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Un enjeu social et économique pour le développement des populations

« Les statistiques de la FAO montrent qu’au début du nouveau millénaire, l’agriculture, la

chasse, la pêche et la foresterie assuraient la subsistance de 2,57 milliards de personnes, en comptant les personnes actives du secteur et les membres de leur famille sans emploi. Ce chiffre représente 42 pour cent de l’humanité » (FAO 2005). Cette affirmation met en

évidence l’importance de l’agriculture sur le plan de la sécurité alimentaire (A.1.1) et son corollaire, la pauvreté (A.1.2).

1.1. Assurer la sécurité alimentaire

Selon le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 « la sécurité alimentaire est assurée

quand toutes les personnes, en tous temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine » (FAO

1996). Associée à la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire constitue le premier Objectif du Millénaire pour le Développement (cf. Chapitre 1, A.2.2).

Bien que la production agricole et les disponibilités alimentaires par habitant se soient accrues depuis la fin des années 60 (+20%), le nombre de personnes en insécurité alimentaire a fortement augmenté à partir du milieu des années 1990 (Esnouf et Bricas 2011). Aujourd’hui plus de 842 millions de personnes sont sous-alimentées, pour la plupart vivant dans des zones rurales des pays pauvres. Mais l’augmentation de la production alimentaire ne suffit pas à réduire la sous-alimentation, la faiblesse des revenus et l’accroissement sont des déterminants importants (Esnouf et Bricas 2011). Ainsi, en 2010, les pays développés comptaient 19 millions de personnes sous-alimentées. Sen a par ailleurs montré que le phénomène de famine dépendait également des conditions d’accès, des systèmes institutionnels et des mécanismes de régulation en place (Sen 1981).

Les projections démographiques estiment que la population mondiale atteindra 9 milliards d’habitants à l’horizon 2050, soit une croissance de 50% par rapport à la population de l’an 2000 (6 milliards) et de 43% par rapport à 2005 (United Nations 2011). Ces projections constituent donc un véritable défi en termes de production et de sécurité alimentaire. En effet, « les projections montrent que pour pouvoir nourrir une population mondiale de 9,1 milliards

de personnes en 2050, la production alimentaire globale devra progresser de quelque 70% entre 2005/07 et 2050 (et presque doubler dans les pays en développement), avec de ce fait des augmentations importantes dans la production des principaux produits essentiels. Par exemple, la production annuelle de céréales devrait ainsi progresser de près d’un milliard de tonnes, et la production de viande de plus de 200 millions de tonnes pour atteindre un total de 470 millions de tonnes en 2050, dont 72% dans les pays en développement, contre 58% aujourd’hui » (FAO 2009).

Le challenge sera donc d’accroître la production tout en tenant compte des facteurs limitant que constituent le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources énergétiques, et la diminution de la main-d’œuvre qui s’urbanise.

1.2. Lutter contre la pauvreté et favoriser le développement économique des sociétés non-industrielles

Lors de son discours d’acceptation du prix Nobel d’économie de 1979, Théodore Schultz a entamé son allocution avec la remarque suivante :

« Pour la plupart, les habitants de la planète sont pauvres ; par conséquent, étudier l’économie de la pauvreté nous apporterait beaucoup de renseignements sur les principes

économiques qui comptent vraiment. Partout dans le monde, les pauvres tirent en majorité leur revenu de l’agriculture ; par conséquent, étudier l’économie agricole nous apporterait beaucoup de renseignements sur l’économie de la pauvreté » (cité par Cervantes-Godoy and

Dewbre 2010).

L’agriculture constitue en effet un levier majeur dans la lutte contre la pauvreté et le développement économique en zone rurale (là où se concentrent les populations les plus pauvres).

Plusieurs auteurs (DFID 2004, Bresciani et Valdés 2007, Christiaensen et Demery 2007, Cervantes-Godoy et Dewbre 2010) ont ainsi montré qu’il y avait une relation significative entre les taux de réduction de la pauvreté et les différentes performances de l’agriculture. Ces auteurs s’accordent à dire que la croissance enregistrée dans l’agriculture contribue en moyenne nettement plus au recul de la pauvreté que celle qui est imputable aux secteurs non agricoles. Selon la FAO, la croissance du PIB due à l’agriculture profite au moins deux fois plus à la moitié la plus pauvre de la population d’un pays que la croissance de tout autre secteur (FAO 2009).

Plusieurs raisons expliquent ce résultat : 1) l’incidence de la pauvreté est en général plus élevée dans les populations agricoles et rurales que dans les autres, et 2) la plupart des pauvres vivent dans les zones rurales et sont, dans une forte proportion, tributaires de l’agriculture pour leur subsistance (Christiaensen et Demery 2007, Ravallion et Chen 2007, World Bank 2008).

Toutefois, il ressort également de ces travaux que la capacité de l’agriculture à réduire la pauvreté s’amoindrit à mesure que les pays s’enrichissent (Christiaensen et Demery 2007). Elle constitue donc un levier mais seulement jusqu’à un certain point de développement. Le cas des productions de fruits et légumes illustre particulièrement bien cette contribution positive de l’agriculture aux problématiques de pauvreté et de développement. Les produits horticoles sont considérés comme étant des Produits à Haute Valeur Ajoutée (PHVA), définis comme « comme étant des produits dégageant une marge brute plus élevée par unité de

ressources disponible (terre, travail, capital, capacités humaines) qu’un autre produit dans un lieu et contexte donné »21 (GFAR 2005). Ils sont source de haute rentabilité pour les agriculteurs en termes de revenus agricoles nets et de rendements nets (McCulloch et Ota

21 “A product that return a higher gross margin per unit of available resources (land, labour, capital, human capacities) than other product within a given location and context”.

2002). Par exemple, au Kenya les revenus agricoles nets par tête étaient 5 fois plus élevés que ceux des petits agriculteurs ne produisant pas de produits horticoles (McCulloch et Ota 2002). De plus, ces produits ont créé plus d'opportunités d'emploi dans de zones rurales puisqu’elles sont plus intensives en main d’œuvre que les productions vivrières. Par exemple, la production horticole nécessite presque 3 fois plus de travail que les céréales (Weinberger et Lumpkin 2005).

Dans un contexte où 1,3 milliard de personnes vivent toujours sous le seuil d’extrême pauvreté de 1,25$ par jour, l’agriculture détient un rôle important.

Conclusion : un levier socio-économique majeur pour le développement

L’agriculture joue un rôle fondamental dans l’équilibre social et économique des sociétés, en particulier dans les pays en voie de développement. Elle contribue évidemment à la sécurité alimentaire des populations, sa fonction première étant l’alimentation. Elle est également structurante sur le plan économique en étant pourvoyeuse d’emploi et génératrice de richesses.