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Choix méthodologiques

1. Les stratégies de recueil de données

1.2. Des enquêtes menées dans des établissements de Chennai et Poudouchéry

Une fois le choix des langues effectué, il me restait à procéder au choix des établissements dans lesquels j’allais mener mes enquêtes. Ce choix a été orienté à la fois par des considérations pragmatiques et par un souci d’atteindre une certaine représentativité. L’objectif était double : il s’agissait de restreindre l’étendue géographique des enquêtes afin de travailler sur une situation sociolinguistique délimitée, et de quadriller suffisamment cette

zone géographique afin d’en tirer des analyses que l’on puisse envisager de généraliser à d’autres établissements.

Pour des raisons d’ancrage institutionnel, j’ai retenu la ville de Chennai comme terrain d’enquête. Mes contacts à l’Université de Madras ainsi que la connaissance du terrain issue de mes différents séjours au sein de cette université d’accueil, m’ont conduite à privilégier une étude centrée sur la ville de Chennai elle-même. Le terrain est donc résolument urbain, il mêle tradition et modernité puisque la ville de Chennai, capitale de l’Etat du Tamil Nadu, est en pleine expansion économique.

Dans un souci de transparence, il est important de préciser que les phénomènes observés étant géographiquement localisés, leurs interprétations ne pourront pas être directement généralisables à l’ensemble de l’Etat du Tamil Nadu ni a fortiori à l’ensemble de l’Inde du Sud. Des données issues d’enquêtes situées à Chennai permettront cependant de produire des connaissances potentiellement transférables à la situation indienne, à condition de tenir compte des adaptations propres à chacun des micro-milieux socio-économiques et sociolinguistiques en question.

Les établissements retenus pour l’enquête sont des établissements d’enseignement privé secondaires (secondary schools), qui pour la plupart, proposent également un enseignement au niveau primaire. Ce choix est directement lié à la présence du français dans le panel des langues étudiées. En effet, les renseignements obtenus à l’Ambassade de France et à l’Université de Madras concordent sur le fait que l’enseignement du français est limité aux établissements privés et débute à partir du secondaire. Bien que mes recherches documentaires auprès des ministères de l’éducation ne m’aient pas permis d’obtenir d’éléments qui puissent confirmer cette information, il semblerait que l’enseignement du français en Inde ne débute jamais avant la classe VI1. J’ai donc décidé de restreindre mon terrain d’enquête aux seuls établissements secondaires de la ville de Chennai. Afin de limiter l’étude des langues au cursus général du système éducatif, j’ai exclu de mes enquêtes les établissements universitaires (colleges et universities). Le choix de l’enseignement privé est lui aussi dicté par l’impératif de la présence du français. Ce choix peut être discuté dans la mesure où il met de côté tout un pan du système éducatif indien : l’enseignement public. Il faut cependant garder à l’esprit que la dichotomie public/privé est fondamentalement

différente en Inde et en France. L’enseignement privé en Inde constitue une partie importante de l’effort éducatif et regroupe la quasi-totalité des classes moyennes et supérieures. Par rapport à mes objectifs de recherche, il faudra donc prendre en compte le fait que les apprenants soient issus d’un milieu socio-économique plutôt favorisé. Le choix d’établissements privés aura également des implications au niveau de la politique éducative puisque les établissements privés, plus encore que les établissements publics, s’identifient au modèle de l’école anglaise héritée de la colonisation britannique.

Afin d’obtenir un échantillon représentatif de l’enseignement secondaire privé de la ville, les établissements ont été sélectionnés en croisant différents critères institutionnels, géographiques, sociaux et religieux. L’enjeu de cet échantillon était de reproduire au mieux la diversité de l’offre éducative privée présente à Chennai. Un effort tout particulier a été fait pour équilibrer le nombre d’établissements affiliés aux deux instances ministérielles principales qui appartiennent respectivement au gouvernement central (Central Board of Secondary Education, CBSE) et au gouvernement local (State Board of Secondary Education, SBSE). Il est à noter que plusieurs facteurs d’ordre pratique sont également entrés en compte dans le choix des établissements tels que la présence de contacts et d’informateurs, la volonté d’ouverture du chef d’établissement, etc. A l’issue de la sélection, j’ai ainsi retenu au total huit établissements pour la réalisation des enquêtes.

Aux huit établissements sélectionnés s’ajoutent deux établissements ne répondant pas aux critères énoncés précédemment. Ces derniers appartiennent à des cadres institutionnels bien différents puisqu’ils sont tous deux liés, plus ou moins directement, aux institutions françaises à l’étranger. L’Alliance française de Madras ainsi que le Lycée français de Pondichéry ont ainsi été retenus pour apporter un éclairage particulier sur la question de l’enseignement du français en Inde du Sud. L’Alliance française de Madras, présente sur le même territoire que les huit autres établissements sélectionnés, propose des cours à un public d’adultes désireux d’approfondir leur connaissance de la langue et de la culture française. Le Lycée français de Pondichéry, de son côté, s’adresse à des élèves du secondaire voulant poursuivre une scolarité dont la langue de scolarisation est le français. Il se situe dans la ville de Poudouchéry, qui appartient au Territoire de Poudouchéry, et s’ancre donc dans un contexte sociolinguistique quelque peu différent de celui de Chennai.

Le tableau récapitulatif ci-dessous présente la liste des établissements sélectionnés ainsi que leur situation géographique. Les huit établissements d’enseignement secondaire

principaux apparaissent sous la forme d’une typographie en italique, tandis que les deux établissements apportant un éclairage complémentaire sont présentés en caractères non italiques.

Nom de l’établissement Affiliation Situation géographique

1 MCC Higher Secondary School SBSE Chetpet, Chennai 2 Lady Andal Venkatasubbarao Higher Secondary

School

SBSE Chetpet, Chennai

3 Anna Adarsh Matriculation Higher Secondary School

SBSE Anna Nagar, Chennai

4 Asan Memorial Matriculation Higher Secondary School

SBSE Thousand lights, Chennai

5 Maharishi Vidya Mandir Senior Secondary School CBSE Chetpet, Chennai 6 State Bank of India Officers Association (SBOA)

School and Junior College

CBSE Anna Nagar, Chennai

7 Sherwood Hall Senior Secondary School CBSE Chetpet, Chennai

8 Vani Vidyalaya Senior Secondary School CBSE West K. K. Nagar, Chennai 9 Alliance française de Madras Nungambakkam, Chennai 10 Lycée français de Pondichéry Poudouchéry

Fig. 2 : Présentation des établissements dans lesquels ont été réalisées les observations et les enquêtes

Les huit premiers établissements présentés dans le tableau constituent les lieux d’enquêtes principaux. Les données issues de ces établissements seront celles sur lesquelles je m’appuierai afin de répondre à ma problématique. Les deux derniers établissements, qui n’appartiennent pas au système éducatif indien, me permettront néanmoins de mettre en perspective les résultats obtenus dans le secondaire indien. Par effet de contraste, ils viendront apporter des informations complémentaires quant aux méthodologies utilisées dans l’enseignement du français et aux représentations sur les langues. Ils me permettront également de m’interroger sur l’existence d’un modèle alternatif d’enseignement du FLE en contexte plurilingue.

Le terrain d’observation et d’enquête et les langues étudiées ayant été définis, il nous faut maintenant examiner les différentes méthodes de recueil de données utilisées. Ces méthodes vont dans le sens d’une démarche à dominante qualitative et visent à la compréhension d’une situation complexe. Elles s’articulent ainsi au sein d’un cadre méthodologique cohérent en offrant plusieurs points de vue sur les phénomènes à décrire.