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Chapitre I Synthèse bibliographique

I. E.1 Nanoindentation

La nanoindentation est une technique utilisée depuis le milieu des années 1970 pour caractériser les propriétés mécaniques d’un matériau. La technique a connu un grand essor du fait de l’intérêt grandissant autour des films minces et des revêtements liés aux avancées technologiques à cette époque. Cette technique consiste à mesurer la résistance d’un matériau à la pénétration d’un indenteur. Un indenteur, généralement en diamant, est enfoncé dans un matériau jusqu’à une charge donnée. Une fois retiré, l’indent laisse à la surface du matériau une empreinte dont la mesure de la profondeur (déduite de la mesure au microscope de l’aire de l’empreinte d’indentation) permet d’évaluer la résistance du matériau. Pour la dureté Vickers (HV) par exemple, dont l’indent est de forme pyramidale à base carrée, la dureté est directement calculée en fonction des longueurs des diagonales d de l’indent et de la charge F utilisée, par HV=0,189 F/d². Le module d’élasticité peut être estimé (Oliver and Pharr 1992) à partir d’essais de nanoindentation, cependant, la limite d’élasticité ne peut pas être obtenue par cette technique. Certains travaux ont montré que l’obtention de la courbe contrainte-déformation pouvait être obtenue pour un matériau homogène, en connaissant ses propriétés élastiques (Kermouche et al. 2005). La technique d’indentation de

Caractérisation micromécanique des matériaux irradiés

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manière générale est confrontée à l’effet de taille, à savoir que pour des indents de petite taille, la dureté mesurée est plus importante (Pharr et al. 2010). Cet effet de taille est rencontré lorsque les dimensions de la zone testée sont proches de l’espacement moyen entre deux sources de dislocations dans le matériau. Cet espacement est identifié comme une longueur interne spécifique du matériau. La nanoindentation est également confrontée à un problème lié à l’échelle à laquelle elle est utilisée : la mesure de la profondeur des indents n’est pas commode. De plus, la technique de nanoindentation (ou indentation instrumentée), permet de connaître l’évolution de la charge et de la profondeur avec le temps. La profondeur d’indentation est alors établie en se servant des courbes de charge-décharge pour chaque indent (Oliver and Pharr 1992, voir Figure I-30), qui permettent d’obtenir la profondeur plastique (ou profondeur résiduelle, voir Chapitre II). Cette technique reste cependant efficace malgré des effets de surface pouvant être importants, et une certaine dispersion des mesures, car elle demande une préparation simple et est facile d’utilisation. Le développement de ces essais a également permis leur automatisation et sont donc facilement réalisables en grand nombre.

Figure I-30 Courbe de charge-décharge pour un essai de nanoindentation.

Nix et Gao (Nix and Gao 1998) ont proposé une méthode pour traiter l’effet de taille en traitant les valeurs de dureté en fonction de la profondeur d’indentation. Le traitement est développé dans le Chapitre II.

La préparation de la surface des échantillons pour cette technique d’analyse est un point important qui a un impact sur les résultats obtenus. Liu et Ngan (Liu and Ngan 2001) montrent qu’un échantillon poli mécaniquement (pâte diamantée 1 µm) donne des valeurs de dureté plus élevées que le même échantillon poli par électroérosion à faible profondeur d’indentation. En évaluant l’effet de taille, la valeur de dureté obtenue pour le matériau est identique pour les deux techniques de polissage à partir d’une profondeur suffisante (Figure I-31). Il est donc recommandé de préparer la surface des échantillons avec un soin particulier et d’utiliser la même préparation pour pouvoir comparer les résultats

Synthèse bibliographique

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Figure I-31 : Nanoindentation sur du cuivre monocristallin. Caractérisation de l’effet de taille par la méthode de Nix et Gao d’après (Liu and Ngan 2001). La surface polie mécaniquement est plus dure que la surface polie par électroérosion.

Cependant, en évaluant l’effet de taille, la dureté du matériau (à profondeur infinie) est équivalente.

De nombreuses études ont utilisé la technique de nanoindentation pour caractériser le durcissement induit par irradiation (Busby et al. 2005; Hosemann et al. 2008; Halliday et al. 2009; Kiener et al. 2012; Gupta et al. 2018) et ont permis d’établir des méthodes pour l’interprétation des données obtenues par ces essais. La plupart de ces études porte sur les irradiations aux protons et aux ions lourds. Les faibles profondeurs atteintes par ces irradiations impliquent un durcissement sur la partie superficielle de l’échantillon irradié, d’autant plus pour les irradiations aux ions lourds, laissant le reste du matériau inchangé. Cette particularité des irradiations aux ions a son importance pour deux raisons. D’une part, le volume impliqué lors d’une indentation, c’est à dire la taille de la zone déformée, est bien plus important que le volume indenté, ce qui induit qu’à partir d’une certaine profondeur d’indentation contenue dans la zone irradiée, la microstructure non irradiée est également sollicitée par la déformation. On considère alors le matériau comme étant une couche mince irradiée sur un substrat non irradié. Il est alors important de déterminer le volume du matériau impliqué lors d’une indentation et en particulier la profondeur plastique atteinte. Dans la littérature, des ratios profondeurs plastiques/profondeur d’indentation sont donnés. Un rapport de 4 à 5 est régulièrement indiqué (Kiener et al. 2012; Dolph et al. 2016; Gupta et al. 2018) tandis que d’autres valeurs comme 2,5 (Xu et al. 2016) ou 6 (Huang et al. 2014) sont également trouvées. D’autre part, cette faible profondeur nécessite deux techniques de caractérisation différentes, en surface ou de manière transverse. La faible profondeur d’irradiations lors d’utilisation d’ions lourds rend difficile les indentations le long du profil d’irradiation, alors que cette technique est régulièrement utilisée pour évaluer la différence de dureté induite par les irradiations aux protons, à profondeur d’indentation constante, entre la zone irradiée et la zone non irradiée d’un échantillon (Kiener et al. 2012; Lupinacci et al. 2015). Pour les faibles profondeurs d’irradiation, l’indentation de surface est généralement utilisée.