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De la « différence » islamique à la nouvelle modernité religieuse

CHAPITRE II : Le voile et son historicité : Interprétation du texte coranique,

IV. Le retour du religieux et la nouvelle question de l’Islam dans la sphère publique

2. De la « différence » islamique à la nouvelle modernité religieuse

Parlant du statut de la femme dans le discours islamiste, M. C. Ferjani précise : «Les préjugés relatifs à la nature essentiellement différente de la femme et de l’homme, au nom desquels on défend les discriminations à l’égard de la moitié de l’espèce humaine, ont partout trouvé dans les différentes religions, sans exception, des arguments de nature à en faire des normes sacrées et intangibles»196.

193 ALLAMI Noria, Voilées, dévoilées : être femme dans le monde arabe, Paris, L’Harmattan, 1988, p. 79.

194 GÖLE. Nilûfer, « L’islam à la rencontre des sciences sociales », in Les sciences sociales en mutation, (Dir.)

Wieviorka Michel ; Paris, Editions Sciences Humaines, 2007.

195 KERROU Mohamed, « Les débats autour de la visibilité de la femme et du voile dans l'espace public de la

Tunisie contemporaine (Milieu XIX e – début XXI e siècles) », Op cit., 2005, p. 37.

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Dans son article « L’islam à la rencontre des sciences sociales »197 N. Göle commence son propos par trois constats : Le premier concerne l’émergence de nouvelles figures d’intellectuels et d’experts traitant la question de l’islam dans l’espace public européen. Le rôle de l’intellectuel a changé de nature198. Le débat au sujet de l’islam engendre des discours

marqués par la recherche de ce qui est scandaleux et spectaculaire. Elle précise en disant que «l’émergence de l’islam dans la vie de la cité européenne s’inscrit dans une nouvelle configuration entre savoir, débat et scandale»199.

Le deuxième constat concerne la nouvelle place qu’occupe l’islam dans le champ académique. Les études élaborées sur le sujet ont été accompagnées par un processus d’institutionnalisation. L’auteure souligne le nombre d’institutions créées pour la recherche et les études portant sur l’islam en les comparant aux institutions consacrées à la question du genre. N. Göle démontre que les études islamiques ont le même potentiel et le même impact que les études du genre sur la mutation des sciences sociales. L’étude de l’islam ne préoccupe plus seulement les orientalistes ou les spécialistes des aires culturelles. La question de l’islam préoccupe aussi les politistes et les spécialistes des sciences sociales ; elle attire de plus en plus l’attention, en rapport avec les expressions culturelles, politiques et religieuses, etc., de la religion musulmane. «L’islam fait désormais partie du répertoire des sciences sociales et son étude traverse de nombreux sujets de recherche, comme l’immigration, le terrorisme ou le genre»200.

Le dernier constat se résume en une interrogation : Quelle est la corrélation entre l’émergence de l’islam dans le débat public occidental et l’épuisement des politiques inspirées par le multiculturalisme, d’une part, et, de l’autre, la perte d’intérêt pour une approche relativiste académique prenant en compte la critique postmoderne ? Le retour aux valeurs républicaines laïques ne manifeste-t-il pas la difficulté de la démocratie occidentale à penser, à conceptualiser et à encadrer la différence islamique201 ? L’argumentation de N. Göle s’appuie sur des exemples

197 GÖLE Nilüfer, « L’islam à la rencontre des sciences sociales », in Les sciences sociales en mutation, Paris,

Sciences humaines, Op cit., pp. 417-434.

198L’auteure précise que l’émergence de l’islam dans la Cité européenne sollicite de nouvelles figures, change le

rapport entre l’intellectuel et la société ; ce qui donne une nouvelle portée aux études islamiques en tant que savoir. Le débat se transpose dans l’espace public en prenant un caractère dramatique et spectaculaire. L’affaire de l’islam préoccupe de nouvelles figures musulmanes, dont en particulier les femmes musulmanes « émancipées », comme le précise l’auteure. Ces nouveaux acteurs réactivent le lien entre la communauté musulmane issue de l’immigration et le public européen. La question de l’islam ne concerne plus, exclusivement, les hommes ; elle se transmet et se propage pour attirer l’attention des femmes de différents statuts, leur permettant de se présenter comme intellectuelles, acteurs politiques, témoins ou victimes de l’oppression religieuse. (N. Göle, 2007)

199 Ibid., p. 418. 200 Ibid., p. 418. 201 Ibid.

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des politiques des pays occidentaux illustrant le retour d’un certain républicanisme et des formes de crispations identitaires comme le « néo-conservatisme » aux Etats-Unis, reflétant l’échec des sociétés occidentales à assumer les revendications religieuses comme une différence culturelle. La montée des intellectuels « néoconservateurs » américains et le retour au « républicanisme laïque » en France sont reliés dans son analyse en ces termes : «Si les pays européens font le constat que l’islam a gagné une visibilité dans la vie publique, que ce soit par le biais d’intellectuels islamiques, de porte-parole des musulmans immigrés ou d’instituts d’études islamiques, ils n’en éprouvent pas moins la difficulté à trouver un nouveau cadre mental et linguistique pour penser les problèmes liés à l’immigration qui se confondent de plus en plus avec ceux soulevés [ainsi dans le texte]par l’islam»202.

L’islam pose des problèmes au niveau de la conceptualisation. L’approche politique focalise l’étude sur les actions et les acteurs qui révèlent sa dimension politisée. «La notion d’islamisme a eu le mérite d’établir une distinction entre l’islam en tant que religion et ses formes de radicalisation politique»203. L’auteure montre les limites de l’approche politique en

signalant qu’un seul regard disciplinaire est incapable d’étudier et de comprendre l’islam contemporain, tout en reconnaissant les apports de cette approche pour la compréhension des différents registres comme les rapports de pouvoir et les modes de mobilisation sociale. Pour comprendre l’aspect culturel de l’islam, ainsi que son irruption dans la vie publique, elle pense que les approches sociologiques, et anthropologiques, comme celles d’autres sciences sociales, sont essentielles pour l’étude des aspects personnels et publics du phénomène. En effet, l’auteure attire l’attention sur la dimension « ample » de l’islam contemporain, pour dire qu’une seule discipline, ou une seule approche, n’est pas à même de comprendre et d’analyser la complexité de l’islam contemporain dans ses significations, ses usages et ses pratiques. Car «comprendre l’islam contemporain signifie analyser des praxis qui réinterprètent et réactivent la religion islamique pour façonner la vie subjective, publique, et politique des musulmans»204.

Le « retour du religieux », selon l'auteure, prend la forme d’une « revalorisation de l'âge d'or de l'islam ». Le présent du processus de l'islamisme, qui s'impose sur la scène publique internationale, revendique sa modernité en s'inspirant du passé et en renouvelant l'époque de l'islam « renaissant ». L'islam contemporain impose sa modernité en la confrontant aux valeurs occidentales et en s'appuyant sur le registre de la source de l'islam par ; «les narrations du

202 Ibid., p. 419.

203 Ibid. 204 Ibid., p. 420.

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Coran et l'imitation du Prophète» qui «servent d'exemples et guides pour régler la grammaire des "bonnes" conduites pieuses au quotidien et pour trouver le droit chemin dans la vie moderne»205.

Parlant de l’émergence récente de l'islam sur la scène de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord, N. Göle considère qu’il ne s’agit pas d’un retour du religieux, mais plutôt d’une alternative au projet culturel et politique de l'Occident proposant une autre logique de la modernité. L'avènement de l'islam sur la scène de l’Occident moderne n'est pas, selon elle, un simple mouvement religieux, mais l’expression d’une confrontation politique avec le modèle culturel occidental, une volonté de « distinction culturelle » par laquelle l’islam fait « son entrée sur la scène historique du présent»206.Elle remarque que les sciences sociales

appréhendent l’islam sous trois angles :la mondialisation, la sphère publique et la question du genre, pour conclure que la rencontre entre l'islam et les sciences sociales engendre une mutation tant au niveau de l’islam que de ces sciences, sous l’effet des influences réciproques entre les deux.

L’étude de l’islam s’impose dans le débat des sciences sociales par sa mondialisation207,

par sa visibilité dans la sphère publique 208 et par la question du genre209. N. Göle évoque deux exemples : le port du voile dans les écoles et la publication des caricatures du prophète Mohamed par un journal danois. Ces deux événements déclenchent un débat de société en Europe et mettent les valeurs culturelles de la démocratie occidentale en question. «L'islam contemporain fait "scandale" car il touche au socle de la modernité, tel que les sociétés libérales et occidentales le définissent aujourd'hui»210. Par le biais de l'affichage des signes

religieux, le port du voile dans les écoles publiques en France, l'islam revendique la différence culturelle et le partage du même espace public. « Les valeurs qui régissent l'ordre public (le sécularisme, la tolérance religieuse) et celles qui relèvent de la sphère privée ou personnelle (statut de la femme, foi religieuse) se sont confrontées les unes aux autres, puis renégociées,

205 Ibid., p. 420.

206 Ibid.

207 Selon GÖLE : il n'est plus enclavé dans l'Etat-Nation, Iran, ni dans une région du monde, Moyen Orient), il n'est

plus limité géographiquement ni politiquement "il se propage à l'échelle mondiale"

208Selon N. GÖLE ; l’islam évoque un débat de société en Europe par la visibilité religieuse dans la vie publique. 209L’islam met en avant la question du genre pour exprimer une nouvelle subjectivité islamique et cherche ainsi à

combattre les valeurs occidentales de la modernité.

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entraînant ainsi un déplacement des frontières entre le public et le privé, entre l'islam et l'Europe»211.

Dans la perspective interculturelle, l’histoire de l’immigration et la proximité de l’altérité, « la question de l'islam n'est plus une affaire réservée aux sociétés musulmanes, mais une question qui s'adresse aussi aux sociétés européennes, à la définition qu'elles donnent aux valeurs de la modernité »212. L’auteur a défini la mondialisation en tant que raccourci du temps

et de l'espace entre le soi et les autres, les « modernes » et les « indigènes », les colonisateurs et les colonisés. Ces raccourcis rapprochent les cultures, les pays et les personnes, mais « sans toutefois créer une meilleure entente, un nouveau consensus pour vivre ensemble»213.La

mondialisation est analysée comme source «de nouvelles frictions et heurts, engendrés par cette proximité transversale inédite entre les différentes cultures, religions et nations» ; elle précise que « cette proposition est aussi valable pour l'islam»214.

L’impact de l’islam contemporain sur les études des sciences sociales est considérable. En commençant par l’histoire des études islamiques, qui se limitaient à l’élaboration du mode de mobilisation populaire autour de l’idéologie islamique, N. Göle considère que l’islam a pris une dimension plus large dans les études sociales. L’islam contemporain est étudié et analysé en tant qu’« islam mondialisé ». L’avènement et la propagation du jihadisme d’Al-Qaïda illustrent cet islam mondialisé sur la scène internationale. Les attentats du 11 septembre représentent un tournant qui traduit la « logique transnationale » de l’islamisme. « Si l’empreinte du mondial se retrouve dans la logique de l’action terroriste ou dans les trajectoires des terroristes, elle s’illustre encore plus par l’irruption de l’islam dans la politique et sur le territoire américains»215.

L’islamisme contemporain concerne les différentes nations ainsi que les différentes obédiences de l’islam, en tant que référence, un idéal de la communauté des croyants. Sa mondialisation se manifeste par une «sorte de promesse d’une appartenance à l’échelle mondiale ou transnationale»216. Cet islam contemporain ignore la différence, voire la discorde,

211 Ibid., p. 421. 212 Ibid. 213 Ibid. 214 Ibid. 215 Ibid. 216 Ibid.

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entre les obédiences (chiite, sunnite) et les intérêts nationaux, et participe à la « production d’un imaginaire commun ». Cette invention, ou réinvention, d’un imaginaire commun prend sa forme à travers la visibilité, la propagation et le partage des micro-pratiques, des actes performatifs. « La mondialisation accélère l’élaboration d’un lien « imaginaire », ou sa promesse, unissant la communauté des musulmans, la création d’un sentiment d’appartenance virtuelle entre eux mêmes s’ils ne se trouvent pas dans un même espace communautaire, confessionnel ou national»217. La reconstruction de cet imaginaire collectif se

traduit par un lien « inventé » qui se conjugue par « la sororité » entre les femmes voilées ou la « fraternité » entre les martyrs218.

Toutefois, la construction de l’imaginaire collectif ne se concentre pas sur une idéologie rigide, échappant à la représentation politique et médiatique des intellectuels ; «il s’incarne dans les performances personnelles et religieuses, qu’elles soient de l’ordre du sacrifice de soi ou de la représentation pieuse de soi»219.

L’islam devient public dans un espace public occidental. N. Göle considère que l’émergence et la visibilité de l’islam sur la scène publique européenne est à l’origine d’un débat sociétal, et déclenche une controverse au sujet de la sécularisation de l’espace public et la liberté de croyance. Cette visibilité publique «devient décisive pour comprendre les modes d’interactions avec l’ensemble des citoyens européens. L’islam participe ainsi à la formation d’un public transnational et européen sans se créer pour autant des références communes et démocratiques d’un vivre ensemble»220.L’irruption de l’islam sur la scène

publique européenne n’est pas intégrée dans une vision démocratique qui respecte la citoyenneté et la tolérance de la différenciation. Le partage du même espace public, ou bien la naissance de ce public transnational, approfondit les clivages : « il met à proximité des publics nationaux, des codes culturels et des référents religieux tout en amplifiant leurs différences par une mise en scène de celles-ci à travers des clichés ou des images caricaturales»221.Dans le contexte de la mondialisation, la sphère publique se caractérise par la circulation plus que par la médiation222.Ainsi l’interaction entre Occident et islam, se détermine en terme

217 Ibid. 218 Ibid. 219 Ibid. 220 Ibid. 221 Ibid., pp. 422-423.

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d’interpénétrations et d’interconnexions, (pour reprendre les termes de l’auteure), par «les heurts, les malentendus, les affrontements qui se jouent à l’échelle transnationale»223.

N. Göle propose l’ouverture de nouvelles perspectives dans les études sociales de l’islam, mentionne les aspects sociaux et personnels ainsi que culturels qui régissent les relations entre l’individu et la société. L'auteure montre la faillite de la « modernité » en rapport avec la question de la sécularisation et l'importance accordée au temps présent marqué par le « retour du religieux » et sa résistance face à la modernité : « Les deux piliers sur lesquels le récit de la modernité s'est construit, à savoir la sécularisation et le privilège donné au temps présent, se trouvent donc affaiblis par le retour concomitant du religieux et du passé»224.

Dans les pays occidentaux, le projet de la modernisation, surtout en ce qui concerne la laïcité, se trouve en difficulté face au retour à la religion. Simultanément, dans les pays musulmans qui ont connu une période de modernisation marquée par la sécularisation, l'avènement du religieux se manifeste par le retour au passé et à un certain « âge d’or » de l'islam. Ce retour est « à la fois "re-juvénilisé " par l'adhésion d'une population jeune, urbaine et éduquée, et féminisé par la présence de jeunes filles et jeunes femmes qui se revoilent depuis les années 1980»225.

Le religieux dans la culture islamique, par fondation ou par invention, est sexué. Ainsi, « la question de la femme est au cœur de ces conflits entre l’Europe et l’islam»226.L’islam

« modernisé » propose une autre version de la modernité à travers le statut de la femme et la différence entre les sexes. En Occident, la modernité se définit par l’égalité des sexes et un certain usage du corps. L’accent est mis sur les principes fondamentaux de l’émancipation de la femme (droit à l’avortement et à la contraception qui ont cristallisé la libération de la femme de la chaîne de la différence biologique). Le féminisme n’a pas changé seulement les rapports entre les sexes mais aussi le rapport de la femme à son corps. La femme s’est libérée à travers la valeur accordée à son corps ; «ce processus est aussi synonyme de l’entrée du corps de la femme dans la spirale d’une sécularisation accélérée où la culture du ‘‘souci de soi’’, du ‘‘se

222 GÖLE Nilüfer définit la sphère publique dans le contexte de mondialisation comme suit : «(…) à l’âge de la

mondialisation, la sphère publique privilégie la circulation plutôt que la médiation (politique, intellectuelle ou artistique), l’image plutôt que le texte, l’affectif et le performatif plutôt que le rationnel et le discursif. Les symboles, les images, les caricatures voyagent ainsi plus vite que les mots, interpellent l’imaginaire et l’inconscient individuels et collectifs, se propagent en intensifiant leurs sens et leurs réception », Ibid., p. 423

223 Ibid., p. 423. 224 Ibid., p. 420. 225 Ibid.

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faire plaisir’’ du ‘‘s’occuper de son corps’’ montre que le corps est devenu le lieu du culte non seulement de la liberté mais aussi du néo-libéralisme»227.

La liberté de la femme s’est imposée au cœur de la modernité en Occident et partout où la modernisation a fait des progrès importants. Le courant du féminisme a déplacé le curseur de la nature à la culture. La disposition d’administrer le biologique et de manipuler le corps par « la contraception et l’avortement hier, le « genetic engineering » aujourd’hui, font passer la reproduction de l’univers de la contrainte naturelle à celui du choix personnel et déplacent donc le curseur de la nature à la culture»228. La femme occidentale se libère du consensus du

sacré et du religieux, s’accroche et croit beaucoup plus à l’innovation scientifique. Or, dans les sociétés musulmanes, la référence au religieux persiste dans les pratiques individuelles ainsi que collectives, prend parfois la forme d’attitudes hostiles vis-à-vis de l’innovation scientifique. Le corps de la femme continue à jouer le rôle d’élément d’ancrage dans l’identité culturelle de l’islam.

Le débat sur le voile s’inscrit, également, dans le temps de la modernisation du monde arabe. Depuis l’âge de la renaissance des pays musulmans, il s’impose, persiste, et résiste comme un objet de conflit. La question de la femme suscite un débat permanent et inépuisable. Son statut social et sa place au sein de la société sont l’objet d’interrogations qui se renouvellent à travers des configurations multiples. Des clivages au sujet du rôle social de la femme, comme partenaire active dans la vie en société, et de son statut de gardienne de la spécificité culturelle et des traditions séculaires, structurent le débat depuis des siècles. La controverse au sujet de la femme porte aussi sur la gestion de son corps et sa visibilité. La question des réformes concernant l’éducation et le travail n’est pas sans rapport avec celle du corps et son voilement. Après une période où le dévoilement a progressé, nous assistons, depuis les deux dernières décennies du XXème siècle, au revoilement de la femme.

Dans ce contexte, H. Kassab-Hassa s’est intéressée au phénomène du port du voile en Syrie, un pays arabe et majoritairement musulman, qui a connu une certaine « évolution » sur le plan du statut de la femme dans l’espace public. Elle s’interroge sur les raisons qui amènent des jeunes filles au début du troisième millénaire à remettre le foulard que « leurs mères et grands- mères avaient rejeté : « Qu'est-ce qui les pousse à adopter cette tenue qui connote pour

227 Ibid., p. 425.

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l'ancienne génération l'obscurantisme religieux, le conformisme et l'anti- modernisme ? »229.

L’auteure remarque que la catégorie d’âge la plus visée par le port du voile oscille entre 15 et 35 ans, et constate que le recours à la religion est une dimension du changement. Elle attribue l’engagement religieux des jeunes filles à des raisons très complexes : le vide idéologique dans la région, la fragilité psychologique des jeunes et le sentiment de culpabilité. L’engagement religieux peut être la conséquence du conflit des générations pour la catégorie des femmes d’un niveau intellectuel élevé. Les mères de cette catégorie sont considérées comme trop