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Chapitre II Démarche expérimentale

II. B.3 Calcul des profils d’irradiation

Pour connaître la profondeur atteinte par les ions dans le matériau et calculer la fluence nécessaire pour obtenir la dose d’irradiation voulue en dpa, une simulation du profil d’irradiation est nécessaire. Cette simulation est réalisée à l’aide du logiciel SRIM (Stopping and Range of Ions in Materials) (Ziegler et al. 2008). Ce logiciel permet de simuler l’irradiation et l’implantation d’ions dans les matériaux. Les principaux paramètres sont le type d’ions incidents, leur énergie et le matériau considéré. Il est basé sur une approche Monte Carlo des interactions entre les particules accélérées avec les noyaux et les électrons des atomes contenus dans un matériau. Le logiciel simule un trajet rectiligne de l’ion incident jusqu’à ce qu’il soit suffisamment proche d’un atome du matériau pour provoquer une collision. SRIM ne prend pas en compte certains aspects, notamment les potentiels effets de température sur ces interactions. En cela, les résultats donnés par SRIM constituent une approximation du dommage et non pas à une solution exacte. Dans les calculs effectués ici, la composition du matériau (fer, chrome, nickel, manganèse et silicium) est renseignée pour plus de précision dans le calcul. L’angle des faisceaux incidents sur l’échantillon peut également être pris en compte. L’énergie de migration des atomes contenus dans le matériau cible utilisée est de 40 eV pour les calculs de profils de dommage comme conseillé par Stoller (Stoller et al. 2013) pour les alliages à base fer. Dans le cas d’une irradiation aux ions fer 10 MeV avec une incidence normale, le profil de dommage d’irradiation obtenu est représenté sur la Figure II-13. Cela correspond au nombre d’atomes déplacés (V) dans le matériau par unité d’ion implanté et par unité de longueur suivant la profondeur. Le profil s’étend de la surface jusque 2,5 µm environ, avec un pic autour de 1,9 µm. A partir de ce calcul, le flux de dose (ν) en dpa/s peut être calculé. Il est obtenu à l’aide d’un flux d’ions (φ) en ions.m-2.s-1, de la quantité d’atomes déplacés (V) calculé par SRIM et de

la densité (N) en atomes.m-3 du matériau irradié selon ν = φV/N. La fluence est alors déterminée

pour atteindre la dose désirée en surface. En plus du profil de dommage, le profil d’implantation des ions est donné, pour rendre compte de la localisation des ions injectés par l’irradiation. La Figure II-13 montre que le pic d’implantation des ions est décalé par rapport au pic d’endommagement. De plus, les ions se concentrent au niveau d’une zone d’environ 1,5 µm en profondeur. Les ions fer

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utilisés pour l’irradiation constituent en fin de parcours des éléments interstitiels qui viennent perturber la combinaison des défauts ponctuels entre eux. Cette perturbation a alors un impact sur la germination d’amas de défauts tels que les cavités (Garner 1983).

Des calculs SRIM ont également servi à évaluer le profil d’implantation des ions hélium d’énergie 1 MeV dans la matière. Le profil d’implantation correspondant à un faisceau d’ions hélium accélérés à 1 MeV est donné en Figure II-15a). Cette figure montre que le profil obtenu est concentré sur une plage limitée de profondeur, du fait de l’utilisation d’une seule énergie d’accélération. Pour élargir le profil d’implantation des ions hélium4, il faudrait utiliser plusieurs énergies de faisceaux incidents.

Une alternative à la réalisation de plusieurs irradiations, est de « dégrader » un seul et même faisceau d’ions hélium d’énergie incidente de 1 MeV pour obtenir plusieurs énergies.

Figure II-13 : Profil de création de lacunes généré par la simulation d'une irradiation aux ions fer 10 MeV à incidence normale sur l'acier austénitique.

La mise en œuvre pratique de ce concept à Jannus est basée sur un « dégradeur » composé d’un ensemble de feuilles d’aluminium de différentes épaisseurs pour que l’énergie des ions soit plus faible. Plus l’épaisseur d’aluminium à traverser est importante, plus la perte en énergie est grande. L’interaction des ions hélium avec les atomes d’aluminium induit également une déviation de leur trajectoire initiale. Ainsi, tous les ions hélium sortant d’une feuille d’aluminium n’atteignent pas la cible. De plus, si la déviation est suffisamment importante, l’ion hélium ne sort pas de l’aluminium puisque l’épaisseur d’aluminium à traverser devient plus importante. Pour le calcul du profil d’implantation d’ions hélium en prenant en compte le dégradeur, plusieurs aspects sont donc à prendre en compte :

• Perte d’énergie cinétique des ions hélium en sortie

4 La dégradation du faisceau d’ions fer pour homogénéiser le profil d’endommagement n’aurait pas d’intérêt puisque qu’il amènerait également le profil d’implantation à se décaler, ce qui perturberait la création de défauts d’irradiation.

Irradiations aux ions

63 • Déviation des ions hélium en sortie

• Quantité d’ions absorbés par l’aluminium

• Position de l’ion hélium en entrée de la feuille d’aluminium.

Le dispositif dégradeur utilisé ne peut accueillir que 5 feuilles d’aluminium en plus d’un espace vide obligatoire pour laisser passer le faisceau non dégradé et effectuer la mesure du flux d’ions hélium en sortie d’accélérateur (voir Figure II-14). Les feuilles d’épaisseurs 2,4 ; 2 ; 1,6 ; 1,2 et 0,8 µm ont été utilisées. Le passage d’un faisceau d’ions hélium de 1 MeV au travers de chacune de ces feuilles est simulé sur un grand nombre d’ions (typiquement un million pour obtenir une bonne statistique sur les ions perdus et la position des ions en sortie de feuille). Cette simulation avec SRIM donne pour chaque ion transmis au-delà de l’aluminium son énergie, sa position et sa direction. Le trajet des ions dans le vide entre la feuille d’aluminium et la cible est ensuite rectiligne. En connaissant les dimensions de la chambre d’irradiation et leur trajectoire en sortie de chaque feuille d’aluminium, on évalue le ratio d’ions (R) atteignant la cible en fonction de l’épaisseur d’aluminium traversé. Chaque profil d’implantation a été pondéré par les ratios (R) correspondants, ainsi que la surface occupée par ces feuilles sur le dégradeur (la structure du dégradeur qui permet de soutenir les feuilles d’aluminium est opaque aux faisceaux d’ions). Ces profils sont ensuite superposés. Ensuite, de la même manière que pour l’irradiation aux ions fer, la fluence d’irradiation est ajustée afin d’obtenir la concentration désirée (voir Figure II-15b). Ce type de profil a été obtenu pour les deux irradiations Fe-He-450 et Fe-He-600.

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Figure II-15 : a) Profil d’implantation des ions hélium accélérés à 1 MeV. b) Profil d'implantation des ions hélium dans l'acier 304 en utilisant un dégradeur à 5 épaisseurs d’Al.