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Chapitre II Démarche expérimentale

II. B.1 Conditions d’irradiation

Dans cette étude, les irradiations aux ions lourds sont utilisées. En effet, elles permettent d’atteindre des flux de doses importants de l’ordre de 10-3 dpa/s et d’atteindre ainsi un dommage important en

quelques heures seulement sans activer la matière. Par ailleurs, J. Gupta (Gupta 2016) a montré dans ses travaux la possibilité de sensibiliser un acier austénitique inoxydable à la fissuration par corrosion sous contrainte en environnement REP après irradiations aux ions lourds. Le dommage d’irradiation n’est pas le seul endommagement que permet de simuler les irradiations aux ions. Lors d’irradiations aux neutrons des aciers austénitiques, de l’hélium se forme par transmutation du nickel et du bore3.

La concentration en hélium augmente avec la dose d’irradiation. Elle a été évaluée à environ 15 appm/dpa en conditions REP (Garner 2012). La formation d’hélium peut être simulée par l’implantation d’ions hélium. Cet ion léger provoque peu de dommage d’irradiation lorsqu’il est implanté et perturbe peu le profil de dommage lors d’une irradiation aux ions lourds.

Les irradiations aux ions lourds ont été conduites sur la plateforme JANNuS-Saclay. La plateforme possède plusieurs accélérateurs permettant notamment de coupler 3 faisceaux simultanément dans

3 Dans les aciers austénitiques inoxydables, de l’hélium peut être produit par transmutation à partir des éléments Ni et B. On retrouve principalement ces réactions :

• 2858𝑁𝑖+ 𝑛01 →2859𝑁𝑖∗+ 𝛾 puis 𝑁𝑖2859 ∗+ 𝑛01 → 𝐹𝑒2656 + 𝐻𝑒24

Irradiations aux ions

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une même chambre d’irradiation. L’accélérateur Epiméthée a permis d’obtenir le faisceau d’ions fer utilisé pour induire le dommage d’irradiation. L’accélérateur Pandore a servi pour obtenir le faisceau d’ions hélium pour simuler le phénomène de transmutation. Epiméthée a également permis l’implantation d’ions hélium lors d’une pré-implantation. Les chambres d’irradiations « 3F » et « E3 » ont été utilisées pour réaliser les irradiations. La chambre « 3F » est la chambre permettant de réaliser des expériences à triple faisceaux. Dans chacune des deux chambres, le contrôle thermique des échantillons lors de l’irradiation se fait à l’aide de quatre thermocouples placés sur le porte-objet chauffant et sur le bord des échantillons à irradier comme indiqué sur la Figure II-10b). Un dernier thermocouple permet d’assurer la régulation de la chauffe. Celui-ci n’est pas placé sur les échantillons pour ne pas être impacté par la montée en température des échantillons sous faisceau. Une expérience d’irradiation se déroule en différentes étapes. Dans un premier temps, le porte échantillon est placé en contact avec le four de la chambre et les thermocouples en contact avec les échantillons sont connectés depuis l’intérieur de la chambre. La chambre d’irradiation est mise sous vide par pompage durant un minimum d’une nuit avant le démarrage de l’irradiation. Avant le début de l’expérience, le piège froid est mis en fonction. Il s’agit d’un anneau thermiquement conducteur qui est relié à un flux d’azote liquide. Cet outil permet de piéger les impuretés contenues dans le volume de la chambre et ainsi d’améliorer le vide. Une fois le vide suffisant (pression de la chambre <10-4 Pa), les échantillons sont mis en chauffe. La température visée avant irradiation est inférieure

d’environ 25 degrés (cette valeur dépend de l’élément et du flux) à la température cible, du fait de l’effet thermique du flux d’ions. Une fois la température atteinte, les échantillons sont mis sous faisceau. La température des échantillons est ajustée en fonction de l’échauffement des échantillons lors de la mise sous flux. Au fil de l’irradiation, des mesures périodiques du flux sont réalisées à l’aide de cages de Faraday. Ces cages sont présentes au sein des chambres E3 (5 cages) et 3F (7 cages) et permettent de mesurer le courant induit par le faisceau d’ions. En connaissant notamment la charge des ions utilisés et les dimensions des cages, ces mesures de courant permettent d’obtenir une mesure du flux d’ions en ions.cm-2.s-1. Le suivi régulier du flux d’ions permet de s’assurer de la

stabilité du faisceau et également de calculer la quantité d’ions implantés en ions.cm-2. Si les

mesures entre les différentes cages sont hétérogènes entre elles, cela peut indiquer que le faisceau est mal aligné. Si tel est le cas, un réalignement du faisceau est effectué jusqu’à obtenir des mesures homogènes entre les différentes cages.

Les ions fer ont été choisis comme particules incidentes lors des irradiations, car cet élément permet de ne pas affecter significativement la composition chimique du matériau après irradiation. Le matériau utilisé étant un alliage à base fer, cet ion peut être considéré comme un PKA (Primary Knock-on Atom : atome déplacé de son site cristallin par une interaction directe avec un neutron) car il produit une cascade de déplacements comparable à celle que l’on retrouve lors d’irradiations aux neutrons. Quatre campagnes d’irradiations ont été conduites à Jannus-Saclay avec pour objectif d’obtenir différentes microstructures d’irradiation, c’est-à-dire des populations de défauts différentes. Les irradiations diffèrent entre-elles par deux paramètres : la température et l’implantation d’hélium. La dose visée est de 20 dpa pour toutes les irradiations, ce qui permet d’évaluer l’impact des deux paramètres uniquement. Cette dose a été choisie pour assurer la production de cavités d’irradiations, puisque l’irradiation à 10 dpa (avant correction à 7 dpa) du même acier GV20 dans les travaux de Gupta (Gupta 2016) n’avait permis de produire que très peu de cavités. Par ailleurs cette dose permet également d’atteindre la saturation du durcissement (au- dessus de 5 dpa) et est complémentaire des doses étudiées par Gupta (Gupta 2016). Deux

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températures ont été choisies. La première température de 600°C, permet d’obtenir une microstructure modèle. Cette température permet de supprimer (ou de diminuer très fortement) les boucles de Frank et d’avoir une population de cavités importante. La deuxième température choisie, 450°C, permet de conserver une population de boucles de Frank et d’obtenir une population de cavités de taille différente. Cette température doit permettre de se rapprocher qualitativement des populations de défauts observés après irradiations aux neutrons à ~340°C. La différence de température (450°C vs 340°C) vise à compenser la différence de flux de dose entre les irradiations aux neutrons et aux ions lourds (Mansur 1978; Was and Averback 2012). Pour chacune de ces températures, deux irradiations ont été réalisée : l’une avec implantation d’ions hélium et l’autre sans implantation. La quantité d’ions hélium visée pour ces implantations est établie en fonction de la quantité d’ions hélium créée lors des irradiations aux neutrons des composants REP (~15 appm/dpa). Les quatre campagnes d’irradiation sont désignées par la suite Fe-He-450, Fe-450, Fe-He-600 et Fe-600 pour les irradiations aux ions fer à 450°C avec et sans hélium et pour les irradiations à 600°C avec et sans hélium, respectivement.