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Diff´ erentes compositions identitaires

2.4 Identit´ e paroissiale et identit´ e villageoise

2.4.1 Diff´ erentes compositions identitaires

Apr`es avoir observ´e la paroisse institutionnelle, officielle comme de l’ext´erieur, on va s’efforcer de voir ce qu’est la paroisse des villageois, leur paroisse, comprise de l’int´erieur.

B.D. se veut une personne ´emancip´ee, dot´ee d’une personnalit´e distincte du reste du village. Son principe de vie est : ”Va l`a o`u c’est bien pour toi ”. A la question relative `a son appartenance confessionnelle, elle r´epond tout de suite : ”Orthodoxe, bien sˆur ”. Mais ensuite elle tient `a nuancer ; elle aime s’expliquer, elle aime le dialogue.

La cible vis´ee par son discours est ”le traditionalisme”.

B.D. : C’est le fait de rester dans un certain endroit, tandis qu’on peut faire quelque chose de mieux ailleurs. Les Roumains ne pensent pas trop `a la r´eussite pro- fessionnelle, mais en fonction du fait qu’ils ont une maison et ¸ca leur suffit. Il y a un changement dans la mentalit´e des jeunes d’aujourd’hui : ils vont l`a o`u c’est bien pour eux. C’´etait le but de ma g´en´eration : retourner au village, proche de la maison familiale. Il s’agit d’une tradition mal comprise.

Q : Quelle est la vraie tradition ?

B.D. : Je suis d’accord avec une partie de la tradition, mais de l`a `a en faire un culte, il y a une grande diff´erence.... Tu peux faire quelque chose de bien pour ta localit´e mˆeme si tu vis ailleurs. Il est important de ne pas oublier d’o`u tu es parti, parce qu’il y en a beaucoup qui l’oublient aujourd’hui. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas aller l`a o`u c’est mieux pour toi.

Entretien important qui montre qu’il n’y pas forcement alternance entre tradi- tion et absence de tradition.69

Elle donne l’exemple de S¸tefan Augustin Doina¸s, cette personnalit´e bien connue de la vie culturelle roumaine, qui a oubli´e son village. Elle lui reproche de dire dans les interviews qu’il est n´e dans un village `a cˆot´e de ?iria (localit´e natale d’un ´

ecrivain classique de la litt´erature roumaine), de ne jamais prononcer le nom de Ca- poral Alexa. ”C’est une gifle donn´ee `a son village”. Ainsi, quand il a ´et´e interrog´e sur ce qui le lie au village, il a r´epondu ”rien, sauf la tombe des parents”. ”Moi, quand je suis loin, je me sens li´ee au village non seulement par la tombe des parents, mais par tout le reste. Quand je suis partie en France, j’ai envoy´e tout ce qu’il m’´etait possible aux associations culturelles, les ´ecoles, le sanitaire, l’universit´e, l’agriculture mˆeme”.

Q : Quelle place occupe l’Eglise dans votre m´emoire ?

B.D. : Je pense que, pour tout le monde, elle doit occuper la premi`ere place. Je ne pourrais pas dire que je suis une bigote, une pratiquante orthodoxe venimeuse ( !), mais je ne peux pas dire non plus que je ne suis pas int´eress´ee ou que je n’ai pas lu tout ce qui est li´e au christianisme orthodoxe ou aux diff´erences entre les uns et les autres”. Elle parle donc d’un attachement permanent `a l’Eglise, bien que sa pratique soit intermittente : `a Pˆaques, `a No¨el et `a l’occa- sion des grandes fˆetes. En r´eponse `a ma question sur la pratique, elle ajoute : ”Ma classe est la seule `a avoir un coin consacr´e `a la religion, et c’est moi qui l’ai fait, pas le prˆetre. De mˆeme, `a No¨el, je pr´epare les enfants pour chanter et je vais avec eux `a l’´eglise, `a la mairie et partout”. Elle dit que la majorit´e (90% au d´ebut) des enfants du gymnase chantent dans la chorale de l’´eglise.

Quand je pose une question sur les autres r`egles (pri`ere, carˆeme, la morale

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Voir la notion de tradition dialectique chez P. Ricoeur, Temps et recit. Tome 1, Ed. du Seuil, Paris, 1983 ;

familiale etc.), elle dit qu’il s’agit d’un code moral qui a aid´e le peuple roumain `a survivre pendant les p´eriodes de crise de son histoire. Il s’agit de r`egles de l’Eglise, mais qui ne sont pas impos´ees, car cela n’est pas possible.

B.D. dit que, dans le village, la grande majorit´e respecte le carˆeme du mercredi et vendredi. Elle croˆıt que l’observance des carˆemes de Pˆaques et de No¨el se fait ”sans probl`eme”. Elle parle d’une coutume enracin´ee. Elle respecte elle-mˆeme le carˆeme. Mais dans l’entretien avec L.A. et H.I. il apparaˆıt que la pratique du carˆeme est peu observ´ee. Le prˆetre F nous dit clairement qu’une vingtaine de personnes viennent se confesser pendant le Carˆeme et, par cons´equent, respectent le jeˆune. Il est clair que B.D. veut d´efendre une certaine image du village. C’est peut-ˆetre l’image qu’elle croit que j’attends d’elle, l’image la plus valorisante qu’elle souhaite projeter, la plus digne d’ˆetre v´ehicul´ee.

Elle continue abruptement : ”Je suis orthodoxe, mais je ne suis pas d’accord avec bien des choses qui se passent l`a-bas”. Il en r´esulte qu’elle tient `a son identit´e orthodoxe, mais elle tient aussi `a se distancier d’une religion, qualifi´ee de religion d’avant, attach´ee `a un endroit bien particulier : ”l`a-bas”. ”Il est absurde de croire que quelqu’un ait pu voir J´esus Christ et ensuite ait pu faire son tableau. Chacun le fait d’apr`es son imagination. C’est une profanation”. Il s’agit des icˆones. Ainsi, elle ne croit pas qu’il s’agisse d’inspiration, elle ne pense pas qu’il faille jeˆuner pour peindre une icˆone. Elle donne l’exemple de ceux qui ont peint l’´eglise du village et qui n’ont pas jeˆun´e ; la peinture est de tout fa¸con tr`es belle !