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Contribution aux processus participatifs d’élaboration des normes

1. Le renforcement des exigences sociétales ou la tyrannie de l’aval

1.1.2. Contribution aux processus participatifs d’élaboration des normes

Outre leurs choix de consommation, les consommateurs expriment également leurs attentes en termes de développement durable et de qualité des produits en s’impliquant davantage dans les nouveaux processus de gouvernance et de régulation des activités économiques. En particulier, ce sont les consommateurs qui sont à l’origine de la norme ISO 26000, relative à la responsabilité sociale des organisations. En effet, c’est le COPOLCO24 qui a saisi l’ISO de l’intérêt de développer une norme internationale sur la responsabilité sociétale (Observatoire français de l'ISO 26000 - AFNOR). Cette même instance est également à l’origine des séries de normes 14000 portant sur le management environnemental.

La norme ISO 26000 ne fait pas l’objet de certification comme c’est le cas pour la série de normes 14000, néanmoins elle bénéficie d’une reconnaissance internationale et constitue une référence en matière de développement durable. Elle fait partie des recommandations de la Commission européenne dans le cadre de sa stratégie RSE à horizon 2014, qui a pour objectif de renforcer l'impact positif des entreprises européennes et de limiter et prévenir leurs effets négatifs. La Global Reporting Initiative (GRI) encourage une utilisation conjointe des lignes directrices du GRI et de l’ISO 26000. Et l’ONU a mis en évidence les correspondances entre les thèmes des Principes du Pacte mondial de l’ONU et les questions centrales de l’ISO 26000.

Ainsi le contexte de développement durable suscite de nouvelles formes d’organisation, de contrats entre les producteurs et les consommateurs et de nouveaux modes de gouvernance au sein des systèmes. Les productions agricoles sont particulièrement sujettes à ces préoccupations.

Conclusion : des consommateurs de plus en plus sensibles à la qualité des produits alimentaires

Les produits alimentaires cristallisent les craintes des consommateurs en matière de sécurité et de développement durable. Directement associés à la santé, les attentes vis-à-vis de ces produits sont différentes des autres produits : le consommateur s’inquiète de la quantité de produits chimiques utilisés dans les vergers de pommiers, il s’en soucie moins pour ce qui est de la fabrication de son Ipad. Ainsi, les préoccupations consuméristes ont conduit à une plus grande diversité des attributs de différenciation des produits (conventionnel, biologique, équitable, indications géographiques, labels, etc.). Ils sont par ailleurs à l’initiative de normes internationales en faveur du développement durable de référence.

1.2. Le poids de la grande distribution

La grande distribution s’est imposée comme principal circuit de distribution des marchandises en général et des produits alimentaires en particulier. Ce mode de distribution représente dorénavant plus de 75% des volumes et 67% des ventes totales du commerce de détail alimentaire (Figure 13) (MAAF 2012), alors que les grandes surfaces représentaient moins de 5% des dépenses alimentaires en 1970 (Soler et al. 2011).

La concentration très élevée des « super centrales d’achat » accroît le pouvoir de marché des groupes multinationaux de la grande distribution. En France, 6 entreprises assurent 90% du commerce de détail alimentaire en libre service : IRTS (Auchan et Casino), Agenor (Intermarché, Eroski et Edeka), CMI (Carrefour) (Rastoin 2006). Dans le monde, les 30 plus importantes chaînes de supermarchés assurent désormais un tiers environ des ventes de produits alimentaires dans le monde (FAO 2005).

Par ailleurs, avec le développement des Marques Distributeurs (MDD), qui représentent en France 38% du chiffre d’affaires du linéaire, la grande distribution offre la possibilité à des PME alimentaires, qui n’ont pas toujours des chiffres d’affaires et des marges suffisants pour investir dans des marques propres, de produire des MDD. Elle intervient alors dans « la

formulation des produits par des cahiers des charges précisés aux fournisseurs lors d’appels d’offre. [Ces cahiers des charges] sont aussi prescripteurs de normes, d’emballages, de merchandising, d’informations données aux consommateurs et de procédures de contrôle »

Source : MAAF 2012

Figure 13 : Parts de marché de la distribution alimentaire en France en 2010

Enfin, la grande distribution a développé un système de contractualisation vis-à-vis de ses fournisseurs, ce qui offre de plus grandes garanties aux fournisseurs contractés (volumes et prix), mais cela tend dans le même temps à restreindre le nombre de fournisseurs. Ainsi, de nombreux producteurs se retrouvent exclus de ce système, notamment les petits producteurs qui ne peuvent s’engager sur des volumes importants et réguliers. Par exemple, Aldi, premier hard discounter européen, a un contrat avec seulement 6 fournisseurs pour ce qui est de la banane ! Les autres fournisseurs doivent donc trouver de nouveaux débouchés pour leurs produits, en l’occurrence la Russie (Observatoire des Marchés CIRAD).

La concentration de la distribution, le développement des marques de distributeurs et la contractualisation ont modifié le rapport de force avec les industries et les producteurs en amont des filières et induisent un changement radical dans le pilotage et le partage de la valeur au sein de ces filières. Comme le notent Soler et al. « cette évolution a débouché sur

une situation dans laquelle l’aval de la filière pilote une large partie de la chaîne d’approvisionnement » (Soler et al. 2011, p.111). Avec une telle concentration des pouvoirs,

la grande distribution dicte ses exigences en termes de qualité, de diversité, de quantité et surtout de prix. Il en est de même sur les pratiques vis-à-vis du développement durable. En effet, il existe de plus en plus de standards « B2B » (Business-to-Business) afin notamment d’assurer la conformité avec les réglementations nationales relatives à la sécurité alimentaire

Grandes surfaces d’alimentation générale 67% Alimentation spécialisée et artisanat commercial 17% Petites surfaces d’alimentation générale 6% Autres ventes au détail 10%

et aux garanties sanitaires, mais aussi pour organiser les chaînes d’approvisionnement (Daviron et Vagneron 2011).

Ainsi, comme évoqué au Chapitre 1 (A.3.2), Euro Retail Group (Eurep), un réseau de 26 chaînes européennes de supermarchés, a développé en 1997 un protocole relatif aux bonnes pratiques agricoles, qui définit les normes minimales en matière de sécurité alimentaire, de durabilité et de qualité, auxquelles doit répondre la production afin de pouvoir être acceptée par les chaînes de grandes surfaces. Ce standard est devenu une référence et est maintenant le système de certification le plus largement mise en œuvre dans le monde pour les produits agricoles. La plupart des clients européens exigent une certification GlobalGap comme une condition préalable aux échanges.

Les distributeurs anglais ont également mis en place un cahier des charges (BRC Global Standards) qui « spécifie les exigences à remplir par un organisme pour permettre la

production, l'emballage, le stockage et la distribution des aliments sains et des produits de consommation » (http://www.brcglobalstandards.com). Il s’applique à tous les fournisseurs des détaillants anglais. Enfin, Tesco, 3ème groupe de distribution mondial, a développé dès 1992 un standard (Tesco Nature’s Choice) qui établit pour les productions horticoles (fruits et légumes) les normes environnementales et spécifie la forme, la taille, le goût, la variété et les conditions de durée de conservation.

Conclusion : la grande distribution comme prescripteur de normes

La grande distribution s’impose à la fois au Nord et au Sud comme le circuit de distribution privilégié. Plusieurs mécanismes (concentration, contractualisation, MDD) leur confèrent un pouvoir accru et les placent en position de prescripteur de normes sur le plan de la qualité, de la diversité, des quantités et des pratiques de production.