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III. A VANTAGE ET IMPORTANCE DU BARREMENT DES CHEQUES

1.3. Classification et alimentation des comptes bancaires

1.3.2. Alimentation du compte bancaire : les dépôts bancaires

Définition. Les dépôts bancaires sont les dépôts de fonds (argent comptant, chèque ou virement) qui

alimentent le compte bancaire et lui donnent une existence matérielle. Autrement, sans dépôt de fonds, il ne saurait exister de compte bancaire. D’où, l’importance de qualifier juridiquement ces dépôts.

Qualification juridique. Bien que l’origine du terme « dépôt » soit tirée du droit romain, la théorie

romaine, selon laquelle le dépôt constituait un véritable contrat de dépôt, n’est pas celle qui a été retenue par la loi, la doctrine et la jurisprudence d’ici et d’ailleurs. En droit canadien, plus précisément en droit québécois, même si le terme utilisé pour désigner les fonds déposer dans un compte est le dépôt, retenez qu’il ne s’agit pas d’un contrat de dépôt au sens du Code civil du Québec (C.c.Q.)247, qui qualifie ce dépôt de simple prêt c’est-à-dire, un prêt d’argent que le client fait à sa banque (art. 2327 C.c.Q.). Abondant dans le même sens, la doctrine canadiennequalifie le dépôt bancaire de contrat prêt248. Par ex. comme on l’a mentionné plus haut, le compte bancaire étant par définition un document comptable, le dépôt bancaire va se résumer en une simple écriture comptable dans les livres de la banque, ce qui

247 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64.

248 Sur la qualification juridique des dépôts bancaires, voir L’HEUREUX, FORTIN et LACOURSIERE, Droit bancaire, supra, note 130, p. 65 à 68.

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veut dire pour la banque que le dépôt bancaire se mue en dette personnelle envers le déposant son client; tandis que pour ce dernier – le client – le dépôt se mue en une créance à l’égard de la banque. Ainsi, quand le livret d’un client indique qu'il a 1000 $ dans son compte, ça ne veut pas dire que ses 1000 $ sont physiquement dans son compte, il s’agit juste d’une écriture comptable qui confirme que la banque lui doit 1000 $. Le dépôt bancaire étant qualifié de prêt, les fonds déposés deviennent du coup la propriété de la banque qui peut en faire ce qu’elle veut sans jamais avoir à rendre compte au client de l’usage qu’elle en fait. Conséquemment, les profits qu’elle réalise sur ces dépôts ne concernent qu’elle seule (art. 2329 al. 2 C.c.Q.). Ainsi, dans l’exemple précédent, la banque devient propriétaire des 1000 $ et peut les utiliser pour faire des prêts à d’autres clients, sans avoir à se justifier auprès du client qui a fait le dépôt de 1000 $. La seule obligation à la charge de la banque est de rembourser intégralement les fonds déposés par le client, avec les intérêts (art. 2330 C.c.Q.), dès que ce dernier l’exige. C’est exactement la même chose quand on emprunte à la banque. Par ex. lorsque la banque accorde une marge ou une carte de crédit à l’un de ses clients, ce dernier pas à lui rendre compte de ce qu’il fait avec l’argent emprunté, l’essentiel est qu’il rembourse à temps son prêt. À noter que l’obligation de remboursement du banquier qui a pour pendant le droit à réclamation du client.

2. Des conditions générales d’ouverture du compte chèque dans les pays ciblés

Dans les pays visés par notre étude, nul ne peut se présenter dans une banque et se voir ouvrir un compte sans qu’un contrat ne soit préalablement signé entre lui et la banque. D’où la corrélation indissociable entre le compte et le contrat bancaire. La question se pose alors de savoir quelles sont les conditions d’ouverture d’un compte bancaire, en l’occurrence un compte chèque dans ces pays. Au Canada et en France, les conditions d’ouverture d’un compte chèque ne sont généralement pas liées à la condition sociale et financière des populations. Ce qui explique le fort taux de bancarisation relevé dans ces pays développés. L’on ne peut malheureusement pas en dire autant des pays de l’UEMOA où ces conditions constituent actuellement un sérieux frein à la bancarisation des populations.

Aussi se pose-t-il la question de savoir quelles sont ces conditions d’ouverture de comptes dans les pays ciblés par l’étude, conditions qui peuvent favoriser ou non l’augmentation du taux de bancarisation de la population et empêcher ou non le paiement du chèque via un système de compensation interbancaire. Par ailleurs, il faut souligner que les conditions d’ouverture du compte chèque se confondent à celles de la formation du contrat bancaire. Comme pour la formation de tout contrat, les conditions de formation du contrat bancaire s’analysent en conditions de forme et de fonds.

Au niveau des conditions de forme, il faut noter que seul l’écrit est exigé pour la conclusion en bonne

et due forme d’un contrat bancaire. Autrement dit, pour être valablement formé, le contrat bancaire doit être conclu par écrit sous seing privé. C’est le principe du formalisme contractuel qui prévaut ici. Ce

principe signifie tout simplement qu’un contrat conclu oralement n’a pas de force juridique au regard de la loi. Aussi, le contrat bancaire ne peut être conclu oralement. Au Canada par exemple, aucune banque « […] ne peut ouvrir un compte au nom d’un client sauf si […] elle fournit par écrit à la personne qui en demande l’ouverture, une copie de l’entente relative au compte […] » (art. 445 (1) a) L.B.). En sus, d’être obligatoirement établi par écrit, le contrat bancaire doit, pour être valablement conclu, respecter certaines conditions de fonds.

Quant aux conditions de fonds, le contrat bancaire est non seulement assujetti aux conditions de

formation des contrats de droit civil, mais aussi soumis à celles du droit bancaire. Ces conditions s’imposent aussi bien à la banque qu’au client potentiel, parties à la formation d’un contrat bancaire. La loi reconnaît à ces parties, comme à tout contracturant, le principe de la liberté contractuelle : une liberté qui est encadrée par des règles prédéfinies.

La liberté contractuelle au client potentiel ou la liberté d’ouvrir un compte. Dans les pays ciblés par

notre étude, au Canada, aucune loi ne fait obligation à quiconque de posséder un compte bancaire, parce que l’ouverture de compte est assimilée à la conclusion d’un contrat. Aussi, c’est le principe de la liberté contractuelle qui prévaut. Ce qui signifie que toute personne est libre de demander l’ouverture d’un compte bancaire, au moment et au lieu qui lui convient. Toutefois, l’exercice de cette liberté d’ouvrir un compte n’est possible que dans la limite du strict respect des règles du droit commun des contrats249 et des règles qui sont propres à chaque système bancaire.

La liberté contractuelle du banquier ou le droit de refus. En vertu du principe de la liberté

contractuelle, le banquier est libre d’accepter ou de refuser l’ouverture du compte demandé sans avoir à se justifier. Ainsi au Canada, comme partout ailleurs, les banques n’ont pas l’obligation de répondre favorablement à toutes les demandes d’ouverture de compte. Au nom de la liberté contractuelle, elles ne sont pas légalement contraintes d’accepter toutes les demandes qui leur sont adressées. Elles peuvent donc, sur la base de cette liberté contractuelle, refuser l'ouverture d'un compte lorsqu'elles estiment que le profil financier du client potentiel ne leur convient pas parce qu’il est un mauvais payeur ou qu’il n’est pas digne de confiance. Cette liberté du banquier de choisir son client s’explique par le fait que le contrat bancaire est caractérisé par un intuitu personae très fort. L’intuitu personae signifie que la relation banque/client repose sur la confiance entre le banquier et son client. Sur la base de cette confiance, le banquier a parfaitement le droit et la liberté de choisir qui il veut comme client.

Il faut souligner que les contrats conclus intuitu personae comme le contrat bancaire tiennent compte du fait que l'engagement personnel d'une partie (client en l’occurrence) est très important pour le bon

249 Le contrat bancaire étant avant tout un contrat au sens du droit civil, sa conclusion est soumise aux conditions de formation de contrat du Code civil à savoir le consentement des parties ; la capacité de contracter; la cause du contrat; l'objet du contrat; et la forme du contrat.

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fonctionnement du compte, disons, à la bonne exécution des clauses contractuelles. Raison pour laquelle, tout banquier sollicité pour une ouverture de compte a le droit de refuser, même si la demande remplit les conditions d'ouverture prévues par la loi.

Pour éviter que l’exercice du droit de refus du banquier ne constitue un abus, le législateur canadien250, à l’instar de ses homologues français et de l’UEMOA, va encadrer l’exercice de ce droit par la reconnaissance d'un droit au compte à toute personne dépourvue de compte et qui est confrontée à un problème d’ouverture de compte. Partant, même si elle en a parfaitement le droit, la loi précise que le refus de la banque doit reposer sur des motifs sérieux et non discriminatoires. Autrement dit, si tout banquier sollicité pour l’ouverture de compte bancaire est fondé légalement à refuser l’ouverture, la loi ne permet pas que ce refus soit abusif. Ce qui répond à la question de savoir si « une banque peut conformément à la loi vous refuser l’ouverture d'un compte sans avoir se justifier? ».

Comme on l’a souligné, la conséquence immédiate et directe d’un refus d’ouverture de compte est l’exclusion du système bancaire des personnes qui ne possèdent aucun compte. Or, la détention d’un compte est un besoin élémentaire pour tout citoyen, en ce sens que l’absence a de fâcheuses conséquences sur le quotidien de ce dernier, ne serait-ce que pour percevoir son salaire ou ses prestations sociales, ou payer ses factures, etc. Il faut toutefois souligner qu’en cas d’acceptation de la demande d’ouverture de compte, la banque est tenue à une obligation de vérification et d’information.

3. Des particularités des conditions d’ouverture de compte chèque dans les pays ciblés 3.1. Spécificités de l’ouverture du compte chèque au Canada