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Conclusion du chapitre 2 :

2.1. Les « facteurs » des pratiques managériales et organisationnelles des centres d’appels organisationnelles des centres d’appels

2.1.1. Des différences de pratiques à travers les pays…

Les chercheurs du Global Call Center Network considèrent que trois facteurs influencent le management et l’organisation du travail dans les centres d’appels : le contexte national et institutionnel, le type de centre d’appels et sa segmentation stratégique.

Le contexte national et institutionnel : 3 types d’économies sont discernées : les pays régulés, les pays libéraux et les pays récemment industrialisés :

Les économies coordonnées ou régulées comptent les Etats comme l’Autriche, le Danemark, la France, l’Allemagne, Israël, les Pays Bas, l’Espagne ou encore la Suisse. Ils se caractérisent par un marché de travail relativement rigoureux et la présence d’institutions très influentes.

97 Dont (entre autres) l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, la Danemark, l’Espagne, la France, l’Inde, l’Irlande, Israël, le Japon, les Pays bas, la Pologne, les Philippines, le Royaume Uni, la Suisse, les USA, etc.

 Dans les économies libérales, les auteurs identifient le Canada, l’Irlande, le Royaume Unis et les Etats Unis notamment. Ils considèrent que cette zone se distingue par des régulations de marché plus souples et par une moindre influence des institutions du marché de travail.

Les économies transnationales ou récemment industrialisées comprennent le Brésil, L’Inde, la Pologne, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, etc. Dans cette dernière zone, les régulations du marché de travail et les syndicats sont moindres. Il est possible que la Tunisie, notre contexte d’investigation, fasse partie de cette zone. Même si les chercheurs du Global Call Center Network ne s’en sont pas intéressés, les caractéristiques qu’ils attribuent aux pays récemment industrialisés nous paraissent correspondre à ceux de cette nation. Effectivement, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, sous la pression des programmes de mise à niveau et d’ajustement structurel, la Tunisie a dû (comme ses deux voisins du Maghreb central) définir un cadre institutionnel (social et fiscal) très flexible afin de faciliter son intégration dans la mondialisation. Cela l’a rendu plus attractive pour les investisseurs nationaux et étrangers. Mais parallèlement, cela a rendu ses travailleurs plus vulnérables.

Le type de centre d’appels : les auteurs de l’étude distinguent les centres d’appels internes d’une part et les centres d’appels externes ou sous-traitants d’autre part.

La segmentation stratégique du centre : Selon les chercheurs de l’étude, il y a des centres qui travaillent prioritairement pour des clients professionnels (centres B to B) et d’autres qui travaillent pour le marché de masse (centres d’appels de masse).

En prenant en compte ces trois facteurs, les 40 chercheurs de l’étude constatent que : 2.1.1.1. Recrutement

La moitié des centres étudiés utilise des tests psychologiques. Les centres d’appels situés dans les pays libéraux d’une part et les pays nouvellement industrialisés d’autre part, sont ceux qui y ont le plus recours. Le Brésil, l’Inde, le Royaume-Unis, l’Afrique du Sud et

« exceptionnellement » la France et Israël sont les plus concernés.

Les auteurs remarquent par ailleurs que le taux de sélection est relativement bas (médiane = 20%), soit un candidat sur 5. L’Inde est le pays le plus sélectif (7%). L’Espagne a un taux de sélection de 30%, tandis que les Pays bas, le Brésil et la Corée affichent un taux de 40%.

Les auteurs notent aussi que les centres d’appels travaillant pour les professionnels (B to B) sont plus sélectifs que ceux ciblant le marché de masse.

Enfin, les chercheurs constatent que les centres d’appels recrutent généralement des salariés diplômés à part ceux qui sont situés en Allemagne, au Brésil et en Afrique du Sud.

Les centres B to B recrutent davantage de diplômés que les centres d’appels de masse.

2.1.1.2. Formation

La durée médiane de la formation pour les nouveaux arrivants est 15 jours. Ce nombre varie de 14 dans les pays régulés à 17 dans les pays libéraux.

Les centres d’appels sous-traitants forment moins longtemps leurs travailleurs que les centres internes (14 jours contre 20).

Le temps nécessaire pour qu’une jeune recrue soit productive varie d’une économie à l’autre : 8 semaines pour les pays régulés, 16 pour les pays libéraux et 12 pour les pays nouvellement industrialisés.

2.1.1.3. Gestion de l’emploi

71% des employés sont à temps plein (ce taux varie jusqu’à 88% en Afrique du Sud et 97% en Inde). 17% des travailleurs sont à temps partiel et 12% sont en CDD.

Les pays régulés sont les plus nombreux à recourir aux emplois précaires. Les CDD et les temps partiels y représentent 33% des effectifs. Les chercheurs expliquent cela par le fait que dans ces pays, il est difficile pour un employeur de se séparer de salariés en CDI, car le cadre législatif y est très protecteur à leur égard.

Aussi, les chercheurs estiment que les centres d’appels B to B utilisent moins les contrats précaires que les autres.

Ils pensent par ailleurs que contrairement aux centres d’appels internes, les centres externes ont davantage recours aux emplois à temps partiels (20% contre 15%) et aux CDD (15%

contre 10%). Selon les auteurs, cela est dû à l’incertitude concernant la durée des missions confiées par leurs donneurs d’ordres.

2.1.1.4. Organisation du travail

A l’intérieur de ce point, les auteurs du Global Call Center Network se sont intéressés aux indicateurs comme l’autonomie dans le travail, le contrôle de la performance et le travail en équipe.

Concernant l’autonomie, les auteurs notent que d’une manière générale, dans les centres d’appels, la latitude décisionnelle dans le travail est faible98. Cela peut toutefois varier d’une économie à l’autre. Ainsi, dans les pays libéraux, la proportion d’emplois impliquant une latitude décisionnelle faible est 49%, contre 29% pour les pays coordonnés et 34% pour les pays récemment industrialisés. L’Inde est le pays où il y a le plus d’emplois à faible latitude décisionnelle (75% des emplois).

Par ailleurs, les centres d’appels externes ou sous-traitants offrent davantage d’emplois à faible latitude décisionnelle que les centres d’appels internes (48% contre 35%).

Aussi, les chercheurs remarquent que les centres d’appels s’adressant aux professionnels sont ceux qui proposent le plus d’emplois à forte latitude décisionnelle (28% contre 18%

pour les centres ciblant le marché de masse).

Les chercheurs se sont ensuite intéressés à la fréquence du contrôle de la performance99 dans les entreprises. Ils en sont arrivés à la conclusion que dans les pays régulés, ce contrôle se fait tous les mois. Dans les pays libéraux, il se déroule toutes les semaines alors que dans les jeunes économies industrialisées, il se fait au moins une fois par semaine.

Dans tous les cas, l’étude fait ressortir le fait que ce contrôle est moins fréquent dans les centres d’appels B to B que dans les centres s’adressant au marché de masse.

Aussi, il est plus prononcé dans les centres d’appels externes que dans les centres internes.

Selon les chercheurs, une latitude décisionnelle faible et un contrôle fréquent et renforcé de la performance entraînent l’anxiété, la dépression, l’épuisement et l’insatisfaction au travail.

Enfin, concernant le travail en équipe, les auteurs remarquent qu’à l’exception de la Suède, les centres d’appels n’utilisent pas les équipes autonomes. Toutefois, la résolution de problèmes en équipe est privilégiée même si très peu d’employés y ont recours.

98 Selon les auteurs du Global Call Center Network, un travail à faible latitude décisionnelle est celui dont le niveau d’autonomie est inférieur à 2,6 sur une échelle de 5 points

99 Les indicateurs de performance retenus par le Global Call Center Network sont : le feedback sur la performance et la qualité de l’appel ainsi que l’écoute téléphonique

Les centres B to B y accordent une plus grande importance que les centres d’appels de masse.

2.1.1.5. Rémunération

Les personnes travaillant dans les centres d’appels externes ou sous-traitants sont moins bien rémunérées (18% de moins) que celles employées par les centres d’appels internes.

Les centres d’appels travaillant pour des professionnels paient mieux (10% de plus) que ceux travaillant pour le marché de masse.

La rémunération est composée d’une partie fixe et d’une partie variable. La partie variable diffère d’un pays à l’autre : de 4,4% en Espagne à 41% aux Pays Bas.

2.1.1.6. Représentation collective

Par représentation collective, les auteurs du Global Call Center Network entendent

« négociations collectives » ou encore « comités d’entreprises ».

Selon eux, 50% des centres d’appels ont au moins l’une de ces formes de représentation.

Ce chiffre est particulièrement prononcé dans les pays régulés (71%) plus que dans les pays récemment industrialisés (36%) et les pays libéraux (22%). En raison de leur niveau élevé de couverture en termes de négociation collective, les pays régulés proposent des salaires plus ou moins comparables entre les centres d’appels. Cela est loin d’être le cas dans les pays libéraux et les jeunes pays industrialisés.

Les chercheurs constatent par ailleurs que les centres d’appels internes sont plus concernés par la représentation collective que les centres externes (41% contre 29%).

Ils remarquent enfin que les centres ciblant les professionnels ont moins de représentation collective (37%) que les centres ciblant le marché de masse (44%).

En somme, l’organisation du travail et le management dans les centres d’appels dépendent du contexte national dans lesquels ces derniers se situent (pays régulés, libéraux ou industrialisés), du type de centre d’appels (interne VS externe) et de sa segmentation stratégique (clients professionnels VS clients du marché de masse).

Les entreprises se trouvant dans la zone régulée sont confrontées à une rigueur institutionnelle plus forte comparativement à celles situées dans les zones libérale et nouvellement industrialisée.

Les centres d’appels B to B, qui accordent la primeur à la relation client et à la qualité de service, recrutent plus que les autres, des salariés qualifiés. Ils proposent une approche RH basée sur un engagement plus élevé afin de fidéliser leurs employés. Aussi, contrairement aux centres d’appels ciblant le marché de masse, les centres B to B offrent des emplois de qualité, impliquant une latitude décisionnelle plus importante et une rémunération plus avantageuse. Ils emploient des travailleurs permanents et ont moins de représentation collective. Enfin, le contrôle de la performance y est moins présent (une fois par mois environ).

Au niveau des dissemblances entre centres internes et centres externes, il semblerait que les centres d’appels externes soient davantage synonymes de précarité : en effet, ils emploient plus que les autres, des personnes à temps partiel et en CDD, offrent plus d’emplois impliquant une latitude décisionnelle faible et des salaires moins avantageux (18% plus bas).

Enfin, le contrôle de la performance y est plus fréquent que dans les centres d’appels internes.

Selon les auteurs du Global Call Center Network, ces différences de pratiques, dues aux différences de contextes et d’orientations stratégiques entraînent des résultats tout aussi différents.