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Chapitre III Evolutions induites par l’irradiation

III. C.3 Discussion sur le lien entre microstructure et sensibilité à la fissuration

L’impact de la microstructure d’irradiation sur la fissuration intergranulaire a été évalué en réalisant des essais de traction lente en milieu REP sur des échantillons irradiés sous différentes conditions. Les résultats ont montré une forte différence en densité de fissures après ces essais, c’est-à-dire des sensibilités différentes à la fissuration en fonction des conditions d’irradiation. La susceptibilité à la fissuration intergranulaire suite à l’irradiation Fe-450 s’est montrée plus importante que la susceptibilité de l’acier irradié Fe-He-450 tandis que la susceptibilité de l’acier irradié Fe-600 se situe entre les deux. Les essais réalisés dans les mêmes conditions après irradiation Fe-He-600 n’ont pas provoqué de fissuration.

Avant de réaliser l’essai SSRT concernant l’irradiation Fe-He-450, une cartographie EBSD a été réalisée, dans le but de corréler la fissuration aux caractéristiques des grains et des joints de grains. Cette analyse a montré qu’une phase CC était présente en surface de cet échantillon avec une proportion plus importante que celle attendue pour la ferrite. Afin de comprendre la nature de cette phase, une analyse EDX a été réalisée afin de déterminer si une différence de composition existait

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entre cette phase cubique centrée (CC) et la phase cubique faces centrées (CFC) de l’austénite (voir paragraphe IV.D). En effet, la ferrite a une composition différente de l’austénite, notamment une concentration plus forte en nickel, contrairement à la martensite. Cette analyse n’a pas montré de différence de composition entre les phases, on en déduit donc qu’il s’agit de martensite. Le choix a malgré tout était fait de réaliser l’essai SSRT, en considérant par la suite cette martensite dans le cas de l’irradiation Fe-He-450. Suite à l’essai, aucune trace évidente d’une différence d’oxydation ou de déformation entre la martensite et l’austénite n’a été constatée Figure III-29. Bien que l’effet de la martensite sur la sensibilité à la fissuration ne soit pas établi, la discussion se poursuivra en ne tenant pas compte de la présence de cette martensite. Il reste cependant important de garder en mémoire cet élément.

Figure III-37 : Cartographie EBSD d'une éprouvette irradiée Fe-He-450. Une grande proportion (36%) de la surface est de phase CC. Cette phase correspond à de la martensite.

En prenant en compte les irradiations Fe-450, Fe-600 et Fe-He-600, une bonne corrélation est obtenue entre le niveau de durcissement et le niveau de sensibilité, comme le montre la Figure III-38. Ainsi, un fort durcissement, comme celui obtenu pour Fe-450 induit une forte sensibilité. Cependant, pour Fe-He-450 la corrélation explicite durcissement – fissuration n’est pas vérifiée. Dans un premier temps, il est possible d’en conclure que l’implantation d’hélium n’a pas provoqué une plus forte sensibilité à la fissuration. La présence de cavités intergranulaires a été mise en évidence dans l’acier irradié Fe-He-450 et cependant la sensibilité à la fissuration est moindre à durcissement équivalent. La distance moyenne entre cavités intergranulaire, d’environ 55 nm en moyenne, et le niveau d’implantation relativement faible de 0,5%at apparaissent donc insuffisantes pour augmenter la sensibilité à la fissuration intergranulaire. Ces valeurs sont respectivement plus élevée et plus faible que les valeurs permettant une fragilisation intrinsèque du joint de grain d’après Miura (Miura et al. 2015). La plus faible sensibilité de l’acier Fe-600 peut être interprétée en considérant deux contributeurs à la fissuration : le durcissement et la localisation de la déformation. Du fait de la présence d’une faible densité de défauts, notamment de boucles de Frank dans l’irradiation Fe-600, on suppose alors une faible localisation de la déformation, le durcissement obtenu permettant une sensibilité à la fissuration mais relativement faible. La ségrégation chimique induite par Fe-600 est supposée plus importante que pour Fe-450. La sensibilité plus faible nous montre que dans ce cas,

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le durcissement est un contributeur plus important à la sensibilité à la fissuration. Les sensibilités similaires de Fe-He-450 et Fe-600 montre que la présence d’un durcissement peut induire une sensibilité modérée. La sensibilité différente entre Fe-450 et Fe-He-450, malgré un durcissement quasi égal peut également être interprété en considérant une localisation différente de la déformation. La densité de boucles de Frank, dont l’augmentation induit une localisation plus importante de cette localisation, est identique entre ces deux irradiations, bien que localement différente (voir III.A.1.b). Jiao (Jiao and Was 2010), montre que l’augmentation de la densité de boucles de Frank est corrélée à l’augmentation de la localisation. Malgré la différence locale de densités, les boucles de Frank présentent dans Fe-450 et Fe-He-450 devraient participer à la même échelle à la localisation de la déformation. Dans cette étude, Jiao observe également une localisation moins marquée lorsque la taille et la densité des cavités augmentent. La densité de cavités pour Fe- He-450 est supérieure de deux ordres de grandeurs à celui de Fe-450. On peut alors supposer que cette différence induit une localisation limitée dans le cas de Fe-He-450, qui provoque une sensibilité moindre. Pour valider cette hypothèse, il serait intéressant d’évaluer la localisation de la déformation en combinant une analyse par MEB de l’espacement des émergences de glissement et une analyse par AFM (Atomic Force Microscope) de la hauteur de ces émergences.

Figure III-38 : Evolution de la sensibilité à la fissuration avec le durcissement.

Des études réalisées sur de l’inconel, matériau CFC, irradié aux neutrons à 55 dpa et contenant 18000 appm (1,8%at) d’hélium (Judge et al. 2015) ont montré que les bulles d’hélium présentes au niveau des joints de grains jouent un rôle dans la fissuration intergranulaire de ce matériau, d’après des fractographies montrant la présence de bulles au niveau de joint de grain. Han (Han et al. 2018) a également étudié l’effet des bulles intergranulaires sur du cuivre contenant entre 3 et 8 %at d’hélium. Cette implantation d’hélium a induit la germination de bulles dans la matrice et au niveau de joint de grains. Des essais in-situ en MET d’ouvertures de fissures intergranulaires ont montré une tendance de la présence de ces bulles à faciliter la fissuration. Dans notre étude, bien que le matériau soit différent, il n’est pas exclu que les bulles d’hélium jouent un rôle dans la fissuration, cependant il est supposé que la forte densité de cavités dans la matrice et son rôle sur la localisation prévalent sur la sensibilisation.

Une autre étude publiée par Villacampa (Villacampa et al. 2017), étudiant l’impact de l’hélium sur l’IASCC, a montré que l’implantation d’hélium seule, à un taux de 1000 appm ne suffisait pas à induire une fragilisation de l’acier en milieu REP. Il suggère dans son étude que le dommage

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d’irradiation était insuffisant pour induire une modification du mode de déformation, et donc une sensibilisation du matériau à la fissuration intergranulaire. Cette suggestion semble validée par notre étude, où la présence d’un dommage d’irradiation non négligeable, en plus de l’implantation des ions hélium a permis la sensibilisation de l’acier à la fissuration intergranulaire.