• Aucun résultat trouvé

3.1 Le village et la paroisse de Nemt¸i¸sor

3.1.1 El´ ements historiques du village

D’apr`es l’historien moldave N. Constantinescu, le village date de la mˆeme ´epoque que le Monast`ere de Neamt¸, donc du 14-e si`ecle. Il soutient que le village ´etait situ´e, au d´ebut, sur une colline au Nord du Monast`ere, sur l’emplacement de l’actuelle fabrique de charpente o`u l’on a d´ecouvert les vestiges d’une civilisation rurale1. Une autre preuve de l’anciennet´e du village est une lettre officielle datant du r´egime souverain d’Alexandru cel Bun (1400-1432), qui mentionne 10 pots de terre de vin provenant de Nemt¸i¸sor donn´es pour la cour royale. C’est pendant l’´epoque du starets Paisie Velicicovschi (1779-1794), d’origine russe, reconnu dans l’histoire de l’Eglise Orthodoxe pour avoir r´eorganis´e et revitalis´e le monachisme de Neamt¸, puis celui des pays slaves voisines, que le centre du village a ´et´e transf´er´e plus loin, sur le lieu actuel. La raison apparente de cette translation est que le starets consid´erait que le village d´erangeait la tranquillit´e du Monast`ere. L’appellation ”Cicit¸i,” qu’il a re¸cue initialement et qui ´etait d’influence slave, a ´et´e chang´ee au cours de temps par les villageois car elle ne leur plaisait pas. Le village s’est appel´e ensuite Nemt¸i¸sor, d’apr`es la rivi`ere homonyme qui passe au Sud du village. Le nom Nemt¸i¸sor est le diminutif de Neamt¸, qui veut dire ” allemand ”. Cette r´ef´erence `a un ”allemand ”, on la trouve dans l’appellation des principaux lieux de la r´egion : Tˆırgu Neamt¸, la forteresse - Cetatea Neamt¸ului, la Monast`ere de Neamt¸. L’explication la plus plausible est que, dans cette r´egion de la vall´ee des rivi`eres Nemt¸i¸sor et Ozana, se sont ´etablis, `a l’´epoque, un ou plusieurs artisans potiers et tanneurs d’origine

1

N. Constantinescu, Istoria Principatului Moldovei, (Histoire de la Principaut´e de Moldavie), Iasi, 1976, p34-41 ;

allemande. Le nom de la ville de la r´egion : Tˆırgu Neamt¸ veut dire en effet ” foire (bourg) allemand ”.

C’est un fait connu dans toute la r´egion que le village ´etait, d`es le d´ebut et jusqu’`a la moiti´e du XIX-e si`ecle, un village peupl´e de serfs, qui travaillaient sur les propri´et´es Monast`ere. En fait, le village appartenait Monast`ere de Neamt¸. Comme c’´etait la coutume, `a l’´epoque, un grand Monast`ere comme Neamt¸, ´etait dot´e par le souverain de Moldavie de biens, de terrains et de forˆets, mais aussi de villages charg´es de travailler sur le domaine du Monast`ere. Les habitants des villages appartenant au Monast`ere ´etaient des ” serfs monastiques ”.

En 1863, le souverain Alexandru Ioan Cuza, promulgue la loi de ” S´ecularisation des biens monastiques ”. A dater de ce moment, Nemt¸i¸sor devient un village de paysans libres, mais qui restaient attach´es au Monast`ere, lequel a continu´e `a avoir une grande influence dans l’´economie rurale de la r´egion. Dans la tradition populaire, il existe encore un conte historique li´e au moment de la s´ecularisation des biens monastiques. 2

Au moment de la construction de l’´eglise l’actuelle au milieu du 19-`eme si`ecle, l’enseignement p´en`etre dans le village grˆace aux moines du monast`ere, qui prennent en charge l’instruction scolaire dans les nouveaux locaux de la paroisse. Le prˆetre du village ´etait le seul `a savoir lire et ´ecrire dans le village. Dans ces conditions, il ´etait oblig´e de remplie aussi le fonction de notaire ou le m´edecin dans le village. Le monast`ere avait un moine qui s’occupait de la fabrication des m´edicaments ; il tenait une pharmacie, et ce, jusqu’`a la fin de la seconde guerre mondiale3.

2Le souverain Alexandru I. Cuza avait l’habitude de faire des visites dans le pays et souvent

se d´eguisait pour les surprendre probl`emes au milieu des gens. En sachant la richesse r´eput´ee Monast`ere de Neam ?, il d´ecida d’y aller en visite. Les moines faisaient des pr´eparations pour cette visite et ils ont mis quelqu’un dans la tour pour faire sonner la cloche `a l’arriv´ee du prince souverain. Celui-ci, est venu jusqu’`a Tˆırgu Neam ? et la it s’est d´eguise en un pauvre mendiant payant un gitan pour l’amener dans son chariot, il est arriv´e vers le soir aux portes Monast`ere. Il demande entrer mais les gardiens refusent et quand il insist´e une deuxi`eme fois, il re¸cues deux gifles. A ce moment- l`a, il enl`eve ses pauvres vˆetements, et tout le monde est ´ebloui en voyant les habits princiers et le Prince. Il entre dans le Monast`ere, il prosterne devant l’icˆone de la Vierge Marie et prenant les documents Monast`ere, il rentre dans la capitale. C’est comme ¸ca que s’est produit la s´ecularisation des biens monastiques. Histoire trouv´ee dans les notes personnelles de O.I. de Nem ?i ?or.

3

Le monast`ere ´etait beaucoup fr´equent´e, dans la mˆeme p´eriode, 19-`eme si`ecle, d´ebut du XX-e si`ecle, par plusieurs cat´egories de gens, notamment venus de la capitale de Iassy : aristocrates ou bourgeois, intellectuels mais pas seulement, ils venaient surtout pendant l’´et´e, et pour diff´erentes raisons. Le milieu de culture et d’´echanges autour du Monast`ere de Moldavie est bien d´ecrit par les ´ecrivains moldaves de l’´epoque : M. Sadoveanu, V. Conta, C. Hoga¸s, etc. L’effervescence culturelle du monast`ere va influencer le village. Ce dernier va ressentir les effets de la proximit´e monast`ere et profiter de la pr´esence des personnalit´es qui l’ont visit´e. J’ai pu retrouver dans le cahier personnel du villageois O.I., ˆag´e de 83 ans4, des notes ou des r´ecits relatifs `a un ´episode centr´e sur une personnalit´e de l’´epoque (´ecrivain ou Patriarche) qui a visit´e le monast`ere. Il y avait l`a trace des histoires transmises mais aussi des histoires plus r´ecentes, v´ecues par l’auteur lui mˆeme. Par exemple, il fait mention du pr´esident N. Ceau¸sescu, qu’il a rencontr´e lors d’une visite dans la r´egion. Le dictateur communiste, un grand passionn´e de chasse, avait, `a cot´e de Nemt¸i¸sor, un pavillon de chasse, et des troph´ees de grande valeur cyn´eg´etique sont enregistr´es sur le territoire de Nemt¸isor. Actuellement, il y a un parc naturel `a Vˆın˘atori, qui comprend les forˆets des villages Nemt¸i¸sor et Lunca. On y trouve une des rares r´eserves de bisons de Roumanie et d’Europe.

Le village a ´et´e le th´eˆatre, grˆace a ses alentours pittoresques, du tournage de quelques films connus appartenant `a la filmographie roumaine

En 1911, l’ancienne ´ecole construite aupr`es de l’´eglise au milieu du 19-`eme si`ecle a ´

et´e remplac´ee avec une nouvelle. En 1960, on construit une troisi`eme ´ecole, qui existe encore aujourd’hui. L’autre est devenue la ”Maison culturelle ” du village. A partir des ann´ees 30, le village a pour instituteurs et professeurs des gens issus du village5, et la fiert´e intellectuelle des villageois a entretenu cette tradition jusqu’aujourd’hui. Apr`es la premi`ere Guerre Mondiale, une nouvelle partie du village est construite `

a l’Ouest, vers le Monast`ere. Apr`es la deuxi`eme Guerre, le village a ´et´e beaucoup affect´e, au plan de la d´emographie et du niveau de vie. Un bon nombre des hommes

4

Voir l fiche des interlocuteurs `a la fin de la th`ese ;

5

du village sont tomb´es pendant les luttes, et une famine a d´ecim´e la population en 1947.

Pendant le communisme ont ´et´e install´ees, dans la commune de Vˆınatori, les nouvelles institutions de l’Etat : Police (” Milit¸ia ”), Poste, un dispensaire, la Maison de la culture, le C.A.P., quelques kiosques en g´en´eral dans des locaux neufs. Les m´ethodes communistes de r´epression des ann´ees 50 sont connues dans ce village aussi. O.I. se souvient de ” la terreur install´ee dans le village avec l’arriv´ee des nouveaux dirigeants d’influence russe ”. Il raconte que les interrogatoires et les arrestations n’ont cess´e qu’`a la fin du processus de ” collectivisation ”6, vers 1963. Il y avait diff´erents pr´etextes pour cela : sympathies anti-communistes, quotas de choses dues `a l’Etat, refus d’entrer dans le C.A.P. O.I. raconte qu’il a ´et´e appel´e `

a une ” confession ”, c’est `a dire un interrogatoire, ´etant suspect´e de poss´eder des armes. Dans le mˆeme entretien, il souligne l’intention de d´etruire l’ˆetre national roumain par la russification de la culture roumaine communiste par la propagande anti-eccl´esiale et anti-cl´ericale.