• Aucun résultat trouvé

III. A VANTAGE ET IMPORTANCE DU BARREMENT DES CHEQUES

1.3. Classification et alimentation des comptes bancaires

3.1.2. Au niveau des conditions de droit bancaire

Au Canada, toute personne physique a la liberté de demander l’ouverture d’un compte bancaire. Mais, elle doit le faire en respectant les conditions imposées par le droit et la pratique bancaire, conditions qui avant 2003 étaient estimées draconiennes et très complexes. Ce qui va pousser le législateur fédéral à les modifier en les allégeant profondément en 2003.

3

3..11..22..11..LLeessccoonnddiittiioonnssiimmppoossééeessppaarrllaapprraattiiqquueebbaannccaaiirreejjuussqquu’’eenn22000033

Jusqu’en 2003, la procédure de demande d’ouverture était très fastidieuse. En effet, l’accès à un compte bancaire au Canada relevait d’un véritable parcours du combattant, qui au demeurant était parsemé d’embûches et d’abus de la part des banquiers. Les conditions étaient draconiennes et les exigences des banquiers excessives, voire abusives. Ces conditions furent alambiquées davantage en 2001 avec la révision de la Loi sur les banques par l’adoption de l’article 448.1. Cet article venait confirmer et conforter les banquiers dans leur pratique en alourdissant la procédure et les conditions d’ouverture de compte qui existaient auparavant. En effet, aux termes de cet article « […] dans toute succursale au Canada dans laquelle elle ouvre des comptes de dépôt […], la banque est tenue […] d’ouvrir un tel compte sur la demande du particulier qui s’y présente et qui remplit les conditions réglementaires ». Ces conditions réglementaires avaient trait à 1) la possession d’un dossier de crédit immaculé via une enquête de crédit, 2) la présentation de différentes pièces d’identité; 3) la notification de la profession du demandeur et 4) la prise de rendez-vous avec le banquier sollicité.

L’enquête de crédit. Conformément à l’article 448.1, il était tout à fait normal pour les banques de

soumettre – à l’ouverture de tout nouveau compte bancaire – le demandeur à une enquête de crédit. L’enquête de crédit constituait ainsi, pour ces dernières, un puissant outil visant à empêcher les consommateurs qui ont déjà eu mauvais dossier de crédit ou qui ont des problèmes de crédit, d’avoir accès un compte bancaire. Car, sur la base d’un mauvais dossier de crédit (factures impayées ou payées en retard, émission de chèque sans provision, faillite, etc.) les banques avaient tendance à refuser sans hésitation l’ouverture du compte parce qu’elles considéraient ces personnes en difficultés financières comme étant des mauvais payeurs.

La présentation de plusieurs pièces d'identité. Avant 2003, pour ouvrir un compte à un nouveau

client, les banques exigeaient le plus souvent plusieurs pièces d'identité. La quantité et la nature des pièces d’identité exigées à l’ouverture d’un compte bancaire constituaient un frein à l’accès au système bancaire aussi bien aux personnes à faible revenu ou en situation précaire (car ce sont généralement ces personnes qui possèdent le moins de documents d’identité) qu’aux personnes ayant des noms différents sur leurs pièces d’identité (ex. des personnes dont le nom a été mal orthographié, ou qui ont changé de nom – les femmes mariées ou divorcées, les adoptés, etc.). Aussi, il n'était pas rare que ces

personnes se voient refuser l'ouverture d'un compte en raison de l’impossibilité de fournir les pièces d'identité adéquates ou exigées à l’ouverture du compte.

L’exercice d’une profession. Les banquiers exigeaient de connaître l’occupation du client potentiel. A

contrario, toute personne sans emploi avait plus de chance de se voir refuser l’ouverture d’un compte. Alors que l’obligation d’avoir une profession connue n’est pas indispensable et pertinente, parce que cette information devenait désuète en cas de changement de profession ou de perte d’emploi.

La prise de rendez-vous. Les banquiers exigeaient une prise de rendez-vous pour l’ouverture d’un

compte. Le constat est que cette exigence nuisait aux individus ayant besoin urgemment de compte pour recevoir une paie par exemple.

En résumé, bien que modifiant les conditions d’ouverture de compte, l’article 448.1 était loin de faciliter la vie aux personnes privées de compte bancaire. En fait grâce à l’adoption de cet article en 2001, tout banquier sollicité pour l’ouverture de compte bancaire était fondé à en refuser l’ouverture, s’il avait des motifs raisonnables de le faire. Or, l’absence de compte, comme on l’a déjà souligné, a des conséquences dramatiques et fâcheuses sur le quotidien des personnes dépourvues de compte. Car, après plusieurs demandes infructueuses d’ouverture de compte, ces personnes finissent malgré elles par se retrouver exclues du système bancaire. La conséquence immédiate et directe de ces refus d’ouverture de compte est l’exclusion du système bancaire de ces personnes. Pour sortir de ce cercle vicieux (engrenage), bon nombre de consommateurs exclus malgré eux du système bancaire canadien se sont vus contraints de recourir aux associations de consommateurs pour plaider leur cause auprès du gouvernement fédéral. Le plaidoyer de ces associations a porté des fruits et abouti en 2003 à l’adoption d’un texte spécial : le Règlement sur l’accès aux services bancaires de base (RASBB) qui tout en reconnaissant officiellement le droit à tout citoyen canadien de posséder un compte bancaire (consécration du droit au compte) vient recadrer et alléger les conditions d’accès au compte bancaire.

3

3..11..22..22..LLeessccoonnddiittiioonnssiimmppoossééeessppaarrlleeddrrooiittbbaannccaaiirreeddeeppuuiiss22000033

Conformément au RASBB, pour ouvrir un compte bancaire au Canada, il suffit, depuis 2003, de 1) se présenter en personne à la succursale de son choix et 2) s’identifier en fournissant deux pièces d’identité. Et 3) fournir – au besoin à la demande du banquier – verbalement ou par écrit certains renseignements personnels.

La nécessité de se présenter physiquement dans une banque de son choix. Pour que sa demande

d’ouverture de compte soit acceptable, le législateur fédéral oblige le demandeur d’un compte à se présenter physiquement dans la banque sollicitée. Cela revient à dire qu’il est impossible d’ouvrir au Canada un compte bancaire à distance. La raison est qu’à l'instar de la plupart des pays, le Canada

126

n’autorise pas l’ouverture des comptes anonymes, comme en Suisse. C'est pourquoi il est fait obligation à toute personne qui demande l’ouverture d’un compte de se présenter en personne à la banque sollicitée pour faire sa demande. Toutefois, la loi prévoit qu’à certaines conditions, la demande d’ouverture de compte puisse se faire par téléphone253.

Le demandeur doit-il résider au Canada pour prétendre à l’ouverture d’un compte bancaire? Non, car la législation bancaire canadienne ne fait pas de la résidence une condition d’ouverture du compte bancaire comme c’est le cas dans les pays de l’UEMOA et en France.

Peut-on alors déduire que toute personne qui réside au Canada pour une durée très limitée dans le temps, par exemple un touriste, peut y ouvrir un compte bancaire ? Autrement dit, la durée du séjour au Canada du demandeur importe-t-elle? Théoriquement oui, car à la lecture des dispositions du droit bancaire, il ressort qu’au Canada, toute personne a le droit de demander l’ouverture d’un compte, et ce, peu importe son statut (résidence temporaire ou permanente). Donc la durée de son séjour importe peu. En conséquence, un touriste peut ouvrir un compte au Canada s’il remplit les conditions de fonds et de forme exigées aussi bien en droit civil qu’en droit bancaire.

Pourtant, en pratique, on constate bien souvent que les banques canadiennes vont de la résidence une condition d’ouverture de compte, parce qu’il s’agit d’une exigence de CANAFE, qui obligent les banques à subordonner l’ouverture du compte à l’établissement d’une preuve de résidence au Canada. De ce qui précède, un touriste ne saurait remplir les conditions d’ouverture de compte au Canada, car, il n’y réside pas. Mais avec l’automatisation des paiements, est-il vraiment nécessaire et pertinent pour une personne, en l’occurrence le touriste, d’ouvrir un compte chaque fois qu’il visite un nouveau pays? La réponse semble négative, car la prolifération des cartes bancaires (débit et crédit) et l’automatisation des moyens de paiement ont fait tomber les frontières du monde bancaire. Conséquemment, il n’est plus nécessaire de disposer d’un nouveau compte bancaire dans le pays où l’on se trouve pour faire ses transactions courantes. Cette nécessité est devenue obsolète, car, grâce au développement des paiements électroniques, tout individu en voyage peut accéder en tout temps à son compte, donc à son argent, via Internet ou les terminaux de point de vente (TPV), GAB ou DAB. En somme, il peut désormais disposer de ses fonds déposés en banque comme il le veut et quand il le veut, et ce, peu importe le pays dans lequel il se trouve.

La présentation obligatoire de deux documents d’identité. Depuis 2003, toute personne désireuse

d’ouvrir un compte est tenue de présenter à la banque sollicitée, deux pièces d’identité officielles portant ou non sa photographie. C’est ce qui ressort de l’article 4(1) a) du RASBB qui précise que la présentation de deux pièces d’identité suffit pour ouvrir un compte bancaire au Canada. Pour être

acceptables, ces pièces d’identité doivent être des documents originaux en cours de validité. Le choix de ces deux pièces appartient au demandeur qui peut choisir entre pièces d’identité énumérées aux parties A et B de l’annexe du RASBB soit deux pièces de la partie A, soit une pièce de la partie A et une autre de la partie B, soit une pièce de la partie A de l’annexe, et faire confirmer son identité par un client en règle de la banque ou un particulier jouissant d’une bonne réputation dans la communauté où la banque est située. Ainsi, au regard de ce qui précède, aucune banque ne saurait valablement exiger ou imposer au demandeur la présentation de telle ou telle pièce. Mais en pratique, on observe que certaines banques sont restées fidèles à leur vieille habitude en exigeant plus de deux pièces d’identité avec photo. Alors que l’exigence de la présentation d’une pièce d’identité avec photo n’est plus obligatoire.

Les renseignements personnels obligatoires. En l’absence d’une adresse permanente sur les documents présentés, la loi fait obligation au demandeur de « […] fournir, verbalement ou par écrit [c]es renseignements […] si ceux-ci ne figurent pas sur les pièces d’identité fournies […] » (art. 4(1) b) RASBB). Il s’agit de ses noms et prénoms, sa date de naissance, son adresse et son emploi – seulement s’il travaille, car il n’est plus nécessaire d’avoir un emploi pour être titulaire d’un compte bancaire au Canada. À noter qu’au Canada les comptes ne sont sujet 1) ni à des dépôts minimums à l’ouverture ni à de frais de gestion mensuels et de maintien d’un certain solde créditeur pendant le fonctionnement. Ce que prévoit la loi en ces termes : « La banque ne peut exiger du particulier […] qu’il fasse un dépôt initial minimum ou qu’il maintienne un solde créditeur minimum » (a. 448.1 (2) L.B.) ; 2). Quoique, certaines banques, comme le Mouvement Desjardins, ont décidé depuis 2010 d’appliquer des frais de gestion254.