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Chapitre II. La liberté religieuse

Section 1. La protection juridique de la liberté religieuse

B. Les instruments internationaux de la protection

1. Les dispositions générales

Comme le suggère M. Evans, la protection internationale fait apparaître un consensus général basé sur une structure juridique tripartite : 1) l’assertion générale de la liberté de « pensée de conscience et de religion » ; 2) le fait que la « liberté de croyance » peut être manifestée par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement ; et 3) le fait que son exercice peut être limité pour un nombre de raisons spécifiques415.

La Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH), contient deux dispositions cruciales pour la protection de la liberté religieuse, qui, d’après Evans, « représentent un “effort” de la Communauté internationale pour forger une

compréhension du contenu de la liberté de religion et de croyance »416.

413 DAGTOGLOU Prodromos, op. cit., p.369.

414 Nous allons étudier le droit à la non-discrimination fondée sur la religion, dans le Chapitre 4, notes 1026et s.

415 EVANS Malcolm, The Evolution of Religious Freedom…, op. cit., p.31.

La première ne saurait être autre que l’article 18 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ».

La seconde est l’article 26 §2, qui prévoit que l’éducation devrait favoriser la tolérance religieuse : « L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix ». Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (PIDCP) contient, quant à lui, une définition plus « opaque » de la Déclaration universelle, car il remplace l’approbation explicite de la « liberté de changer de

religion » par la liberté plus ambiguë « d’adopter une religion »417. Comme dans la

DUDH, le droit à la liberté de choisir l’éducation religieuse de l’enfant est spécifiquement mentionné également dans l’article 18 §4 du Pacte : « Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ».

La protection internationale de la liberté religieuse pourrait également être abordée à la lumière des droits des minorités et des peuples autochtones. À cet égard, l’article 27 du Pacte stipule que « Dans les États où il existe des minorités […] religieuses […], les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit […]

de professer et de pratiquer leur propre religion »418. En outre, l’article 13 de la

417 Plus particulièrement, l’article 18 du Pacte énonce que : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement ; 2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix ».

418 Certes l’article 27 consacre les droits des minorités comme des droits individuels, certaines interprétations du Comité cependant préconisent certaines caractéristiques des droits collectifs. Voir par exemple, Bernard Ominayak, chef de la bande du lac Lubicon c. Canada, Communication

Déclaration sur les Droits des Peuples autochtones prévoit un droit d’accès aux lieux sacrés et un droit à la préservation des coutumes religieuses, qui va de pair avec une obligation expresse de l’État de veiller à permettre la mise en œuvre de ces droits419 : « Les peuples autochtones ont le droit de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d’enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels ; le droit d’entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d’y avoir accès en privé ; le droit d’utiliser leurs objets rituels et d’en disposer ; et le droit au rapatriement de leurs restes humains ». L’obligation des États de veiller à l’accès au culte des minorités est également souligné : « Les États veillent à permettre l’accès aux objets de culte et aux restes humains en leur possession et/ou leur rapatriement, par le biais de mécanismes justes, transparents et efficaces mis au point en

concertation avec les peuples autochtones concernés »420.

Il existe finalement d’autres instruments concernant des groupes spécifiques, et en particulier les femmes et l’enfant. Tant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW)421, que la Convention des droits de l’Enfant (CRC)422, chacune de son côté, prêtent une attention importante à la liberté religieuse.

La Convention sur la protection de la discrimination contre les femmes insiste plutôt

sur les incidents d’inégalités, du fait des préceptes de certaines religions423, alors que la CRC a un rôle important dans la consécration de l’importance de la liberté religieuse per se. L’article 14 de la CRC notamment, similaire mais moins détaillé que l’article 18 du PIDCP, prévoit que « les États parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion », sans pour autant

419 Voir à ce sujet LERNER Natan « Religious Human Rights under the UN » in VAN DER VYVER

Johan et WITTE John (dir), Religious Human Rights in Global Perspective: Legal Perspectives, Hague, Martinus Nijhoff Publishers, 1996, p.112.

420 Article 12, §§1 et 2 de la DRIPS, supra, note 121.

421 Adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par

l'Assemblée générale dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979.

422 Adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l’article 49.

423 C’est pour cela que nous allons étudier la jurisprudence du Comité dans la partie correspondante à la non-discrimination fondée sur la religion, voir infra, notes 1026et s.

préciser les limites de la liberté de l’enfant vis-à-vis de ses parents424, considérant l’éducation religieuse également comme un devoir425. En outre, l’article 30 de la CRC protège les enfants appartenant à des minorités en prévoyant que « dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d’origine autochtone, un enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d’avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre

religion […] »426. Par ailleurs, le Comité CRC a aussi une rôle important à jouer pour

la protection de la liberté religieuse des enfants appartenant aux minorités : dans l’OG n°11, par exemple, le Comité stipule que les enfants autochtones ont le droit de pratiquer leur propre religion à leur façon.