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Droit de savoir, devoir d’ignorer L’antichambre de la science en action

scientifique et dans les documents normatifs du contrôle épidémique.

Chapitre 4 : Haïti ou le grand retour de la production de l’ignorance sur le

1. Droit de savoir, devoir d’ignorer L’antichambre de la science en action

Rapidement, la question de l’origine de la maladie se convertit en une préoccupation centrale parmi la population haïtienne. En effet Haïti n’avait pas connu d’épidémies de choléra depuis près d’un siècle. Nombreux sont ceux qui, parmi la population, « la société civile »45 ou les intervenants

humanitaires, se demandaient : d’où la maladie pouvait-elle venir ? Dès les premiers jours, des rumeurs circulent concernant l’origine de la maladie, en particulier à l’égard d’un campement de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) (P. Farmer, 2012). Il est rapporté que certains villageois auraient aperçu des camions provenant du campement déverser des liquides nauséabonds dans la rivière, et qu’en aval du courant des villageois seraient tombés malades (Katz, 2013; Piarroux et al., 2011). L’épidémie de choléra aurait-elle donc commencé, comme le suggéraient les rumeurs, autour d’un camp des Casques bleus de la MINUSTAH ? Le site de la mission publie dès le 22 octobre l’information selon laquelle « le premier cas de choléra selon le ministère haïtien de la Santé Publique et de la Population (MSPP), a été recensé le 24 septembre dans le Bas-Artibonite », un endroit éloigné de leur base et associé à une date de démarrage supposé plus ancienne, que l’on ne retrouvera pas reprise par la suite dans les divers

rapports épidémiologiques. Les Nations Unies n’auront alors de cesse de se défendre d’une implication dans le démarrage épidémique (Frerichs 2016).46

Les médias internationaux, déjà investis dans le récit de la catastrophe sismique puis d’une reconstruction pilotée par une communauté internationale « au chevet » d’Haïti, s’emparent de la question de la Cause et cherchent des experts du choléra pour commenter la survenue épidémique.

Durant la première semaine de l’épidémie, les interlocuteurs principaux des médias seront des épidémiologistes d’agences internationales, la plupart états-uniens et généralement favorables à l’hypothèse d’un réservoir environnemental (Ibid). Ainsi David Sack, qui est l’un des auteurs les plus prolifiques sur le thème du réservoir environnemental (voir tableau 1, chapitre 3), offre le 26 octobre, soit 5 jours après la déclaration de l’épidémie, son interprétation sur l’origine du phénomène. Il commence par étayer sa conception de la nature de la bactérie : « le choléra est une bactérie environnementale, elle peut persister dans l’environnement pendant beaucoup, beaucoup d’années sans qu’il y ait d’infections humaines ».47 Sur cette base théorique, il offre une explication

possible de l’arrivée de la bactérie sur l’île : « l’explication la plus probable tient dans l’augmentation de la température et la salinité dans les rivières estuaires autour de la baie de Saint- Marc dans le Département de l’Artibonite à Haïti. Cette aire, située à 70 kilomètres au nord-ouest de Port-au-Prince, est l’épicentre de la flambée de choléra actuelle. »48 Pendant ce temps, les porte-

parole des Nations Unies ne cessent de communiquer. L’un d’eux déclare le 26 octobre que le contingent népalais est arrivé le 15 octobre, car déjà des articles de presse indiquent qu’une flambée de choléra avait lieu au Népal, dans la ville de provenance du contingent de Casques bleus fraîchement arrivés en Haïti. Le porte-parole avait assuré que les déjections humaines du camp n’étaient pas déversées dans la rivière, que le camp disposait de fosses septiques construites en circuit fermé et qui étaient vidées conformément à la réglementation dans des cuves situées à

46 Depuis les États-Unis, le Pr Ralph Frerichs a constitué une revue de presse et des déclarations des agences

humanitaires concernant l’épidémie de choléra en Haïti et mené des entretiens téléphoniques avec le Pr Piarroux. Son livre « Deadly Rivers » retrace l’enquête épidémiologique du Pr Piarroux dans le contexte délicat de l’épidémie d’Haïti.

47 "Cholera is an environmental bacterium, It can persist in the environment for many, many years without any human

infections." NPR, Earthquake Not To Blame For Cholera Outbreak In Haiti, https://www.npr.org/sections/health- shots/2010/10/26/130832317/earthquake-had-nothing-to-do-with-cholera-outbreak-haiti consulté le 9 décembre 2018, également cité par Frerichs (2016).

48 "The most likely explanation is a rise in temperature and salinity in the river estuaries around the Bay of Saint-Marc

in the Artibonite Department of Haiti. That area, 70 miles or so northwest of Port-au-Prince, is the epicenter of the current cholera outbreak.", Ibid, également cité par Frerichs (2016).

250 mètres de la rivière, soit « vingt fois la distance requise au niveau international »49 (Frerichs

2016).

Ces déclarations piquent la curiosité de deux reporters qui ont la même idée : se rendre sur place pour évaluer la situation du camp. En découle un reportage vidéo surréaliste de Sébastien Walker, correspondant d’Al Jazeera qui, filmé, tente d’interviewer au travers du grillage des soldats Casques bleus qui s’affairent à portée de micro avec des pelles. 50 Ils sont visiblement gênés et

pressés de colmater ce qui apparait être des fuites autour des latrines. En contreplongée on aperçoit la rivière, dans la séquence suivante une habitante du village en aval témoigne des cas de diarrhées sévères qui y sont survenus. Un autre journaliste, Katz, retrouvera le même décor et publiera le premier article, puis un livre, formalisant les suspicions locales, auxquelles il ajoute un élément troublant : le contingent provient d’une ville Népalaise qui était alors affectée par une épidémie de choléra (Katz, 2013 ; Piarroux et al., 2011).

Suite à ces révélations la gronde populaire s’intensifie et une centaine de personnes manifestent le 29 octobre 2010 devant le camp de la MINUSTAH pour demander le départ des Casques bleus (Frerichs 2016). Le jour même, un agent du Center for Disease Control and Prevention (CDC) donne à nouveau une lecture environnementale de l’épidémie à la radio américaine NPR :

« Nous n’avons pas de preuve qui confirme cette rumeur. Il est certainement possible que le choléra ait été introduit par un voyageur provenant de n’importe où dans le monde. Il est possible que le choléra soit venu par l’environnement, par les eaux de la mer Caribéenne ou peut-être par l’eau de rivière qui, vous savez, aurait pu avoir un petit réservoir de Vibrios. Et que, pour des raisons environnementales que nous ignorons, qu’ils se soient démultipliés, quelqu’un serait tombé malade et ainsi aurait commencé le cycle d’augmentation de la contamination de l’eau » 51

49https://lenouvelliste.com/public/index.php/article/85056/une-maladie-importee-la-minustah-clame-son-innocence

50 " UN investigates cholera spread in Haiti ", Al Jazeera 2010 disponible: https://youtu.be/gk-2HyQHUZ0 , consulté

le 4 décembre 2018.

51 "I've heard that rumor.[…] and we have no evidence at all to support it. It is certainly possible that cholera could

have been introduced by a traveler from anywhere in the world. […] possible that it could have come here through the environment, through water in the Caribbean Sea or perhaps through river water that, you know, may have had a small reservoir of Vibrios. And for environmental reasons we don't understand, that bloomed, someone became ill and started the cycle of increasing water contamination."

https://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=130916261&t=1544437884218, consulté le 9 décembre 2018, également partiellement cité par (Frerichs 2016).

Colwell elle-même donnera plusieurs interviews pour expliquer la soudaine épidémie par l’hypothèse environnementale dont elle est la championne depuis 3 décennies. Le 24 novembre 2010 elle déclare ainsi « Le type de distribution et la propagation rapide sur de grandes distances indiquent que le choléra était déjà présent. Une source unique (comme un camp de gardien de paix des Nations Unies) ne pourrait pas avoir causé une propagation si rapide et massive de choléra. »52

À la demande du gouvernement haïtien, le gouvernement français a envoyé à Port-au-Prince le Pr Renaud Piarroux, un épidémiologiste et bactériologiste spécialisé dans le choléra et notoirement dubitatif concernant l’hypothèse environnementale. Celui-ci entreprend de conduire, dans le courant du mois de novembre 2010, une enquête épidémiologique pour documenter la dynamique et la source de l’épidémie. Son enquête menée avec des personnels du ministère de la Santé haïtiens mène rapidement aux villages bordant le camp de la MINUSTAH. Son hypothèse est celle d’un déversement massif dans la rivière des eaux noires de latrines contaminées du camp des Casques bleus. Son rapport, partagé avec les autorités sanitaires et le corps diplomatique français, fuite rapidement dans la presse, et fera également l’objet d’une publication sous forme d’article scientifique (Frerichs, 2016 ; Piarroux et al., 2011).

On retrouve au milieu de cette nouvelle scène haïtienne, et pris dans des enjeux politiques denses, des auteurs qui se font face depuis des années dans la controverse du réservoir environnemental. Ils appartiennent à notre sens à des communautés épistémiques différentes. Le groupe mené par la Pr Colwell repose fortement sur la biologie moléculaire, les données climatiques et fait peu de cas des enquêtes de terrain au profit de modèles plus englobants. Ils sont convaincus que l’environnement est le réservoir principal du choléra au niveau global et que l’épidémie d’Haïti n’échappe pas à la règle. Le groupe mené par le Pr Piarroux (dans lequel ou retrouve également le Pr Frerichs et le Dr Rebaudet) bien qu’ils soient des usagers fréquents des techniques biomoléculaires donne une place centrale à l’épidémiologie de terrain et aux travaux

52 "The pattern of distribution and rapid spread across a large area indicates it was already present. A single source —

such as the UN peacekeepers camp — would not have caused such a massive and rapid spread of cholera, she said. physicians are just not taught about the environment as it contributes to disease,” Colwell said. ““It takes a long time to change the paradigm within the medical community.” "Experts say UN did not bring cholera to Haiti: It was already there", Tom Paulson Humanosphere, 2010 http://www.humanosphere.org/global-health/2010/11/experts-say-un-did- not-bring-cholera-to-haiti-it-was-already-there/, consulté le 10 décembre 2018.

pluridisciplinaires. Ses partisans sont au minimum dubitatifs sur la possibilité de réservoirs environnementaux du choléra et persuadés que l’épidémie haïtienne est due à une importation humaine.

Figure 1 Réseau de publications. Auteurs ayant produit 5 publications dont le titre contient « Haïti » et « choléra » ou « Vibrio cholerae ». Les associations entre auteurs représentent le co- autorat. Les cercles d’appartenance institutionnelle sont ajoutés par l’auteur. Données issues de Web of Science, 18 décembre 2018, analyse et graphique produites avec le logiciel libre VOSviewer.

La carte des auteurs les plus prolifiques sur le choléra en Haïti nous renseigne sur les forces institutionnelles en présence sur le terrain et sur ce sujet. On constate la centralité du groupe CDC et celle des auteurs ministériels, cette représentation graphique reflète l’influence historique du CDC en Haïti où il est implanté depuis 2002, ainsi que son implication dans la production de savoirs biomédicaux. Le CDC est partie prenante de la surveillance nationale et ses laboratoires servent de contrôle-qualité et de confirmation des résultats du Laboratoire National.

Nous notons ensuite cinq groupes de publications périphériques, dont deux sont particulièrement intéressants pour la controverse de l’hypothèse environnementale : celui de l’Université Aix- Marseille, mené par le Pr Piarroux, proche de ministère de la Santé Haïtien (Dr Magloire) et celui du Laboratoire National de Santé Publique (Dr Bondy) qui n’a pour sa part aucun lien direct avec le CDC. Puis celui de l’Université de Maryland, mené par la Pr Colwell, proche du CDC (Dr Tarr), et à l’instar du groupe du Pr Piarroux, mais, dans une moindre mesure, du Laboratoire National de Santé Publique (Dr Boncy).

Comme noté précédemment, les acteurs centraux dans le dispositif de production des connaissances (scientifiques et journalistiques) sur l’épidémie vont très vite s’incliner vers l’hypothèse environnementale pour expliquer la cause de l’épidémie haïtienne. Mais quand, par le truchement de certains experts ou par la contestation populaire, le recours à l’hypothèse environnementale ne constitue plus une réponse théorique suffisante, d’autres registres vont se déployer pour éviter la poursuite de la connaissance de la cause ou comme dirait Proctor (2008), pour « produire de l’ignorance ».

Des connaissances inaccessibles. De l’avis du porte-parole du CDC, Tom Skinner « On ne saura

sans doute jamais d’où c’est venu, la nature même de la manière dont le choléra voyage à travers le monde rend difficile d’indiquer d’où il peut venir ».53 Il ajoute que le germe aquatique qui sévit

sur Haïti a pu arriver à n’importe quel moment par le ballast d’un bateau, par l’importation d’eau, la contamination de nourriture ou par une multitude de routes. » En d’autres termes, ce genre de

53 “ ‘We may never know where this came from. ‘The very nature of the way cholera travels around the globe makes

it very difficult to pinpoint where it originated,’ said Tom Skinner, CDC spokesman. The waterborne bug now wreaking havoc in Haiti, Skinner said, could have arrived anytime in a ship’s ballast, through water importation, contaminated food or any of a number of routes.” Tom Paulson Humanosphere 24 Novembre 2010 http://www.humanosphere.org/global-health/2010/11/experts-say-un-did-not-bring-cholera-to-haiti-it-was-already- there/ , consulté le 9 décembre 2018, également cité par Frerichs (2016).

connaissance est hors de portée. Cet argument de la multiplicité des causes possibles est repris simultanément par d’autres épidémiologistes du CDC (Frerichs 2016), donnant l’impression d’un « plan communication ».

Une connaissance dangereuse. Certains développeront l’argument selon lequel l’hypothèse visant

la Minustah serait moins motivée par des faits que par une manipulation politique : chercher à faire tomber la Minustah c’est mettre en péril la stabilité du pays. Les accusations de contaminations sont donc interprétées comme des tentatives de déstabilisation de la Minustah, garante du maintien de la sécurité en Haïti et du bon déroulement des élections présidentielles à venir. De fait nombre d’opposants vont utiliser l’épidémie comme une manière d’atteindre le président Préval en place (P. Farmer, 2012; Frerichs, 2016).

Une connaissance immorale. Dans un article intitulé “ Cholera’s Second Fever: An Urge to

Blame.” [La deuxième fièvre du choléra : une irrépressible envie de blâmer] un journaliste du New York Times54 associe la volonté des Haïtiens de trouver la source de la maladie, et les suspicions

concernant les Nations Unies comme une « chasse aux sorcières ». Sans cacher, par ailleurs, que certains experts tiennent cette hypothèse pour pertinente (Frerichs, 2016; Katz, 2013).

Une connaissance inutile. De nombreux intervenants institutionnels insisteront également sur le

fait que la connaissance de la cause n’est pas utile, l’important étant de se focaliser sur la lutte contre la maladie (Faucher & Piarroux, 2011; Frerichs, 2016; Katz, 2013). Comme le dira un porte- parole des Nations Unies sur Haïti « De notre point de vue, [l’origine de l’épidémie] n’a pas d’importance .» 55

Une connaissance contreproductive. Un éditorial du Lancet titrait « Alors que le choléra revient

en Haïti, les accusations sont inutiles », les auteurs anonymes de cet éditorial considéraient que la quête d’une source de l’épidémie relevait de la simple « curiosité scientifique » (Lancet & Diseases, 2010 également cité par Faucher & Piarroux, 2011).

54 https://www.nytimes.com/2010/11/21/weekinreview/21mcneil.html consulté le 10 Décembre 2010 55 “From our point of view, it really doesn’t matter,” Ibid.

Ralph Frerichs (2016) parle, au sujet de la levée de boucliers des différents représentants institutionnels et médiatiques, d’une « campagne d’obscurcissement » visant à protéger les Nations Unies. De même le médecin et anthropologue Paul Farmer indique au journaliste Katz que le refus de conduire une investigation sur l’origine de l’épidémie « ressemblait à de la politique et non de la science » (Katz, 2013, p. 253). Un article récent de Katz semble confirmer l’hypothèse d’une production volontaire du doute sur l’origine de la maladie. Ayant demandé accès aux archives déclassifiées contenant notamment les courriels échangés par les épidémiologistes du CDC en charge de la réponse sur Haïti, il y découvre que le CDC avait des doutes quant à l’origine onusienne de l’épidémie avant même que cette question ne fasse l’objet d’articles dans la presse internationale. Interrogé à ce sujet en 2017, l’un des responsables du CDC d’alors répond à Katz : « Nous nous sommes bien plus concentrés sur la réponse que sur la cause de l’épidémie, mais c’est parce qu’on s’est dit, ‘Mouais, ça vient surement des UN’. » 56

Fin 2010, la pression pour l’investigation va croissante et certaines ONG médicales se joignent à la requête (Farmer 2012 ; Frerichs 2016). Ainsi, Marie Pierre Allié, alors présidente de MSF France, ajoute sa plume sous le titre explicite « De l’importance de connaître les origines de l’épidémie de choléra en Haïti », elle y note la gravité de l’épidémie et l’absence de connaissances sur son « origine et le recensement quotidien des cas »57, qui constituent pourtant « le B. A-BA dans

la compréhension de la dynamique d’une épidémie ». La détection du cas index (ou « cas 0 ») et la source de la contamination constituent d’ailleurs l’activité clé de l’épidémiologie, et ce depuis les travaux de John Snow qui menèrent au retrait de la poignée de pompe à eau enlevée à Broad Street en 1855 suite à son identification comme source cholérique, acte fondateur de l’épidémiologie moderne. Mais si certains médecins épidémiologistes ont besoin de procéder au rappel de ces prérogatives, c’est principalement parce qu’ils défendent une conception de l’épidémiologie de « terrain » et surtout parce qu’ils estiment que les prérogatives de l’épidémiologie s’interprètent différemment en fonction des lieux de survenue des épidémies. Ainsi, dans un éditorial paru en janvier 2011, les Pr Faucher et Piarroux (2011 également cité par Frerichs 2016) notent que

56 “We focused a lot more on the response versus the attribution, but that’s because we figured yeah, it probably did

come from the U.N,” Chitale @ Katz https://slate.com/news-and-politics/2017/03/when-the-u-n-sowed-cholera-in- haiti-how-fast-did-americans-know.html , consulté le 10 décembre 2018.

57 https://www.msf.fr/actualites/de-l-importance-de-connaitre-les-origines-de-l-epidemie-de-cholera-en-haiti,

« Personne n’oserait prétendre à l’inutilité de la détermination de la source de l’épidémie si celle-

ci était survenue en Europe ou aux États-Unis. Les Haïtiens ont également le droit de savoir pourquoi et comment des milliers d’entre eux sont morts. »

Les auteurs citent les procédures standard des épidémies survenues au Nord, mais ce manque soudain de rigueur dans la surveillance épidémiologique exercée par les institutions de contrôle épidémique peut surprendre à la vue de ce qui a pu se pratiquer sur d’autres épidémies au Sud. En effet, lorsqu’Ebola survient en Afrique de l’Ouest à partir de 2014, la question du « cas index » dans la Guinée forestière a été l’occasion de nombreuses discussions et d’études pluridisciplinaires. De surcroît, ce n’est pas seulement le ou les premiers cas qui devaient alors être identifiés, mais dans l’optique du suivi des « cas-contacts », l’ensemble des cas symptomatiques ainsi que toutes les personnes ayant été en contact avec elles pendant qu’elles étaient contagieuses et ce, afin d’identifier et de rompre les « chaines de transmissions ».

A la mi-décembre 2010, alors que la colère monte au sein de la population haïtienne, les Nations Unies déclarent qu’un panel d’experts indépendants serait formé au plus vite pour mener une enquête sur l’origine de l’épidémie. Début janvier 2011 les membres du panel indépendant sont nommés avec la charge de rassembler les preuves existantes sur les origines de l’épidémie (Katz, 2013).