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Chapitre I Synthèse bibliographique

I. F Conclusions et plan de l’étude

Les aciers austénitiques inoxydables constituent les éléments internes des REP. En service, le dommage neutronique subit par ce matériau induit des défauts microstructuraux qui modifient les propriétés mécaniques du matériau. Les défauts produits tels que des boucles de Frank et des cavités entravent l’avancée des dislocations lors d’une sollicitation mécanique, ce qui implique un durcissement du matériau, accompagné d’une réduction de l’allongement à rupture. Ajouté à cela, la présence d’un milieu agressif met en jeu la résistance à la corrosion de l’acier austénitique. Alors que les aciers austénitiques inoxydables non irradiés offrent une bonne résistance à la corrosion sous contraintes, l’irradiation les sensibilise à la fissuration intergranulaire. Les aciers austénitiques subissent alors le phénomène de corrosion assistée par irradiation.

Bien que les processus impliqués dans le phénomène d’IASCC ne soient pas clairement établis, les études paramétriques réalisées après irradiations aux neutrons ou aux ions ont permis d’éliminer certains facteurs. Les facteurs significatifs sont le milieu corrosif, la ségrégation élémentaire, le durcissement, la localisation de la déformation. Le milieu corrosif est essentiel à la formation de fissures intergranulaires. Bien qu’un acier irradié demeure plus sensible qu’un acier non irradié pour une même dureté, le durcissement est un contributeur important, notamment car il est corrélé au changement de mode de déformation, c’est-à-dire à la localisation de la déformation. La ségrégation élémentaire, bien que restant un paramètre de premier ordre en milieu REB, est moins marqué en milieu hydrogéné comme le milieu REP. Finalement, la localisation de la déformation est corrélée à la fissuration intergranulaire. En effet, ce mode de déformation peut induire de fortes contraintes locales, notamment au niveau des joints de grains. Lorsque la déformation s’accumule aussi

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localement et que le joint de grains ne permet pas d’adapter la déformation par l’émission de dislocations dans le grain adjacent (glissement discontinu), celui-ci amorce une fissure.

Pour étudier ce phénomène d’IASCC et comprendre quel paramètre est néfaste ou bénéfique à la tenue du matériau, des études paramétriques sont réalisées. Bien que les études sur des matériaux irradiés aux neutrons soient possibles, celles-ci sont difficiles à mettre en place et plus limitées du fait de l’activation des matériaux sous irradiations aux neutrons. Les irradiations sont alors réalisées par d’autres particules, telles que les ions (protons et ions lourds), qui simulent le dommage neutronique. La non-activation du matériau et les forts flux de dose atteints permettent de manipuler les échantillons en laboratoire et d’atteindre des doses importantes dans des temps raisonnables. L’utilisation des irradiations aux ions lourds pour l’étude de l’IASCC s’est déjà montrée viable, c’est pourquoi cette thèse s’appuiera sur cette méthode pour la création de microstructures irradiées. Cette technique permet d’atteindre de fortes doses d’irradiation rapidement. Sa versatilité permet d’évaluer différentes microstructures et leur influence sur la fissuration intergranulaire. Dans les travaux présentés dans ce manuscrit, les irradiations aux ions lourds ont été utilisées afin d’obtenir de fortes doses d’irradiation et des populations de cavités et de boucles de Frank, rapidement. Pour les irradiations aux ions, il est intéressant d’appliquer un décalage en température pour palier à un décalage en débit de dose par rapport aux irradiations aux neutrons, puisque ces deux paramètres jouent sur la densité et la taille des défauts d’irradiation. Ainsi, pour contrer l’augmentation du débit de dose dans les irradiations aux ions, la température d’irradiation est augmentée. Dans le cadre de notre étude, une température de 450°C sera choisie afin d’avoir une microstructure d’irradiation contenant des boucles de Frank permettant un durcissement et une sensibilité à la fissuration, comme l’a montré Gupta (Gupta 2016). Pour produire des cavités d’irradiation, la dose devra être suffisamment élevée pour produire des cavités d’irradiation visibles durant les examens en MET. Pour cela, une dose supérieure à celle utilisée par Gupta sera utilisée, puisque peu de cavités d’irradiation étaient visibles après les irradiations réalisées dans son étude. Une augmentation de la température à 600°C devrait permettre de diminuer fortement la population de boucles de Frank, et donc diminuer le durcissement. En irradiant le matériau à une même dose, des cavités de plus grosses tailles et moins nombreuses devraient être créées. L’implantation d’hélium en plus de la création du dommage d’irradiation devrait conduire à des populations de cavités moins denses et plus petites, à température donnée, et également à la présence de cavités intergranulaires.

Le rôle des cavités d’irradiation, en particulier les cavités intergranulaires, sur la sensibilité des aciers inoxydables à la fissuration intergranulaire n’est pas connu. D’après le modèle de barrières dispersées, les cavités participent au durcissement par irradiation mais leur participation à la localisation de la déformation est quant à elle sujette à discussion. Cette étude propose d’étudier le rôle de la présence de ces cavités sur la fissuration intergranulaire.

La faible pénétration des ions dans l’acier induit des microstructures d’irradiation hétérogènes et un besoin d’adapter les essais mécaniques aux faibles profondeurs atteintes, d’où le recours à des méthodes telles que la nanoindentation ou la microcompression. Les besoins expérimentaux des irradiations aux ions ont participé au développement de ces méthodes expérimentales. La nanoindentation a comme avantage d’être facilement appliquée, mais le traitement des résultats est peu commode, alors que les essais de microcompression permettent d’obtenir une courbe contrainte-déformation, bien que la préparation et la réalisation des essais soit compliquée par la

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petite taille des échantillons. Les irradiations aux ions lourds seront utilisées dans cette étude, impliquant le recours à ces méthodes pour caractériser l’évolution des propriétés en fonction de la microstructure d’irradiation. Peu d’études concernent la microcompression de matériaux irradiés, moins encore sur les aciers austénitiques irradiés. Spécifiquement, les aciers austénitiques inoxydables irradiés aux ions lourds n’ont pas fait l’objet d’essais de microcompression dans la littérature, il est alors intéressant de se pencher sur ce type d’expérience pour estimer s’il s’agit d’une méthode viable pour l’estimation du durcissement. Cette thèse mettra en œuvre la microcompression sur ce type de matériau.

Par la suite, le chapitre II s’attachera à décrire le matériau à l’étude et les techniques expérimentales employées durant la thèse. Les irradiations aux ions réalisées ainsi que les choix pris y sont décrits. Les techniques de caractérisations microstructurales et mécaniques sont également détaillées. L’effet de la microstructure d’irradiation sur le durcissement et la sensibilité à la fissuration fera l’objet du chapitre III. Les microstructures d’irradiations y sont détaillées. Les durcissements obtenus par nanoindentation et microcompression sont donnés et discutés en fonction des microstructures d’irradiation. La sensibilité à la fissuration intergranulaire en milieu REP sera évaluée en milieu REP et fait l’objet de la fin du chapitre III, avec une discussion sur le rôle de la microstructure d’irradiation sur cette sensibilité. Enfin, une étude de l’influence de la localisation de la déformation fera l’objet du chapitre IV. En utilisant un même acier en faisant varier la taille des grains , l’objectif est de varier l’importance de la localisation de la déformation et d’évaluer l’impact sur la sensibilité à la fissuration intergranulaire.

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