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I. Problématique générale et pertinence du sujet

1) A propos du phénomène des conflits de droits

Il est généralement admis que les conflits dits « horizontaux » impliquent deux individus, ou des groupements d’individus, aux intérêts supposément antinomiques54. Nous pouvons alors constater que stricto sensu, un conflit de droits correspond à une situation où « l’application de deux ou plusieurs droits fondamentaux est également

possible mais produirait des résultats respectifs substantiellement opposés »55. Une

définition largo sensu en revanche (définition que nous favoriserons dans cette thèse) implique deux intérêts irréconciliables, au sens « d’une relation antagonique que réalise ou révèle une opposition de prétentions ou aspirations souvent complexes, plus ou moins clairement formulées, entre deux ou plusieurs groupes ou

individus [...] »56, toujours en tenant compte du fait que la réalisation d’un des deux

droits exclut – entièrement ou partiellement – celle de l’autre57.

Le discours sur les « conflits de droits » n’est pas particulièrement nouveau ; bien au contraire, il est aussi ancien que l’apparition du discours sur les droits lui-même58.

54 Voir un très bon aperçu, à la suite d’un Colloque qui a eu lieu à Ghent en décembre 2006, BREMS

Eva(ed.), Conflicts Between Fundamental Rights, Antwerp/ Oxford, Intersentia 2008, pp.169-216.

55 SAINT JAMES Virginie, La conciliation des Droits de l’Homme en droit public français, Publication de la faculté de Droit de l’Université de Limoges, PUF, 1995.

56 DUCOULOMBIER Peggy, Les conflits des droits fondamentaux devant la Cour Européenne…,

op.cit., note 46, p.7, citant la définition du professeur Jeammaud. D’après cette dernière, « il est possible de parler de conflits de droits fondamentaux dès lors que leur exercice poursuit des finalités contradictoires, antagonistes, voir, irréconciliables ».

57 Cette catégorie comprend la plupart des conflits entre droits fondamentaux, y compris notre cas d’étude du conflit entre liberté religieuse et liberté artistique. D’autres exemples: lorsque la liberté de la presse est en conflit avec le droit à la vie privée (Cour eur.dr.Homme: Von Hannover c. Allemagne, no 59320/00, CEDH 2004-VI ; Brasilier c. France, no 71343/01, 11 avril 2006 ; Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège[GC], n 21980/93, § 65, CEDH 1999-III) ; lorsque le droit des parents à avoir des convictions religieuses rentre en conflit avec tel ou tel droit de l’enfant (sachant que les témoins de Jéhovah par exemple refusent l’administration de transfusions sanguines, Cour

eur.dr.Homme: Ingrid Hoffmann c. Autriche, n°12875/87, 23 juin 1993, §83, série A n 255, même

si en ce cas, la mère « était déclarée prête à laisser les enfants passer les jours de fête avec leur père, demeuré catholique, et à autoriser l’administration de transfusions sanguines à leur profit, dans la mesure exigée par la loi » ; lorsque la liberté d’expression ou la liberté religieuse se trouve

en conflit avec les droits des consommateurs « Comm. eur.dr.Homme: X. et Église de Scientologie

c.Suéde(déc.); lorsque la liberté d’expression entre en conflit avec le droit de ne pas subir de discrimination ; lorsque le droit à la santé entre en conflit avec le droit à la liberté commerciale (par exemple l’affaire esthonienne récente à propos des publicités diffusées dans des revues médicales, CJUE: Novo Nordisk AS contre Ravimiamet, Affaire C‑249/09).

Cette question met celui qui est tenu de la résoudre face à un dilemme singulier. Dans une affaire du XIXe par exemple, les juges siégeant à la Queen Bench Division (QBC) anglaise en 1884 ont dû statuer sur l’innocence de trois navigants d’une navette anglaise qui, affamés pendant des jours lorsque leur navette a été éloignée du Cap de Bonne-Espérance, ont mangé leur garçon de cabine de dix-sept afin de ne pas mourir de faim59 . Comment mesurer les droits à la vie des personnes humaines ? Chacun des droits considéré séparément n’est-il pas d’une valeur incommesurable ?

Les conflits de droits impliquant des « dilemmes éthiques », auxquels sont quotidiennement confrontés les instances juridiques, ne sont pas plus faciles. Nous pouvons songer par exemple à l’« affaire des terroristes » que la Cour européenne a tranchée en 1995 : en l’espèce, les officiers anglais des forces aériennes avaient capturé trois individus membres de l’IRA en train de préparer des attentats terroristes à Gibraltar. D’un côté, il était question du droit à l’intégrité physique et à la dignité des terroristes et, de l’autre, du droit à la vie des dizaines des citoyens de Gibraltar qui seraient morts en cas d’accomplissement des attaques60. Un autre exemple est l’affaire Gäfgen : en l’espèce, un étudiant en droit à Francfort aurait tué le jeune frère d’une de ses connaissances pour amener cette dernière à croire qu’il s’agissait d’un enlèvement, afin d’obtenir une rançon. Le requérant a affirmé avoir subi des traitement douloureux et humiliants de la part de la police au cours de son arrestation, de son interrogatoire et de sa détention, alors que la police, de son côté, a affirmé avoir infligé ces traitements afin d’amener le requérant à révéler où se trouvait l’enfant que l’on croyait véritablement enlevé et donc en vie. L’un des arguments étatiques qui était mis en avance pour justifier la violation de l’article 3 de la Convention européenne a donc été que les tortures infligées au requérant visaient exclusivement à sauver la vie de l’enfant61.

planche, dont un seul peut être sauvé.

59 R. v Dudley, 14 QBD 273, 9 décembre 1884.

60 Cour eur.dr.Homme: McCann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, série A no 324.

61 Cour eur.dr.Homme: Gäfgen c. Allemagne, n° 22978/05, 1 juin 2010 (voir à propos infra, Chapitre 7, note 2185). D’autres exemples impliquant des droits absolus peuvent être cités, par exemple le cas de l’avortement (où le droit à la vie d’un enfant « à naître » est en conflit avec le droit à la vie de la mère, avec son intégrité physique et avec son droit de disposer elle-même de son corps), ou bien, à l’inverse, le cas du désaccord entre deux partenaires à propos de vouloir fonder une famille ou non ; voir à titre indicatif, Cour eur.dr.Homme: D c. Irlande (décision d’irrecevabilité), no 26499 /02, §90, 27 juin 2006, CEDH 2006 ; Tysiąc c. Pologne, no 5410/03, 24 septembre 2007,

2) A propos des approches des conflits de droits

Pendant longtemps, l’existence des conflits de droits n’était affirmée qu’à titre exceptionnel62, ou dans le cadre de l’élaboration d’une théorie générale de droits de la part des juristes européens63. Les juristes modernes et contemporains en effet auraient généralement assumé que les droits ne rentraient pas en conflit entre eux64. Cela est peut être dû, entre autres choses, à la popularité de l’approche « interprétationniste » des droits, d’après laquelle les conflits de droits n’existent pas puisqu’il est possible d’adapter le droit à une question spécifique65. L’acceptation ou la négation des conflits de droits dépend d’ailleurs entièrement de la théorie du droit à laquelle nous adhérons : par exemple, les conflits de droits semblent incompatibles avec une théorie basée sur les intérêts (interest-based) ou les devoirs (duty-based) puisque, dans ces théories, un individu n’a généralement un droit, un choix ou un intérêt, que si une autre personne a un devoir qui correspond à ce droit66.

§108, concernant la légitimoté de se soumettre à un avortement thérapeutique ; Boso c. Italie(déc), no 50490/99, 5 septembre 2002, concernant l’impossibilité pour le père de l’enfant à naître d’intervenir dans la décision de son épouse d’avorter ; ou le contraire CEDH (GC) : Evans c. Royaume-Uni [GC], no 6339/05, CEDH 2007-IV.

62 KAMM Frances, « Conflicts of rights ; typologie, methodologie and nonconsequentialism », Legal

theory, Vol.7, 2001, pp.239-255.

63 En effet, plusieurs juristes du début du 20ème siècle ont implicitement contribué à la meilleure compréhension de l’idée des conflits, à partir de leur théorie générale des droits. D’un côté l’américain Hohfeld, qui élabora une théorie des droits, suggérant que les droits sont divisés à certaines catégories (à savoir, des privilèges, des revendications des pouvoirs et des immunités : « …the term ‘rights’ tends to beused indiscriminately to cover what in a given case may be a privilege, a power, or an immunity, rather than a right in the strictest sense..). D’autre côté l’autrichien Jellineck, pour lequel toute obligation du respect d’un droit fondamental est bipolaire, car elle comprend un aspect négatif (de ne pas interférer à la libre exercice de ce droit), et un aspect positif (de permettre son accomplissement par des démarches positives) ; voir HOHFELD Wesley, « Fundamental Legal Conceptions as applied in judicial reasoning », Yale Law Journal, Vol.23, pp.16- 55.1913 ; JELLINECK Georg, L’État moderne et son droit (1911), Paris, Panthéon-Assas- LGDJ, 2005 ; aussi, KELSEN Hans, Théorie pure du droit, Paris – Bruxelles, LGDJ - Bruylant, 1999.

64 FINKIELSTEIN OAKES Claire, « Introduction to the symposium on conflicts of rights », Legal Theory, Cambridge University Press, n°7, 2001, pp.235-238, à l’occasion d’un symposium sur le thème des conflits de droits qui a eu lieu à Cambridge en octobre 1999, citant les exceptions :

JARVIS THOMSON Judith, The realm of rights, Harvard University Press, 1990; WALDRON

Jeremy, « Rights in Conflict » in Liberal rights: 1981–1991, Cambridge University Press 1993.

65 Ainsi par exemple, Henry Steiner dans son Essai sur les droits considère que les droits sont toujours « compossible », et que les conflits donc entre droits fondamentaux n’existent pas et le tout

fait partie d’un ensemble harmonieux, voir STEINER Henry, Essaie on rights, Oxford, Blackwell,

1994, cité par WENAR Leif, « Rights » in ZALTA Edward (éd.), The Stanford Encyclopedia of

Philosophy, édition d’automne 2010, disponible sur

http://plato.stanford.edu/archives/fall2010/entries/rights/, consulté le 10 janvier 2011.

66 Par exemple, la théorie de Hart, d’après laquelle chaque droit correspond à un devoir ou la théorie de Raz, d’après laquelle le droit précède forcement le devoir, ne nous semblent pas compatibles avec l’idée de conflits de droits ; voir RAZ Joseph, The morality of freedom,Oxford, Clarendon

Ainsi, ce n’est que très rarement que l’on rencontre des références explicites aux conflits de droits: à propos d’une différence commerciale, par exemple, le juge Bowen, siégeant à la QBC en 1889, a pu remarquer une antinomie entre les intérêts en question et constater l’existence d’un conflit : « we are presented in this case with an apparent conflict or antinomy between two rights that are equally regarded by the law – the right of the plaintiffs to be protected in the legitimate exercise of their trade, and the right of the defendants to carry on their business as seems best to them,

provided they commit no wrong to others »67.

Ce n’est qu’au début des années 1990, à la suite de la démarche de Dworkin de « prendre les droits aux sérieux », que de nouvelles perspectives sur la manière d’envisager les conflits sont apportées. En effet, en affirmant que les droits sont des « atouts » (trumps), Dworkin ouvre la boîte de Pandore. Se développe alors un discours frénétique qui érige les droits en notion toute-puissante : affirmer que « avoir un droit signifie d’insiste d’être traitée dans une certaine façon, même si la majorité

pense qu’il serait plus opportun si tu n’étais pas traitée de cette façon là » 68, signifie

alors que toutes les questions liées aux droits peuvent être réglées sous l’angle du conflit de droits, y compris donc la citoyenneté, la démocratie, l’égalité, les abus de droit, et, au final, l’éthique.

Par ailleurs, au cours des dernières années, ces conflits de droits sont devenus extrêmement fréquents : l’idée du conflit de droits est dès lors constamment évoquée, et de plus en plus d’auteurs manifestant leur intérêt soit pour l’étude d’un conflit particulier entre deux droits (tout comme notre cas d’étude) soit pour le développement d’un cadre général de résolution des conflits de droits. En effet, les conflits de droits sont inextricablement liés à la « juridicisation » des problèmes de la vie quotidienne et à la multiplication des procès juridiques dans un contexte de montée de l’individualisme caractéristique des sociétés occidentales. C’est alors le

67 Mogul Steamship Company c McGregor, 23 QBC 598, 1889.

68 DWORKIN Ronald, « Rights as Trumps » in WALDRON Jeremy (éd), Theories of Rights, Oxford

University Press, 1984: ‘To have a right, is to insist to be treated in a certain way even if the majority thinks it would be better off if you were not treated in that way’; voir aussi DWORKIN

Ronald, Law's Empire, Londres, Fontana Press, London, 1986. Les dernières positions de Dworkin

sont par contre beaucoup plus nuancées, car elles tiennent en compte de certaines « idéaux » de

justice égale et de dignité notamment, voir DWORKIN Ronald, « Justice For Hedgehogs », BULR,

développement systématique de la théorie de l’« effet tiers » des droits de l’Homme (third party effect ou horizontal effect ou Drittwirkung) à partir des années 1990, qui a eu pour résultat la multiplication des conflits69.

Or, le résultat final que nous obtiendrons suivant ces méthodes dépend entièrement de la théorie du droit à laquelle nous adhérons, sachant que, au sein même des théories qui admettent l’existence des conflits de droits, des solutions – ou résolutions – différentes sont envisageables. Il convient également de remarquer qu’il existe une multitude de règles méthodologiques particulières, voire de « doctrines » ou de « théories » de résolution des conflits de droit, y compris des approches intuitivistes ou arbitraires, auxquelles ont recours les diverses juridictions lorsqu’elles sont confrontées à des conflits de droits ou d’intérêts. De tels critères, qui permettent la résolution d’un conflit in casu, peuvent être considérés comme de tendance formaliste (comme par exemple la hiérarchie des droits)70 , absolutiste (mais qui permettent des exceptions, comme par exemple la méthode de la Cour suprême américaine vis-à-vis du Premier Amendment71), ou se rapportant à la « balance » des intérêts72, à la « conciliation des droits » ou à d’autres méthodes fondées sur le principe de proportionnalité (qui est la méthode la plus commune, utilisée par la plupart des juridictions, y compris la Cour européenne)73. Cette dernière a d’ailleurs élaboré d’autre règles de résolution de conflit qui lui sont spécifiques, notamment le test « tripartite » (but légitime, marge d’appréciation, nécessité dans une société démocratique [d’une ingérence étatique à un droit ou une liberté fondamentale]) et la théorie de la « marge d’appréciation des États ».

69 ALEXY Robert, A theory of constitutionnal rights, op.cit., pp. 351-365.

70 DUCOULOMBIER Peggy, Les conflits des droits fondamentaux devant la Cour Européenne…,

op.cit. note 46.

71 Voir infra, Chapitre 5.

72 Voir supra, note 49. Voir aussi, à titre indicatif, des études en droit constitutionnel allemand, avant que toutes autres, ALEXY Robert, A theory of constitutionnal rights, Oxford University Press, 2002 (la Cour Constitutionnelle allemande d’ailleurs, fut la première à instaurer des méthodes de résolution de conflits, affirmant que « l’entreprise de la balance est inévitable si tous sont des bénéficiaires des droits égaux »). Aussi, en droit français, SAINT JAMES Virginie, La conciliation des Droits de l’Homme en droit public français, op.cit., note 51; en droit grec, également, STRATILATIS Costas, « La balance concrète des valeurs constitutionnelles lors de l’interprétation judiciaire de la Constitution » [« Η συγκεκριµένη στάθµιση των συνταγµατικών αξιών κατά τη δικαστική ερµηνεία του Συντάγµατος »],To Syntagma, n°3, 2001, disponible sur http://tosyntagma.ant-sakkoulas.gr/theoria/item.php?id=324, consulté le 1 novembre 2010.

Il existe d’ailleurs d’autres méthodes et critères, moins précis, comme par exemple l’interdiction de l’« abus de droit » (telle qu’elle est proclamée dans la quasi-totalité des instruments des droits de l’Homme)74, l’interdiction de la restriction du « noyau dur » des droits75 ou le principe de l’exercice responsable des droits (comme le suppose par exemple le système de protection de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour la liberté d’expression, cette dernière étant la seule liberté parmi les autres de la Convention à être accompagnée de « devoirs et responsabilités »)76. Enfin, il existe des critères « larges », y compris politiques – comme le critère de la « nécessité dans une société démocratique »77 et des approches axiologiques, fondées sur la justice sociale, l’égalité, la dignité ou d’autres valeurs, y compris la morale78.

Tenant compte de ces observations, imaginer les droits comme des « atouts » conflictuels, et concevoir les théories des droits comme des recettes magiques, nous paraît troublant. En effet, étant données les transformations radicales des sociétés

74 Cette règle, inspirée de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789, dont l’article 4 précise que « l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » et que « ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi », existe également dans des nombreux instruments, par exemple, l’article 17 de la Convention, qui prévoit similairement que « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention » ou l’ article 5 du Pacte prévoit que « Aucune disposition du présent Pacte ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et des libertés reconnus dans le présent Pacte ou à des limitations plus amples que celles prévues audit Pacte ».

75 Voir par exemple, MEYER-BISCH Patrice(éd), Le noyeau intangible des droits de l’Homme, Editions Universitaires du Fribourg, Fribourg, 1991. Voir aussi l’opinion dissidente dans l’arrêt Odièvre c. France: « Nous sommes fermement convaincus que le droit à l'identité, comme condition essentielle du droit à l'autonomie (Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, § 61, CEDH 2002-III) et à l'épanouissement (Bensaid c. Royaume-Uni, no 44599/98, § 47, CEDH 2001-I), fait partie du noyau dur du droit au respect de la vie privée. Dès lors, un examen d'autant plus soutenu s'impose pour peser les intérêts en présence ».

76 Article 10 §2 de la Convention européenne: « L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions [...]».

77 KOSNENNIAMI Martii, « Les droits de l'Homme, la politique et l'amour », in La politique du droit international, Paris, Pedone, 2007, p.211 : « il est difficile d'imaginer un critère pus politique; de même, KASTANAS Elias, Unité et diversité: notion autonomes et marge d'appréciation dans la jurisprudence de la Cour européenne de droits de l'Homme, Bruxelles, Bruylant, 1996.

78 Voir par exemple RUSTON Roger, Human rights and the image of God, Londres, SCM Press, 2004 ; cet auteur en effet cherche le critère de résolution de conflit de droits dans les préceptes catholiques, puisque, d’après lui: « Cοnflicts [..] cannot be resolved from within the discourse of human rights, and we need other criteria in order to sort out sompeting claim[...]. It seems that individual human rights cannot themselves constitute the contents of morality, since they are invoked by people of widely different moralities ».

contemporaines, nous ne pouvons ignorer le fait que le forum de discussion sur les droits n’est pas forcement adapté à résoudre toutes les antinomies émergeant lors de la « confrontation » de valeurs culturelles ou de droits marquées par des aspects culturels. Il n’est pas rare, d’ailleurs, que certains auteurs affirment que parfois les conflits de droits n’ont aucune solution « juste », puisqu’un « résidu éthique », d’après l’expression de Madame Finkielstein, semble inévitable79. A nos yeux donc, les antinomies ne sauraient être examinées uniquement dans une optique juridique de « pondération » ou de « balance » : elles devraient également être considérées dans une optique globale, qui tient compte des dimensions sociales et culturelles du contexte dans lequel elles se produisent. Dans ce sens également, Madame Annelise Riles, suggère que la raison de la persistance des conflits de droits, serait précisément le fait qu’ils ont été toujours traités dans leur dimension juridique selon une énorme variété de choix de solutions, ou bien, sous un prisme politique, sans tenir suffisament compte des observations anthropologiques. Elle écrit à cet égard: « The probleme at the heart of conflicts, is not just what is the source of the authority for our laws and our judicial decisions, but whose rules and values should preavail anyway [...] This is true for seemingly exotic disputes, such as those concerning the enforcement of agreements stemming from Islamic banking practices. But is equally true for