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III. A VANTAGE ET IMPORTANCE DU BARREMENT DES CHEQUES

1.3. Avantages pour l’État

Une diminution de la circulation de la monnaie fiduciaire.L’argent (billets de banque et pièces) circule sans aucune manipulation physique aussi bien entre le tireur et le bénéficiaire qu’entre la banque et son client – tireur ou bénéficiaire.

Lutte contre le blanchiment d’argent. S’il est avéré que le barrement du chèque permet

indéniablement de restreindre la circulation de la monnaie fiduciaire, il permet aussi, par ricochet, de lutter efficacement contre le blanchiment d’argent (faux monnayage), en ce sens que si la monnaie, par le biais du chèque barré, ne circule que de compte à compte (ne sort pas du circuit bancaire), peu de consommateurs y auront recours. Conséquemment, cette diminution de la circulation de la monnaie fiduciaire entraînera celle des faux billets.

L’accroissement du taux de bancarisation. Un des avantages notables du paiement en monnaie

scripturale, comme le « chèque barré », se traduit, pour un pays, par la forte bancarisation de la population, un élément primordial pour l’essor de tout système de paiement par compensation. Car toute diminution de l’utilisation de la monnaie fiduciaire entraîne une augmentation de celle de la monnaie scripturale. Or l’utilisation de la monnaie scripturale suppose au préalable une population bancarisée. Dans un pays à fort taux de bancarisation (comme au Canada et en France), où les populations bénéficiaires de chèques sont quasiment toutes bancarisées, l’on peut, sans se fourvoyer, affirmer que le bénéficiaire du chèque joue un rôle crucial et important dans le processus de paiement du chèque via le système de paiement par compensation. Ce qui explique pourquoi, dans ces pays, la bancarisation est actuellement l’un des maillons forts du bon fonctionnement du système de compensation interbancaire et les principaux acteurs du bon fonctionnement de ce système ne sont nuls autres que les bénéficiaires de chèques barrés.

En revanche, on ne peut malheureusement pas en dire autant des pays à faible taux de bancarisation (tels ceux de l’UEMOA) où la grande partie de la population est sous-bancarisée, parce qu’elle ne détient pas de compte bancaire. Aussi, elle quasiment exclue du processus de bancarisation qui favorise le développement économique et social. En bref, le bénéficiaire d’un chèque non barré ne joue aucun rôle dans ce processus paiement du chèque via le système de compensation, qui conduit à la bancarisation et ipso facto au développement économique. Aussi, pour voir accroître le taux de bancarisation de cette population, le législateur va-t-il imposer la délivrance gratuite des formules de chèques prébarrés, non pas dans un souci de contrôle fiscal comme en France, mais plutôt dans le but de favoriser la bancarisation de la population. De ce fait, la gratuité des chèques prébarrés va être une mesure incitative visant à encourager les titulaires de compte à privilégier le chèque comme moyen de paiement, dans leurs transactions financières.

Malgré l’application de cette politique incitative à recourir aux chèques barrés, l’on note qu’à cause du faible taux de bancarisation de la population, le recours au chèque barré est loin d’être généralisé et populaire, car la majeure partie de la population ne possède pas de compte bancaire pour déposer de tels chèques à la banque pour encaissement, de sorte que le chèque non barré (pour lequel on n’a pas besoin de détenir un compte bancaire pour l’encaisser) reste très prisé dans l’UEMOA. Bien que l’usage généralisé du chèque barré, au sein d’une population donnée, conduit, comme mentionné plus haut, à la réduction de la circulation de la monnaie fiduciaire, il convient de noter que cet avantage n’est significatif que pour un pays qui évolue dans un contexte d’économie formelle, comme dans les pays développés qui sont dits bancarisés (France Canada). En revanche, cette diminution de la circulation du fiduciaire peut poser de graves problèmes de fonctionnement et de gestion dans une économie informelle comme dans les pays sous-développés (États de l’UEMOA). Aussi, dans ces pays, fortement sous-bancarisés, où la place de l’économie informelle est très importante, la substitution de la monnaie fiduciaire par la monnaie scripturale doit être faite avec beaucoup de prudence, car une telle substitution peut gravement bouleverser les habitudes des agents économiques habitués à transiger en espèce, parce qu’il ne peut en être autrement, le contexte informel l’exige ou l’impose. En sus, cet état des choses, au lieu de faciliter les politiques de lutte contre le blanchiment d’argent, vient plutôt les alambiquer. Si le bénéficiaire d’un chèque barré joue un rôle crucial dans le processus le paiement du chèque via une chambre de compensation qui a une répercussion directe sur la bancarisation effective de la population, alors il se pose la question de savoir à quelles conditions l’on peut recourir au chèque comme moyen de payement, pour atteindre un seuil appréciable de bancarisation dans un pays.

En conclusion, il faut retenir que la conséquence socio-économique et juridique directe du paiement par chèque barré est la bancarisation effective, et non de façade, de la population. En effet, dans les faits, la bancarisation effective est, par excellence, l’élément incontournable qui permet au chèque d’aboutir dans une chambre de compensation, en ce sens qu’elle favorise le paiement du chèque du compte du tireur du chèque à celui du bénéficiaire. Autrement dit, le chèque est payé entre les mains d’un banquier, de compte à compte sans aucune intervention du numéraire. Par contre, si le paiement du chèque se faisait directement entre les mains du bénéficiaire, la bancarisation serait de façade ou partielle, en ce sens que seul le tireur du chèque serait bancarisé, car titulaire d’un compte chèque. Ce qui ne résoudrait pas la question de la réduction de la circulation de la monnaie fiduciaire, et, par voie de conséquence, ne favoriserait pas le paiement du chèque via une chambre de compensation. Aussi se pose-t-il la question de savoir quel est le rôle joué exactement le bénéficiaire chèque dans le processus de paiement du chèque via le système de paiement par compensation. Est-il exclu ou non de ce processus?

La réponse, bien que simple, est étroitement liée au degré de bancarisation du pays dans lequel vit ce bénéficiaire.

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2. Importance du recours au chèque barré dans les pays ciblés par l’étude

Le barrement du chèque est une technique très courante en France où quasiment tous les chèques sont barrés. Il n’en va pas de même dans l’UEMOA ni au Canada, où l’importance accordée à cette technique, pourtant légale, est fonction surtout des us et des mœurs.

2.1. De l’importance des chèques barrés au Canada

Bien qu’il soit expressément prévu par la loi (art. 168-175, LLC), le chèque barré n’est pas, actuellement, une formule utilisée au Canada231. Quoique, dans la pratique, quasiment tous les chèques canadiens, même s’ils ne sont pas « prébarrés » ou « barré à la main »sont traités (aussi bien par la population que par les banques) comme des chèques barrés, c’est-à-dire, payables entre les mains d’une banque (celle du bénéficiaire). Car, rien dans la loi n’interdit le paiement des chèques « non barrés » en chambre de compensation. En somme, au Canada, bien que prévu par la loi, la question de l’usage du chèque barré n’est pas pertinente, car barrés ou non, tous les chèques sont traités comme des chèques barrés par les IF canadiennes. Cette pratique bancaire canadienne est justifiée par le fort taux de bancarisation, qui pousse systématiquement les bénéficiaires de chèque à déposer leurs chèques aux guichets ou comptoirs de leurs banques pour encaissement. Toutefois, cette forte propension à passer directement par la banque du bénéficiaire pour l’encaissement des chèques n’est pas sans conséquence sur les personnes qui n’ont pas de compte bancaire. En effet, le bénéficiaire d’un chèque qui ne possède aucun compte bancaire est généralement confronté à de sérieuses difficultés pour l’encaisser. En principe, le moyen le plus simple qui s’offre à lui est de se présenter directement au comptoir de la banque tirée pour encaisser son chèque.

Mais, en réalité, en dehors des chèques du gouvernement, les IF ont tendance à refuser l’encaissement en argent des chèques des personnes qui ne sont pas leurs clients. Aussi, il n’est guère évident de faire encaisser un chèque directement au comptoir de la banque tirée, car toutes les institutions financières n’offrent pas nécessairement cette possibilité ou ne le font qu’à certaines conditions et moyennant rémunération. Ce qui oblige généralement les personnes sans compte bancaire à se tourner vers des systèmes parallèles tels insta-chèque pour encaisser leurs chèques.

Pour voir disparaître ces systèmes parallèles du système bancaire canadien, nous nous demandons si le législateur canadien ne devrait pas imposer le paiement par chèque barré comme ses homologues français et africains. Car le chèque barré empêchant d’encaisser directement un chèque en argent, tout bénéficiaire se voit du coup contraint de déposer son chèque dans son compte bancaire pour se faire

231 L'HEUREUX,FORTIN et LACOURSIERE, Droit bancaire, supra, note 130, p. 581 ; CRAWFORD and FALCONBRIDGE, supra, note 56, p. 876. Gordon SEDGWICK, « Comments on Benjamin Geva’s Paper : Réflexions on the Needs to Revise the Bills of

Exchange Act – Some Doctrinal Aspect » (1981-1982) 6 C.B.L J. 344 ; Ian F. G. BAXTER, « A non-negotiable Crossing »,

payer. Quitte à ce qu’il prenne une entente avec sa banque pour bénéficier d’un transit autorisé qui lui permettrait d’éviter les longs délais de gel et retirer automatiquement le montant du chèque (gratuitement) sans ne plus jamais avoir à recourir à de tels systèmes dont les services ne sont pas gratuits et sont parfois très onéreux.