-delà du dilemme entre comportement subjectif et comportement objectif, mais un genre positif et particulier de participation [...] à cette seule condition qu’il élimine les gauchissements et accents aléatoires dont les particularités de subjectivité individuelle fourniraient des images très différentes du même objet » (Simmel, 1999 :

665). En revanche, je me suis situé comme étranger par rapport à l'établissement scolaire enquêté et la situation de transmission d'une éducation française dans le contexte marocain (Guigue, 2005 : 99). Ce jeu de rôles à plusieurs facettes, accentué par la comparaison avec Londres, a déconstruit progressivement mes catégories de pensée, renforcées par le contraste des deux réalités nationales dans lesquelles je conservais des amitiés et des relations sociales quotidiennes en maintenant une cohérence dans mon identité profonde. Mes réalités sociales et professionnelles trans-méditerranéennes ont confirmé mon statut d'étranger dans les deux contextes. Comme je n'avais pas de racines qui m'attachaient aux enjeux du groupe étudié, ma position d'étranger a structuré mon objectivité comme un « composé spécial de proximité et d'éloignement, d'indifférence et

d'engagement » (Simmel, 1999 : 664). La distinction entre ma connaissance en tant que membre,

professionnel de transmission des savoirs en contexte postcolonial, et ma connaissance en tant que non-membre, car en dehors des enjeux de la vie de l'institution scolaire m'a semblé importante pour signifier mon désintéressement.

Cette démarche socio-anthropologique et psychosociale a relié des convictions initiales par la recherche des stratégies identitaires (Camilléri, 1990) que les enseignants mettent en place pour se positionner dans leur situation de migrant dans un contexte postcolonial. Interrogeant les formes de migration inversée, mes observations ont fait émerger cinq aspects :

− l'acceptation du privilège d'être Français, Blanc, dans un pays anciennement sous protectorat français, malgré une situation relativement précaire en France ;

− l'importance de la langue française et de l'enseignement français dans le processus d'ascension sociale et d'orientation professionnelle des jeunes Marocains ;

− la difficulté de se sentir intégré dans le contexte socioculturel et socioéconomique marocain, bouleversant les convictions d'un idéal cosmopolite comme ouverture au monde

− la perturbation d'un idéal de relativisme culturel absolu qui prétend dépasser les frontières nationales et les critères sociaux, ethniques et culturels par la seule situation d'interaction entre les individus, niant la persistance des structures sociales, culturelles, ethniques et

− la confrontation de valeurs universalistes issues de ma socialisation en France avec les particularismes traditionnels, religieux et économiques dans lesquels ont été socialisées des populations qui revendiquent et affirment leurs identités.

La réflexivité des enseignants français installés au Maroc a permis d'analyser ces aspects à l'aune de leur expérience. Il s'agit de reconstituer la spécificité des enseignants à l'étranger en tant que représentants d'une socialisation à la française dans une société décolonisée en contextualisant leurs discours sur un plan historique et institutionnel. La promotion et la consolidation du projet pédagogique et éducatif français à l’étranger se sont faites « en cohérence

avec les spécificités des contextes nationaux et locaux12 ». Cette ouverture a dû permettre une formation de qualité tant pour les élèves étrangers que pour des élèves français, futurs acteurs ou médiateurs des échanges commerciaux, diplomatiques ou culturels entre la France et les pays partenaires. Symboliquement, ces missions ont pu rappeler la prétention française à l'universalité de sa politique et de son style de vie (Bourdieu 1992 : 151). Cette universalité impérialiste a rejoint l'idéal républicain, la logique de l'honneur et la défense des statuts dans la manière spécifique avec laquelle la France considère les problèmes d'emplois, la crise de l'école ou l'intégration des immigrés (D'Iribarne, 2006 : 269). Une arrogance que l'on retrouve sous différentes formes dans la littérature française du cosmopolitisme au début du vingtième siècle (Di Méo, 2009) ; ou dans la formation d'une nation dont « les valeurs étaient tellement supérieures qu'elles devaient être

transmises aux autres » dont la langue n'a, nulle part ailleurs, été « portée en aussi haute estime, jusqu'au rang de symbole du génie national » (Zeldin, 1978 : 11-23) ; à l'instar de ces diplomates « qui « pètent plus haut que leur cul » pour donner des leçons à la terre entière, qu'ils sont les premiers d'ailleurs à ne pas appliquer » (Benjamin, Rabat 2010). Soi dit en passant, le métier de

diplomate étant par ailleurs un métier bien spécifique dont la technique dénote de nombreuses ambivalences (Loriol, Piotet, Delfolie, 2008). Mais les excès de généralisation, amalgames et autres exceptions sur laquelle se fonde la règle ont la vie dure.

De manière générale, pour les enseignants français, exercer au Maroc est généralement considéré comme un privilège, qui se caractérise par des conditions de vie et de travail confortables. Tous les interviewés l'expriment. Le témoignage de trois femmes enseignant depuis trente ans au Maroc montre une progression des conditions de travail. Elles ont commencé leur carrière dans une situation économique précaire, dans le réseau scolaire local avant de rejoindre le réseau français. Elles m'ont accueilli dans des habitations confortables au bord de la mer ou en centre-ville de Rabat qui témoignent d'une certaine réussite économique. Durant l'aide au développement, les enseignants 12 Site internet www.aefe.fr

français se distinguaient entre ceux du réseau scolaire français (la Mission) et ceux du réseau scolaire marocain (Guth, 1984 : 33). Il y avait les « expats et les autres » (Francine). Les campagnes d'arabisation au cours des années quatre-vingts, puis la création de l'AEFE et la fin de la coopération dans les années quatre-vingt dix, ont unifié l'enseignement français au sein du réseau français (Vermeren, 1999 : 378). Leur confort de vie est indéniable au regard des salaires par rapport au pouvoir d'achat du pays : « C'est clair : être expatrié est une place en or, d'abord parce

que tu gagnes plein de fric : ça, c'est intéressant ! (rires) » (Benjamin). « Je suis contente parce que je gagne bien ma vie, j'ai un salaire d'instit normal. Si j'étais à Bruxelles ou à Paris, j'aurais le même salaire, mais au Maroc, c'est plus confortable : je ne peux pas rêver mieux ! » (Marie). La

plupart en parlent aisément et ajoutent que la découverte du pays pendant les vacances, ainsi que le climat sont des avantages supplémentaires : « Toutes les vacances, on bouge. On part en bivouac...

On a un 4x4 pour pouvoir profiter de ce côté-là du Maroc, qui n'est pas forcément accessible »

(Tiphaine).

Si certains ont témoigné d'une légère dégradation des conditions de travail ces dernières années avec l'arrivée de certains élèves d'origine marocaine socialisés dans les banlieues françaises, ainsi que des problèmes de gestion attribués au renouvellement des chefs d'établissement, il ne sauraient se plaindre manifestement. Dans une société marocaine très stratifiée, les enseignants français restent proche d'une élite au pouvoir : « c'est une élite, c'est-à-dire qui tient vraiment le

pouvoir et qui côtoie une vraie misère. Donc, moi je suis avec cette partie de la population, que je ne connais pas très bien, finalement » (Thibaud). Depuis leur création sous le régime de Protectorat

dès 1912, les établissements français ont formé une élite marocaine. Selon Vermeren (2002), trois phases se sont succédées. Tout d'abord, c'est une élite pionnière de Marocains éduqués antérieurement à 1956 au sein du réseau d'enseignement français qui, en créant un nationalisme politique anticolonial, a établi les fondements du pouvoir pour la génération suivante. Celle-ci va à son tour proclamer l’indépendance et diriger le pays, tout en étant l’héritière des classes dirigeantes précoloniales. Une génération de contestataires s'est ensuivie, non plus en lutte contre le colonisateur français, mais contre le régime local en revendiquant une démocratisation, qu'elle a voulu entraîner dans un processus révolutionnaire de type marxiste. Depuis les années quatre-vingts, l’enseignement dans les établissements français est toujours resté destiné à une élite tournée vers la France, dans le prolongement d'une histoire nationale ou familiale. Il occupe une position intermédiaire en comparaison avec la concurrence américaine et espagnole, s'agissant de l'accès à des études supérieures en Occident et des frais d'inscription. Les écoles étrangères conservent ainsi une meilleure réputation que les écoles marocaines, publiques ou privées.