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Dans cette partie nous souhaitons examiner certains aspects des résultats mentionnés dans la section précédente, afin de comprendre leur portée et leur pertinence dans le cadre de notre problématique : « Le numérique influence-t-il le processus de consommation des produits alimentaires bio en Suisse romande ? » La recherche d’informations (H1)

La « recherche d’informations » correspond à la deuxième étape du processus d’achat étudié lors de notre recherche. Nous rappelons que selon les résultats de notre enquête, parmi les 250 répondants achetant régulière ment des produits alimentaires bio, la majorité fait des recherches avant l’achat (87%). Ils ont indiqué les moyens qu’ils utilisent : en général, ils combinent les moyens en ligne et hors ligne. Plus précisément, nous avons par exemple observé qu’ils recherchent un produit sur le site web d’une entreprise et qu’ils parlent avec un vendeur dans un magasin physique. Cependant, lors de notre recherche nous avons vu une prédominance d’utilisation des moyens digitaux comme source d’information, avec 52% des recherches effectuées sur les réseaux digitaux et traditionnels et 28% des recherches uniquement en ligne. Ces résultats correspondent aux études récentes des auteurs Kotler et Armstrong (2019, p. 46) : « Une grande partie des échanges commerciaux mondiaux s’effectue aujourd’hui sur les réseaux digitaux qui relient les gens et les entreprises. Où qu’ils soient et quel que soit le moment, les individus sont connectés entre eux mais aussi aux marques et à des multiples sources d’information. »

Cela démontre ainsi que la frontière entre les sources d’information en ligne et hors ligne est en train de s’estomper, ce qui entraîne des conséquences dans le parcours d’achat.

Toujours en ce qui concerne « la recherche d’informations avant l’achat » nous rappelons qu’elle peut se faire à travers la lecture de commentaires, recommandations en ligne, de visualisation des échelles de notation, ainsi que sur les applications d’évaluation. Sur les questionnaires qui nous ont été renvoyées, nous avons pu constater que les répondants de notre échantillon ont évalué les avis des experts comme la source d’information la plus importante avant l’achat, leur attribuant une note moyenne de 3,1 sur 5. À cela s’ajoute le fait que parmi les autres moyens mentionnés ce sont les experts qui ont obtenu le plus grand nombre de réponses « extrêmement importante » (14%).

La deuxième source d’information pour les consommateurs sont les applications nutritionnelles à égalité avec les échelles de notation de satisfaction (note moyenne de 2,8 sur 5). Nous évaluons mieux l’importance de la consultation des applications dans le processus d’achat lorsque nous remarquons que 32% des répondants ont affirmé avoir déjà changé d’avis en magasin à la suite de recherches sur leur smartphone et l’outil le plus utilisé était les applications nutritionnelles. Ce résultat correspond à l’analyse de Yurkina (2019) : « Les outils qui évaluent la qualité des produits et épinglent les substances controversées ont gagné la confiance des consommateurs. Au point de mettre l’industrie sous pression là où la législation patine […] ce que l’étiquette cache, le smartphone le montre. » Cela démontre aussi

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que même si les opinions des experts du domaine prévalent sur les outils comme Nutriscan+ et Yuka, les outils en question sont quand même partie intégrante de la routine des consommateurs des produits alimentaires bio et les poussent à changer d’avis ou de produits après avoir analysé les résultats de ces évaluations.

La décision d’achat (H2)

La « décision d’achat » constitue la conséquence logique de l’étape précédente, c’est-à-dire le passage à l’acte d’achat. Lors de notre recherche nous avons analysé la présence de l’effet ROPO, un processus lors duquel le consommateur s’informe sur le produit tout d’abord en ligne, pour ensuite l’acheter dans un point de vente physique. La majorité de nos répondants ont confirmé avoir déjà fait cela (74%).

Cependant ce comportement ne peut être considéré comme très routinier puisque seulement 3% le font très souvent et 11% souvent. Néanmoins, si nous revenons sur les résultats présentés précédemment concernant le changement d’avis en magasin à la suite d’une recherche sur le smartphone où 32% des répondants ont affirmé avoir déjà agi ainsi, nous pouvons le considérer aussi comme un effet ROPO, mais avec parcimonie. En effet, dans le cas de l’utilisation des applications nutritionnelles, les clients peuvent acheter le produit s’il est bien noté ou le boycotter s’il est mal évalué.

Ces résultats démontrent la présence du phénomène ROPO dans le processus d’achat des produits alimentaires bio. Comme le mettent en évidence les auteurs Armstrong et Kotler (2019, p. 366), « les comportements d’achat ont drastiquement changé ces dernières années. Internet, les smartphones, les réseaux sociaux, les applications mobiles ont profondément modifié les pratiques d’achat. Le parcours d’achat implique le plus souvent une navigation entre différents canaux. »

Concernant l’acte d’achat nous observons aussi que nos enquêtés choisissent plusieurs endroits pour effecteur leurs achats de denrées alimentaires bio, avec une préférence pour les canaux traditionnels (72%), le multicanal (26%) et seulement 2%

pour les canaux en ligne. Cela démontre que la digitalisation des actes d’achat bio reste encore très marginale, cependant les achats multicanaux ne sont pas négligeables et démontrent bien la jonction entre les mondes numérique et physique.

Nous aimerons relever un point supplémentaire que nous avons remarqué lors de notre recherche. Tout d’abord, les deux principaux facteurs qui peuvent freiner les achats en ligne des aliments bio en Suisse romande sont le fait de ne pas pouvoir voir ou toucher les produits pour 39% des répondants, suivi du fait que l’achat en ligne peut nuire au commerce de proximité pour 20% des répondants. Il a été souligné par l’auteur Dominique Cardon (2019, p. 323), que dans un marché traditionnel, les consommateurs ont la relation face-à-face avec les vendeurs, ils peuvent échanger, le client peut toucher, tester et examiner les produits. Parfois, lorsque les achats sont réguliers, une relation de confiance peut s’établir et ce n’est pas le cas dans le commerce à distance et en ligne. « L’acheteur paye tout de suite un vendeur qu’il ne connaît pas, en espérant recevoir plus tard un bien qu’il n’a pas pu toucher ni expérimenter ». C’est toujours un défi pour l’e-commerce d’améliorer ces offres et de les personnaliser.

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Signalons encore que l’Association Suisse de Vente à Distance (ASVAD) a réalisé, conjointement avec l’institut GfK et en collaboration avec la Poste Suisse, une étude de marché dans le secteur de la vente en ligne et à distance en Suisse. Cette étude a révélé que le secteur du e-commerce ne cesse de croître : en 2019 « les consommateurs suisses ont acheté des biens et des marchandises en ligne pour 10.3 milliards de francs suisses, soit une augmentation de 8,4 % par rapport à 2018 » (ASVAD - Association Suisse de Vente à Distance, 2020). Sans compter que à cause de la pandémie du COVID-19 pendant la période de confinement (mars à avril 2020) où de nombreux magasins physiques ont été fermés, les sites d’e-commerce ont connu une augmentation historique de leurs ventes. Le porte-parole de La Poste affirmé avoir constaté « une forte augmentation du nombre de colis alimentaires » (Seydtaghia, 2020). Nous supposons donc que les achats des produits alimentaires bio en ligne vont aussi augmenter à l’avenir.

Le post-achat (H3)

Le « post-achat » est la dernière partie du processus d’achat analysé dans cette recherche. Nous avons évalué le degré d’utilisation du numérique pour exprimer la satisfaction ou l’insatisfaction après l’achat des produits alimentaires bio.

Nous avons observé que lors du post-achat, une minorité des répondants est active sur les réseaux sociaux pour partager leur expérience, 4% le fait de « très souvent » à « souvent » et 5% « de temps en temps ». Les propos de Cardon (2019, p. 325) sont également confortés par notre résultat : « Les évaluations sont très inégalement distribuées, en vertu de la loi de puissance qui nous est maintenant familière : 20%

des consommateurs fournissent plus de la moitié des avis » (Cardon, 2019, p. 325).

Ces répondants utilisent plus d’un réseau social pour donner leurs avis mais Facebook vient en tête avec 53%, suivi par une combinaison entre Facebook et d’autres réseaux sociaux. Un fait intéressant à ajouter c’est que 8% des répondants ont choisi l’option « autres »et ont mentionné « WhatsApp » même si cela ne correspond pas à pas à un réseau social mais un système de messagerie instantanée. Nous pourrons dire que c’est un peu du bouche-à-oreille mais numérique.

Ainsi, parmi ceux qui partagent leurs avis sur les réseaux sociaux, ils le font aussi via d’autres moyens en ligne comme les sites de magasins, Google et les blogs. Les principales motivations pour le faire sont très majoritairement positives et démontrent de la bienveillance de la part des consommateurs. La première raison exprimée par nos répondants concerne l’envie d’aider les autres consommateurs à prendre une meilleure décision d’achat (49%) suivi du fait d’en profiter pour remercier l’entreprise pour son service ou produit (28%). Ce qui est positif pour tout le monde, c’est-à-dire pour les entreprises grâce au contenu généré par les utilisateurs (UGC), pour les clients qui se sentent utiles d’avoir pu aider d’autres clients, ainsi que pour les consommateurs qui ont accès à des informations honnêtes et neutres et qui les aideront dans leurs décisions d’achat.

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