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Conclusion partie B : un outil performant et reconnu

Dans le domaine de l’évaluation des impacts environnementaux des activités humaines destinées à produire des biens et services, l’ACV est la méthode la plus aboutie et connaît un succès important parce qu’elle possède des qualités propres.

La méthode tient compte à la fois de l’ensemble des étapes du cycle de vie du produit qui rend le service, et d’un ensemble d’impacts réputés pour décrire la plus grande partie des impacts causés par les activités humaines à l’environnement naturel. Si bien qu’il s’agit de la seule méthode capable de rendre effectivement compte de transferts éventuels de pollutions quand on passe d’un scénario n vers un scénario k fournissant le même service. Elle offre des résultats qui reflètent la complexité des systèmes réels étudiés. C’est la plus-value de l’ACV environnementale par rapport à toutes les autres méthodes d’évaluation environnementale. Ainsi l’ACV est un outil puissant et attrayant tant du point de vue de sa construction que de ses applications en termes d’aide à la décision, d’information et de communication. Sa pratique et sa diffusion actuelles contribuent à en faire un instrument de plus en plus performant et reconnu.

Malgré leur coût élevé et leur complexité, les évaluations sérieuses bénéficient d’une réelle reconnaissance. Par exemple, l’écolabel européen est accordé aux produits les plus verts de leur catégorie, sur la foi d’une étude par ACV. De nombreuses initiatives d’affichage environnemental des produits ont également fondé leur développement sur cette méthode (cas de la France46, du Japon, de la Suisse).

46 Loi n°2009-967 du 3 août 2009 et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

CONCLUSION DU CHAPITRE 3 : DE L’ACV ENVIRONNEMENTALE A LEVALUATION DE LA DURABILITE DU CYCLE DE VIE

Le contexte de crise écologique et sociale questionnement les choix des organisations économiques, en termes de localisation, de technologie employée, d’organisation et de gouvernance, de pratiques utilisées, dans leur capacité à contribuer à l’amélioration du bien-être des populations (générations présentes et futures) et à maintenir l’équilibre écologique. Dans cette perspective, ce n’est plus seulement l’entreprise (unité de production) qui est interpellée mais le produit, en tant que groupe d’organisations, c’est-à-dire les acteurs directs et indirects de la chaîne de production. Il s’agit de dépasser l’approche unitaire pour considérer les systèmes qui façonnent les comportements des entreprises (stratégie, logistique, rapport de pouvoir, etc.).

Ainsi est apparu un besoin croissant d’évaluation des produits afin de pouvoir répondre à des questions telles que : vaut-il mieux manger des haricots vert surgelés ou en conserve ? Vaut-il mieux produire une banane aux Antilles ou au Cameroun ? Le porc breton est-il vraiment « local » ? Les capsules Nespresso ont-elles un impact environnemental si défavorable que ça par rapport au café filtre ? Est-ce que l’agriculture biologique est réellement plus favorable pour l’environnement que l’agriculture conventionnelle ou sinon raisonnée ? En termes de développement (autonomie, préservation des patrimoines culturels, sécurité alimentaire, lutte contre la pauvreté, amélioration des conditions de vie, etc.) vaut-il mieux favoriser le système de production vivrière ou bien l’agro-industrie (petits producteurs vs grandes plantations) ? Vaut-il mieux produire des roses sous-serre chauffée au Pays-Bas (impact environnemental négatif) ou bien les importer du Kenya (impact économique positif) ? Faut-il manger des fraises à Noël ? Etc.

Plusieurs approches, dans différentes disciplines, ont été développées afin de saisir la complexité croissante de ces chaînes de production, mais elles sont souvent partielles. De par son caractère global et multicritère, sa capacité à identifier les transferts d’impacts, ou encore son cadre normalisé, l’ACV apparaît particulièrement intéressante pour appréhender la problématique du développement durable au sein des filières de production.

Initialement conçue pour l’évaluation des impacts environnementaux, quelques travaux proposent une approche économique (Life Cycle Cost), mais les développements sont encore

limités en ce qui concerne la dimension sociale. Aussi développer un outil sur les mêmes bases méthodologiques, présentant les mêmes qualités, traitant à la fois des problématiques environnementales, sociales et économiques, apparaît très opportun pour arbitrer les choix, les orientations privées et publiques en fonction des différentes problématiques (sociales, économiques, environnementales).

C

HAPITRE

4-E

MERGENCE

,

CONTENU ET LIMITES DE L

’ACV

SOCIALE

:

UNE

APPROCHE CRITIQUE DE L

’ACV

SOCIALE DOUMINANTE

e succès de l’ACV environnementale a conduit les praticiens à développer des approches similaires pour évaluer les impacts sociaux qui respectent le même esprit « cycle de vie » et qui présentent les mêmes avantages que les méthodes environnementales. Ces tentatives sont baptisées « ACV sociale ».

Les praticiens n’ont toutefois pas attendu l’apparition de méthodes d’ACV sociale pour se préoccuper des effets sociaux potentiels des produits (Macombe et Feschet 2011a). L’ACV de l’environnement de travail s’est préoccupée d’évaluer les impacts sur la santé de certaines modifications de l’environnement induites tout au long du cycle de vie des produits. La méthode Eco-Indicator 99 (Spriensma et Goedkoop 2001) établit un modèle pour estimer les années de vie perdues en DALY47, dans la population exposée à des polluants (effets respiratoires et cancérigènes, changement climatique et altération de la couche d’ozone, radiations ionisantes). Les méthodes qui aspirent à « intégrer l’environnement de travail dans l’ACV» (Antonsson et Carlsson 1995, Kim et Hur 2009) choisissent des impacts représentatifs de la santé des travailleurs, tels que la mortalité par accident de travail, les jours de travail perdus pour cause de maladie, le taux de cancer, etc. Les méthodes dîtes d’ACV sociale se proposent d’aller plus loin.

En 2006, The International Journal of Life Cycle Assessment a publié différentes approches. Depuis, quelques unes de ces approches se sont développées, se sont concrétisées par des études de cas, et les travaux de l’UNEP-SETAC (2009) sur l’ACV sociale ont produit des « Lignes directrices pour l’analyse sociale du cycle de vie des produits ».

L’objet scientifique de l’ACV sociale est le développement d’une méthode qui permette « d’évaluer les aspects sociaux et socio-économiques des produits et leurs impacts positifs et

négatifs tout au long de leur cycle de vie » (UNEP/SETAC 2009) (p.100). Une étude d’ACV

sociale consiste ainsi en « un processus systématique utilisant les meilleures connaissances

scientifiques disponibles pour recueillir les meilleures données disponibles et renseigner sur

47 Disability Adjusted Life Years.

les impacts sociaux (positifs et négatifs) dans les cycles de vie des produits, depuis l'extraction jusqu'au traitement en fin de vie » (Benoît et al. 2010, p.158).

Il s’agit d’évaluer :

‐ les effets sociaux d’un produit, y compris ceux qui apparaissent en dehors de la sphère de responsabilité directe d’une entreprise, et

‐ les impacts affectant toutes les parties-prenantes, y compris celles qui sont à distance des étapes du cycle de vie que l’entreprise maîtrise.

Tout comme l’ACV environnementale, l’ACV sociale devrait remplir les mêmes usages que ceux qui sont inscrits dans la norme ISO 14044. C’est-à-dire qu’elle doit :

i) aider à prendre conscience des problèmes sociaux liés à l’existence des chaînes de produits,

ii) identifier les points critiques et les marges de progrès, iii) permettre d’élaborer des scénarios alternatifs.

La finalité de l’évaluation est la « socio-conception » des chaînes de produits, c’est-à-dire le design de chaînes produisant le plus possible d’impacts sociaux positifs et le moins possible d’impacts sociaux négatifs.

Dans ce chapitre, il s’agit d’établir un diagnostic de la recherche existante en ACV sociale afin de poser les bases de notre contribution.

Il convient dans un premier temps de rendre compte de la variété des approches existantes et de l’absence de consensus scientifique (A).

Dans un second temps, nous montrons que toutes ne respectent pas les principes fondamentaux de l’ACV (B).

Ce qui nous permet dans un troisième temps, de suggérer quelques indications pour que l’ACV sociale reste fidèle aux fondements de l’ACV (C).

A. LES APPROCHES D’ACV SOCIALE EN COURS DE DEVELOPPEMENT

Sans avoir la prétention de couvrir le champ de manière exhaustive, il s’agit ici de comparer les différentes familles d’approches en cours d’élaboration. Pour ce faire, nous avons identifié deux variables d’analyse discriminantes :

‐ l’usage visé par l’ACV, résultant de la nature des résultats escomptés et du système étudié (A.1) ;

‐ le choix des impacts, qualifié à partir de la légitimité des indicateurs choisis et de leur portée (A.2).