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d’encadrement de la décision publique

Dans le document La décision publique et la crise (Page 60-64)

Ainsi que nous allons le démontrer, en matière de risques, il y a crise lorsque pour un système donné, le niveau de désorganisation induit par la réalisation d’un risque dépasse ses capacités de réorganisation, mettant en péril son existence. Et tel qu’entendu précédemment, en matière d’Etat, il y a crise lorsque celui-ci pris en tant que système organisateur par excellence de la société, se trouve dans l’incapacité, face à un événement menaçant son existence, d’élaborer une réponse adaptée. La crise lors de sa réalisation est donc par définition la résultante d’une rupture, d’un dépassement, dans tous les cas d’un impensé. Mais impensée, la crise n’est pas forcément impensable et elle n’échappe pas à toute tentative de conceptualisation et d’anticipation. La crise en effet, est toujours la conséquence d’un événement dont la potentialité de survenance a été soit sous-estimée, soit ignorée.

Lorsque cet événement est caractérisable tant dans sa probabilité de survenance que dans la nature et l’ampleur de ses conséquences, il peut alors être qualifié de « risque ». Il sera valablement considéré comme tel si d’une part toutes les situationssusceptibles d’être créés par sa réalisation sont anticipées et d’autre part si une probabilité mathématique objective et chiffrée est associée à chacune de ces situations. Qu’un de ces paramètres vienne à manquer et l’événement redouté sera alors considéré non plus comme un « risque » mais comme une « incertitude ». Mais contrairement au risque, qui suppose pour mériter cette appellation une connaissance parfaite du phénomène redouté, l’incertitude comporte des degrés. Elle peut ainsi résulter d’une impossibilité à anticiper toutes les situations susceptibles d’être créées ou d’évaluer avec certitude l’ensemble des probabilités affectant chacune de ces situations. Enfin, l’incertitude peut également découler de la combinaison de ces deux facteurs.

Dans les deux cas, ce type de crise dans sa conceptualisation, même imparfaite, offre une prise à la pensée et donc à une forme d’anticipation. De fait, elle est anticipée et encadrée par des instruments juridiques spécifiques, adaptés à différents types de risques connus de longue date. Par conséquent ce type de crise mérite l’appellation a priori curieuse mais répandue dans la littérature scientifique sur ces questions, de « crise cadre ».

60 Pour les pouvoirs publics, la distinction entre risque et incertitude apparait ouvrir deux voies distinctes et parallèles en matière de prise de décision. C’est qu’en effet, le niveau d’information autour d’un événement redouté va venir directement en conditionner la représentation. En situation de risque, l’information disponible couvre tout le champ des possibles et chacun des possibles est correctement évalué. Le risque offre donc une prise directe à l’action des pouvoirs publics qui pourront mettre en regard de l’événement redouté les moyens nécessaires pour s’en prémunir. Le choix de ces moyens et les éventuels arbitrages auxquels il faudra procéder pourront être effectués en conscience et en pleine possession de l’intégralité des données essentielles à la résolution du problème posé. En situation d’incertitude en revanche, l’impossibilité d’anticiper les conséquences de la réalisation de l’événement dans toutes leurs dimensions, vient obérer toute tentative de vouloir calibrer avec exactitude la réponse à apporter. Or à l’examen et ainsi que nous le verrons, il s’avère que la distinction entre situation de risque et situation d’incertitude n’est pas aussi rigide qu’elle vient d’être présentée de même que l’alternative qu’elle offre pour le décideur public n’est pas aussi simple.

En matière de crise, parce que cette notion emporte dans sa perspective des conséquences potentiellement meurtrières, les acteurs de la décision publique possèdent une inclination naturelle à vouloir rechercher la meilleure décision possible. Mais de même que la formulation d’une réponse n’est jamais étrangère à la manière ont a été posée la question, l’adoption d’une décision publique porte toujours l’empreinte du circuit de prise de décision qui en a été à l’origine. La recherche de la meilleure décision possible passe donc par l’élaboration du circuit de décision le plus optimal et le plus à même d’exprimer et traduire l’intégralité des paramètres sous-jacents au problème à traiter. Or traduire, c’est trahir et une architecture logique de prise de décision n’a jamais la neutralité que l’on souhaiterait lui conférer. La tentation est grande en effet de vouloir rechercher des critères discriminants incontestables qui permettraient de trancher entre les différentes options susceptibles de se présenter. Assurément, si la volonté de découvrir de tels critères est louable et rationnellement fondée, souvent la quête sera vaine. Comme il sera développé, de semblables critères existent, mais comme nous le démontrerons, ils se trouvent dissimulés sous la gangue des subjectivités des différents acteurs de la décision publique, acteurs qui ne se limitent pas aux seuls pouvoirs publics.

C’est qu’en effet, une crise, un risque, ne saurait être vu uniquement par ses éléments terminaux les plus immédiatement identifiables. Comme il a déjà été dit, dans la perspective de la crise, il y a la mort et« Comme un objet à très forte gravité qui déforme les lois de la

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physique, la proximité de la mort et la peur qu’elle induit déforment les individus et étirent leur comportement vers les extrêmes »76.Dans les développements qui vont suivre, nous mettrons en lumière l’impact que peut avoir l’architecture logique de prise de décision sur la décision publique et rechercherons les éléments qui en constituent les paramètres structurants. De même que nous déterminerons les contours et les défauts du paradigme général sous-jacent à l’ensemble des politiques publiques de lutte contre les risques, ainsi que les correctifs à y apporter.

Pour y parvenir nous examinerons dans un premier temps les modalités par lesquelles le décideur public est amené à intervenir (Titre 1), avant, dans un second temps, de traiter des procédés d’élaboration de la décision publique (Titre 2).

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Titre 1 :

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