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Pour une diversification du visage militant à la LDHQ

1.2 La Ligue des droits de l’homme du Québec après 1970: renouvellement et féminisation du

1.2.1 Pour une diversification du visage militant à la LDHQ

Soucieux de se redonner une crédibilité après le silence d’octobre 1970, une deuxième génération de militants et de militantes tente de faire peau neuve en conférant à la LDHQ un caractère plus inclusif. Dès 1971, Pierre Jasmin, Maurice Champagne et Pierre Meunier, nouvellement membres du conseil d’administration, mettent sur pied un projet de modification de la charte de la Ligue. Tentant de réformer la LDHQ, ils proposent une profonde restructuration de son fonctionnement allant de pair avec un renouvellement de ses figures militantes49. Il s’agit de faire de la Ligue une « structure démocratique et

militante, ouverte aux réalités quotidiennes des citoyens, au service de ceux dont les droits sont les plus menacés »50. Dès lors, des mesures sont adoptées pour favoriser la

participation de membres au profil plus diversifié. D’une part, plus aucun contrôle n’est exercé sur l’entrée et sur l’adhésion de nouveaux membres individuels ou collectifs au sein de la LDHQ ; d’autre part, la cotisation annuelle obligatoire est revue à la baisse, passant de dix à deux dollars, pour favoriser l’adhésion de membres à plus faibles revenus51.

Maurice Champagne, directeur général de la LDHQ de 1971 à 1975, est le principal architecte de cette restructuration. Ce dernier présente un profil très différent des membres fondateurs et de la première génération de militants et de militantes à s’être impliquée au sein de la Ligue. Titulaire d’une maîtrise en philosophie et d’un diplôme d’études supérieures en psychologie de l’enfant et de l’adolescent, il défend une conception égalitariste des droits qui met non plus l’accent sur la défense des libertés civiles, mais plutôt sur la défense des droits sociaux, économiques et culturels52. Dans son bilan des

49 Thérèse Nielski faisait également partie du comité chargé de réviser la charte de l’association, mais n’est

toutefois pas citée dans les documents publiés. LDHQ, Charte, Statuts et règlements, lettres patentes, 1972 [dossier « 24P-112 : 02/2 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM]; LDHQ, Conseil d’administration, 15 février 1972 [dossier « 24P-162: 02/4 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.- UQAM].

50 LDHQ, Rapport annuel, 1976 [dossier « 24P-138 :02/2 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-

UQAM].

51 LDHQ, Charte, Statuts et règlements, lettres patentes, 1973 à 1980 [dossier « 24P-112 : 02/2 », fonds de la

Ligue des droits et libertés. A.-UQAM].

52 Cf. Introduction générale du mémoire pour les précisions concernant ces deux différentes générations de

activités de la Ligue présenté en 1975, il précise l’objectif de cette restructuration qui, selon ses propres termes, visait à « désaristocratiser » et à « déjudiciariser » la Ligue afin de « mettre le juridique et le judiciaire au service du social »53. Pour Maurice Champagne, cet

idéal doit être réalisé grâce à l’intégration au nouveau profil de militants et de militantes qui permettra à la LDHQ de rompre avec l’image de « club privé » de juristes qu’elle renvoyait au cours des années 1960. Cette profonde modification entraîne d’ailleurs le départ de certains membres-fondateurs. On peut plus particulièrement donner l’exemple de Frank Scott qui démissionne au début des années 1970, expliquant, dans une lettre envoyée à Maurice Champagne, que cette nouvelle orientation ne concorde plus avec ses idées et qu’il est temps de faire place à une nouvelle génération de militants et de militantes54.

Au tournant des années 1970, et plus particulièrement en 1972, on tente ainsi de recruter de plus en plus des militants et des militantes susceptibles de comprendre les besoins d’un éventail plus large de groupes victimes de discrimination au sein de la société québécoise. C’est d’ailleurs ce type de compétence qui est mis de l’avant dans la nouvelle description des postes des officiers devant siéger au conseil d’administration et au conseil exécutif de la LDHQ. En effet, la dimension juridique des activités des instances décisionnelles a été mise de côté. Quoiqu’ils aient toujours comme mandat d’étudier et de surveiller les lois et leur application, la principale fonction des officiers réside désormais dans la sensibilisation et l’information des citoyens à l’exercice de leurs droits et responsabilités. De plus, cette fonction implique notamment la mise en place d’un service d’aide pour les individus et les groupes de citoyens lésés dans l’exercice de leurs droits, notamment les personnes âgées, les handicapées, les minorités culturelles, les immigrants, les travailleurs, et les femmes55. Les nouveaux officiers doivent donc posséder une

connaissance et une expertise concernant les questions sociales susceptibles d’affecter divers groupes.

53 LDHQ, Conseil d’administration, UQAM, LDHQ/LDL, « Conseil d’administration », 11, 12 et 13 avril

1975 [dossier « 24P-162: 02/7 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM].

54 Dominique Clément qui a également dépouillé les archives personnelles de Frank Scott au moment de sa

recherche sur l’histoire institutionnelle de la Ligue fait mention de cette lettre. Dominique Clément (2008), op. cit., p. 116 à 118.

55 Tiré des lettres patentes supplémentaires de la Ligue. LDHQ, Charte, Statuts et règlements, lettres patentes,

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Dans cette perspective, de nouvelles stratégies de recrutement sont mises de l’avant. Les nouveaux membres privilégient la diffusion de brochures et de manifestes insistant sur leur volonté de s’impliquer davantage dans la société québécoise pour cibler la défense de droits répondant directement aux besoins de groupes d’individus victimes de discriminations 56 . Les campagnes semblent avoir porté fruit puisqu’on retrouve

progressivement un nouveau profil de militants et de militantes au sein de la Ligue. Au fil des années 1970, criminologues et spécialistes du droit demeurent toujours présents au sein de la Ligue, mais cette dernière compte pour la première fois des autochtones, des ouvriers, des immigrants, etc. La plupart s’impliquent alors dans les différents sous-comités de la LDHQ qu’ils mettent progressivement sur pied et qui correspondent à leurs champs de spécialisation ou à leurs intérêts. Ici encore, il faut souligner que nous n’avons pas eu accès aux listes complètes de membres qui se sont succédés à la Ligue au cours de cette période (1972-1980). Néanmoins, on note une augmentation du nombre de militants et de militantes participant aux Assemblées générales annuelles (d’une quarantaine dans les années 1960, ce nombre passe à 80 puis à 90 personnes dans les années 1970)57. D’autre part,

l’implication est plus forte au sein du conseil d’administration et un nombre plus important de militants et de militantes s’impliquent dans les nouveaux sous-comités de la LDHQ58.

Même en l’absence de chiffres précis, on peut donc constater une augmentation et une diversification des effectifs au sein de la Ligue. Cette redéfinition du profil militant recherché s’accompagne également d’une présence plus marquée de femmes qui investissent les instances décisionnelles de la LDHQ et s’impliquent plus largement au sein des sous-comités dédiés à la défense des droits des femmes qu’elles mettent sur pied.

56 LDHQ, Les droits de l’Homme dans la société actuelle : manifeste, Montréal, la Ligue, 39 p.; LDHQ, La

charte et la Commission québécoise des droits de l’homme : projet soumis à la collectivité et à l’État québécois, Montréal, Ligue des droits de l’homme, 1973, 12 p.

57 LDHQ, Assemblée générale, 1963 à 1985 [dossier « 24P-162 : 03 », fonds de la Ligue des droits et libertés.

A.-UQAM].

58 LDHQ, Liste des membres du conseil d’administration, 1963 à 1997 [dossier « 24P-162 : 01/1 », fonds de

1.2.2 1972-1979 : vers une féminisation des instances décisionnelles de la LDHQ ?

L’émergence d’un militantisme féminin plus important au sein de la Ligue va de pair avec la transformation de sa structure institutionnelle et le choix de nouveaux objectifs. Les femmes alors présentes à la Ligue appartiennent à une nouvelle génération de militantes, sensibilisées aux enjeux féministes et à la défense des droits des femmes par leur parcours professionnel ou leur engagement. Dès 1972, on trouve Lizette Gervais-Sauvé, Véronique O’Leary et Marie-Andrée Bertrand parmi les nouvelles militantes, au conseil d’administration. Au fil des ans, elles y sont notamment rejointes par Aline Desjardins et Simonne Monet-Chartrand. Cette deuxième génération de militantes présente un profil foncièrement différent de celles les ayant précédées. Journalistes, animatrices et intervieweuses, Lizette Gervais-Sauvé et Aline Desjardins s’impliquent à la radio et à la télévision dès le début des années 1960. Elles animent notamment l’émission de télévision

Femmes d’aujourd’hui dans laquelle elles abordent diverses questions concernant les

femmes et leurs droits : l’avortement, les allocations familiales, le divorce59. De son côté,

Marie-Andrée Bertrand est une pionnière de la recherche et de l’enseignement féministe au regard du droit criminel au Québec60. Enfin, Véronique O’Leary et Simonne Monet-

Chartrand militeront respectivement au Front de libération des femmes du Québec (FLFQ) et à la Fédération des Femmes du Québec (FFQ)61. Ensemble, elles tenteront de mettre la

défense des droits des femmes à l’avant plan du programme de la Ligue au fil des années 1970. Dans ce processus, elles bénéficient également du soutien du directeur général de la

59 Simonne Monet-Chartrand, op. cit., p. 276-277 et 335-336.; Collectif Clio, op. cit.

60 Tout au long de sa carrière, elle continue de s’intéresser au rapport des femmes au droit pénal et criminel, et

plus globalement aux inégalités fondées sur le genre ou encore l’origine ethnique. Cf. Marie-Andrée Bertrand, La femme & le crime, Montréal, L’aurore, 1979, 224 p ; Wendy Robbins, Meg Luxton, Margrit Eichler, et Francine Descarries, Minds of Our Own: Inventing Feminist Scholarship and Women’s Studies in Canada and Quebec, 1966-1976, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2008, p. 61 à 67; Simonne Monet- Chartrand, op. cit., p. 414-415.

61 Véronique O’Leary s’est impliquée au sein du Front de Libération des Femmes du Québec [FLFQ], du

Centre des femmes, du Théâtre des Cuisines et du Comité de lutte pour l’avortement et la contraception libres et gratuits. Simonne Monet-Chartrand, quant à elle, syndicaliste et militante acharnée, s’est illustrée tout au long de sa vie par son implication dans la vie publique. Véronique O’Leary et Louise Toupin, Québécoises Deboutte ! Tome 1 : une anthologie des textes du Front de libération des femmes, 1969-1971 et du Centre des femmes, 1972-1975, Montréal, Éditions du remue-ménage, 1982, p. 8 ; Simonne Monet-Chartrand, Ma vie comme rivière : récit autobiographique. Tome 4 1963-1992, Montréal, Éditions du remue-ménage, 1981, p. 300.

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LDHQ, Maurice Champagne, pour qui l’égalité entre hommes et femmes doit devenir l’un des dossiers prioritaires de la Ligue62.

Durant cette même période, la défense des droits des femmes au sein de la LDHQ, reste principalement le fait de cette deuxième génération de militantes qui participent à la création de trois sous-comités: le Comité sur la condition des femmes (1975), le Comité Femme (1976-1977) et enfin l’Office des droits des femmes (1978-1980). Exception faite du Comité sur la condition des femmes, il s’agit encore principalement d’espaces non mixtes ou très fortement dominés par des femmes, souvent bénévoles. Les dossiers mis en place dans les sous-comités non mixtes sont d’ailleurs souvent portés au conseil d’administration par les militantes qui sont plus nombreuses à siéger dans les instances décisionnelles de la Ligue, et ce, même si la parité complète n’est pas atteinte, tel que le démontre le Tableau II63.

62 Maurice Champagne a en effet publié plusieurs articles, essais et ouvrages sur l’égalité entre hommes et

femmes. Dans l’introduction de son essai intitulé L’inégalité hommes-femmes : la plus grand injustice, paru en 1976, il souligne que « la question de l’inégalité hommes-femmes est à mes yeux la plus importante de toutes les questions sociales et politiques, à ce stade. Elle est pour moi ce que le marxisme, ou le socialisme est à d’autres militants. J’estime que toutes les autres questions dépendent de celle-là, à divers degrés, parce que ce sont les HOMMES ET LES FEMMES ENSEMBLE, qui devraient définir et assumer le fonctionnement politique d’une société, l’organisation du travail, la famille, etc.». Maurice Champagne- Gilbert, L’égalité hommes-femmes : la plus grande injustice, Montréal, M. Champagne Gilbert, 1976, p. 7.

63 Nous avons utilisé la même méthode que pour le Tableau 1. LDHQ, Liste des membres du conseil

d’administration, 1963 à 1997 [dossier « 24P-162 : 01/1 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.- UQAM].

TABLEAU II - CONSEIL D’ADMINISTRATION ET CONSEIL EXECUTIF DE LA LDHQ, 1972- 1980

Comme on peut le voir, auparavant minoritaires dans les instances décisionnelles de la LDHQ, les femmes ont davantage investi ces lieux de pouvoir. Malgré tout, le conseil d’administration reste une instance caractérisée par une hégémonie masculine, et ce pour la majeure partie des années 1970. Quoiqu’elles soient mieux représentées au conseil d’administration, les femmes restent minoritaires au conseil exécutif dans la première

Conseil d'administration Conseil exécutif Conseil d'administration Conseil exécutif Jean-Louis Roy Lisette Gervais-Sauvé Maurice Champagne, président Marc Bélanger Pierre Jasmin Jean-Louis Roy, président Marie-Andrée Bertrand Louise M arcil Marie-Andrée B., vice-présidente Jean-Claude Bernheim Louise M arcil Raymond Boyer, vice-président Léo Cormier Ghislaine M artin Jean-Louis Roy, vice-président Marie-Andrée Bertrand Bernard M ergler Léo Cormier, vice-président Pierre M eunier Michael Olivier Pierre Jasmin, secrétaire Raymond Boyer Camille M essier Pierre M eunier, vice-président Pierre Jasmin Bernard M ergler Daniel M anseau, trésorier Léo Cormier Guy Bourgeault

Marc Bélanger Fernand M orin Michel Dansereau Pierre M eunier Raymond Boyer Véronique O'Leary Monique Dubreuil Fernand M orin Michel Dansereau René St-Louis Lisette Gervais Sauvé Véronique O'Leary Monique Dubreuil Paul Williams PierreGagnon Jean-Louis Roy Viviane Guarigue Maurice Champagne Raymond Guilbeault René St-Louis

Marc Bélanger Philippe Edmonston Léo Cormier, président Paul Bélanger Lisette Gervais-Sauvé Léo Cormier, président Paul Bélanger Lisette Gervais-Sauvé Raymond Boyer, conseiller Jean-Claude Bernheim Bernard Cleary Guy Bourgeault, conseiller Jean-Claude Bernheim Pierre Jasmin Pierre Jasmin, conseiller Jean-François Boulais Aline Desjardins Raymond Boyer, conseiller Raymond Boyer Lucie Leboeuf Guy Bourgeault, conseiller Raymond Boyer Stella Guy Jean-François Boulais, conseiller Guy Bourgeault Jacques M agnan Lucie Leboeuf, conseillère Guy Bourgeault Pierre Jasmin Lisette Gervais Sauvé, conseillère Bernard Cleary Bernard M ergler Léo Cormier Lucie Leboeuf Stella Guy, conseillère Léo Cormier Camille M essier Gustave Denis Lucille Caron Pierre Jasmin, conseiller Aline Desjardins Jean-Louis Roy Marc Bélanger Jean-Louis Roy

Gustave Denis René St-Louis Jacques Desmarais Florian Sauvageau Jacques Desmarais Cecile Toutan Hélène Dumont René St-Louis Stella Guy Philippe Edmonston Cecile Toutan

Paul Bélanger Marcel Barthe Léo Cormier, président Jean-Pierre Bouchard Fabien Leboeuf Normand Caron, président Jean-Claude Bernheim Philippe Edmonston Jean François Boulais, conseiller Serge Demers André Legault Astrid Gagnon, conseillère Jean-François Boulais Astrid Gagnon Stella Guy, conseillère Gustave Denis Denis Lévesque Philippe Edmonston, conseiller Guy Bourgeault Stella Guy Raymond Boyer, conseiller Jacques Dofny Marianne Roy Fabien Leboeuf, conseiller Pierre Cloutier Monique Jones Normand Caron, conseiller Jean Doré Nicole St-Jean M arianne Roy, conseillère Gustave Denis Alonzo Leblanc Pierre Jasmin, conseiller Philippe Edmonston Juanita Westmoreland Pierre Cloutier, conseiller Jacques Desmarais Fabien Leboeuf Jacques Gagné Pierre M arquis, conseiller Françoise Dizengremel Geneviève M anseau Louise Gagné Rebello

Jacques Dofny Jean-Louis Roy Lorraine Godard Hélène Dumont Marianne Roy Patricia Hanigan Jean Doré Cécile Toutan Renée Joyal-Poupart

Paul Bélanger Pierre-Louis Gertin Normand Caron, présidente Paul Bélanger Gerald M iller Louise Gagné Simonne M . -Chartrand Renée Joyal-Poupart André Legault, conseiller Pierre Doray Normand Ouellet André Legault Lise Boucher Fabien Leboeuf Jacques Gagné, conseiller Jean-André Doré Yvon Page Claude Couillard Jean Doré André Legault Marianne Roy, conseillère Roch Fortin Anne-Marie Panasuk Paul Bélanger Raymond Favreau Louis M énard Jean Doré, conseiller Luc Gosselin Marianne Roy Luc Gosselin Louis Fournier Gérald M iller Lorraine Godard, conseillère Pierre-Louis Guertin Gilles Tardif Jean-Claude Bernheim Louise Gagné Ronald Rochefort Michel Langlois Jocelyne Lauzon Luc Gosselin Marianne Roy Fabien Leboeuf Louise Vernier Pierre Groulx Rémi Savard André Legault Gilles Tardif Marcella Rémillard L. Gilles Tardif François M artin

Louise Boucher Gilles Tardif Gilles Tardif, président Pierre Doray Robert Ward Pierre Doray Pierre-Louis Guertin Elisabeth Roussel Fabien Leboeuf Pierre-François Hébert Roger Bilodeau Paul Bélanger Roger Larose Richard Grignon Jean-Pierre Legault

1978 1979

1980

M embres du Conseil d'administration et du Conseil exécutif: 1972-1979

1973 1975 1972 1977 1976 1974

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moitié des années 1970. Marie-Andrée Bertrand est la seule à occuper un poste de vice- présidente, en 1973 et aucune autre femme n’y occupera le poste de présidente. Par ailleurs, lorsque des femmes sont intégrées à cette deuxième instance sur une base plus régulière à partir de 1975 jusqu’en 1979, la Ligue traverse une période particulièrement houleuse qui remet en question ses modes d’action et son fonctionnement général64. En effet, en 1976-

1977, le conseil d’administration et le conseil exécutif de la Ligue décident de privilégier un fonctionnement par collégialité, tentant ainsi de remédier aux problèmes de démobilisation de ses officiers restés bénévoles dans un contexte de crise financière aigüe qui mobilise beaucoup d’énergies. On parle maintenant de conseillers et de conseillères plutôt que de vice-présidents et de vice-présidentes. Le fait que l’élection d’un nombre plus important de femmes au conseil exécutif, et sur une base plus régulière, coïncide avec cette période n’est pas sans rappeler certaines des conclusions de Lucie Bargel65. Selon cette

dernière, c’est notamment lors des modifications structurelles ou conjoncturelles (lorsque les enjeux politiques et de pouvoir sont moins forts) que les femmes accèdent le plus souvent aux postes avec les responsabilités les plus élevées. Patricia Roux rappelle pour sa part que ce phénomène évoque le processus observé en sociologie du travail en vertu duquel lorsqu’une profession se féminise, elle tend à être dévalorisée. De la même manière, les militantes exercent davantage de pouvoir au sein de leurs associations dans des conditions qui intéressent peu les militants66.

Malgré une plus grande ouverture de la Ligue au militantisme féminin au fil des années 1970, les femmes restent donc minoritaires au sein de ses instances décisionnelles. Cette situation s’explique probablement par l’absence de règles claires visant à y assurer une meilleure représentation des femmes. En effet, même si la parité est souhaitée, aucune règle n’est mise en place pour favoriser la présence des femmes dans les instances décisionnelles de la Ligue. Or, les études sur la participation des femmes en politique démontrent qu’en l’absence de quotas ou de mesures de discrimination positive, il semble

64 Cette conjoncture particulière est liée à une importante crise financière qui frappe la LDHQ depuis l’année

1976 et qui met en péril son existence même. LDHQ, Comité exécutif, 1976 [dossier « 24P-164 : 01/4 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM].

65 Lucie Bargel, « La socialisation politique sexuée: apprentissage des pratiques politiques et normes de genre

chez les jeunes militant-e-s », Nouvelles Questions Féministes, n° spécial Les logiques patriarcales du militantisme, 24, 3 (2005), p. 36-49.

impossible d’assurer une représentation paritaire entre hommes et femmes, tant dans le milieu politique que syndical, pour ne donner que ces deux exemples. Ce phénomène, Anne-Marie Gingras, Évelyne Tardy et Chantal Maillé l’ont bien mis en évidence dans leur étude qui souligne que l’égalité politique formelle dont bénéficient les Québécoises dans la deuxième moitié du XXe siècle ne se traduit pas par une plus forte présence des femmes dans les postes importants des partis politiques, et ce malgré leur forte présence dans le militantisme de base. Il semble donc illusoire de penser que la Ligue aurait pu atteindre une représentation paritaire entre hommes et femmes dans ses instances sans énoncer des règles et des normes claires en ce sens. Malgré leur bonne volonté, les membres de la LDHQ ne se donnent pas les moyens d’inscrire leurs principes dans la réalité, exception faite de certaines occasions où, par exemple, un service de garderie sera offert pour permettre aux mères d’assister aux assemblées, même si de telles occasions apparaissent très rarement dans les archives67.

Les structures au sein desquelles on retrouve un nombre plus important de femmes restent ainsi les sous-comités spécifiquement dédiés à la défense des droits des femmes.