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L’accentuation de la problématique écologique et sociale comme questionnement du système économique du système économique

Le XXème siècle a été marqué par un développement économique sans précédent. Cela a contribué à de nombreux progrès (communication, transport, technologie, etc.) et a permis d’améliorer les conditions de vie (allongement de l’espérance de vie). Mais ce développement ne s’est pas réalisé sans heurts et dommages collatéraux, lesquels aujourd’hui questionnent fortement le modèle économique dominant, à la fois sur un plan environnemental (A.2.1) et social (A.2.2).

2.1. Une crise écologique,

Les Trente Glorieuses, période ayant suivi la Seconde Guerre mondiale (1945-1973) et qualifiée ainsi par Jean Fourastié (Fourastié 1979), ont profondément bouleversé les sociétés. Cette période s’est caractérisée, pour la majorité des pays industrialisés occidentaux, par une forte croissance économique, s’appuyant sur des innovations technologiques telles que les industries de pointes (électronique, informatique), la disponibilité énergétique (essor des hydrocarbures) et une croissance démographique soutenue (« baby boom »). Cette période fut marquée par de nombreux progrès technologiques, des transformations sociales profondes et d’importants changements dans les modes de vie.

Mais dès les années 1950, nombreux sont ceux qui se sont interrogés sur cette croissance perpétuelle et ses limites. Par exemple, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) établît un catalogue des menaces qui pesaient sur les espèces tant animales que végétales en 1951 et en 1954. En 1952, Alfred Sauvy inventa l’expression «

Tiers-monde » (Sauvy 1952), pour désigner ces pays qui aspiraient à être reconnus. En 1962, René

Dumont dénonça le pillage des ressources naturelles des pays d’Afrique au seul avantage des industries du monde développé et pointait les zones de pauvreté et les blocages qui enfonçaient les populations de ce continent dans la misère (Dumont 1962)7.

A partir des années 1970, ces réflexions prennent une réelle ampleur. En particulier, les chocs pétroliers de 1973 et de 1979 ainsi que les diverses catastrophes environnementales et industrielles (Olympic Bravery8, Boehlen9, Amoco Cadiz10, Three Miles Island11, Bhopal12,

7(

http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/developpement-durable/1-1-de-l-eco-developpement-au/naissance-et-formation-du-concept.html)

Tchernobyl13) marquent profondément l’opinion publique, font prendre conscience des problèmes de l’épuisement des ressources et de la vulnérabilité des systèmes. De nombreux auteurs tels que Dumont, Illich, Georgescu-Roegen ou encore Latouche, dénoncent le modèle de développement économique et industriel sur le plan environnemental. Les points critiques soulevés sont l’épuisement des ressources naturelles (matières premières, énergies fossiles), la pénurie des ressources en eaux douces susceptible d’affecter l’agriculture, la destruction des écosystèmes, notamment à cause de la déforestation et de la destruction des forêts tropicales, la diminution de la biodiversité ou encore le changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre et de manière générale la pollution due aux activités anthropiques (Meadows et al. 1972).

Ainsi, on estime que l’empreinte écologique mondiale a dépassé la capacité bioécologique de la Terre à se reconstituer vers le milieu des années 1970 (WWF 2010) et depuis cette tendance ne cesse de se renforcer. En 2007, l’homme a utilisé l’équivalent d’une planète et demie pour répondre aux besoins de ses activités, soit une surexploitation écologique de 50 %. Par ailleurs, l’évolution passée montre une évolution des températures moyennes mondiales de 0,8°C depuis 140 ans et de 0,6°C les 50 dernières années (NASA-Goddard Institute for Space Studies) (Figure 4). Le dernier rapport du GIEC estime qu'une moitié au moins est de manière quasi certaine liée aux activités humaines (IPCC 2013). Le bilan en termes de biodiversité est aussi alarmant (Commission Européenne 2004, Brahic et Terreaux 2009, Chevassus-au-Louis et al. 2009) : les forêts, qui abritent environ la moitié des espèces présentes sur Terre, disparaissent au rythme de 0,8 % par an. Les forêts tropicales disparaissent elles au rythme annuel de 4 %. D’après certains experts, les espèces disparaissent aujourd'hui à un rythme 1 000 à 10 000 fois supérieur au rythme naturel. L’UICN dénombre 12 259 espèces menacées d’extinction. Les exemples d’impacts négatifs du fonctionnement de nos sociétés sont trop nombreux pour être énumérés, ils interpellent fortement.

9 Marée noire en Bretagne (octobre 1976).

10 Plus grande marée noire au monde jamais enregistrée, Bretagne (mars 1978).

11 Accident nucléaire en Pennsylvanie (USA, mars 1979).

12 Explosion d’une usine (décembre 1984).

Source : NASA-GISS (mars 2012)

Figure 4 : Evolution du climat depuis 140 ans

2.2. … économique et sociale,

A la problématique de crise écologique s’ajoute celle du développement économique et social, notamment au travers de la situation des pays du Sud. Ces pays n’ont pas profité de l’élan économique des Trente Glorieuses et se retrouvent particulièrement affectés par le ralentissement économique. Le consensus de Washington et les différents Plans d’Ajustement Structurel (PAS) n’ont pas permis aux Pays en Voie de Développement (PVD) de sortir de la spirale de la dette dans laquelle ils sont enfermés depuis les années 1980. L’austérité budgétaire, la déréglementation et l’ouverture totale des marchés ont accentué la fragilité des PVD, qui peinent toujours à trouver une certaine stabilité économique et sociale. Le phénomène n’est pas homogène puisque certains pays émergents connaissent une croissance économique rapide et une augmentation du niveau de vie des populations.

La situation des salariés du monde entier est altérée dans la mesure où le chômage, la précarité et les mesures d’austérité s’intensifient. En France, le chômage a pratiquement triplé depuis la fin des Trente Glorieuses (Figure 5). Avec le durcissement économique, les conflits sociaux se multiplient (Arcelor Mittal, PSA, Caterpillar, Molex, Lejaby, Michelin, etc.) et sont de plus en plus violents (menaces de destruction de l'outil de travail, usines bloquées, séquestration de cadres dirigeants). En Europe, plusieurs pays sont durement affectés par la crise de 2009, en particulier la Grèce et l’Espagne, où les taux de chômage atteignent pratiquement 27% (26,9% en avril 2013).

Source : Insee, enquêtes Emploi 1975-2011, séries longues

Figure 5 : Evolution du taux de chômage en France depuis 1975

C’est certainement la question des inégalités qui est la plus prégnante dans la mesure où les écarts entre les plus riches et les plus pauvres ne cessent de s’accroître, et le nombre absolu de pauvres et de très pauvres ne diminue pas. « Selon les estimations, 1,14 milliard de personnes

vivent en dessous du seuil de pauvreté établi à 1,25$ par jour. Environ 1,57 milliard de personnes, soit plus de 30 % de la population des 104 pays étudiés dans le Rapport [sur le

Développement Humain], vit dans une pauvreté multidimensionnelle, une mesure du nombre

et de l’intensité des privations multiples dont souffre chaque individu sur le plan de la santé, l’éducation et du niveau de vie. Dans de nombreux pays du Sud qui présentent une croissance rapide, la population vivant dans une pauvreté multidimensionnelle est supérieure à celle vivant dans la pauvreté liée au revenu » (PNUD 2013, p.16). Or, comme l’ont montré

Wilkinson & Pickett (2010), le niveau des inégalités est tout aussi important que le niveau de revenu en termes d’impact sur la santé et d’autres effets sociaux majeurs.

Ainsi, en l’an 2000, sous l’égide de l’ONU, 189 États Membres ont adopté la Déclaration du Millénaire, dans laquelle ont été énoncés les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), à atteindre d’ici 2015. Ces huit objectifs sont :

1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim. 2. Assurer l’éducation primaire pour tous.

3. Promouvoir l'égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. 4. Réduire la mortalité infantile.

5. Améliorer la santé maternelle. 0,0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0 12,0 1 9 7 5 1 9 7 7 1 9 7 9 1 9 8 1 1 9 8 3 1 9 8 5 1 9 8 7 1 9 8 9 1 9 9 1 1 9 9 3 1 9 9 5 1 9 9 7 1 9 9 9 2 0 0 1 2 0 0 3 2 0 0 5 2 0 0 7 2 0 0 9 2 0 1 1 T a ux de la po pu la tio n a ct iv e a u chô m a g e a u sens du B IT

6. Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies. 7. Préserver l’environnement.

8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

L’importance du premier de ces objectifs est vivement rappelée lorsque qu’entre 2006 et 2008, des émeutes de la faim secouent de nombreux pays dans le monde. Le phénomène est apparu pour la première fois à la fin de l’année 2006 au Mexique à cause de l’augmentation de près de 40% des prix de la tortilla, base de l’alimentation populaire. Le phénomène s’est étendu aux pays arabes du fait de l’augmentation des prix du blé et du pain, il s’est ensuite propagé à de nombreux pays africains (Nigeria, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mozambique, Mauritanie, Sénégal, Burkina Faso). Ces crises résultent d’une hausse importante des prix des denrées alimentaires, qui ont augmenté de 40% entre mars 2007 et mars 2008, de 56% entre janvier 2007 et juin 2008, de 83% entre février 2005 et février 2008 (181% pour le blé) et de 130% entre janvier 2002 et juin 2008 (Banque Mondiale 2008, FAO 2008, IFPRI 2008). Elles ont touché en particulier les ménages les plus pauvres des villes et des campagnes des pays en développement et plus durement les ménages dirigés par des femmes (FAO 2008).

Plusieurs causes structurelles ont été avancées :

‐ la destruction des terres arables, due à une urbanisation croissante notamment en Asie, un processus de désertification qui progresse (Sahel, Espagne, Australie), l’accentuation de l’érosion à cause de la déforestation et de l’emploi intensif de fertilisants ;

‐ des phénomènes climatiques de sécheresse et d’innondation ;

‐ l’augmentation du prix du pétrole (qui a quadruplé depuis 2003), qui affecte le coût des fertilisants et des pesticides ;

Ainsi que des causes conjoncturelles telles que :

‐ la concurrence avec les agro-carburants entraînant une diminution de l’offre de nourriture ;

‐ la baisse des stocks, du fait d’un passage à des systèmes de flux tendus ;

‐ la crise financière, ayant conduit les fonds d’investissement à investir dans des valeurs refuge (or, pétrole, produits alimentaires de base) afin de « se refaire » suite à la crise

des subprimes de 2007, aggravant la hausse des prix avec leur intervention sur le marché à terme.

Mais ces crises ont surtout remis en perspective la problématique de la sous-alimentation chronique qui touche plus de 840 millions de personnes depuis 1990, et dont les causes sous-jacentes sont plus complexes que le seul manque d’alimentation disponible (Golay 2010). Plusieurs auteurs (Sen 1981, Brunel 2009) affirment en effet que les causes fondamentales de la sous-alimentation chronique sont inhérentes à la structure de la société, plus particulièrement les exclusions politiques et économiques, les injustices sociales et les discriminations.

Avec ces crises de la faim, suivies plus récemment de la crise financière de 2007-2011, c’est plus globalement le système économique qui est interrogé, et plus précisément la croyance selon laquelle le libre marché résoud tout. Le principe de la « main invisible » ne semble plus si évident et la légitimité des institutions du capitalisme et de la démocratie libérale sont remis en cause (Scherer et Palazzo 2011).

Conclusion : Un système remis en cause

Cette crise systémique globale met en cause les conditions de reproduction de la société, tant dans ses aspects matériels que culturels (Berr et Harribey 2006). Le système capitaliste et libéral est contesté dans sa capacité à maintenir une égalité entre les espèces et les générations (Meadows et al. 1972). La prise en compte des multiples aspects de cette crise sociale et écologique se cristallise dans le concept de développement « durable » ou « soutenable » (WCED 1987), qui apparaît comme une critique du système économique dominant et comme un nouveau mot d’ordre et un nouvel objectif à atteindre14.