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Conclusion du chapitre 2 :

1.1. Qu’est-ce qu’un centre d’appels ?

1.1.1. Une définition perméable

Un centre d’appels, aussi appelé « centre de gestion clients », « centre de relation clients » (Hatem et al, 2004) ou « centre de contacts » (Bonnet et Morizet, 2005) est « un ensemble de moyens humains, organisationnels et techniques mis en place pour apporter une réponse adaptée à la demande et aux besoins de chaque client, à travers une relation à distance » (Hatem et al, 2004, p 10).

Les auteurs mettent en avant dans cette définition, l’existence d’une relation à distance entre le travailleur et le client pour lequel le premier souhaite apporter une réponse adéquate. D’autres, à l’instar de Lanciano-Morandat, Nohara et Tchobanian (2009) soulignent l’usage par les employés, de moyens technologiques dans la réalisation de leurs missions. Ils envisagent en effet le centre d’appels comme « un lieu où sont assemblés des travailleurs qui rendent un service direct et à distance à l’aide de moyens de télécommunications (téléphone, fax, web etc.) couplés de plus en plus avec l’informatique. » (p 4).

D’autres insistent sur le contenu des missions des travailleurs en avançant que ces derniers gèrent « une matière première immatérielle, l’information commerciale et la relation avec la clientèle » (Bonnet et Morizet, 2005).

Au final, il n’existe pas de définition universelle du centre d’appels. La lecture des travaux relatifs à cette forme particulière d’organisation nous amène à l’envisager comme une PME83 (petite et moyenne entreprise), ayant une structure plate84 et produisant à distance,

83 Holman, Batt et Holtgrewe (2007) constatent qu’un centre d’appels « médian » a 49 employés. Toutefois, ils notent que 75% des salariés de leur étude travaillent dans des centres employant au moins 230 personnes.

une série d’activités pour des clients/utilisateurs, particuliers et/ou professionnels, situés au niveau local, national ou international. La production de ces activités nécessite, compte tenu de la distance entre les travailleurs et leurs interlocuteurs, l’utilisation de technologies spécifiques. D’après Holman, Batt et Holtgrewe (2007), les technologies les plus employées sont : le mail, le fax, l’electronic CRM85, le web et le workflow management86. Toutefois, d’après ces auteurs, la majorité des centres travaillent en tant que « voice only center » plutôt que d’être des centres multicanaux.

Dans le langage courant, les centres d’appels sont souvent appelés des « centres de contacts ». Selon Bonnet et Morizet (2005), la première dénomination souffre d’une mauvaise image en raison du harcèlement à domicile de certains télévendeurs. L’appellation

« centre de contacts » permet aux entreprises de s’écarter de cette vision préjudiciable et d’apparaitre comme des organisations respectueuses de leurs clients et prospects.

Toutefois, dans la présente thèse, nous emploierons l’expression la plus couramment utilisée à savoir « centre d’appels ».

La littérature admet qu’il existe deux types de centres d’appels : les centres d’appels internes ou « inhouse call centers » et les centres d’appels externes ou « third parties call centers » (Pichault et Zune, 2000 ; Holman, Batt et Holtgrewe, 2007 ; Lanciano-Morandat, Nohara et Tchobanian, 2005, 2009).

Tandis que les premiers sont intégrés à l’entreprise principale ou donneuse d’ordres, les seconds sont indépendants et travaillent généralement pour des donneurs d’ordres multiples. Holman, Batt et Holtgrewe (2007) pensent que les centres d’appels externes sont minoritaires (33%) mais ils emploient la majorité (56%) des employés du secteur. Ils sont

84 12% des employés des centres d’appels sont managers, ce qui laisse supposer de moindres possibilités d’évolution (Holman, Batt et Holtgrewe, 2007).

85 Electronic Consumer Relationship Management ou e-CRM, désigne l’ensemble des activités de gestion de la relation client réalisées par voie électronique. Il comprend l’e-marketing, les systèmes de personnalisation et de fidélisation en ligne ainsi que les outils de support client sur Internet. L’e-CRM permet aux travailleurs d’échanger plus facilement avec leurs clients et de mieux cerner leurs attentes individuelles

86 C’est un système qui permet de définir et de gérer informatiquement une série de tâches à accomplir par des individus dans le but d’obtenir un résultat.

susceptibles de se focaliser sur la vente et l’émission d’appels plus que les centres internes, lesquels proposent essentiellement des services en réception d’appels. Selon l’Observatoire des Hommes et des Organisations (2000), les activités les plus sensibles (facturation, hotline, renseignements complexes) sont généralement gérées en interne alors que celles impliquant une faible valeur ajoutée (vente sur catalogue, renseignements de base, prospection) sont confiées à des sous-traitants.

Mais pour Pichault et Zune (2000), cette séparation entre intégration et externalisation n’est pas facile à opérer dans la réalité car « les possibilités de croisements sont multiples ». Par ailleurs, selon les deux auteurs, « la logique d’externalisation d’activités traditionnellement prises en charge par les entreprises s’accompagne bien souvent de la coexistence au sein d’un même lieu de travail de personnels aux statuts divers dont les appartenances juridiques sont parfois difficilement repérables. » (Ibid., p 8).

Dans une étude consacrée aux implications sociales en lien avec le développement des centres d’appels, Pichault et Zune (2000) distinguent quatre types de centres en fonction de leur situation physique et de leur rattachement institutionnel, comme en témoigne le schéma ci-après :

Tableau 6 : les Types de centres d'appels d'après Pichault et Zune (2000)

Appartenance du personnel dédié à l’action

Propre ou assimilé Externe

Localisation physique de l’action

Intégrée dans l’entreprise

Call center entièrement intégré (a)

Body-shopping (b)

Externalisée

« Faux » centres d’appels (c)

Centre d’appel entièrement externalisé (d)

 Dans le cas du call center entièrement intégré (a), les salariés prestataires sont intégrés au sein de l’entreprise principale (donneuse d’ordres), soit l’entité productrice de produits et/ou de services. Ils sont considérés comme les employés (ou assimilés) du donneur d’ordres.

 Dans le cas des Body-shoppings (b), il s’agit selon Pichault et Zune (2000), d’une

« forme détournée de recours au travail intérimaire ». L’entreprise prestataire confie ses salariés à son donneur d’ordres mais reste leur employeur juridique.

 Les faux centres d’appels externes (c) dédient exclusivement leurs activités à un donneur d’ordres unique. Toutefois, les deux parties restent juridiquement indépendantes l’une de l’autre, même si les salariés prestataires sont assimilés à ceux du donneur d’ordres.

 Enfin, les centres d’appels entièrement externalisés (d) travaillent pour des donneurs d’ordres multiples et sont les employeurs juridiques des individus prestataires. Nous consacrerons plus loin, une section entière (section 3) à cette catégorie car elle constitue le cœur de notre recherche doctorale.

Selon Pichault et Zune (2000), ces différentes configurations compliquent le dialogue social car elles entraînent des différences en raison de la diversité des statuts et de la localisation géographique des travailleurs. Elles témoignent aussi de l’ampleur de l’industrie des centres d’appels et de la place qu’occupe cette dernière dans l’économie actuelle. Il importe à présent d’examiner le contexte dans lequel cette industrie est apparue.