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Pour le développement d’un féminisme d’État : la LDHQ et le Conseil du statut de la

2.2 Vers une critique de l’organisation de la vie en société : une deuxième génération de

2.2.3 Pour le développement d’un féminisme d’État : la LDHQ et le Conseil du statut de la

En 1970, le rapport de la Commission Bird, ou Commission royale d’enquête sur la situation de la femme, suscite une prise de conscience, chez les responsables politiques, de l’importance du rôle de l’État, aussi bien provincial que fédéral, dans l’amélioration des conditions de vie des femmes78. Les groupes féministes, canadiens et québécois profitent de

cette prise de conscience pour réclamer la création d’un organisme gouvernemental de défense des droits des femmes79. En 1971, la LDHQ se joint à ces associations et publie un

rapport proposant de mettre en place des mécanismes assurant que les femmes, au même titre que les hommes, puissent se prévaloir de leurs libertés et droits fondamentaux :

La Déclaration universelle des droits de l’homme affirme : ″Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits″. Néanmoins, l’enquête effectuée par la Commission Royale sur la situation de la femme au Canada fait ressortir clairement, […] combien la discrimination contre le sexe féminin continue à être répandue dans tous les secteurs d’activité de notre pays. Elle est ancrée dans les

78 À ce sujet voir Monique Bégin, op. cit.; Claire Bonenfant, « Les femmes et l’Etat canadien », Caroline

Andrew et Sanda Rodgers, dir., Women and the Canadian State, Montréal, McGill-Queen's University Press, 1997, p. 306 à 316.; Marie Lavigne, « Structures institutionnelles en condition féminine-le cas du Conseil du Statut de la femme du Québec », Caroline Andrew et Sanda Rodgers, dir., Women and the Canadian State, Montréal, McGill-Queen's University Press, 1997, p. 228 à 240.

79 Comme l’a souligné Monique Bégin, la création même de la Commission Bird est tributaire de cette

véritable coalition d’associations féminines et féministes qui se déploie au Québec et au Canada, depuis le milieu des années 1960 : « By the late 1960s, however, women were being collectively identified as a new social challenge : after 1967, issues of the status of women formed a new official « social problem ». […] Neither the federal nor the provincial governments could ignore the Commission’s report, which was implemented as far as was possible because of the existence of, and the close relationships of the Commission with, the political constituency made up from women across the country. […] This political constituency of women had begun in Quebec with the creation, in 1965-66, of the Fédération des femmes du Québec and its historic alliance, shortly thereafter, with English Canada’s Committee for the Equality of Women, a loose coalition of thirty-two women’s association from across the country. Their joints efforts led to the creation of the RCSW by Prime Minister Pearson in February 1967 ». Monique Bégin, op. cit., p. 13.

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habitudes, les attitudes, et jusque […] dans les règlements et les lois. […] Par conséquent, la Ligue des Droits de l’Homme demande au Premier ministre du Canada d’une part, et au Premier ministre du Québec d’autre part, qu’ils chargent un des Ministres de leurs Cabinets respectifs [d’instituer] un organisme qui assurerait le redressement de la forme de discrimination la plus répandue, notamment la discrimination fondée sur le sexe, tant dans la fonction publique que dans tous les autres domaines de compétence soit fédérale, soit québécoise.80

Cette déclaration sera envoyée à Pierre Elliott Trudeau et à Robert Bourassa, alors respectivement premiers ministres du Canada et du Québec. Ce sont eux qui mettront finalement sur pied, en 1973, le Conseil Consultatif canadien sur la situation de la femme (CCCSF), ainsi que le Conseil du Statut de la Femme du Québec (CSF). Le CSF tout comme le CCCSF ont fait l’objet de plusieurs analyses, notamment dans l’ouvrage collectif de Caroline Andrew et Sanda Rodgers sur les femmes et l’État canadien. Caroline Andrew y soutient que ces structures institutionnelles ont assuré, quoiqu’avec certaines limites, une meilleure représentativité des intérêts féministes au sein du gouvernement81. Marie Lavigne

et Hélène Harvey qui se sont plus particulièrement penchées sur le cas du Conseil du Statut de la Femme du Québec soulignent également l’importance du rôle joué par cet organisme82. Au fil des ans, le Conseil du Statut de la femme aurait réussi à faire le pont

entre les mouvements féministes et l’État québécois. Ce rôle l’aurait notamment amené à définir les priorités du gouvernement en matière de condition féminine, à recommander des modifications législatives, ou encore à créer des consensus sociaux entre divers groupes (féministes, syndicalistes, regroupements professionnels, milieu patronal)83.

Les membres de la LDHQ bénéficient également de la mise en place du CSF avec lequel ils collaborent sur plusieurs dossiers jusqu’au début des années 1980, soit approximativement jusqu’à la fin de l’Office des droits des femmes. Une première prise de contact a lieu entre Aline Gobeil, employée permanente de la LDHQ et le CSF dès 1974. Selon Aline Gobeil, il en ressort que « des contacts fructueux pourront se développer en

80 LDHQ, Commission Royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, 1971, [dossier « 24P7b-9 »,

fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM].

81 Caroline Andrew, « Les femmes et l’État-providence : question revue et corrigée », Politique et Sociétés,

17, 1-2 (1998), p. 175.

82 Marie Lavigne, op. cit.; Hélène Harvey, 35 ans de présence et d’action pour une société plus égalitaire,

Québec, Conseil du statut de la femme, 2009, 33 p.

permanence avec le Conseil. Mais il s’agit d’un Conseil qui a évidemment très peu de pouvoirs »84. Les archives permettent de constater un envoi de documentation régulier. La

LDHQ reçoit les études et les dossiers d’informations du CSF concernant tant la publicité sexiste que la santé des femmes, en passant par les renseignements sur le Conseil lui-même. Cette documentation est mise à la disposition de tous dans le centre d’information de la LDHQ. Les militantes de la Ligue participent également à des séances de travail ou de réflexion organisées par le Conseil85, sollicitent son soutien pour différents dossiers,

notamment pour l’Affaire Dalila Maschino ou le dossier concernant l’utilisation du nom patronymique de la femme mariée sur les formulaires de passeports86. Plusieurs militantes

du Comité femme et de l’Office des droits des femmes prennent également part à des fronts communs mis sur pied par le CSF, notamment en réponse à la censure et aux menaces qui frappent, en 1978, Les fées ont soif de Denise Boucher. Plusieurs des thématiques abordées par les militantes de la LDHQ font également partie des principaux axes d’intervention ciblés par le CSF au cours des années 1970 : les garderies, la publicité sexiste, le droit des femmes au travail, etc.

Par ailleurs, ces relations permettront également à la LDHQ d’obtenir du financement pour la réalisation des projets qu’elle met en place pour l’Année Internationale de la Femme, même si les retombées ne sont pas toujours aussi positives qu’escomptées. En effet, en mai 1974, le Comité de coordination des relations intergouvernementales du gouvernement du Québec avait reconnu le CSF comme principal maître d’œuvre des activités devant se tenir au Québec pour l’AIF. Le CSF est ainsi responsable de la coordination entre le gouvernement québécois, le Secrétariat de l’Année internationale de la femme (organisme fédéral créé pour l’occasion), et les groupes désireux de participer à ces évènements87. C’est dans ce contexte que les membres de la LDHQ mettent sur pied leur

84 LDHQ, Conseil exécutif, 1974 [dossier « 24P-164 : 01/2 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-

UQAM.].

85 On peut donner l’exemple de Simonne Monet-Chartrand qui participe au nom de la Ligue, en 1976, à une

table-ronde organisée par le CSF sur les services de garde et les garderies au Québec La mise en place de garderies avait d’ailleurs été identifiée comme une des priorités d’action du CSF avec l’égalité des chances dans la fonction publique et l’étude des valeurs sociales transmises par l’éducation et les médias. LDHQ, Droit au service de garde, 1976 [dossier « 24P7b/19 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM] ; Hélène Harvey, op. cit., p. 7.

86 Nous y reviendrons dans le prochain chapitre. 87 Hélène Harvey, op. cit., p. 8.

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premier sous-comité dédié à la défense des droits des femmes soit, le Comité sur la condition des femmes, en 197588. Le comité de la LDHQ est tout spécialement dédié à la

réalisation d’un « dossier femme » qui est soumis dès 1975 à la responsable des activités entourant l’AIF. La Ligue demande alors une subvention de 50,000 dollars au CSF pour la réalisation de ce dossier-animation visant à sensibiliser les femmes, mais également les hommes, à la condition féminine au Québec. Ne disposant pas de cette somme, le CSF entreprend plutôt des démarches auprès du Ministère des affaires sociales. La LDHQ obtient finalement une somme de 40, 000 dollars pour la réalisation de son projet89. Néanmoins, bien qu’au premier abord positif, l’octroi de subventions gouvernementales par le biais du CSF a également un certain nombre de limites.

Dans sa réponse, le Ministère des Communications qui a octroyé une partie du montant final précise bien que la subvention est accordée parce que le projet de la LDHQ correspond aux objectifs des programmes spéciaux conçus pour l’AIF. Ainsi, la LDHQ s’engage, à mettre sur pied un instrument d’animation et de dialogue à long terme, tant pour les hommes que pour les femmes, grâce à la réalisation d’un dossier-journal ainsi que de documents audio-visuels. Ces documents devraient présenter les différents axes d’intervention de la Ligue en matière de droits des femmes ainsi qu’un programme de sensibilisation audio-visuelle comprenant une série de capsules hebdomadaires sur les droits des femmes et du citoyen diffusée à la télévision et à la radio, et un film ou diaporama qui pourrait être diffusé dans les écoles ou les milieux de travail90. Au final, ces

outils d’animation doivent ainsi servir à « tenter de découvrir comment faire la société ensemble en situant la condition des femmes avec la condition des hommes »91. Cet objectif

se situe bien dans la perspective d’un féminisme plus réformateur ou égalitariste qui correspond d’ailleurs, tel que l’a souligné Louise Toupin, à l’orientation générale du CSF92.

88 Voir Annexe 1 : sous-comités de la LDHQ dédiés à la défense des droits des femmes, 1963 à 1980.

89 Les fonds étaient répartis comme suit : 10,000 dollars provenaient de la Direction générale de l’éducation

des adultes du Ministère de l’Éducation, 10,000 dollars de la Direction du programme Organisations féminines à Ottawa, et finalement 20,000 dollars du Ministère des Communications du Québec.

90 LDHQ, Comment faire la société ensemble ou comment être mieux ensemble, 1975, p. 3 [dossier « 24P7a2-

a3 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM].

91 LDHQ, Droits des femmes – Subventions – Projets, 1975 [dossier « 24P7b/21 », fonds de la Ligue des

droits et libertés. A.-UQAM].

92Louise Toupin, « Les courants de pensée féministe », Version revue du texte Qu'est-ce que le féminisme?

Malgré tout, la réalisation du dossier ne s’avère pas aussi facile qu’escomptée par les membres de la LDHQ. D’une part, les militants et les militantes du Comité sur la condition des femmes ont de la difficulté, dans les textes produits, à identifier des solutions claires permettant de remettre en question les inégalités entre hommes et femmes. D’autre part, il appert que les membres ne sont pas toujours à l’aise avec la production de documents d’animation, notamment audio-visuels. Enfin, les militantes se retrouvent, en quelque sorte, coincées entre deux positions qui semblent irréconciliables : la nécessité d’atteindre les objectifs des programmes gouvernementaux qui assurent le financement, et le danger de se faire critiquer par des groupes féministes si leur dossier ne présente pas une position féministe claire.

Le dossier de la Ligue, intitulé Comment faire la société ensemble ou comment être

mieux ensemble, présente les principaux axes des actions et des revendications que la

LDHQ veut mettre de l’avant pour défendre les droits des femmes. Il stipule que « la lutte pour l’amélioration de la condition des femmes implique la lutte pour l’amélioration de la condition des hommes. C’est aussi une lutte pour une meilleure condition humaine pour tous ». Dans cette perspective, les militants et les militantes de la Ligue soulignent que l’homme et la femme doivent bénéficier des mêmes possibilités de participation à l’organisation de la vie en société puisque « l’existence d’action complémentaire de l’homme et de la femme [est] à la source du développement humain de la société ». C’est donc en ce sens qu’ils tenteront d’œuvrer pour l’amélioration de la condition des femmes grâce à l’évolution des lois et des mentalités. Néanmoins, le document donne peu de précision sur les stratégies ou les actions que les membres de la Ligue cibleront pour y arriver.

Les commentaires formulés en 1976 par le conseil d’administration de la LDHQ aux militantes du Comité critiquent tout particulièrement ce dernier aspect, soulignant que la « Ligue pourrait facilement se faire attaquer par des groupes féministes si aucune prise de position sur des problèmes féminins n’est faites »93. Or, on peut également se demander

93 LDHQ, Comité exécutif, 1976 [dossier « 24P-164:01/4 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-

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si l’adoption d’une position féministe plus affirmée par les militants et les militantes de la LDHQ conviendrait aux organismes gouvernementaux qui l’ont subventionné. Après tout, le projet initial soumis en 1975 vise davantage la réalisation d’un outil de sensibilisation à la condition féminine, conçu aussi bien pour les hommes que pour les femmes, que d’un manifeste revendiquant des droits et dénonçant des lois. Cette situation n’est pas sans rappeler les critiques qui ont été formulées par plusieurs chercheuses à l’endroit du féminisme d’État. Ainsi, bien qu’Hélène Harvey, directrice des bureaux régionaux du CSF, en souligne le caractère positif94, l’historienne Marie Lavigne en rappelle également les

limites :

L’État, on le sait, n’est pas perçu et ne se perçoit pas comme un outil de révolution sociale, et encore moins comme une institution dédiée au renversement du patriarcat. […] À tout le moins, on peut le voir comme un organisateur de compromis, un lieu où se jouent des rapports de forces entre groupes et idéologies dominantes et qui peuvent éventuellement déboucher sur la négociation. […] Ces structures sont des lieux où se distillent les voix multiples des femmes et où se condensent des propositions qui doivent à la fois tenir compte des intérêts des femmes et être agréées par l’État. Il est évident qu’à travers ce processus, les revendications sont traduites en langage étatique ou bureaucratique et qu’elles y perdent en partie leur radicalité ou leur globalité.95

C’est ce dernier aspect qui semble particulièrement problématique dans le dossier que les militants et les militantes du Comité sur la condition des femmes de la LDHQ tentent de développer. Il renvoie également à la critique que fait Diane Lamoureux de l’institutionnalisation de certains enjeux féministes depuis les années 1970. La chercheuse rappelle que les demandes formulées par les groupes de femmes à l’endroit de l’État prennent le plus souvent deux formes, soit: des subventions ou des réformes institutionnelles et législatives. Dans un cas comme dans l’autre, cela demande l’adhésion à l’ordre politique existant. En outre, les groupes subventionnés doivent rendre des comptes à l’État. Dépendant financièrement du gouvernement, il leur alors est d’autant plus difficile de le critiquer96. C’est dans cette position inconfortable que se retrouvent les militants et les

militantes de la LDHQ : à mi-chemin entre les exigences du gouvernement qui a fourni les subventions nécessaires à la réalisation du dossier-femme et la volonté de préciser une position féministe plus affirmée. Au final, le dossier-journal de la LDHQ ne sera jamais

94 Hélène Harvey, op. cit. 95 Marie, Lavigne, op. cit., p. 238.

publié, ce qui n’empêchera toutefois pas les militantes de la Ligue de continuer à travailler avec le CSF et ce jusqu’au tournant des années 1980, tel que mentionné ci-haut.97.

Conclusion

La Ligue, il ne faut pas l’oublier, n’est pas un groupe féministe, mais elle n’évolue pas pour autant en vase clos. Ses positions en matière de défense des droits des femmes évoluent ainsi au contact d’un ensemble de groupes de femmes qui relancent, au tournant des années 1970, le féminisme québécois et sous la pression de certaines militantes qui agissent de l’intérieur. C’est le cas pour l’avortement (1973-1974) et l’adoption d’une ligne politique critiquant le système capitaliste (1978), notamment. On peut alors véritablement parler de sensibilisation féministe. Néanmoins, comme on l’a vu, ces liens entre la Ligue et les mouvements féministes peuvent aussi être problématiques et générer des tensions internes. Il peut ainsi être difficile pour la LDHQ de « faire mouvement », comme le dit si bien Diane Lamoureux98. Par ailleurs, ils se sont principalement limités à l’échelle québécoise, voire montréalaise, la Ligue n’ayant pas cherché à établir des liens avec les organisations féministes internationales, alors qu’elle en a créé avec des groupes internationaux tels que la Fédération Internationale des droits de l’Homme (FIDH) et Amnistie Internationale.

Au fil des ans, ces diverses traditions et courants féministes se sont croisées et articulées au sein de la Ligue, contribuant par le fait même à l’émergence de nouveaux questionnements et de nouvelles revendications entourant la reconnaissance des droits des femmes. Les militants et les militantes de la Ligue développent un raisonnement sur la condition et les droits des femmes qui leur est propre. Néanmoins, ils sont influencés, dans ce processus, par des acteurs externes à leur propre structure et par des déterminismes

97 Les subventions reçues et non dépensées ne pourront être récupérées et seront annulées par le

gouvernement. LDHQ, Droits des femmes – Subventions – Projets, 1976 [dossier « 24P7b/21 », fonds de la Ligue des droits et libertés. A.-UQAM].

98 Diane Lamoureux, « Les féminismes : histoires, acquis et nouveaux défis », Recherches féministes, 20, 2

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sociaux et culturels dont ils n’ont pas forcément conscience. C’est à la lumière de cet environnement social et historique que nous tenterons, finalement, d’analyser l’évolution du discours et des actions de la LDHQ concernant les droits des femmes. Ce contexte se déploie tant à l’échelle québécoise, canadienne, qu’internationale puisque les militants et les militantes de la Ligue s’inspirent également des normes et des chartes internationales de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

CHAPITRE III

DÉFENDRE LES DROITS DES FEMMES À LA LIGUE DES

DROITS DE L’HOMME DU QUÉBEC : 1963 À 1985

Le troisième chapitre porte sur l’intégration et l’évolution des droits des femmes au sein du discours et des pratiques des militants et des militantes de la Ligue des droits de l’Homme du Québec (LDHQ). Cette analyse tiendra compte du contexte social et historique qui façonne ses prises de position et ses actions. Elle permettra de mieux comprendre comment, au fil des ans, les différentes générations de militantes qui se sont succédées à la Ligue et les liens qu’elles ont entretenus avec des groupes féministes québécois ont défini les prises de position de la Ligue en matière de droits des femmes.

Les principales études traitant de l’histoire de la Ligue, au cours de la période qui s’étend des années 1960 aux années 1980, tendent à diviser cette dernière en deux périodes distinctes : une « période juridique » (1963-1971) et une « période sociale » (1972-1980)1.

Cette division est avant tout le fait des membres de la Ligue qui utilisaient déjà les expressions « période juridique » et « période sociale » pour décrire l’histoire de leur organisation de façon à souligner l’évolution de son fonctionnement, de ses valeurs et de ses mandats. Le tournant des années 1970 marque ainsi une profonde évolution du programme général de la Ligue, d’abord ancré dans la défense des droits civils et politiques, puis ouvert à l’intégration de nouveaux objets de revendication et notamment les