• Aucun résultat trouvé

II. L A MONNAIE SCRIPTURALE

3.2. La monnaie scripturale adossée sur un support

4.1.2. Dans les rapports contribuable/gouvernement

Dans les rapports contribuable/gouvernement, où la possession d’un compte bancaire se révèle être une exigence à tous les paliers gouvernementaux (fédéral et provincial). Bon nombre de situations nous permettent d’alléguer qu’une telle obligation de fait existe bel et bien au Canada.

Au niveau fédéral, on peut citer l’exemple du gouvernement qui impose «indirectement» l’obligation de

disposer d’un compte bancaire aux citoyens canadiens qui désirent bénéficier par exemple du programme de prêts et bourse du gouvernement ou percevoir un remboursement d’impôt, etc. Nous parlons «d’obligation indirecte », car, même si aucune loi canadienne ne l’impose, il est établi que tout Canadien qui souhaiterait percevoir les prêts et bourses ou des retours d’un impôt se voit contraint de posséder un compte bancaire dans une banque canadienne, l’unique intermédiaire par le biais duquel le gouvernement paie désormais ce qu’il doit. Quoiqu’il faille bien admettre qu’en termes de gestion de trésorerie, il va de soi que, cela est beaucoup plus simple et aisé que les paiements en espèce.

Au niveau provincial, prenons le cas du Québec, où certaines décisions gouvernementales laissent

présager que la possession du compte est une obligation de fait. Par exemple, depuis le 1er juillet 2011, Revenu Québec exige à tout contribuable de s’inscrire au dépôt direct148 pour recevoir le crédit d'impôt

pour solidarité, qui remplace le crédit pour TVQ, le crédit d'impôt foncier et le crédit pour particulier habitant un village nordique. Partant, tout contribuable québécois qui tient à percevoir son crédit d’impôt se trouve du coup dans l’obligation de posséder un compte bancaire. Est-ce à dire que les gouvernements – fédéral et provincial (Québec) – tiennent pour acquis que tous les contribuables canadiens disposent d’au moins un compte bancaire, parce qu’à cause du fort taux de bancarisation, il ne peut en être autrement pour quiconque vit au Canada ? Autrement dit, est-ce une façon pour le

64

gouvernement de contraindre l’ensemble des contribuables à posséder au moins un compte ? La réponse parait affirmative, car, le gouvernement autant qu’il ne reçoit que par chèque ou virement bancaire (ce que lui doit le contribuable), autant il ne paie que par chèque ou par dépôt direct (ce qu’il doit au contribuable). Dans tous les cas jamais en argent comptant.

Quid alors du contribuable qui n’a pas de compte? Pour parer à cette situation des contribuables qui n’ont pas de compte bancaire, mais à qui le gouvernement délivre des chèques (ex. chèques d’assurance-emploi, de la sécurité de la vieillesse, du crédit pour la TPS/TVH ou de la prestation fiscale pour enfants), le législateur fédéral va imposer aux banques de payer immédiatement et sans frais, les

chèques du gouvernement à toute personne qui en est bénéficiaire, mais qui n’est pas titulaire d’un

compte bancaire au Canada. Autrement dit, la loi canadienne donne le droit à tout bénéficiaire de chèques du gouvernement de l’encaisser sans frais, dans n’importe quelle banque, même si ce dernier n’est pas un client de la banque. C’est ce qui ressort des articles 458.1 (1) de la Loi sur les banques (L.B.)149et 6 à 10 du Règlement sur l’accès aux services bancaires de base (RASBB)150.

L’article 458.1 (1) de la Loi sur les banques dispose que

[…] la banque […] est tenue, dans toute succursale au Canada […] d’encaisser un chèque […] pour le compte d’un particulier qui est considéré comme n’étant pas un client […] si, a) il s’agit d’un chèque […] tiré sur le receveur général […]; b) le particulier se présente à la succursale et remplit les conditions réglementaires; c) le montant du chèque est inférieur ou égal au montant maximal prévu par règlement.

Cet article 458.1 (1) est expliqué et complété par les dispositions du RASBB qui précisent que : − «Est considéré comme n’étant pas un client de la banque […] le particulier qui n’a de compte de

dépôt personnel dans aucune succursale de cette banque et qui n’est titulaire d’aucune carte de crédit émise par elle» (art. 9 RASBB).

− «Chèque […] tiré sur le receveur général […]» équivaut à un chèque émis par le gouvernement. − « Remplir les conditions réglementaires». Ces conditions sont fixées par l’article 8 du RASBB

selon lequel, pour encaisser un chèque du gouvernement dans une banque dans laquelle il n’est pas client, le bénéficiaire doit produire deux pièces d’identité choisies parmi celles listées à l’article 4 (1) du RASBB.

Le montant maximal est fixé à 1500 $ par l’article 7 du RASBB.

149 Loi sur les banques, L.C. 1991, c.46.

Toutefois la loi permet à la banque de refuser, en toute légalité, d’encaisser des chèques du gouvernement à une personne qui n’a pas de compte bancaire et qui n’est pas son client dans les cas suivants :

1) Le montant du chèque est supérieur à 1 500 $ (art. 7 RASBB).

2) Le bénéficiaire du chèque ne remplit pas les conditions de l’art. 8 du RASBB.

3) Le refus de la banque est motivé par l’une des raisons édictées à l’art. 6 du RASBB, à savoir :  le chèque a été altéré ou est contrefait,

 le chèque n’est pas un effet admissible au sens de la règle G8 de l’ACP,

 la banque a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu fraude ou qu’une illégalité a été commise relativement au chèque.

Dès qu’une condition de l’article 6 du RASBB est remplie, la banque a le droit de refuser l’encaissement du chèque du gouvernement. Mais en pareil cas, elle doit, conformément à l’article 10 du RASBB, notifier par écrit au bénéficiaire un avis indiquant qu’elle refuse d’encaisser le chèque et une déclaration mentionnant qu’il peut communiquer avec l’ACFC s’il désire porter plainte et la façon dont il peut communiquer avec celle-ci. En édictant de pareilles règles, l’objectif du gouvernement, en tant que débiteur périodique à l’égard de certains citoyens (personnes vivant de l’aide sociale par exemple) est 1) de permettre à ces dernières de disposer sans délai du montant de leur chèque, et ce, sans avoir l’obligation d’être titulaire d’un compte bancaire, et 2) d’éviter que les banques pratiquent des gels de fonds sur les chèques du gouvernement151. Ce qui empêcherait les bénéficiaires de faire face à leurs

obligations financières dans les délais (ex. paiement de loyer ou de factures). Quoi qu'il en soit, cette

151 Le seul hic est que, conformément à la pratique bancaire de retenues des fonds, les banques canadiennes ont tendance à appliquer aux chèques du gouvernement un délai de gel après l’expiration d’un délai de 6 mois. La loi est muette sur la légalité d’une telle pratique qui, au demeurant, n’est pas dénuée de sens. En fait, l’objectif du législateur, en décrétant que les chèques du gouvernement sont payables immédiatement en argent dans n’importe quelle banque canadienne, est avant tout de permettre aux bénéficiaires de tels chèques qui ne sont pas titulaires de compte (souvent des personnes vivant du bien- être social) de disposer sans délai de la portion de 1500 $ ou moins de leur chèque, et ce sans avoir l’obligation de posséder d’un compte bancaire. Ce qui leur permet de payer à temps leurs factures mensuelles telles que le loyer par exemple. Or, si par un bénéficiaire de chèque du gouvernement peut attendre plus de 6 mois avant d’encaisser son chèque, on peut en déduire qu’il n’est pas dans le besoin. Voilà pourquoi, passé le délai de 6 mois à compter de la date d’émission du chèque, les banques ne s’estiment plus tenues de payer immédiatement et en argent les chèques du gouvernement, qui demeurent toujours valides (les chèques du gouvernement ont une durée de vie illimitée (au fédéral) et 1 an (au Québec). Autrement dit, même si le chèque le chèque du gouvernement n’est pas considéré comme périmé, son bénéficiaire ne peut plus jouir de l’exception du gel des fonds, car l’encaissement sans retenue de fonds ne se justifie plus après l’écoulement d’un délai de 6 mois. Ce qui suppose que s’il n’est pas titulaire d’un compte, ce dernier ne pourra plus encaisser ses chèques du gouvernement dans n’importe quelle banque comme le prévoit la loi, parce que passé ce délai de 6 mois, les banques ne sont plus tenues de respecter les dispositions de la Loi quant à l’encaissement immédiat et sans retenue des fonds des chèques du gouvernement (art 458.1(1) L.B.; art 7 et 8 RASBB). En revanche, s’il détient un compte bancaire, il pourra encaisser son chèque par le biais de sa banque, qui lui payera le montant du chèque directement dans son compte, après lui avoir appliqué sa politique interne de gel de fonds. En somme, après 6 mois les chèques du gouvernement sont systématiquement sujets à une retenue des fonds, qui ne peut être pratiquée que si le bénéficiaire de tels chèques dispose d’un compte bancaire, parce que la retenue de fonds n’a de sens que si le montant du chèque est déposé directement dans le compte du bénéficiaire. Donc, le chèque ne peut plus être payé en argent comptant, auquel cas on ne parlerait pas de gel de fonds.

66

décision du gouvernement, visant à permettre l’encaissement immédiat des chèques du gouvernement dans n’importe quelle banque sise au Canada, vient confirmer l’idée selon laquelle la possession d’un compte est une obligation de fait au Canada. D’où son importance pour la société, car avant l’adoption de ces dispositions légales, plusieurs systèmes d’encaissement de chèque tel Insta-chèque se sont développés en parallèle du système bancaire canadien.

Ces systèmes parallèles avaient pour vocation de permettre aux exclus du système bancaire de percevoir à titre onéreux les chèques qu’ils ne pouvaient encaisser aux guichets des banques, parce qu’ils ne sont pas titulaires de compte bancaire. Aussi, pour mettre en exergue l’importance de la détention d’un compte bancaire au Canada, le législateur fédéral va alléger le processus d’encaissement des chèques du gouvernement aux personnes qui ne disposent pas de compte bancaire en leur reconnaissant un droit au compte.