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Chapitre III Evolutions induites par l’irradiation

III. A.1 Caractérisation des ségrégations chimiques induites par irradiation

L’irradiation induit des changements de microstructure mais également de composition chimique du matériau (Was 2017). La diffusion des défauts ponctuels se fait préférentiellement vers les puits de défauts, notamment les joints de grains. L’augmentation de la température d’irradiation devrait avoir pour effet d’augmenter le niveau de ségrégation au niveau des joints de grain (Was 2017). Une différence de la ségrégation, notamment la diminution du taux de chrome, entre les irradiations à 450°C et 600°C pourrait influencer la sensibilité de ces deux conditions face à la fissuration intergranulaire en milieu REP. Afin de vérifier cet effet potentiel, la chimie au joint de grain et les magnitudes des changements de compositions sont évaluées ici.

La caractérisation de la chimie au joint de grain a fait appel à deux techniques expérimentales. Dans un premier temps, des échantillons ont été analysées par MET-EDX. Cette technique permet d’analyser les rayons X émis par l’interaction électron-matière, dont le spectre en énergie dépend de la composition de la zone analysée. Ainsi, en utilisant le faisceau d’électrons en mode sonde, il est possible d’obtenir une cartographie chimique d’un échantillon. Cette sonde a une résolution d’environ 2nm dans notre cas. Cette technique a été utilisée sur le MET CM20-FEG au CEMES-CNRS. Les échantillons utilisés pour ces analyses sont des lames préparées par FIB contenant un joint de grains. Après caractérisation par MET-EDX, les données ont été analysées à l’aide du logiciel Esprit développé par Bruker permettant de quantifier la composition dans le matériau analysé.

La seconde technique d’analyse chimique est la sonde atomique tomographique (SAT). Cette technique permet analyser un échantillon en trois dimensions avec une résolution proche de l’atome. L’échantillon est placé dans une chambre sous ultravide (10-9 mbar) et refroidi à une

température comprise entre 30 K et 80 K. Pour être analysé, l’échantillon doit être sous forme de pointe et soumis à un potentiel électrique important. La combinaison de ces deux paramètres permet d’atteindre un champ électrique suffisant pour évaporer et polariser les atomes qu’il contient à son extrémité. Une électrode est placée en face de la pointe afin de concentrer ce champ. Le rayon de courbure des pointes doit être de quelques dizaines de nanomètres pour permettre l’évaporation des atomes et ne permet donc que l’analyse de très faibles volumes (~10-3 μm3). Des

impulsions par faisceau laser focalisé sur la pointe sont utilisées dans notre cas pour initier l’évaporation des ions. Une fois évaporé, l’ion suit les lignes de champs et atteint un détecteur 2D avec une position caractéristique de l’emplacement (x et y) de l’atome dans la pointe. Le temps de vol depuis l’impulsion caractérise l’élément chimique en question. La position en profondeur est quant à elle connue par le temps passé depuis le départ de l’analyse. L’utilisateur définit une tension au-delà de laquelle l’analyse s’arrête. L’analyse s’arrête également lorsque la pointe subit une désintégration (« flash »). Pour cette technique, par manque de temps, seule l’irradiation Fe-450 a fait l’objet d’une analyse. Cette condition étant celle de référence dans notre étude. Durant la préparation des pointes, un joint de grain était systématiquement présent dans la pointe (voir figure), cependant la présence d’un joint de grain rend la pointe fragile durant l’analyse SAT. De plus, le volume analysé étant faible, il est difficile de placer correctement le joint de grain de manière à ce qu’il se retrouve au sommet de la pointe. Parmi les 15 pointes analysées, une seule a permis d’analyser un joint de grain.

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Figure III-13 : Préparation d'une pointe SAT contenant un joint de grain.

Les images de reconstruction de la pointe contenant ce joint de grain, pour les éléments Si, Fe, Ni et Cr, sont présentées sur la Figure III-14a). La composition le long de ce joint de grain a été évaluée en isolant un parallélépipède rectangle autour de ce joint. La composition est détaillée dans le graphe de la Figure III-14b). Les éléments Si et Ni montrent une ségrégation positive au niveau du joint de grain tandis que les éléments Fe et Cr y sont moins concentrés. La zone ségrégée est évaluée entre les plateaux de part et d’autre du joint et s’étend sur une largeur d’environ 15 nm (+/- 8 nm de part et d’autre du joint de grain). La résolution des analyses MET-EDX, de 2 nm, devrait donc être suffisante pour évaluer cette ségrégation. La ségrégation est symétrique de part et d’autre du joint de grains. Le niveau de ségrégation indique une diminution du taux de chrome de 17% à 11%, soit une diminution de 36% du taux de chrome. Les taux de fer, de nickel et de silicium passent de 70% à 60%, de 7% à 23% et de 1 à 5%, soit des variations de -15%, +330% et +500% respectivement. Les autres analyses SAT effectuées après l’irradiation Fe-450 ne contiennent pas de joints de grains. Cependant, ces analyses ont pu mettre en évidence la présence de zones ségrégées autour de boucles de Frank (Voir en annexe 1).

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Figure III-14 : a) Reconstruction de la pointe SAT après analyse et b) composition au niveau du joint de grain. Une augmentation de la composition en Ni et Si est accompagnée d’une diminution en Cr et Fe.

Les analyses MET-EDX ont été réalisées sur des échantillons irradiés Fe-450 et Fe-600. Les analyses sont données par la Figure III-15 (Fe-450) et la Figure III-16 (Fe-600). Afin de bien mettre en évidence un effet de ségrégation, un joint de grain-situé à la transition entre les zones irradiée et non-irradiée a été choisi. Les profils de composition chimiques reportés sur la Figure III-15 montrent clairement une ségrégation dans la partie irradiée de l’échantillon, contrairement à la partie non irradiée, avec une évolution du taux de Cr de 17% à 15% soit une diminution de 13% et une évolution du taux de Ni de 7 à 9%, soit une augmentation de 29%. Les variations en Si et Fe sont peu marquées sur ces profils. La zone ségrégée s’étend d’environ 15 nm de part et d’autre du joint de grain soit 30 nm au total. L’étendue de cette ségrégation est plus importante que celle obtenue par les analyses SAT. Cela peut s’expliquer par un mauvais alignement du joint de grain lors de l’analyse, qui aurait alors été penché vis-à-vis du faisceau d’électrons. Dans ce cas, le volume analysé serait à la fois l’environnement du joint de grain et la matrice plus éloignée, ce qui aurait pour effet de diminuer l’amplitude des variations chimiques tout en augmentant la largeur de la zone montrant une ségrégation.

L’analyse MET-EDX pour l’acier irradié Fe-600 (voir Figure III-16) montre une ségrégation autour du joint de grain moins importante. Le taux de chrome montre une évolution de 18% à 16% environ autour du joint de grain, soit une diminution de ~12% et le taux de nickel montre une évolution de

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9% à 13% environ, soit une diminution de ~44%. Le taux de fer et de silicium, tout comme pour l’analyse sur Fe-450, ne montre pas d’évolution marquée. La largeur de la zone ségrégée est beaucoup plus importante que dans le cas de l’irradiation Fe-450. Ces éléments tendent à indiquer que le joint était également incliné lors de l’analyse. Cette inclinaison impliquerait alors des variations de concentrations sous estimées et une zone ségrégée plus importante qu’en réalité.

Figure III-15 : Caractérisation par MET-EDX de la ségrégation chimique autour d'un joint de grain dans l’acier irradié Fe-450. La ligne rouge représente la limite entre la couche irradiée et le substrat non irradié.

Figure III-16 : Caractérisation par MET-EDX de la ségrégation chimique autour d'un joint de grain irradié dans l’acier irradié Fe-600.